Continuez-vous à manger autant de viande qu'auparavant ?

  • l’année dernière

Dans Europe midi, Alexandre Chauveau et ses invités débattent de la consommation de viande des français.
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Transcript
00:00 notre second débat. Continuez-vous à manger autant de viande qu'auparavant ?
00:04 Eh bien la réponse est oui, selon la Grèce, l'organisme en charge des statistiques au
00:08 ministère de l'Agriculture. La consommation de viande en France est en hausse pour la
00:12 deuxième année consécutive, +0,8%. Cela représente, je le disais, 85 kg par habitant
00:18 et par an. Les viandes les plus consommées sont dans l'ordre le porc, puis le poulet
00:22 et le bœuf, suivent ensuite la dinde, le canard et l'agneau. Et vous, chers auditeurs,
00:26 on parle beaucoup des effets de la consommation de viande sur la planète et de la question
00:30 du bien-être animal. Continuez-vous à manger autant de viande ? On en parle dans un instant.
00:34 J'accueille tout de suite Lucille Rogissard. Bonjour.
00:37 Bonjour.
00:38 Vous êtes chercheuse spécialisée dans le domaine de l'alimentation à l'Institut
00:41 de l'économie pour le climat. Première question, comment vous expliquez cette hausse
00:45 pour la deuxième année consécutive ?
00:47 Oui, alors, ces chiffres, vous l'avez dit, viennent du ministère de l'Agriculture et
00:52 c'est déjà peut-être un point sur la manière dont ils sont calculés. En fait,
00:58 ces chiffres, c'est un calcul qui est le suivant. On prend la production nationale
01:05 de viande, on enlève les exportations, on rajoute les importations et ça nous donne
01:10 les quantités de viande qui sont disponibles à la consommation. Vous l'avez dit, c'est
01:13 autour de 85 kilos par personne. En fait, on n'ingère pas 85 kilos par personne puisque
01:19 c'est de la viande qui est disponible à la consommation, mais dedans il y a encore
01:25 des eaux, la graisse, tout un tas de choses qu'on ne consomme pas. Et puis il y a aussi
01:29 du gaspillage et des pertes sur le cycle de transformation.
01:33 Ça reste un chiffre élevé malgré tout ce qu'on entend sur les dangers, je vais
01:37 dire, entre guillemets, de la consommation de viande ?
01:39 Oui, oui, ça reste effectivement un chiffre élevé. En tout cas, dans tous les scénarios
01:44 qui cherchent à atteindre une neutralité climatique à l'horizon 2050, c'est absolument
01:48 impossible de garder un tel niveau de consommation de viande, il faut absolument en diminuer.
01:52 Alors après, les objectifs varient selon les scénarios, mais il faut au moins diminuer
01:57 de 20% et la plupart des scénarios vont même jusqu'à 50% de baisse à l'horizon 2050.
02:04 Donc ça reste un chiffre élevé. Juste une chose à savoir, c'est que ces calculs sont
02:10 robustes pour évaluer une tendance sur plusieurs années, mais à mon avis, ils ne sont pas
02:14 forcément suffisamment fiables pour vraiment regarder d'une année à l'autre, parce
02:18 que c'est assez compliqué à évaluer la consommation de viande.
02:22 Merci Lucie de Rogissa. Autre question, vous observez-vous en tant que chercheuse une évolution
02:27 des comportements liés à l'inflation ? Par exemple, pour la première année, la
02:31 consommation de poulet est passée devant la consommation de bœuf en France ?
02:34 Oui, alors ça c'est une tendance qu'on voit en fait depuis assez longtemps. Donc
02:38 je dis, en fait, la consommation de viande, ça fait une dizaine d'années qu'elle
02:42 ne diminue plus. Elle a diminué, mais maintenant elle ne diminue plus. Donc ça c'est la consommation
02:47 totale de viande. Mais en fait, elle se transforme. Elle se transforme assez considérablement
02:52 avec de moins en moins de bœuf et de plus en plus de volaille et en particulier de poulet.
02:57 Et puis, de plus en plus de consommation de viande au restaurant et dans des plats préparés,
03:04 dans des produits transformés. Donc la consommation de viande ne diminue plus, mais elle se transforme
03:08 de manière importante. Lucille Rogis, chercheuse spécialisée dans
03:12 le domaine de l'alimentation à l'Institut de l'économie. Vous restez avec nous. J'accueille
03:16 tout de suite Gwendal qui nous appelle de Quimper. Bonjour Gwendal.
03:19 Oui, bonjour. Alors vous, comment a évolué votre consommation
03:23 de viande ? Si elle a évolué, on parle beaucoup de bien-être animal, de qualité de la viande.
03:29 Comment ça se passe chez vous ? Moi, j'ai augmenté ma consommation. J'essaye
03:36 de manger mieux, un peu moins souvent, une fois par semaine, de meilleure qualité.
03:42 De la viande rouge ou de la viande tout court ?
03:44 De la viande rouge essentiellement. Est-ce que l'inflation a eu un impact sur
03:49 votre consommation de viande ? Ça a augmenté de 6% en un an, 11% pour la viande rouge,
03:53 près de 10% pour la viande blanche. Justement, j'essaye de manger une fois par
03:58 semaine et de profiter, de prendre de la bonne qualité.
04:02 Vous en achetez chez le boucher, au supermarché ou vous en consommez, comme beaucoup de Français,
04:07 plus en extérieur, à la cantine ou au restaurant ?
04:09 D'habitude, c'est au supermarché, mais quand je vais au restaurant, j'essaie d'en
04:15 prendre aussi. Je voulais juste parler du problème de la
04:21 consommation à l'extérieur, parce que je pense qu'on a moins le contrôle sur la
04:27 qualité et peut-être l'origine aussi. Dans les restaurants, vous voulez dire ?
04:30 Oui, dans les restaurants. En général, c'est assez contrôlé, non ?
04:35 Après, comme vous le disiez aussi précédemment, c'est l'augmentation des fast-foods, c'est
04:44 plutôt ça que je trouve problématique. Gwendal, vous restez avec nous. Lucille
04:49 Rogisard, chercheuse spécialisée dans le domaine de l'alimentation à l'Institut
04:52 de l'économie, vous êtes toujours avec nous. Vous décrivez en tant que chercheuse
04:57 un environnement alimentaire très centré autour de la viande. Est-ce que vous pouvez
05:00 nous expliquer cette notion ? Oui, c'est ça. L'environnement alimentaire,
05:04 c'est tout ce qui nous entoure et qui fait qu'on a telle ou telle pratique de consommation.
05:12 L'environnement alimentaire, c'est des choses matérielles, ce qu'il y a dans les
05:19 rayons, ce qu'il y a effectivement au restaurant, dans les menus, etc. Mais c'est aussi un
05:23 environnement immatériel de représentation dans la publicité, le marketing, dans les
05:29 programmes télévisés, etc. Et en fait, cet environnement alimentaire en France, il
05:35 est toujours très focalisé sur l'idée qu'un repas, c'est de la viande au centre
05:41 et un accompagnement autour. Encore aujourd'hui ?
05:43 Encore aujourd'hui. C'est vrai, Monsieur vient de le dire aussi, au restaurant, c'est
05:48 assez difficile, en tout cas dans des restaurants traditionnels français, de trouver autre
05:53 chose que ça. Et c'est aussi spécifiquement la raison pour laquelle c'est en restauration
06:00 que la consommation de viande augmente le plus. Et on l'a dit aussi, la consommation
06:04 de volaille. Quand on parle de la représentation de la
06:08 viande dans la société, on pense à cette déclaration de Sandrine Rousseau qui à l'époque
06:11 avait fait polémique, elle avait associé le barbecue à la virilité. Vous partagez
06:16 cette analyse ? Quand on regarde les statistiques qu'on
06:21 a à disposition, les dernières datent de 2015, donc ça date quand même un petit peu,
06:27 mais en tout cas quand on regarde la consommation de viande en relation avec des caractéristiques
06:33 des individus comme le sexe, l'âge, le niveau de diplôme, etc.
06:36 Ce sont les hommes qui tournent la viande au barbecue ?
06:39 Oui, c'est effectivement le sexe qui est le déterminant le plus important de la consommation
06:46 de viande, que ce soit en valeur absolue ou en valeur relative par rapport à tout ce
06:50 qu'on consomme par ailleurs. Alors vous travaillez à l'Institut de l'économie
06:53 pour le climat, on sait que pour atténuer les effets du réchauffement climatique, il
06:57 faut consommer moins de viande. Quelle solution vous préconisez pour faire diminuer cette
07:01 consommation s'il faut vraiment la faire diminuer ?
07:03 Alors en fait, nous ce qu'on observe c'est qu'il y a très peu de politiques publiques
07:08 qui cherchent réellement à diminuer la consommation de viande. Et en fait le paradigme il est
07:14 encore très focalisé autour du consom-acteur et du fait qu'on va juste donner de l'information
07:19 et que grâce à cette information les gens vont pouvoir changer leur pratique. Pour certaines
07:22 personnes ça fonctionne, mais en fait on le voit justement dans les statistiques, le
07:27 fait que ça diminue plus, ça ne suffit pas. Et pour la grande majorité des gens, c'est
07:31 pas juste en donnant de l'information que ça va fonctionner. La seule autre politique
07:34 publique qu'il y a c'est sur les cantines, avec les menus hebdomadaires végétariens
07:39 dans les cantines. Il faut savoir que les cantines scolaires, alors il y a des leviers
07:43 de boucliers effectivement, mais en plus les cantines scolaires c'est 2% de tous les repas
07:47 consommés en France. Donc c'est très bien de faire ce genre de politique publique, aussi
07:53 pour les effets indirects d'éducation etc. Mais c'est absolument pas suffisant. Donc
07:58 nous ce qu'on recommande c'est d'élargir le spectre des politiques publiques qui sont
08:04 envisagées et d'avoir des actions qui sont collectives. Donc l'idée c'est pas de brider
08:09 les gens et de brider leur liberté, pas du tout, c'est plutôt même d'aller plutôt
08:15 au niveau de l'industrie agroalimentaire ou même des distributeurs pour que ce soit
08:19 eux qui portent la responsabilité de cette transition alimentaire qui est absolument
08:23 nécessaire.
08:24 Lucille Rogissa, rechercheuse spécialisée dans le domaine de l'alimentation à l'Institut
08:27 de l'économie pour le climat. Une autre question, est-ce que vous observez dans vos travaux
08:31 les conséquences de la question du bien-être animal dans la société ?
08:35 Alors effectivement, quand on regarde un petit peu les motivations des personnes qui ont réduit
08:43 leur consommation de viande, la première motivation c'est sa propre santé en fait. Et ce qui
08:50 est intéressant aussi c'est que c'est aussi le premier frein à la réduction de la consommation
08:53 de viande avec des gens qui ont peur d'avoir des carences. Et le deuxième moteur de la
08:59 baisse de la consommation de viande c'est effectivement le bien-être animal. Donc ça
09:03 on le voit et c'est assez paradoxal puisque la consommation de viande continue d'augmenter
09:11 et notamment en volaille alors que l'immense majorité des volailles produites en France
09:20 sont produites dans des élevages plutôt intensifs, donc plutôt contraires à l'image
09:26 qu'on se fait du bien-être animal.
09:28 Lucille Rogis, chercheuse spécialisée dans le domaine de l'alimentation à l'Institut
09:32 de l'économie, vous restez avec nous. J'accueille sur Europe 1 Philippe. Bonjour Philippe, vous
09:36 nous appelez de Rouen.
09:37 Bonjour Alexandre.
09:38 Bonjour, merci d'être avec nous Philippe. Comment votre consommation de viande a évolué
09:44 ? Est-ce que vous en consommez plus, davantage ou mieux ?
09:47 Non, moi je consomme exactement la même chose qu'avant et je continuerai de le faire pour
09:52 la bonne raison c'est que nous avons des bons produits dans le charolais, le brionnet que
09:57 je représente ici. Je veux dire, moi j'ai ma grand-mère qui est partie à 95 ans en
10:04 mangeant un bon bout de bœuf dans du beurre.
10:07 Tous les jours ? Quand même pas.
10:09 Tous les jours, j'en sais rien mais je veux dire par lac. Non mais moi je serai toujours
10:15 un défenseur de la viande bovine en particulier et de la viande en général.
10:20 Est-ce que l'inflation a eu un impact depuis un an ? Je le disais 6% pour la viande en
10:25 général, près de 11% pour la viande rouge.
10:27 Alors c'est très bien que vous en parliez parce que moi je voudrais ajouter quand même
10:31 quelque chose. J'ai envie de dire les consommateurs qui vont dans les grandes surfaces en particulier,
10:38 je pense qu'ils achètent mal. Je vais vous donner un exemple. Moi prochainement je vais
10:44 acheter de la viande pour faire un coteau feu fin octobre, début novembre. Je vais
10:49 aller voir mon boucher du coin, je vais lui dire j'ai besoin d'une joue de bœuf, une
10:54 queue de bœuf et un tendron de veau. Voilà. Je vais repartir pour 6 personnes avec un
10:59 billet de 20 euros. Donc vous faites la division. Avec ça, je vais rajouter des légumes de
11:10 base, pommes de terre, poireaux, choux, machin. Une fois qu'on aura tous mangé, il va nous
11:16 rester un peu de viande, un peu de légumes. Avec les légumes, qu'est-ce qu'on va faire
11:21 ? On va faire de la soupe. Et avec la viande, on va la mixer et on va mettre ça dans un
11:26 chou frisé avec une sauce tomate du jardin et on va la passer au four. Donc on va faire
11:31 400 repas. Je suis peut-être un peu paysan, mais enfin on aura mangé bon et pas cher
11:41 avec une mayonnaise maison, évidemment, pas sortie de la fiole de plastique.

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