Jean-Pierre Melville, du résistant au cinéaste

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Transcription
00:00 Je suis heureux d'avoir eu 22 ans en 39.
00:03 C'est une période qui a été fantastique, qu'il fallait vivre.
00:07 Je trouve que c'est une grâce que l'on m'a fait.
00:09 Cinéaste précurseur de La Nouvelle Vague et réalisateur de Polar,
00:12 adulé notamment par Quentin Tarantino au Martin Scorsese,
00:16 Jean-Pierre Melville a aussi joué un rôle actif dans La France Libre contre l'occupant nazi.
00:20 Une période déterminante pour le futur cinéaste.
00:23 Pourquoi ce film L'Armée des Ombres ?
00:28 Et est-ce que pour vous c'est seulement un film ?
00:31 Non, c'est une rêverie rétrospective et nostalgique.
00:36 Courtelin disait "Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus, vous êtes ma jeunesse lointaine."
00:40 Et je m'aperçois en vieillissant que tout ce qui aurait dû être des mauvais souvenirs
00:46 de 1940 à 1944, nous avons des mauvais souvenirs.
00:51 Ce n'est plus maintenant qu'une sorte de période qu'on ne revit qu'en la rêvant avec nostalgie.
00:58 Issu d'une famille juive, Jean-Pierre Grönnbart naît à Paris en 1917.
01:02 Il manifeste très jeune un intérêt pour le cinéma hollywoodien
01:05 avant d'être mobilisé sur le front en 1940.
01:08 Il est évacué à Dunkerque avec les anglais et s'engage dans La France Libre sous le nom de Melville,
01:12 en référence à l'auteur de Moby Dick.
01:15 Lors de la campagne d'Italie en mai 1944, au cours d'une terrible nuit de combat,
01:19 il se promet de fonder son propre studio de cinéma s'il est encore vivant au petit matin.
01:25 Il réalise son premier long métrage, Le silence de la mer tiré d'une nouvelle,
01:29 deux ans après la fin de la guerre.
01:31 Le film montre un officier allemand pendant l'occupation, sensible et francophile,
01:35 qui en vient à douter de sa mission.
01:38 "Toute cette maison a eu l'air..."
01:41 De ses années de guerre, Melville garde un goût pour les amitiés viriles,
01:44 la camaraderie militaire, un code de l'honneur à l'ancienne,
01:47 et surtout un refus de tout manichéisme.
01:50 "Est-ce que vous avez de la rancune à l'égard de ceux qui ont été vos adversaires ?"
01:55 "Absolument pas."
01:56 "Vous n'avez pas le goût de la vengeance ?"
01:58 "Ah non, pas du tout."
01:58 "Vous avez des amis ancien SS ?"
02:00 "Ah oui, absolument."
02:01 "Quels sont vos rapports avec eux ?"
02:02 "Excellents, fraternels."
02:05 "Ah."
02:05 "Ah oui, j'aime beaucoup les gens qui ne prennent pas, qui se mouillent, qui font quelque chose,
02:10 et je crois que les gens qui ont, d'une façon ou d'une autre, risqué leur vie pour une mauvaise cause,
02:15 ou pour une bonne cause, sont des gens intéressants.
02:19 J'aime pas beaucoup les gens neutres,
02:20 mais je me souviens d'un sous-lieutenant allemand que j'ai connu,
02:22 avec qui j'ai eu d'excellents rapports en 1942.
02:26 Et je me souviens de lui avoir dit,
02:28 "Quand vous aurez perdu la guerre, surtout ne manquez pas de frapper à ma porte."
02:31 Truant mutique ou résistant tourmenté,
02:33 le héros melvilien est toujours un personnage taiseux, solitaire, à la morale ambiguë.
02:38 "Je ne suis pas un cinéaste à messages, absolument pas.
02:44 Moraliste, c'est vrai, je l'avais dit, et ça je l'admets.
02:47 Mais c'est simplement une morale de constat.
02:51 Ce n'est pas une morale d'avenir.
02:55 Je ne crois pas que jamais un spectateur soit sorti dans mes films en se disant,
02:58 "Tiens, il faudra que je fasse ça plus tard.""
03:01 Dans l'Armée des Ombres, adaptée du roman de Joseph Kessel,
03:04 les faits d'armes des résistants français intéressent bien moins le cinéaste
03:07 que leurs dilemmes moraux, leurs doutes et leurs zones d'ombre.
03:12 "Mais mon héros, dans mon film, est un héros discutable, comme tous les héros.
03:18 À partir du moment où les héros tuent, ils deviennent disputables.
03:22 Par contre, les deux traîtres de l'histoire, on voudrait bien qu'ils ne meurent pas.
03:28 Je crois que c'est intéressant de montrer des gens bien, mais un petit peu mal,
03:33 des gens très méchants avec un petit peu de bien."
03:36 "Tu tiens à lui plus qu'à tout.
03:39 Plus qu'à tout, mais moins qu'à la vie.
03:41 Lui que j'ai hardi disparaissant, je voudrais tout de même vivre.
03:45 Et je vais mourir."
03:47 [Musique]

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