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une émission de Georges Pernoud

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00:00 Bonsoir. L'histoire de deux pays est inscrite dans le sillage des bateaux qui font la ligne Marseille-Alger.
00:06 Des années de paix, des années de travail, des années de guerre ont marqué le cœur de tous les passagers.
00:11 Mais aujourd'hui encore, il n'y a toujours que 24 heures de traversée entre ces deux ports.
00:17 Voici "Le Grand Bazar", un reportage de Philippe Lespinasse et Patrick Boileau.
00:26 Marseille, le vieux port sur une opérette de Vincent Scoto, une carte postale que l'on aurait pu voir dans un autre reportage.
00:34 Car le Marseille pour les touristes s'accommode d'une autre image, le Marseille des affaires, et Vincent Scoto dans ses opérettes ne l'a jamais chanté.
00:51 Les deux quartiers parmi les plus actifs et les plus animés de la ville sont La Joliette et Belle Zins, les quartiers sur la mer, les quartiers arabes.
00:59 Cinq à six fois par semaine, un bateau part vers le Maghreb et toutes les rues donnant sur le port sont prises tout à coup de frénésie.
01:06 Pyramide de tapis et de sacs sur le toit des voitures, moteur en vadrouille au milieu du trottoir, et un garage Algéro-Marseillais qui a trouvé le bon filon.
01:18 Nous sommes à Joliette Export, spécialisé dans la vente de véhicules et de pièces détachées pour les voyageurs venus spécialement d'Algérie.
01:26 Plus de mille voitures vendues chaque année, Joliette Export est le temple de la bagnole à destination de toute l'Afrique, et ce par soleil est connu jusqu'au fond du désert.
01:46 Six heures avant le départ, le convoi sort du garage. Chargés à bloc, les voitures se laissent glisser jusqu'au port. Heureusement que ça descend.
01:55 - Qu'est-ce que vous avez dans le camion, là ? - C'est des pneus isagés. - Que ça ? - Que ça.
02:01 - Des moteurs... des amortisseurs, des disques, des... - Oui, oui.
02:07 - Des moteurs, des disques, des moteurs... - Oui, oui.
02:12 - Des moteurs, oui. - Des amortisseurs, des disques, des... - Oui, oui.
02:16 - Des moteurs, il y a des... - Ça marche.
02:32 Le port de la Joliette. Des jours et des nuits de route pour les immigrés de toute l'Europe, et enfin, la Méditerranée.
02:39 Direction le sud, et les ferries, comme garées en plein centre-ville, se remplissent tranquillement avant le départ pour la Corse, l'Algérie ou la Tunisie.
02:48 - Monsieur, bonjour. - Bonjour. - Algiers ? - Oui. - Liste d'attente, hein ? - Liste d'attente d'Algiers, oui.
02:54 - Alors, attendez. Vous remplirez 2 fiches de police, hein ? Et vous allez avoir certainement une taxe sur la hauteur. - Ah bon ?
03:02 - Vous dépassez 1,70 m. Alors, il va falloir essayer d'aménager au mieux votre galerie, hein ? Sinon, vous allez être soumis à cette taxe. - D'accord.
03:10 - D'accord ? Voilà. Prenez la voie n°5, la voie des attaques.
03:15 Hauteur des chargements, fiches de police, billets, passage en douane, les voyageurs sont parfois un peu perdus quand il s'agit du dernier effort avant le retour à la terre des ancêtres.
03:27 Saïd, l'Algérien Minot de Marseille, patron de Joliet Export, assurant le service après-vente jusqu'au bout, s'occupe encore de ses clients.
03:41 - Tu as toutes les immatriculations ? - Oui. - 4 voitures. Combien tu as de voitures, un peu ?
03:46 - T'sais, j'en ai... Entre Algiers et Skikda, j'en ai 20, 20, alors. - Plus ? - Plus, 22. 13 sur Skikda et 9 sur Algiers.
03:54 C'est difficile de faire face à tout ça, entre les gens qui ne savent pas conduire, les gens qui ne connaissent pas le chemin. Voilà. Donc il faut assister tout le monde.
04:01 Celui qui n'a pas de chauffeur, celui qui n'a pas le permis, celui qui a peur de conduire. Voilà.
04:09 Dans un coin de l'embarquement, une petite cabine que l'on ne trouve probablement pas dans tous les ports, l'écrivain public.
04:17 Abdelkader, l'ancien docker reconverti, remplit les fiches de police pour les passagers en difficulté.
04:35 - Je suis un écrivain public. Je dépasse les gens. Il y a des gens qui ne savent pas écrire. Je dépasse les gens. Ils me donnent pour ma casse-croûte, disons 5 francs, 10 francs.
04:46 Il y en a qui n'a pas. C'est pareil, aussi. Je laisse... Je laisse pas en panne ici. Voilà.
04:55 Les brigands du port, les hors-la-loi que tout le monde connaît, les pickpockets. Super organisés, connaissant parfaitement les horaires de chaque bateau,
05:05 ils guettent dans les files le voyageur fatigué ou distrait, la proie qu'ils vont plumer.
05:15 Ca marche presque à tous les coups.
05:17 Aujourd'hui, 3 voitures détroussées, bonne pioche.
05:43 Les voyageurs retrouvent parfois leurs papiers, mais sans leurs économies de toute l'année.
05:48 Personne ne porte plainte, le bateau n'attend pas et les listes d'attente sont longues.
05:54 Sur ces lignes, la douane et ses fonctionnaires ont parfois l'allure d'épiciers faisant un inventaire.
06:13 - C'est bon ? - Si vous pouvez comprendre.
06:15 Saïd, toujours lui, leur donne même un coup de main.
06:19 Saïd est un professionnel. Ses clients, contents, reviendront ou diront du bien de lui.
06:25 Étape suivante, les porteurs.
06:31 Uniquement deux bagages par personne. Uniquement deux bagages par personne.
06:40 Les sacs sont obligatoirement pris en charge, à chacun de négocier le tarif.
06:45 - Ah c'est des bateaux qui tournent un miroir, un M3, un M3 1000, un passager, à peu près.
06:58 - Ils ont tous des bagages en supplément ? - Oui, tous.
07:01 - Et vous prenez combien par bagages supplémentaires ?
07:04 - Les bagages supplémentaires, c'est pas nous qui en prenons, puisque nous on ne prend que les deux bagages autorisés.
07:08 - J'ai vu que vous preniez de l'argent.
07:11 - Oui, c'est 15 francs et 30 francs le bagage.
07:13 Ça dépend les bagages, c'est de cet aubois.
07:15 C'est entre 15 francs et 30 francs.
07:17 - C'est 50 francs, c'est pas 30 francs.
07:20 Enfin sur l'Algezaïre, le Algi en arabe, le pays n'est plus très loin.
07:25 (Musique)
07:43 6 départs par semaine, une dizaine en été,
07:46 les navires pour le Maghreb représentent les 3/4 du trafic passager du port de Marseille.
07:51 (Musique)
08:20 24 heures de traversée, chacun retrouve son rythme et se prépare au retour longtemps attendu.
08:27 La prière en direction du levant et les non-pratiquants qui fument ou boivent encore un peu,
08:33 même sous le regard des hajj, les vieux, ce sera plus difficile là-bas.
08:38 (Musique)
08:53 - Alors c'est quoi tous ces visas ?
08:55 - De France, d'Espagne et d'Italie.
08:59 - Et oui, tu voyages beaucoup alors ?
09:01 - C'est mon travail, je suis un bandiste.
09:06 - Et tu vas faire quoi cette année dans tous les sens ?
09:08 - Je vais faire du sport.
09:13 - Et quelle destination est la plus intéressante pour toi ?
09:16 - Marseille.
09:18 - Pourquoi ?
09:20 - C'est là-bas que je me trouve bien, premièrement, et pour les achats c'est mieux là-bas.
09:27 C'est à Marseille.
09:30 - Commerce illégal pour certains, système d'épour d'autres, le trabandisme, ce trafic de marchandises entre Marseille et Alger
09:37 représente une source de revenus inespérée pour la jeunesse algérienne poussée en mer par le chômage.
09:44 En hiver, ces jeunes affairistes et leurs sacs en nylon représentent ainsi 90% des passagers
09:50 et un débouché juteux pour la ville de Marseille.
09:55 - C'est grâce à ces sacs-là que Marseille fonctionne, que ça marche, sinon si c'était pas ces sacs,
09:59 elle serait à Marseille, rien.
10:01 Si l'achat monte à 1 200 personnes, qui monte ?
10:05 Le dernier de ces gens-là, il s'achète pour 5 000 francs quand même à sa chiffre.
10:10 Le dernier jeudi.
10:12 Avant il y avait des gens qui s'achètent je ne sais pas combien.
10:15 - Et toi quand tu vas à Marseille, tu dépenses combien en moyenne à chaque fois ?
10:19 - Oui, 1 000 à 10 000.
10:21 - Le LJ Zahier rentre au port.
10:35 - Moteur à gauche.
10:37 - Moteur à gauche.
10:39 - Tout à gauche.
10:41 - 5 à droite.
10:46 - Moteur à 5 à droite.
10:50 LJ Zahier, Algiers la Blanche.
10:58 2 millions d'habitants et le port, sur toute la longueur de la ville, tourné vers le nord,
11:03 la Méditerranée et l'Europe.
11:05 A l'arrivée, un policier algérien monte sur le bateau et confisque les passeports de 6 passagers.
11:17 6 passagers qui ont fait le voyage Marseille-Algiers malgré eux, la France n'en a pas voulu.
11:23 Aujourd'hui, 4 expulsés algériens en dépassement de visa et 2 Sénégalais refoulés à la frontière.
11:33 Dès les portes ouvertes, bousculades générales, il faut se dépêcher,
11:38 le couvre-feu interdit de se trouver dehors après 10 heures du soir.
11:42 Ceux des communes lointaines seront parfois obligés de trouver refuge à la gare
11:46 ou l'auront en taxi pour s'éloigner au plus vite de la capitale où la situation est un peu tendue.
11:58 Et quand le bateau est en retard, la douane n'est pas très pointilleuse malgré les apparences.
12:04 (Chant d'un prêtre)
12:31 Leftour, la prière du soir pour arrêter le jeûne pendant le ramadan.
12:36 Un mois où l'on ne mange pas, on ne boit pas, on ne couche pas, on ne fume pas entre le lever et le coucher du soleil.
12:43 Au petit matin, sur le port, des cargos pleins à craquer déchargent leurs sacs de semoule.
12:51 L'Algérie importe à tour de bras pendant le mois du ramadan.
12:57 Le port d'Alger est le plus grand port d'Afrique du Nord.
13:01 Aujourd'hui largement endetté, l'économie algérienne doit importer pour subvenir aux besoins de la population
13:07 et les bateaux rapportent de tous les rivages de la Méditerranée et du monde entier les produits manquants.
13:13 Le centre-ville, le quartier historique construit quand l'Algériété française n'a pas bougé.
13:25 L'ascenseur sur le port, les immeubles blanchis à la chaude et les arcades rappellent à chaque coin de rue
13:31 une architecture plus européenne qu'africaine.
13:35 La Casbah, le quartier populaire, mal famé pour certains, pittoresque pour d'autres.
13:41 Les rues étroites sont ici toujours noires de monde et les étals toujours achalandés,
13:46 contrairement aux magasins sur les grands boulevards.
13:51 C'est aussi là que se retrouvent tous les trabandistes venus livrer leurs marchandises et prendre les commandes,
13:57 comme Ismail et Rachid.
14:01 Tous les trabandistes viennent ici. On fait le tour des vendeurs, on prépare la commande concernant les chaussures,
14:09 les vestes, les pantalons, les jaquettes.
14:12 Puis quand on revient, on vente la marchandise rapidement.
14:16 Pour ne pas perdre de temps en Algérie.
14:20 - En moyenne, sur un aller-retour, vous arrivez à gagner combien d'argent ?
14:25 - Environ 10 000 dénards.
14:29 - Et vous vendez tout ?
14:32 - On vend tout. Parce que la marchandise française est trop demandée en Algérie.
14:37 Plus loin, un trabando prépare sa liste de produits à rapporter.
14:43 - Oui ? - Alors, qu'est-ce que vous lui avez demandé d'aller acheter à Marseille ?
14:48 - Ce maclas ? - Oui. - Un petit peu de chocolat. Un peu de chocolat.
14:54 - Oui ? - Par exemple, c'est les nuts, les mars, l'yam, les gâteaux frais, les gâteaux de la pâte,
15:01 les Kinder Surprise, les cornflakes, c'est tout.
15:07 - Il part quand ? - Samedi prochain.
15:11 - Parce que tous ces produits, on ne les trouve pas ici, sinon ?
15:15 - Non. Importation. Par la France.
15:19 - Et il y a combien de trabando qui travaille pour toi ?
15:23 - 35.
15:26 40.
15:29 35, 40.
15:32 En un seul voyage, chaque trabandiste gagne l'équivalent d'un salaire moyen en Algérie.
15:37 Les dinars sont échangés au taux parallèle contre des devises à 4 fois le taux officiel.
15:42 Les jeunes Algériens se débrouillent et sur le marché au voleur, comme on dit ici, on trouve de tout.
15:48 De la pièce détachée au costume 3 pièces, du casso de 3 pièces, du casso de 2 pièces,
15:54 du costume 3 pièces, du casso de date à la machine à laver.
15:58 Ici, on ne demande pas la provenance des produits, on achète ou on regarde.
16:04 Rencontre avec Michel Crispineau, un Français travaillant à Alger,
16:16 qui se souvient de la première fois où il est venu, parmi d'autres comme lui.
16:21 - Le bateau pour la première fois, quand j'étais militaire et quand je suis venu en Algérie.
16:26 - C'était comment ? - Affreux.
16:30 Tout le monde se dégueulait les yeux les uns sur les autres.
16:34 Et on avait encore 25 heures de mer à faire.
16:38 Au passage du phare à Sainte-Marie, tout le monde avait dégobillé le repas précédent.
16:45 Michel Crispineau est le représentant permanent à Alger de la SNCM,
16:50 la compagnie française de transport.
16:52 Il fut un des premiers à revenir après la guerre et est aujourd'hui un des derniers à rester.
16:58 J'ai donc été démobilisé, j'ai embarqué à Bonne, Libérable, le 5 juillet 1962,
17:07 le jour de l'indépendance.
17:10 Et lorsque je suis arrivé à Marseille, mon employeur m'a proposé une place à Alger,
17:14 que j'ai rejoint le 17 juillet 1962, soit 12 jours après ma démobilisation.
17:20 Installé depuis 20 ans à Alger, il a essayé de rentrer en France, mais la greffe n'a pas pris.
17:32 L'Algérie lui manquait. Un discours inattendu, mais tout compte fait.
17:37 Je suis issu des quartiers populaires de Marseille, où il y avait une joie de vivre,
17:41 une façon de vivre qui se rapproche beaucoup des ateliers algériens aujourd'hui.
17:45 Chez moi c'est fini, on a été manégé par le progrès, les jeunes du quartier ne se connaissent plus.
17:51 Ici ça existe toujours ça.
17:53 La Casbah, Bab el Oued, la place des trois horloges, même en taxi, les pieds noirs reconnaîtront.
18:07 11 heures, le Liberté, fleuron de la SNCM, est annoncé à l'entrée du port.
18:14 5 heures d'escale pour le paquebot aussi grand que les immeubles.
18:27 Un bateau va partir d'Alger et les souvenirs affluent.
18:32 Juillet 62, d'autres passagers, une autre histoire.
18:38 "J'ai quitté mon pays, j'ai quitté ma maison, ma vie, ma triste vie se traîne sans raison.
19:06 J'ai quitté mon soleil, j'ai quitté ma mer bleue, leurs souvenirs se réveillent bien après mon adieu.
19:24 Soleil, soleil de mon pays perdu, des villes blanches que j'aimais, des filles que j'ai jadis connues.
19:36 J'ai quitté une amie, je vois encore ses yeux, ses yeux mouillés de peluche.
19:54 De la pluie, de la nuit..."
19:57 "Moi ça me fait toujours quelque chose, je sais pas si je peux dire ça, mais moi ça me fait toujours une impression de gâchis.
20:09 Parce que c'est une ville magnifique, il y a quelque chose qu'on a perdu là, qu'on a loupé.
20:16 Nous avons loupé, eux aussi ils ont loupé quelque chose, c'est un peu triste.
20:20 Alors je ne peux pas m'empêcher d'avoir ce sentiment chaque fois que je viens à Alger.
20:24 Je viens souvent, ça fait rien, ça me fait toujours un peu ça."
20:27 Le commandant Lefau, breton, traverse la Méditerranée depuis 30 ans.
20:33 Les marins de cette ligne n'ont pour la plupart jamais mis le pied en Algérie.
20:37 Marseillais ou corses souvent, ils ont quand même appris par force l'arabe en gardant leur accent.
20:43 "Elle est ça, ça veut dire le premier service.
20:46 C'est la même table.
20:50 Bon il y a les kiff-kiff, tout ça, tous les machins comme ça.
20:53 La femme, c'est la femme.
20:56 Les 10 premiers chiffres arabes.
21:12 Plus ou moins bien reçus à leur arrivée à Marseille,
21:15 les Algériens, pourtant installés depuis longtemps,
21:18 suscitent toujours autant de controverses et de polémiques, même parfois par habitude.
21:22 "J'imagine qu'à Marseille, si on leur casse trop les couilles,
21:27 quand on les emmerde trop, imaginons par exemple qu'on les déplace
21:30 du centre-ville où ils sont, où c'est vachement facile d'accès, c'est à 500 mètres du port de Marseille.
21:35 Les mecs ils vont se casser à Barcelone ou à Gênes,
21:38 ça va faire drôle après aux gens qui sont inconscients, qui ne connaissent pas les réalités.
21:43 "Marseille c'est toute autre chose.
21:47 Il y avait des bateaux partout, partout, partout.
21:50 S'il n'y aurait pas les bateaux algériens, les bateaux de la SNCM,
21:53 et quelques compagnies annexes,
21:56 des gens qui font des lignes régulières,
21:59 ce qui reste une ligne régulière sur la Corse, c'est sur l'Algérie et la Tunisie,
22:02 Marseille il ne reste plus rien, ça ça fait peine aussi quand même.
22:05 "Musique"
22:31 Retour sur le port de Marseille et Ascale sur un parking un peu spécial.
22:36 Là, des Algériens venus par le bateau passent quelques nuits et quelques jours,
22:41 et parfois quelques semaines.
22:44 Ils sont venus exprès d'Algérie réparer leur voiture,
22:47 poussés par le manque de pièces, et dorment sous les étoiles pour économiser l'hôtel.
22:51 La voiture rafraîchit, ceux-là repartiront,
22:54 avec comme seul souvenir un peu de cambouis sur les mains.
22:59 J'ai tout fait, le moteur, la boîte, le capot, la main, les portes,
23:04 enfin tout, la suspension avant et arrière, il m'a fallu six jours.
23:08 "Musique"
23:27 C'est la mille fois que je suis venu en France, depuis... depuis X-temps.
23:33 Je connais bien la France.
23:35 - Vous êtes venu mille fois vous dites ?
23:39 - Oui, à peu près mille fois, oui.
23:42 Je viens souvent en France.
23:45 Moi je suis en retraite, alors je voyage.
23:48 Si je ne gagne pas, je me promène.
23:51 Et mon plaisir c'est faire la soupe, c'est faire le truc, moi-même.
23:56 - Qu'est-ce que vous vous êtes préparé là, aujourd'hui ?
23:59 - C'est des haricots blancs, avec des têtes de mouton.
24:03 Parfois sur le parking, un conducteur débarqué avec une carcasse irréparable
24:10 l'abandonne après avoir trouvé une autre voiture du même type.
24:14 A l'autre bout du port, on entend parfois depuis les quais l'appel à la prière.
24:23 Dans une usine désaffectée, la grande mosquée de Marseille s'est installée.
24:28 Aujourd'hui, vendredi après-midi, 1500 fidèles sont venus pour la grande prière.
24:34 - Allahu akbar
24:38 - Allahu akbar
24:44 - Parce que Marseille est devenue une ville des villes d'Alger.
24:52 Il n'y a pas de différence entre Marseille et Alger.
24:55 Pas dans les traditions, ni dans les traditions,
24:58 car il y a une grande fusion entre les marseillais et les algériens.
25:05 - Personnellement, quand je suis à Marseille, je ne sens pas de différence entre Alger et Marseille.
25:10 Je vis parfaitement ici, comme si j'étais là-bas.
25:12 Je vois beaucoup de ressemblances entre la mentalité marseillaise et ce qui se passe à Alger.
25:18 - A la fois, ce sont deux villes assez similaires, qui ont beaucoup de points communs,
25:22 qui ont un passé commun aussi, ce qui est très important.
25:25 Donc de ce point de vue-là, il y a une attirance réciproque.
25:29 Puis à la fois, il y a eu tant de conflits, tant de malentendus,
25:32 qu'il y a aussi un aspect conflictuel, et parfois plus,
25:38 un aspect de haine qu'on ne peut pas nier.
25:40 Or tout cela, je crois qu'il va falloir le recomposer dans les années qui viennent.
25:44 Mais il est facile de recomposer avec la raison.
25:47 Il est plus difficile de recomposer avec la passion.
25:50 Dans le centre-ville, juste au pied de la gare,
25:55 une statue de femme nue s'appelle "Colonie d'Afrique".
26:00 De l'autre côté de la mer, il n'y a plus de colonies, mais il y a toujours l'Afrique.
26:05 De tout temps à jamais, Marseille a tiré sa richesse de ses échanges,
26:11 même si les passions lui ont fait croire le contraire.
26:14 Qu'on le veuille ou non, Marseille, à vol d'oiseaux,
26:18 sera toujours plus près d'Alger que de Paris.
26:21 [Musique]
26:49 Voilà, on va quitter...