“24h sur un brancard, c’est pas long dans certaines urgences”. Pierre Schwob Tellier, infirmier urgentiste depuis 11 ans, revient sur les raisons de la crise des urgences et lance un appel à l’aide.

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00:00 On a quand même beaucoup d'accidents qui se passent actuellement dans les urgences de façon assez répétitive
00:03 et c'est à peu près toujours la même chose.
00:05 C'est généralement des patients qui sont retrouvés décédés par manque de Perceval
00:08 parce que les délais d'attente et les délais de prise en charge sont extrêmement longs.
00:12 Je suis infirmier aux urgences depuis 11 ans.
00:15 J'essaye de faire du mieux que je peux pour faire mon métier.
00:18 Après, on est limité par les moyens et par le manque de lits d'hospitalisation principalement,
00:22 qui nous conduisent à faire des choix qui sont parfois proches de la maltraitance pour les patients.
00:26 Quand on a 20 patients à coucher et qu'on a un service qui est constitué de 10 lits,
00:31 il va falloir faire un tri.
00:32 Effectivement, c'est un tri un petit peu maltraitant dans le sens où
00:35 il y aura 10 personnes qui vont être couchées dans un lit
00:37 et il y en aura 10 autres qui vont rester sur un brancard.
00:38 Toutes les études le prouvent, quand vous restez allongé sur un brancard pendant plus de 24 heures,
00:42 vous augmentez votre risque de mortalité.
00:44 Quand vous avez plus de 75 ans et que vous restez plus de 5 heures allongé sur un brancard,
00:47 votre risque de mortalité et de comorbidité en tout cas augmente
00:50 et la durée d'hospitalisation augmente.
00:52 En fait, c'est un cercle un petit peu vicieux puisque
00:54 plus on garde les gens sur des brancards aux urgences,
00:56 plus leur durée derrière d'hospitalisation va s'allonger,
00:58 plus ça va retarder derrière la possibilité d'hospitaliser d'autres personnes qui se présentent aux urgences.
01:03 Enfin, 24 heures sur un brancard, très clairement, dans certaines urgences, ce n'est pas long.
01:06 En 2019, on avait relevé, je crois, Saint-Etienne,
01:08 c'était un grand-père qui était resté pendant 5 jours sur un brancard.
01:11 On fait l'hospitalisation dans les urgences puisqu'il n'y a pas de lit d'hospitalisation,
01:14 donc on fait les traitements et les soins au sein des urgences
01:17 et on devient le plateau technique des services d'aval
01:21 qui n'ont plus de place pour accueillir leurs patients.
01:23 Donc cette triple activité fait qu'aujourd'hui,
01:25 les services d'urgence sont un petit peu en train de déborder
01:28 et oui, il y a des conséquences, oui.
01:30 C'est vrai, il manque effectivement des soignants.
01:32 Après, on n'a rien fait pour retenir les soignants.
01:34 Toutes les actions qui ont été faites ont été des actions dites d'attractivité,
01:37 mais absolument pas de fidélité des professionnels.
01:40 Donc on a énormément de professionnels qui s'en vont
01:42 et aujourd'hui encore, l'espérance de vie professionnelle d'un soignant est en train de baisser.
01:46 De toute façon, c'est un petit peu l'objectif,
01:47 garder des personnes au début de carrière très peu de temps parce qu'ils ne coûtent pas très cher.
01:52 S'il fallait désigner un ou deux responsables, vous désignerez qui ?
01:56 Les politiciens et les médecins.
01:57 Tout ce qui est en train de se passer dans le monde médical,
01:59 enfin dans le monde de la santé en tout cas, ça a été demandé par des médecins.
02:02 La tarification de l'activité, elle a été faite par un médecin.
02:05 Alors il faut bien imaginer que dans le monde médical, tous les médecins ne sont pas égaux.
02:08 Il faut aller voir, du côté des professeurs, des grands, ce qu'on appelle les mandarins,
02:11 mais c'est des gens qui en soi ne sont plus du tout dans les services,
02:14 ils sont déconnectés, ils ont une vision de la santé quitte à dix à cinquante ans,
02:17 ils ont un fonctionnement qui est un peu patriarcal,
02:20 notamment avec les soignants, ils ont laissé faire des choses sur le maladie réel
02:22 et sur l'image qu'on avait de nous qui était beaucoup plus destructrice.
02:25 Il faut bien comprendre que la souffrance des soignants, c'est un tabou.
02:28 Ça n'existait pas avant qu'on en parle, ça n'était pas reconnu,
02:31 et puis même c'était au-delà de ça,
02:33 c'est-à-dire que quand quelqu'un disait qu'il avait de la souffrance,
02:35 en réalité on lui disait que simplement ce métier n'était pas fait pour lui.
02:38 On voit qu'il y a une omerta totale,
02:39 il y a une puissance de ces mandarins et de cette philosophie médicale
02:42 qui est absolument incroyable.
02:44 Je ne suis pas sûr que l'hôpital public s'effondre en tant que tel.
02:46 Il y en a beaucoup qui pensent que l'hôpital public s'effondrera
02:48 en même temps que la sécurité sociale.
02:49 Après derrière, je pense qu'on va retourner sur un hôpital public
02:52 où ça sera réservé si vous voulez, à une partie de la population
02:56 soit qui n'a pas les moyens,
02:57 soit comme je le disais au début, qui ont des pathologies
02:59 qui ne sont pas prenables dans le service privé parce que beaucoup trop chères.
03:03 Si vous devez vous faire greffer un foie ou un organe,
03:07 les prix sont tels, il faut les blocs, il faut les opérations, il faut l'avion,
03:11 c'est des prix qui dépassent parfois des millions.
03:14 Donc ça, aucun hôpital privé ne le prendra en charge.
03:17 Forcément, un hôpital public et une force publique pourra prendre en charge de ça.
03:20 On se rend dénoncé avant le Covid, en réalité aujourd'hui, c'est en train de s'accélérer.
03:24 On n'est pas du tout dans un objectif, en tout cas,
03:26 de redonner un second souffle à l'hôpital public.
03:29 En cinq ans, on a eu cinq ministres de la Santé.
03:31 La politique de fermeture de lits continue malgré tout,
03:33 malgré les discours et les promesses de nos dirigeants.
03:36 *BIP*

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