Le pharmacien Cyril Colombani était invité dans La Matinale été, ce jeudi 20 juillet, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur les agressions subies par les pharmaciens : «La santé devient un mode de consommation et les gens ne supportent plus qu’on leur dise non».
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00:00 Oui, j'ai la chance de vivre dans un coin qui est très très préservé.
00:04 On est vraiment très au calme, et même chez moi qui est un petit paradis,
00:09 on a un nombre d'agressions, que ce soit verbales,
00:11 y compris des agressions physiques qui sont en augmentation.
00:14 Justement, l'une de vos salariés a récemment été frappée.
00:19 Par qui et pour quelle raison ?
00:21 Alors, une personne de 75 ans, une dame,
00:27 parce qu'elle n'arrivait pas à joindre son médecin
00:31 pour renouveler son traitement pour pouvoir dormir.
00:34 C'est un produit, le zopiclone, qui nécessite une ordonnance tous les 28 jours.
00:40 On lui a expliqué, réexpliqué, elle a eu la possibilité de joindre le médecin.
00:43 On lui a proposé des alternatives, d'aller voir d'autres médecins.
00:46 On a la chance d'avoir une maison médicale.
00:49 Elle s'est énervée et elle a voulu mettre une claque à ma salariée
00:53 qui a eu le réflexe de lever le bras, donc qui a reçu le coup d'embras.
00:58 Mais ça reste malgré tout une agression,
01:00 et aussi bizarre que cela puisse paraître, par une dame de 75 ans.
01:04 C'est affligeant ce que vous nous racontez.
01:05 Il y a aussi l'ensemble des professionnels de santé
01:08 globalement qui sont concernés par ce type d'agression.
01:10 Vous avez même entendu l'agression d'un médecin généraliste de votre rue.
01:16 Oui, tout à fait.
01:18 Un médecin que je connais bien, qui est un ami,
01:20 qui a été agressé, qui a été frappé à coup de poing, coup de pied,
01:23 parce qu'il refusait de faire un arrêt médical,
01:25 arrêt médical qu'il considérait comme étant injustifié.
01:29 La personne n'a pas accepté que le médecin lui dise non, il l'a frappé.
01:34 Comment vous expliquez ces comportements très violents
01:38 de la part de patients, de clients ?
01:41 Vous avez évoqué en off avec nous un sentiment de frustration
01:45 qui n'est pas supporté par ces gens-là.
01:47 Comment vous expliquez tout ça ?
01:49 Je pense que depuis le Covid, on s'habitue à gérer les ruptures.
01:53 Ça a été les ruptures de masques, les ruptures de gel.
01:56 Aujourd'hui, depuis bientôt un an, on gère les ruptures de médicaments.
02:02 Il y a de moins en moins de médecins qui sont facilement accessibles.
02:04 Donc les patients n'arrivent plus à avoir les ordonnances en temps et en heure.
02:08 Et les gens en arrivent à un point où ils ne supportent plus qu'on leur dise non.
02:14 Certaines plateformes qui se sont développées donnent l'impression
02:16 qu'une ordonnance est une liste de course.
02:20 Pas toutes, mais certaines.
02:21 Vous remplissez simplement un questionnaire et vous obtenez une ordonnance par mail.
02:26 Ordonnance dont la validité reste encore à définir.
02:30 Et quand on explique aux gens que l'ordonnance n'est pas valable
02:32 parce que certaines ordonnances doivent être faites uniquement par certains médecins,
02:36 ils ne comprennent pas.
02:37 La santé devient pour eux comme n'importe quel mode de consommation.
02:40 Et le non n'est plus acceptable.
02:43 Vous, aujourd'hui, vous sensibilisez les autres pharmaciens
02:46 pour qu'ils portent plainte systématiquement.
02:48 Est-ce que cela change quelque chose ?
02:52 Malheureusement, pour l'instant, la réponse publique, à mon sens,
02:56 n'est pas à la mesure de ce qui est en train de se passer.
03:01 Ce que nous attendons, que ce soit les pharmaciens ou les médecins,
03:05 c'est une réponse qui soit très forte.
03:07 Médecins, infirmiers, quels que soient les professionnels de santé, en réalité.
03:10 On a besoin d'être accompagnés par la justice par rapport à ça
03:15 pour que les agresseurs soient punis, soient punis sévèrement.
03:20 Il y avait eu un reportage il y a quelque temps d'un de mes confrères sur Paris
03:23 où une femme a saccagé sa pharmacie parce qu'il avait dit à son fils
03:27 d'arrêter de toucher ce qui était dans la pharmacie
03:30 et où il a été menacé physiquement par le mari de cette dernière.
03:35 Aujourd'hui, il faut que ces gens-là soient réellement sanctionnés.
03:39 Beaucoup de pharmaciens hésitent à aller porter plainte
03:41 parce qu'on perd du temps et surtout parce qu'il n'y a aucune réponse derrière.
03:45 C'est dramatique, mais même en cas de vol, même quand vous attrapez le voleur,
03:49 la seule solution pour nous d'avoir une condamnation de la personne qui nous dévalise,
03:55 c'est d'avoir un avocat qui va poursuivre derrière.
03:57 Sinon, à chaque fois, il y a un enlui et la personne se retrouve dehors 24 heures après.
04:03 Ça doit être épuisant pour les policiers qui les réarrêtent le lendemain ou deux jours après.
04:07 Et pour nous, c'est démotivant et on ne se sent pas en sécurité.
04:10 Sous-titrage Société Radio-Canada
04:12 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org