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Transcription
00:00 On va tenter de tirer un bilan de ces deux jours avec notre invitée,
00:02 Catherine Aubertin, spécialiste des politiques environnementales
00:06 et directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement,
00:09 économiste de l'environnement également.
00:11 Bonsoir à vous.
00:12 Bonsoir, bonsoir à tous.
00:14 Alors est-ce que, comme le disent les ONG,
00:17 c'est un effet d'annonce, cette alliance contre la déforestation,
00:20 qu'elle ne marquera pas la fin, en tout cas, de la déforestation en Amazonie ?
00:23 C'est le résultat de tous les types de négociations,
00:28 c'est-à-dire qu'on a des intentions.
00:32 Ce qui est important, c'est que cette intention est partagée
00:35 et que pour la première fois, elle est partagée par huit États amazoniens,
00:41 ce qui est quand même les personnes qui sont les plus concernées.
00:45 Donc les chefs d'État les plus concernés par la conservation de la forêt amazonienne
00:48 ont pris des décisions, enfin l'ont déclarée.
00:52 Alors maintenant, on peut savoir comment ils vont le faire
00:55 et si cet engagement ne va pas être contradictoire
00:59 avec d'autres actions environnementales ou économiques,
01:02 c'est une autre affaire, bien sûr.
01:03 Alors, je le disais, vous êtes économiste.
01:05 Est-ce que financièrement, économiquement, il est possible,
01:08 notamment pour le Brésil, qui en possède la plus grande partie,
01:11 de mettre un terme à la déforestation de l'Amazonie,
01:15 économiquement, c'est-à-dire sans porter atteinte à toute l'économie,
01:20 à tout le système économique qui s'est construit autour, justement,
01:23 de la déforestation, de l'utilisation des ressources de cette forêt ?
01:27 Mais l'économie brésilienne ne repose pas sur la forêt amazonienne du tout.
01:31 Elle repose sur la culture du soja, sur l'élevage,
01:37 sur la culture du maïs, de la canne à sucre,
01:40 et puis aussi sur des produits d'exportation.
01:43 Le Brésil exporte des avions, par exemple.
01:46 Mais cette culture du soja, elle se fait en partie aussi
01:48 sur des terrains qui sont gagnés sur cette forêt ?
01:51 Non, elle le fait, enfin, si, de plus en plus, bien sûr,
01:55 mais ce n'est pas vraiment le centre économique du Brésil,
01:58 ce n'est pas le cœur économique du Brésil.
02:00 L'Amazonie a un grand rôle d'un point de vue environnemental,
02:03 bien sûr, de par sa forêt, donc, qui régule les cycles du carbone,
02:07 les cycles de l'eau, et ces régulations vont, bien sûr, dans les régions voisines,
02:12 et surtout, c'est le lieu où habitent de nombreux habitants,
02:17 bien sûr, qui ont su la conserver.
02:19 Et c'est intéressant de voir que cette déclaration de Bellem,
02:23 elle porte d'abord sur les conditions de vie de ces populations
02:27 pour la lutte contre la pauvreté, la santé et l'éducation.
02:31 Ça, c'est quelque chose de nouveau, c'est-à-dire que cette forêt
02:34 n'est pas vue uniquement comme une collection d'arbres
02:38 et comme des tonnes de carbone.
02:39 Donc, ça, je trouve que c'est très important,
02:41 et c'est déjà un progrès de le voir comme ça.
02:44 Parce qu'en le voyant comme ça, on peut lier la forêt amazonienne
02:47 avec la question du pétrole et de l'exploitation du pétrole
02:50 et de l'exploitation des combustibles fossiles.
02:53 – Alors justement, il n'y a pas eu dans cette déclaration de Bellem
02:56 d'engagement contre l'exploration pétrolière en Amazonie ?
02:59 – Non, justement, il n'y a pas eu.
03:01 Les deux choses qui ont manqué, bien sûr,
03:03 c'est l'arrêt de l'exploitation pétrolière en Amazonie,
03:07 l'embouchure de l'Amazonie, mais d'une façon générale,
03:10 l'utilisation d'énergies fossiles.
03:15 Il n'y a eu qu'un seul gouverneur qui a eu le courage de dire
03:19 "non, nous, on veut arrêter la Colombie, nous, on va arrêter, on voudrait arrêter".
03:24 Bon, il y a une certe, mais ce qui a été intéressant,
03:26 c'est d'avoir créé cette liaison entre le fait,
03:29 arrêter de déforester, bon, arriver à déforestation zéro,
03:33 d'ailleurs, il faudrait qu'on en reparle, c'est quelque chose,
03:36 mais ça ne sert à rien si on continue à accélérer les dérèglements climatiques
03:42 et les réchauffements qui vont attaquer la forêt amazonienne.
03:45 Il n'y a pas uniquement les tronçonneuses qui attaquent la forêt amazonienne,
03:47 il y a aussi le climat dans son ensemble,
03:49 et donc les utilisations du pétrole, par exemple.
03:53 Le Brésil a voté avant l'ouverture de ce sommet pour la création de crédits carbone.
03:58 Il y a un risque de monétiser le vivant,
04:02 ce qui permet d'éviter, d'aggraver le dérèglement climatique,
04:06 c'est de créer une sorte de permis de polluer pour les entreprises
04:10 qui se rachèteraient en quelque sorte en payant des crédits carbone.
04:15 Oui, ça, il y a le principe de la compensation.
04:17 Et d'ailleurs, on revient justement sur cette question de déforestation zéro.
04:22 Est-ce que c'est un zéro net ou est-ce que c'est un zéro qu'on obtient en compensant,
04:28 en compensant, en replantant ailleurs,
04:30 ou, comme vous le dites, en émettant des crédits carbone.
04:33 Donc, il y a cette...
04:36 Que veut dire cette déforestation zéro ?
04:38 D'autant plus que la déforestation, elle peut très bien être légale.
04:41 Actuellement, elle est légale dans le Sérad,
04:43 elle peut être légale aussi dans d'autres régions.
04:46 Donc, vous voyez, c'est une question extrêmement difficile.
04:50 Et ces crédits carbone, ça ne va pas vraiment résoudre la question.
04:57 On s'est confié au marché la résolution des problèmes d'environnement.
05:00 Et on a bien vu dernièrement quelques scandales autour de la certification
05:05 que donnait l'entreprise Véra sur du carbone forestier,
05:09 des crédits carbone forestier qui étaient certifiés par Véra,
05:12 qui se sont avérés vraiment basés sur du vent,
05:16 même pas sur du carbone, vraiment basés sur n'importe quoi.
05:19 Donc, ça, c'est quelque chose d'important.
05:21 En revanche, ce qui était proposé, c'est-à-dire de faire de crédits biodiversité,
05:26 c'est-à-dire ces crédits biodiversité ou des certificats,
05:31 plutôt des certificats biodiversité ou carbone,
05:33 qui ne seraient pas échangés, mais qui montreraient l'appui des pays du Nord
05:37 pour soutenir les pays du Sud dans leur conservation de l'environnement.
05:41 Et ça, c'est effectivement une solution.
05:43 Alors aujourd'hui, à Bel-Hem, il y avait aussi des invités
05:47 qui ne sont pas concernés par l'Amazonie,
05:49 les représentants des deux Congo, de l'Indonésie,
05:52 qui eux sont concernés par la protection de leurs propres forêts tropicales,
05:56 qui sont aussi des puits carbone importants pour la planète.
06:00 Est-ce que, en quelque sorte, les invités sur ce sommet de protection de l'Amazonie,
06:05 ce n'est pas une manière aussi de diluer la responsabilité,
06:09 c'est-à-dire l'Amazonie n'est pas le seul puits carbone de la planète ?
06:13 Il faut, si nous, nous nous engageons à faire des efforts pour protéger l'Amazonie,
06:17 il faut aussi que des efforts soient faits par ailleurs.
06:20 Moi, je le vois tout à fait différemment.
06:22 Je le vois comme une organisation de pays qui détiennent de la forêt tropicale
06:28 pour s'organiser en groupe de pression pour préparer les COP,
06:33 les conférences des partis des deux grandes conventions,
06:35 climat et biodiversité.
06:37 Je crois que, justement, cette alliance des pays ayant une forêt tropicale
06:41 montre bien l'aspect global de la déforestation,
06:45 c'est-à-dire l'aspect global de l'intérêt de garder des écosystèmes forestiers.
06:50 Je crois que c'est, au contraire, quelque chose de géopolitique.
06:54 En fait, la conservation de la forêt, bien sûr, c'est essentiellement politique.
06:57 Vous parliez de la marchandisation de la nature,
07:01 mais il y a aussi une politisation de cette nature.
07:05 Et le fait que si les pays latino-américains, les pays du Congo,
07:10 les pays… normalement, la France aurait dû, par sa Guyane, intervenir,
07:15 ça va faire une force politique extrêmement importante dans des conventions,
07:19 surtout qu'il faut avoir en mémoire qu'actuellement,
07:23 ce sont des pays dits non-alignés,
07:25 c'est-à-dire qui ne rentrent pas, qui n'ont pas condamné l'invasion de l'Ukraine
07:30 et qui ne se sont pas rangés dans le camp des États-Unis ou de l'Europe.
07:36 Donc, vous voyez, tout s'imbrique.
07:40 Et vraiment, cette force politique qui est en train de naître à partir du sommet de Bélème,
07:44 il faudra y regarder vraiment de très près.
07:47 Merci beaucoup, Catherine Aubertin, d'avoir été l'invitée de France 24 ce soir.
07:51 Voilà, merci à vous.

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