Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs organisée à l’Elysée lundi, le chef de l’Etat a défendu le maintien en poste de l’ambassadeur à Niamey, alors que la France ne reconnaît pas la prise de pouvoir par les militaires, qui demandent son départ. Le Chef de l'Etat français dénonce la diabolisation de les différentes missions de son pays en afrique.
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00:00 La France est intervenue dès 2013
00:02 parce que des Etats nous ont demandé d'intervenir
00:04 parce qu'ils étaient en train d'être simplement coupés en deux.
00:09 Si la France n'était pas intervenue,
00:11 si nos militaires n'étaient pas tombés au champ d'honneur
00:14 en Afrique,
00:15 si Serval puis Barkhane n'avaient pas été décidés,
00:18 nous ne parlerions pas aujourd'hui ni de Mali,
00:20 ni de Burkina Faso, ni de Niger.
00:23 Ces Etats n'existeraient plus aujourd'hui
00:25 dans leurs limites territoriales.
00:27 Je peux vous le dire avec certitude.
00:29 Et donc quand j'entends parfois même
00:32 des responsables politiques français
00:34 nous expliquer que Barkhane serait une défaite,
00:36 je dis, ne prenez pas les arguments de l'ennemi,
00:41 parce qu'à ce moment-là, vous desservez tout le monde,
00:44 vous vous rendez un drôle d'hommage à nos militaires.
00:46 Et donc il faut avec beaucoup de force défendre
00:49 le bien-sondé de ces opérations.
00:53 Nous sommes allés aider des pays amis et partenaires
00:57 à défendre leur sol et à lutter contre le terrorisme chez eux.
01:00 C'est un reproche qu'il faut nous faire ?
01:03 C'est mal d'avoir fait ça ?
01:05 De grâce, non.
01:09 Et donc, oui, nous devons être exigeants,
01:10 repenser des partenariats nouveaux
01:11 et ne céder à aucune forme de paternalisme contemporain.
01:14 Je vais y revenir dans un instant sur notre politique africaine.
01:17 Enfin, il ne faut pas commencer à tout inverser
01:19 et à considérer que maintenant,
01:20 on ne pourrait plus aller aider un Etat
01:22 qui veut défendre l'ordre chez lui sur une base légale,
01:26 et c'est le cadre dans lequel nous sommes intervenus,
01:27 nous, dans la région.
01:29 Demande souveraine, demande de la CDAO.
01:31 Nous sommes en train de changer ce cadre.
01:32 Je vous renvoie au discours que j'ai tenu ici
01:34 en février dernier. Pourquoi ?
01:37 D'abord, parce qu'il ne faut pas rester trop longtemps
01:39 à lutter contre le terrorisme,
01:41 mais parce que la nature de ce conflit change,
01:43 parce que la nature même du terrorisme
01:45 est en train de changer dans toute la région,
01:47 parce qu'on voit une montée du fait ethnique,
01:48 parce qu'il y a une crise, au fond, politique et économique
01:51 qui s'installe au Sahel et qui est en train d'installer
01:55 et, en quelque sorte, de créer dans la durée une crise
01:59 dont les nouvelles formes de terrorisme sont une conséquence.
02:04 Et donc, il était tout à fait pertinent
02:05 d'avoir l'action que nous avons conduite,
02:07 mais elle ne peut pas durer sous la même forme.
02:09 Elle doit être adaptée.
02:10 C'est ce que nous avons d'ailleurs décidé il y a quelques années
02:14 dans un premier réajustement de notre dispositif,
02:16 ce que nous avons décidé en début d'année
02:19 par une politique de réaménagement de toutes nos bases,
02:21 d'allègements et de partenariats,
02:23 et c'est ce que nous sommes en train de faire
02:25 et sur lequel nous irons encore plus loin
02:26 dans les prochains mois.
02:28 Pourquoi ? Parce qu'une présence stable
02:30 posée en quelque sorte sur le plan militaire
02:32 est un argument utilisé par nos ennemis
02:34 dans le cadre de la lutte informationnelle
02:36 pour nous fragiliser,
02:38 alors même que le coeur de la réponse
02:40 doit être politique par les Etats africains,
02:43 et donc la France ne peut pas être un substitut,
02:45 et la réponse militaire ne peut pas être quelque chose
02:48 qui se substitue à la réponse politique.
02:50 Et donc, ça doit d'abord être une réponse politique,
02:53 notre présence militaire doit, en fait, se structurer
02:56 sur la base de partenariats demandés par les pays africains,
03:00 qu'il s'agisse de formations, d'équipements, etc.,
03:03 et donc nous repensons totalement le cadre de ce partenariat,
03:06 totalement, y compris sur les capacités militaires
03:09 que nous livrons, y compris sur les formations
03:11 que nous avons rouvertes.
03:12 Et dans le cadre de la loi de programmation militaire,
03:15 le ministre et le Sénat m'ont proposé
03:17 un schéma totalement différent
03:19 sur lequel nous allons aller encore plus loin.
03:21 Mais il est indispensable de poursuivre ce chemin
03:23 avec, là aussi, de nouveaux partenaires.
03:27 Le Bénin, pour n'en citer qu'un, dans la région du Golfe de Guinée,
03:30 le Kenya, avec lequel aussi nous bâtissons
03:32 de nouvelles opérations régionales,
03:33 et en nous appuyant sur des forces régionales
03:38 permettant d'assurer la sécurité.
03:42 Sur le cas du Niger,
03:43 c'est exactement ce que nous sommes en train de faire.
03:46 Alors, si vous me permettez, au-delà de cette doctrine d'ensemble,
03:50 de revenir sur ce que nous avons vécu cet été.
03:53 C'est un coup d'Etat
03:56 contre un président démocratiquement élu,
04:00 venant d'une ethnie minoritaire,
04:02 qui a mené des réformes courageuses,
04:05 économiques, politiques, sur tous les plans pour son pays,
04:09 qui clarifie à peu près tous les domaines,
04:11 qui est engagé sur tout l'agenda international
04:13 qui est le nôtre et celui des Nations unies,
04:16 et qui est pris en otage dans le palais présidentiel
04:19 par des poutchistes depuis maintenant un mois.
04:23 Alors, on a dit que la France était trop engagée
04:24 en soutien au président Bassoum.
04:26 J'entends les gazettes, je lis le commentaire,
04:27 parfois des autres capitales.
04:31 Mais on ferait quoi si un coup d'Etat comme ça
04:32 se passait en Bulgarie ou en Roumanie ?
04:35 On aurait dit... On irait dire qu'il ne faut pas trop s'engager.
04:39 On va regarder, parce que les poutchistes
04:40 nous ont proposé à un Premier ministre,
04:42 voilà, on va s'engager, c'est ça, la bonne politique.
04:44 Il ne faut pas être jusqu'au boutiste, on n'est pas chez nous.
04:48 C'est ça, ce que veulent faire les autres capitales.
04:51 Et on voudrait dire que la démocratie
04:52 est une idée qui est bonne pour l'Afrique,
04:53 on ne fait pas de double standard.
04:56 C'est inadmissible.
04:58 On a un homme intègre, démocratiquement élu, courageux,
05:02 courageux parce que pour la 1re fois dans un tel cadre,
05:05 il ne démissionne pas au péril de sa vie et de celle de sa famille,
05:09 et on nous explique que la bonne politique aujourd'hui,
05:11 ce serait de le lâcher, parce que c'est devenu à la mode,
05:15 parce qu'en fait, il faudrait produire local, maintenant,
05:18 même quand ce sont des putschistes.
05:20 Et de Washington en passant par d'autres capitales européennes,
05:23 j'ai entendu des voix, j'ai écouté des journaux,
05:25 j'ai lu des tribunes qui nous expliquaient,
05:27 "N'en faites pas trop, ça devient dangereux."
05:30 Ca devient dangereux.
05:32 Non, on doit être clair, cohérent.
05:35 Cohérent, sinon qui nous écoutera ?
05:38 Dans quelle capitale africaine on peut dire
05:39 qu'on a une politique de partenariat avec un dirigeant
05:42 si quand ils subissent là, on ne peut pas être en soutien ?
05:46 Donc je pense que notre politique est la bonne.
05:47 Elle repose sur le courage du président Basoum,
05:49 sur l'engagement de nos diplomates,
05:51 de notre ambassadeur sur le terrain,
05:52 qui reste, malgré les pressions, malgré tout,
05:55 et malgré toutes les déclarations d'autorité illégitime,
05:58 grâce à l'engagement de nos forces de sécurité intérieure
06:00 et de nos militaires.
06:01 Maintenant, il faut être clair, nous ne sommes pas engagés,
06:06 et il ne faut pas céder à un narratif
06:08 utilisé par les putschistes qui consisterait à dire
06:10 "Notre ennemi est devenu la France."
06:12 Le problème des Nigériens aujourd'hui
06:14 ce sont des putschistes qui les mettent en danger
06:16 parce qu'ils abandonnent la lutte contre le terrorisme,
06:18 parce qu'ils abandonnent une politique
06:19 qui était bonne économiquement pour eux
06:21 et qu'ils sont en train de perdre
06:22 tous les financements internationaux
06:23 qui étaient en train de leur permettre
06:25 de sortir de la pauvreté.
06:26 C'est ça, la réalité.
06:27 Et si on ne le dit pas nous avec courage, qui le dira ?
06:31 Donc nous devons poursuivre cette politique avec fermeté,
06:34 sortir des mensonges et des facilités.
06:36 Et donc notre politique est simple.
06:38 On ne reconnaît pas les putschistes.
06:40 On soutient un président qui n'a pas démissionné
06:44 aux côtés duquel nous restons engagés.
06:46 Et nous soutenons l'action diplomatique
06:48 et, quand elle le décidera, militaire de la CDAO
06:51 dans une approche de partenariat
06:53 qui est celle que j'ai présentée en février dernier.
06:57 Ni le paternalisme, ni la faiblesse,
07:00 parce que sinon, on n'est plus nulle part.
07:04 Et nous devons continuer avec force de le soutenir.
07:07 Et j'appelle tous les Etats de la région
07:10 à avoir une politique responsable
07:11 parce qu'il faut être clair,
07:13 si la CDAO abandonne le président Bassoum,
07:15 je pense que tous les présidents de la région
07:17 sont à peu près conscients du destin
07:19 qui leur sera réservé.
07:22 Et la faiblesse que d'aucuns ont d'ailleurs montré
07:24 à l'égard des putschs précédents
07:26 a nourri des vocations régionales.
07:28 Il y a eu une épidémie de putschs dans tout le Sahel,
07:32 mais qui repose sur quoi ?
07:33 Sur la faiblesse de systèmes militaires,
07:35 sur une insuffisance d'efficacité
07:37 et aussi sur la politique que nous devons conduire
07:41 en soutien avec toute la région.
07:42 Et ça, je reviendrai dans un instant.
07:44 Et donc, je pense que nous devons, sur ce point, être clairs.
07:46 La période est très difficile.
07:48 Elle est surtout difficile pour les Nizériens
07:51 et pour nos postes avancés,
07:53 mais nous devons, avec fermeté, là aussi,
07:56 éviter tout double standard, être sur nos principes
07:59 et avoir cette politique de clarté.