Chroniqueuse : Maud Descamps
Après une météo maussade et une pause pluvieuse, la chaleur s’installe à nouveau sur la France à partir de mercredi. Pourtant, ce mauvais temps n’est pas révélateur puisque les étés sont de plus en plus secs avec des températures en forte hausse. Par exemple, le mois de juillet a été le plus chaud jamais enregistré sur Terre. Alors comment composer avec ces changements climatiques ? Flora Ghebali, autrice du « Syndrome de la fourmi » et ci-présidente de Coalitions, nous éclaire sur la question.
Après une météo maussade et une pause pluvieuse, la chaleur s’installe à nouveau sur la France à partir de mercredi. Pourtant, ce mauvais temps n’est pas révélateur puisque les étés sont de plus en plus secs avec des températures en forte hausse. Par exemple, le mois de juillet a été le plus chaud jamais enregistré sur Terre. Alors comment composer avec ces changements climatiques ? Flora Ghebali, autrice du « Syndrome de la fourmi » et ci-présidente de Coalitions, nous éclaire sur la question.
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00:00 Il est 8h10, la chaleur va donc de nouveau s'installer sur la France à partir de mercredi, après une pause pluvieuse.
00:07 Pour autant, les étés sont de plus en plus secs et les températures ne cessent de grimper.
00:11 Le mois de juillet, par exemple, a été le plus chaud jamais enregistré sur cette terre.
00:15 Alors comment faire face au changement climatique ?
00:17 L'invité de Télé Matins, Flora Ghebaly, autrice du syndrome de la fourmi.
00:21 Bonjour et bienvenue.
00:23 Bonjour Flora Ghebaly, bienvenue sur le plateau de Télé Matins.
00:26 Demain, le Conseil d'État doit examiner le référé du mouvement écologiste "Les soulèvements de la terre"
00:31 qui conteste cette dissolution qui a été décrétée par le gouvernement.
00:35 C'est un mouvement qui mène des actions coup de poing, qui est contre les bassines à Sainte-Soline,
00:39 qui conteste aussi une ligne de TGV entre Paris et Lyon.
00:43 Quel regard vous portez-vous sur cette dissolution ?
00:47 C'est un acte politique très fort, on verra ce que le Conseil d'État a à dire.
00:51 Mais en tout cas, c'est un acte politique qui montre qu'il y a une posture du gouvernement actuel
00:56 qui est formellement opposée aux actions de protection de la terre.
01:02 Vous savez, on parle beaucoup des ZAD.
01:04 Il y avait la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, maintenant une ZAD s'installerait à Sainte-Soline.
01:08 Une ZAD, ça veut dire une zone à défendre.
01:10 Et en fait, les personnes qui occupent ces ZAD,
01:13 c'est des personnes qui considèrent que l'État est défaillant, que l'État ne fait pas son travail.
01:17 Et qu'aujourd'hui, chaque parcelle de terre doit être protégée par des citoyens.
01:21 Donc évidemment, il faut éviter la violence et il ne faut pas qu'il y ait de violence des deux côtés.
01:26 Il semblerait qu'il y en ait eu des deux côtés.
01:27 Donc moi, je ne suis pas pour la violence, aucunement.
01:31 En revanche, je crois que la situation est à un niveau tel qu'il faut tout mettre en œuvre pour protéger la terre.
01:38 Et les manifestations à répétition ne portent pas vraiment leurs fruits, malheureusement.
01:43 Certains dénoncent une criminalisation des mouvements écologistes.
01:46 Est-ce que c'est votre sentiment ?
01:48 Moi, j'ai été bouleversée quand Gérald Darmanin a parlé d'éco-terrorisme.
01:53 Moi, je suis la génération Charlie, je suis la génération Bataclan.
01:56 Je suis parisienne, j'ai été concernée comme beaucoup de personnes par le terrorisme.
02:02 Et donc, quand on parle d'éco-terrorisme, j'ai trouvé ça très maladroit, très problématique.
02:09 Et je pense que ce n'est d'ailleurs pas maladroit,
02:11 je pense que c'était une volonté politique de Gérald Darmanin.
02:14 Et du coup, c'est encore pire.
02:16 On voit aujourd'hui que les actions des groupes écologistes sont de plus en plus fortes.
02:21 On va jeter de la peinture sur des tableaux, on va se coller la main sur des œuvres ou à côté.
02:28 Est-ce qu'on est obligé d'en passer par là ?
02:30 Est-ce qu'aujourd'hui, on est obligé d'avoir une transition radicale ?
02:33 Non, moi, je trouve ça dommage que, surtout pour les Français qui voient ça de loin
02:37 et qui ne comprennent pas forcément le message qui est envoyé
02:40 quand on jette de la peinture sur des tableaux
02:43 ou qu'on reproche aux Français leurs habitudes de consommation,
02:46 je crois que c'est un peu injuste.
02:48 En revanche, attention, le mot radical, ça veut dire de revenir à la racine.
02:52 Et donc aujourd'hui, avec la transition écologique, on a un peu deux options.
02:55 La première, c'est de s'adapter à un monde à +3, +4 degrés.
03:00 Vous savez, le ministre de la Transition écologique, il a parlé d'un plan d'adaptation à +4 degrés.
03:04 Mais moi, un monde à +4 degrés, ça ne va pas être joyeux.
03:06 Je crois qu'il faut vraiment comprendre ce qui est en train de nous arriver, déjà,
03:10 et ce qui va nous arriver dans le futur, que ce soit en France et dans le monde.
03:14 La deuxième option, c'est de faire, comme le pape l'a dit ces derniers jours,
03:18 de l'écologie intégrale.
03:20 Intégrale, ça veut dire quoi, ça ?
03:21 L'écologie intégrale, c'est tout simplement de mesurer l'interdépendance entre les vivants.
03:26 C'est de mesurer que mon bien-être dépend du vôtre
03:29 et dépend de celui de l'arbre au coin de ma rue
03:32 et de la biodiversité qui peuple la ville où on habite.
03:36 Et en fait, je pense que si on est capable de faire de l'écologie intégrale,
03:40 alors, et c'est ce que je dis dans ce livre,
03:43 l'écologie, c'est un sujet optimiste.
03:45 Et c'est un sujet qui peut nous permettre d'avoir un nouveau modèle de société
03:48 qui va être plus inclusif, qui va être plus universel.
03:51 Et vous savez, les sujets sont croisés.
03:54 Quand on parle de migration,
03:55 on parle beaucoup d'immigration dans le débat public français,
03:59 et bien, en fait, avec le réchauffement climatique à +3, +4 degrés,
04:02 on attend des millions et voire des milliards de personnes sur les routes.
04:06 Donc, en fait, si on a envie d'avoir un bien-être à l'échelle globale,
04:09 on a assez intérêt à choisir ce modèle de société
04:13 qui est un modèle de société pacifique.
04:15 Et il ne faut pas penser que parce qu'il y a des activistes qui ont des attitudes...
04:19 Oui, c'est parce qu'il se traduit dans les combats écologiques aujourd'hui.
04:21 Oui, je m'excuse au nom de la communauté écolo,
04:25 s'il y a une maladresse de notre côté.
04:27 Ce n'est pas de la violence comme Gérald Darmanin.
04:29 C'est vraiment peut-être une maladresse.
04:30 Et puis, vous savez, je crois que les Français comprennent
04:32 à quel point c'est saoulant d'être un militant écologiste
04:35 et à quel point c'est difficile de faire les choses de manière pacifique.
04:39 Moi, j'ai passé beaucoup de temps à manifester.
04:42 Je me suis engagée à différents endroits.
04:45 En fait, il se passe plein de choses dans la transition écologique.
04:47 C'est hyper fertile comme environnement,
04:49 mais parfois, c'est un peu décourageant.
04:51 Mais vous évoquez justement ce que veulent les Français.
04:53 On sent que l'environnement, ce n'est pas en haut de la liste dans les préoccupations.
04:57 On a parlé beaucoup d'inflation, par exemple, cette année.
05:00 Est-ce que vous comprenez que du coup, l'écologie ne se soit pas dans le top des priorités ?
05:04 Évidemment, si on ne peut pas remplir son caddie jusqu'à la fin du mois,
05:08 il n'y a pas d'autre priorité. C'est logique.
05:11 Mais en fait, l'erreur dans laquelle on se trouve, à mon sens,
05:15 c'est de penser que ça n'a pas de lien.
05:16 Parce que vous savez, quand on a des fruits et légumes qui voyagent plus que nous,
05:20 quand on a des fruits et légumes qui passent par Rungis,
05:23 peu importe où on habite sur le territoire hexagonal,
05:26 c'est assez injuste de les payer au prix où on les paye,
05:28 alors qu'on pourrait avoir des circuits courts,
05:30 on pourrait avoir des petits producteurs locaux et faire baisser les prix.
05:34 Donc, je pense que c'est une erreur de penser qu'il n'y a pas de lien
05:37 entre l'inflation, qui est le fruit du système dans lequel on est,
05:41 qui est très complexe, qui est très carboné.
05:44 Vous savez qu'en France, ça coûte très cher de s'alimenter
05:48 et pourtant, on jette un tiers de l'alimentation qu'on produit.
05:51 Est-ce que vous trouvez ça normal ?
05:53 Est-ce que le droit à bien manger, ce n'est pas un droit fondamental ?
05:55 Moi, je crois que dans une société écologique,
05:58 dans une civilisation écologique,
05:59 le droit de bien manger, c'est un droit fondamental
06:02 et l'alimentation bio, l'alimentation de saison,
06:05 ce n'est pas réservé à une élite bobo, comme on peut le dire.
06:08 Je crois que c'est un droit fondamental qui doit être accessible à tous.
06:11 Vous dites, Flora, dans votre livre, qu'on est face à un paradoxe,
06:14 c'est-à-dire d'un côté, on a plein de solutions,
06:16 notamment le GIA qui nous donne 23 axes de réflexion
06:19 et de l'autre côté, cette incroyable inertie de nos sociétés.
06:23 Donc, on est coincé, c'est dans la nature humaine de ne pas réagir.
06:26 Oui, moi, j'ai appelé ce livre "Le syndrome de la fourmi"
06:29 parce que moi, je travaille sur le terrain de l'écologie depuis quelques années
06:33 et notamment, on travaille beaucoup avec des dirigeants économiques et politiques.
06:38 Et on me répond toujours la même chose quand je parle de transition écologique.
06:41 On me répond "oui, mais".
06:43 Sauf que malheureusement, il n'y a pas de "mais".
06:45 Moi, j'adorerais qu'on n'ait pas ce problème-là,
06:47 j'adorerais qu'on puisse continuer comme on fait sans que ce soit problématique.
06:51 Le problème, c'est que ça ne va pas durer comme ça longtemps.
06:54 Et donc, en fait, l'image de la fourmi, c'est que,
06:56 je ne sais pas si vous savez, que si on dessine un cercle autour d'une fourmi,
06:59 elle pense que le trait de crayon est un mur
07:01 et donc, elle reste bloquée dans le cercle.
07:03 Elle n'arrive pas à sortir du cercle.
07:05 Et en fait, ce "oui, mais", c'est pour moi le cercle
07:07 dans lequel on est coincé également aujourd'hui.
07:10 Donc, il faut faire un pas de côté, c'est ça ?
07:11 Voilà, qu'on doit dépasser.
07:13 Et la proposition de ce livre,
07:14 alors vous n'allez pas trouver une solution au réchauffement climatique clé en main
07:18 parce que si j'en avais une, je l'aurais déjà dit à tout le monde.
07:21 En revanche, vous allez comprendre comment on fait, je crois, ce pas de côté
07:25 et comment on accède à la civilisation écologique.
07:28 Parce que vous savez, il y a déjà beaucoup de Français
07:30 qui sont très connectés aux vivants,
07:31 qui sont déjà dans des métiers de la transition,
07:33 qui sont déjà engagés sur ces problématiques-là
07:35 et on peut tous les rejoindre, vous pouvez tous les rejoindre, je crois.
07:39 Alors, il y a quand même quelques bonnes nouvelles.
07:40 Je pense par exemple au jour du dépassement.
07:42 Cette année, il a été cinq jours plus tôt que l'an dernier.
07:44 Est-ce que ça, on peut s'en réjouir ?
07:46 Moi, je ne suis pas scientifique et je pense que le jour du dépassement,
07:49 c'est une très bonne image pour nous montrer,
07:51 rappelons rapidement ce que c'est,
07:53 c'est en combien de temps on épuise les limites planétaires.
07:56 Et ce qu'il faut savoir, enfin moi, le référentiel qui m'intéresse,
07:58 c'est qu'en 1970, on consommait tout juste la planète.
08:02 On terminait le 29 décembre d'utiliser les ressources.
08:04 Aujourd'hui, on les termine en août.
08:06 C'est quand même très problématique.
08:07 Je pense qu'il y a pas mal de personnes qui nous regardent
08:10 qui étaient déjà là dans les années 70.
08:12 On ne vivait pas si mal, je suis sûre qu'on peut retourner.
08:15 Ce ne sera pas un retour en arrière, au contraire.
08:17 Je crois que c'est le sens du progrès.
08:19 Très bien. Merci beaucoup, Fiera Ghebaly,
08:21 d'être venue nous voir sur le plateau de Télématin.
08:22 Je rappelle le titre de votre livre,
08:24 "Le syndrome de la fourmi" aux éditions de l'Observatoire.
08:26 Merci à vous. Bonne journée.
08:28 Merci à toutes les deux pour cet entretien passionnant.