L'ANGLE ÉCO - Le JDD toujours en grève

  • l’année dernière
La rédaction a reconduit son mouvement de grève pour protester contre la prise en main du journal par Vincent Bolloré et la nomination de Geoffroy Lejeune. Mais le problème de la presse écrite n'est pas que Vincent Bolloré. C'est qu'il n'y a plus que l'Etat ou des milliardaires prêts à investir dans des médias qui perdent de l'argent et peinent à se renouveler estime Martial YOU sur RTL...
Regardez L'angle éco du 21 juillet 2023 avec Martial You.
Transcript
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL, l'angle écho de l'été.
00:06 Avec Martial You, bien sûr, les journalistes du JDD ont reconduit leur mouvement de greffe pour la quatrième semaine consécutive.
00:12 Ils s'opposent à la nomination de Geoffroy Lejeune, l'ancien patron de la rédaction de Valeurs Actuelles.
00:16 Martial, débat éthique mais pas que.
00:19 Effectivement, alors le problème de la presse écrite nationale n'est sans doute pas que celui de Vincent Bolloré, même si c'est vrai, la personnalité
00:26 de Vincent Bolloré, la ligne éditoriale très à droite qu'il impose à ses médias et la nomination de Geoffroy Lejeune qui incarne cette lecture politique
00:33 suscite des inquiétudes au sein de la rédaction d'un journal statutaire, comme le journal du dimanche bien sûr, et ça ça peut se comprendre.
00:38 Mais c'est pas le seul problème à résoudre dites-vous.
00:40 Bah non, la vraie question, et c'est même une banalité de le dire, c'est le modèle économique de cette presse quotidienne.
00:44 Entre 2010 et 2021, la diffusion papier de la presse quotidienne régionale a baissé de 37%,
00:50 celle de la presse quotidienne nationale de 75% selon un rapport sénatorial de juillet 2022.
00:57 Donc là on parle de 10 ans.
00:59 Le Parisien aujourd'hui illustre parfaitement ces titres qui ressemblent à des lapins pris dans les phares de la voiture,
01:04 figés parce que tiraillés entre son histoire de quotidien mi-nationale, mi-régionale, le titre perdait en moyenne ces dernières années 20 millions par an
01:12 pour le Parisien aujourd'hui en France.
01:14 Les mondes de la presse quotidienne régionale, presse quotidienne nationale, divergent comme deux plaques tectoniques et il va falloir faire des choix stratégiques.
01:21 Expliquez-nous justement pourquoi les modèles divergent-ils ?
01:24 Parce que le numérique est entré dans la danse bien sûr et perturbe la donne.
01:28 La lecture des articles en ligne assèche les ventes en kiosque, mais le marché numérique n'est pas encore assez rentable pour prendre le relais.
01:34 En 2021, les ventes d'exemplaires numériques ont représenté 13% du chiffre d'affaires de la presse quotidienne régionale,
01:40 mais 61% pour la presse quotidienne nationale.
01:43 Ça veut dire que les titres nationaux ont résolument pris le tournant du numérique,
01:47 mais ça tarde du côté du Parisien toujours, qui est à la fois un titre national, qui a besoin d'exister et d'investir résolument en ligne,
01:54 alors qu'en tant que titre régional avec Aujourd'hui en France, c'est pas forcément aussi crucial.
01:58 Et le fossé se creuse avec les autres.
02:00 Le Figaro continue par exemple d'investir, il vient de racheter le magazine People Gala.
02:05 Justement, quels sont les titres martials qui s'en sortent à peu près ?
02:08 Si je prends les derniers chiffres communiqués sur l'ensemble de l'année 2022 par APCM-OJD,
02:13 c'est ce qui fait référence, le Monde est le quotidien national le plus mu de France,
02:17 avec 472 767 numéros diffusés, vendus par jour, c'est en hausse de 6% sur un an.
02:24 Ensuite, on trouve le Figaro, avec 351 526 ventes en hausse de 1,29%.
02:30 En fait, ces deux titres ont depuis longtemps orienté leur stratégie sur le net et ça commence à payer.
02:34 Et puis avec aussi des lignes éditoriales qui sont assez identifiées.
02:37 Après, c'est comme pour le Tour de France en ce moment, vous en avez deux devant et puis les autres beaucoup plus loin derrière.
02:42 Le Parisien aujourd'hui en France n'a vu ses ventes progresser que de 0,23% sur un an,
02:47 avec 255 480 exemplaires diffusés par jour selon l'APCM, contre plus de 300 000 en 2018.
02:55 Vous voyez la chute en 5 ans, on parle là des diffusions payantes.
02:58 Et je rappelle quand même que devant tous ces grands titres prestigieux dont on parle toujours,
03:02 vous avez West France qui écoule 618 643 exemplaires tous les jours.
03:06 - Jean-Marc Martiel, quelles sont les solutions concrètes pour la presse écrite nationale ?
03:09 - La diversification est sans doute un changement de logiciel.
03:12 Accepter que le contenu, l'expertise des journalistes puissent servir à proposer des services monétisables
03:17 pour accorder des revenus additionnels, des conférences, des événements de prestige, des podcasts.
03:21 C'est ce qui a permis à La Tribune, qui vient de tomber dans l'escarcelle de Rodolphe Saadé, CMA-CGM,
03:26 ou au titre du groupe InfoPro, CELSA, Le Moniteur, Usines Nouvelles, La Gazette des Communes,
03:31 de s'en sortir ces dernières années parce qu'on est dans du B2B, donc de la relation avec les professionnels.
03:36 Mais la presse généraliste a sans doute intérêt à réfléchir à ces diversifications.
03:40 - Mais ce n'est pas risqué ça pour l'indépendance de la presse ?
03:42 - Ça c'est un vaste débat parce qu'il faut s'efforcer évidemment de garder une ligne Maginot entre éditorial et commercial.
03:46 C'est souhaitable évidemment pour l'éthique journalistique.
03:49 Mais il faut aussi conserver son indépendance financière si on veut vraiment garder son indépendance éditoriale.
03:54 Et aujourd'hui, abonnements et publicités qui sont orientés à la baisse représentent l'essentiel des revenus.
03:59 La diversification dont je vous parle c'est 5% en moyenne.
04:02 Ça va devoir changer.
04:03 Sinon, il n'y aura que des milliardaires qui accepteront de renflouer le tombeau des Danaïdes de la presse.
04:08 Ou l'État qui a encore versé 196,5 millions d'aides en 2023 pour la diffusion, le pluralisme et la modernisation de la presse.
04:15 de la politique.

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