7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Pourquoi les services d'urgences saturent pendant l'été?

  • l’année dernière
Les services des urgences en France sont en grande difficulté, en raison d'un manque de personnel et de moyens. Mais pourquoi est-ce ces services ont plus de difficulté l'été?
Transcript
00:00 - Et on en parle avec Aurel Gaëtge, bonjour, vous êtes médecin urgentiste à l'hôpital Ambroise-Paret à Boulogne-Biancourt.
00:05 Camille Galtier est également avec nous, vous êtes le maire de Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence.
00:11 Il y a un hôpital à Manosque en ce moment, comment ça fonctionne ?
00:15 - Ça fonctionne mal, bonjour à tous, ça fonctionne mal puisque nous avons un hôpital qui est en difficulté
00:22 et qui a quasiment fermé les trois quarts des nuits de l'été
00:26 en raison du manque de personnel et du manque de médecins urgentistes que nous constatons et que nous avons au sein de l'hôpital.
00:33 - Pourquoi c'est plus compliqué l'été ?
00:35 - Parce que tout simplement les médecins urgentistes qui sont titulaires de la fonction publique hospitalière sur l'hôpital de Manosque
00:45 doivent aussi prendre leur congé, tout comme vous, tout comme moi et comme tous les Français,
00:49 que les médecins intérimaires qui doivent prendre le relais parfois sont eux aussi en vacances
00:57 et qu'ils ne prennent pas les gardes habituels, ils ne prennent pas un planning
01:02 comme le font les titulaires de la fonction publique hospitalière, c'est tout le problème des intérimaires,
01:06 c'est qu'ils sont libres comme l'air et qu'ils coûtent encore plus cher et qu'ils ne sont pas garants de l'unité d'un service,
01:13 c'est tout le problème que nous avons aujourd'hui dans les hôpitaux français.
01:16 - Et juste pour comprendre, les habitants de Manosque, quand ils trouvent les urgences fermées la nuit,
01:22 ils doivent faire combien de kilomètres pour trouver un hôpital ouvert ?
01:25 - Ils doivent aller à Aix-en-Provence qui est l'hôpital le plus proche et c'est 30 minutes supplémentaires,
01:33 je dis bien supplémentaires parce que l'hôpital de Manosque couvre un territoire de quasiment 80 kilomètres.
01:38 Donc quand vous êtes une famille qui arrive à l'hôpital de Manosque qui a déjà fait 80 kilomètres,
01:42 quasiment une heure de route et que ça doit ajouter encore 30 minutes,
01:46 vous comprenez toute la problématique et tout le drame que l'on a cet été sur l'hôpital de Manosque.
01:51 - Donc c'est la galère pour tout le monde, évidemment pour les médecins,
01:54 la galère pour les personnes qui ne trouvent pas de médecins quand elles arrivent dans ces urgences.
01:59 Aurel Guege, vous êtes, on le disait à Boulogne-Bilancourt, ça ne bouchonne pas particulièrement aux urgences
02:04 mais vous avez quand même beaucoup plus de travail.
02:06 - Alors on a plus de travail, d'abord je tenais à remercier le maire qui n'avait absolument aucune animosité
02:10 envers les médecins qui a décrit le fait qu'ils prennent aussi leurs vacances.
02:13 Sauf qu'en fait il faut bien comprendre que le problème c'est qu'en période de vacances scolaires,
02:17 les personnes fragiles, elles, souvent malheureusement ne partent pas en vacances.
02:21 Donc vous avez toujours les personnes fragiles qui vont consulter aux urgences,
02:24 donc en théorie vous êtes censés à peu près avoir le même nombre de passages même si ça va diminuer
02:29 et le problème c'est que vous avez évidemment les médecins de ville qui prennent leurs vacances.
02:34 Et donc là où vous avez des médecins d'urgence où on est spécialisé en décompensation,
02:37 c'est-à-dire en pathologie aiguë, en forme grave ou non grave,
02:40 on se retrouve à faire de la consultation classique, des choses où pour le coup on n'a pas beaucoup d'expérience.
02:45 Et je pense, et ça c'est important de le mettre en avant,
02:49 c'est que malheureusement c'est aussi dû au fait qu'on n'a pas de mesures assez incitatives
02:53 puisque comme vous le dites, et comme l'a dit très justement monsieur le maire,
02:58 c'est qu'en fait les médecins doivent prendre leurs vacances
03:00 et donc il faudrait les inciter à rester, et pas avec des mesures coercitives,
03:03 mais avec des mesures parfois financières.
03:05 Mais on ne peut pas dire à un médecin de ville "Vous ne prenez pas de vacances cet été, comment voulez-vous faire ?"
03:11 Eh bien justement, c'est-à-dire que là, moi les choses que j'aurais tendance à vouloir proposer,
03:15 c'est justement d'adapter les tarifs, de proposer une adaptation en temps réel.
03:20 On paierait plus cher l'été ?
03:21 Ah bah moi, après ça reste une opinion personnelle évidemment.
03:24 C'est déjà très cher pour beaucoup de Français, pour nous tous,
03:27 quand on va chez le médecin, qu'on consulte aux urgences, c'est déjà extrêmement cher.
03:30 Alors non, aux urgences, je ne peux pas vous laisser dire ça,
03:33 aux urgences, non, on assure les soins quoi qu'il arrive,
03:35 on a un forfait hospitalier qui est de l'ordre de 20 euros,
03:38 qui pour les patients CMU est donc en soi pris en charge,
03:41 alors que la prise en charge, le coût à l'hôpital est de l'ordre de 180 euros.
03:46 Je pense aux médecins de ville.
03:47 Il faut bien se rendre compte que justement, aux urgences,
03:49 c'est comme si vous sortiez, par exemple, la dernière fois,
03:51 j'ai un patient qui vient pour une douleur, une lombalgie, c'est-à-dire une douleur lombaire,
03:55 et vous sortez le bazooka, c'est-à-dire que vous avez un médecin d'urgence,
03:58 des infirmières, un agent d'accueil, etc.
04:01 Et qui paye ? C'est finalement la collectivité.
04:04 Donc le fait de se dire, cet argent-là, il pourrait servir à payer plus correctement
04:08 les médecins de ville ou à faire des mesures plus incitatives
04:10 pour ne pas se retrouver dans des situations où vous vous retrouvez avec des communes sans médecin,
04:14 ce n'est pas possible.
04:15 Mais on a la même problématique en soi, je me permets, sur l'hôpital,
04:18 puisque on ferme des lits, il faut bien s'en rendre compte,
04:21 puisque aussi, même l'aval est absent.
04:23 - Monsieur le maire, en mai dernier, vous avez écrit une lettre
04:26 au ministre de la Santé pour vous plaindre de votre situation,
04:30 du manque de personnel.
04:31 On vous a répondu quoi à l'approche de l'été ?
04:34 - On n'a pas répondu, puisque vous le savez pertinemment,
04:40 le ministre de la Santé a une nouvelle fois changé.
04:42 Je crois que c'est le troisième que l'on a en l'espace de quelques mois.
04:45 Et on voit bien que, malheureusement, la seule réponse que le gouvernement a
04:49 depuis trois ans, c'est de changer de ministre de la Santé,
04:53 comme on change de paire de chaussettes le matin.
04:55 Et on espère avoir des résultats différents.
04:58 On voit bien que ce n'est pas en changeant de ministre de la Santé
05:00 qu'on va avoir des réponses différentes.
05:02 Il est évident qu'on n'aura pas des réponses à court terme,
05:06 des réponses concrètes, puisqu'il faut fabriquer,
05:11 former des nouveaux médecins pour leur permettre d'arriver
05:14 dans de bonnes conditions dans nos hôpitaux.
05:16 Mais aujourd'hui, on se rend bien compte qu'on a la limite
05:19 et au bout du système.
05:21 Et là, nous, sur un territoire comme le nôtre,
05:23 en plein été, où on a quand même une population qui double
05:26 du fait de la saison touristique,
05:29 c'est plus que limite.
05:31 C'est très dramatique.
05:32 On n'a pas encore eu de drame, et je touche du bois jusqu'alors,
05:35 mais on se rend bien compte que ça peut arriver.
05:37 Et si ça arrive, vous savez pertinemment que la population
05:40 a toujours tendance à se tourner vers les responsables politiques.
05:43 Et c'est là aussi où notre position est entre le marteau et l'enclume.
05:46 En attendant, Rael Ghedj, de trouver des solutions.
05:49 En ce moment, quand les patients se retrouvent devant des urgences fermées,
05:53 ils font quoi ?
05:54 Le plus souvent, évidemment, quand vous vous retrouvez devant des urgences fermées,
05:57 les gens vont appeler le 15.
05:59 Et le 15, la gent, dans ce cas-là, de régulation,
06:02 qui peut être un médecin.
06:03 Initialement, vous allez avoir, quand vous appelez le 15,
06:05 vous avez d'abord un assistant de régulation médicale.
06:07 En fonction des mots que vous allez dire, vous allez être soit aiguillé
06:09 vers un médecin généraliste, soit un médecin d'urgence.
06:11 Si on considère que c'est une urgence, le médecin d'urgence va alors
06:14 vous proposer, va écouter vos symptômes, va essayer de les comprendre.
06:17 Et si nécessaire, il enverra une ambulance, des pompiers,
06:21 une ambulance mandatée par le SAMU pour vous emmener
06:24 dans des urgences plus proches.
06:25 Mais comme vous le dites, oui, évidemment, on comprend,
06:27 il y a un retard de prise en charge.
06:28 Et si c'est une urgence absolue, on comprend que ce soit délétère
06:31 pour le patient.
06:32 Merci beaucoup à vous deux, situation qu'on va suivre,
06:34 évidemment, pendant tout l'été sur BFMTV.

Recommandée