La pollution constitue désormais la pire menace pour notre santé. Notre invité, Bruno Crestani, pneumologue et président de la fondation du souffle revient sur les résultats de cette étude publiée le 29 août par l'institut de politique énergétique à l'institut de Chicago.
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00:00 – Bruno Crestani, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
00:02 Vous êtes là pour parler de cette étude menée par l'Institut de politique énergétique
00:06 à l'Université de Chicago.
00:08 Elle a été publiée hier, on y apprend que la pollution, aujourd'hui,
00:12 est la première menace mondiale pour la santé humaine.
00:14 Alors qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
00:16 Est-ce que ça veut dire que respirer tue ?
00:20 – Alors respirer d'abord, c'est ce qui vous permet de vivre,
00:23 et il ne faut jamais oublier ça.
00:25 Et donc respirer, ça veut dire respirer de l'air pur.
00:28 Si je respire de l'air pollué, effectivement je vais perdre l'espérance de vie.
00:32 C'est ce que montre ce rapport.
00:34 – C'est deux ans d'espérance de vie en moins.
00:35 – En moyenne.
00:37 Alors je voudrais relativiser ça, si vous me permettez.
00:39 – Avec plaisir.
00:40 – Voilà, ça dépend des pays.
00:42 D'accord ? Et donc il y a des pays qui sont extrêmement pollués,
00:45 Chine, Inde, c'est des records incroyables, Bangladesh, incroyable.
00:50 En Europe occidentale, en France en particulier, on est relativement préservé.
00:53 Mais là encore, si je prends la France, c'est très hétérogène.
00:57 Campagne versus ville.
00:58 – Ah, alors justement.
00:59 – Grande ville par rapport à petite ville.
01:01 – Donc quand on est au bord de la mer, on respire mieux, globalement.
01:03 – Oui, globalement, si je suis dans une zone rurale, je respire mieux.
01:06 Mais si je suis au nord de la France ou au sud de la France,
01:08 je vais avoir également plus de risques au nord qu'au sud.
01:12 Je vais prendre un exemple, ici on est à Paris, 15ème.
01:16 Globalement, en moyenne sur Paris, un seuil, un chiffre,
01:19 je vais donner un chiffre, on est aux alentours de 12 microgrammes sur Paris.
01:23 Ok ? Paris Nord, là où je travaille, 18ème, au bord du périph'
01:27 c'est 18 le seuil, le seuil pour la limite pour l'OMS c'est 10.
01:31 Donc vous voyez qu'on est à Paris, on est au-dessus du seuil.
01:33 – On est complètement au-dessus ? – Absolument.
01:35 – Le seuil c'est 10 ans, c'est ça ? – Toute l'année.
01:36 – Et alors qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
01:38 – Ça veut dire que si je respire un air pollué au-dessus de ce seuil,
01:41 j'augmente mon risque de mourir, ce qui est dommage.
01:44 Si je suis un enfant, je respire, j'augmente mon risque d'avoir des maladies chroniques,
01:48 de l'asthme par exemple.
01:49 Si je suis un peu âgé, j'augmente mon risque d'avoir des problèmes cardiovasculaires,
01:54 respiratoires chroniques.
01:56 Et si je suis une femme enceinte, ça augmente mon risque d'avoir un petit bébé
02:00 qui n'est prématuré.
02:01 Donc vous voyez que ce n'est pas bon de respirer un air pollué,
02:03 indiscutablement, même en France, même à Paris.
02:06 – Alors la pollution de l'air, c'est ce que dit l'étude,
02:08 est plus dangereuse aujourd'hui que le tabagisme et la consommation d'alcool.
02:12 Qu'est-ce qui pollue le plus aujourd'hui ?
02:14 – Alors là encore, si vous me permettez, ça dépend des endroits.
02:17 En France, on a totalement atypique,
02:20 27% des hommes continuent à fumer tous les jours en France en 2022.
02:25 23% des femmes, vous allez aux États-Unis ou en Angleterre, c'est moins de 10%.
02:30 Donc en France, le premier tueur, c'est le tabac.
02:33 – Donc d'accord, donc ça, on est préservé.
02:35 – 75 000 morts par an dues au tabac, 48 000 morts, 48 000 dues à la pollution.
02:39 Ce n'est pas négligeable 48 000, c'est trop bien sûr.
02:42 Mais le tabac reste en France le premier tueur.
02:44 – Alors vous, vous êtes pneumologue, chef de service à Bichat,
02:48 est-ce que vous avez vous-même constaté un changement dans votre service ?
02:50 Est-ce qu'il y a de plus en plus de maladies liées à cette pollution ?
02:53 – Alors je dirais qu'il y a d'abord des maladies que je vois diminuer
02:56 parce qu'on soigne beaucoup mieux un certain nombre de maladies.
02:58 Et par contre, les données épidémiologiques sont très claires,
03:01 il y a des maladies qui augmentent.
03:02 L'asthme, ça a augmenté de façon considérable dans les 30 dernières années
03:06 dans l'Europe occidentale et en France et à Paris.
03:09 – Chez les enfants et chez les adultes.
03:10 – Chez les enfants, chez les adultes.
03:11 Et ça, c'est clairement lié à la pollution, il y a d'autres facteurs,
03:15 mais c'est clairement lié à la pollution, on a pu le démontrer de façon claire.
03:18 Il y a aussi des maladies qui augmentent,
03:19 une maladie relativement rare, personne ne la connaît,
03:22 la fibrose pulmonaire, au-delà de 75%,
03:24 c'est presque 1% des adultes qui vont être atteints.
03:28 On voit une explosion de cette maladie dans le monde entier, y compris en France.
03:31 Et ça, on pense que c'est aussi lié à la pollution.
03:34 Et enfin, dernière chose, si on arrêtait de fumer,
03:37 il resterait encore quelques cancers du poumon.
03:39 90% des cancers du poumon chez les non-fumeurs, c'est la pollution.
03:43 Et ça, ça existe, c'est une vraie réalité que je vois tous les jours dans mon service.
03:47 Ça impacte aussi beaucoup les enfants, vous en parliez,
03:49 il y a eu une épidémie de bronchiolite cet été, c'était apparemment énorme.
03:54 Est-ce que c'est lié à cette pollution ?
03:55 Alors cet été, on a eu quelque chose d'assez particulier,
03:59 c'est qu'il y a des virus qui circulent.
04:00 La première cause de bronchiolite chez l'enfant, ce sont les virus,
04:03 chez l'adulte également, ça peut toucher également les adultes, dont le VRS.
04:07 Et c'est clair que ça, c'est potentialisé par la pollution.
04:11 Et encore plus s'il y a de l'allergie.
04:13 Alors si vous mettez ensemble virus + pollen + pollution,
04:17 et bien là, c'est l'explosion et c'est ça qu'on voit
04:19 et qui fait que les urgences sont pleines,
04:21 les consultations des pédiatres et des médecins généralistes.
04:24 Alors Bruno Crestani, quelles sont les solutions ?
04:26 Comment on améliore cette situation ? Comment on respire mieux ?
04:28 D'abord, il faut se rendre compte qu'on respire mieux
04:31 parce que la pollution diminue.
04:33 Même à Paris, les chiffres sont clairs.
04:36 Dans les 15 dernières années, les mesures qui ont été prises,
04:39 ça s'améliore pour les particules fines en France.
04:43 Et là où on vit tous, ça s'améliore parce qu'on a pris des mesures.
04:48 Des mesures qui ne font pas plaisir.
04:49 Effectivement, ça ne me fait pas plaisir de ne pas pouvoir venir
04:51 avec ma voiture dans le centre de Paris.
04:53 Mais en fait, il y a moins de pollution.
04:54 Donc c'est quoi ? C'est moins de voitures ?
04:54 Moins de voitures, c'est très clair.
04:56 Moins de diesel parmi les voitures.
04:59 Du chauffage avec plutôt du gaz ou de l'électricité que du fuel
05:04 parce que malheureusement, ça pollue le fuel.
05:07 Donc ça, c'est des choses qu'on peut faire tous,
05:09 pas seulement les autres, c'est tous.
05:12 Donc ça, c'est des points très importants sur lesquels on peut tous agir.
05:17 Si je peux quand même insister, et arrêter de fumer.
05:21 Oui, surtout.
05:22 Et surtout arrêter de fumer.
05:23 Alors, les masques anti-pollution, ça marche ?
05:25 Alors, les masques anti-pollution, il faut faire un peu attention
05:27 à ce qu'on entend par masque anti-pollution.
05:29 On a vécu le Covid tous ensemble dans les trois dernières années.
05:32 On a vu que les masques, ça protégeait contre les virus.
05:35 Donc ça protège contre certaines particules.
05:38 Attention, les plus petites particules,
05:40 celles qui vont pénétrer dans votre poumon,
05:42 passer dans la circulation, abîmer vos artères,
05:45 celles-là ne vont pas être arrêtées par les masques habituels.
05:48 Donc ça peut marcher, mais pour que ça marche vraiment bien,
05:52 il faudrait que ce soit tellement hermétique
05:54 qu'en fait vous ne pourriez plus marcher, faire du sport.
05:57 Donc vous voyez la limite.
05:58 Alors, est-ce qu'il y a des fonds nécessaires pour lutter contre la pollution ?
06:01 Alors, il n'y a jamais assez de fonds nécessaires pour lutter contre la pollution.
06:05 Et d'ailleurs, c'est une des remarques de ce rapport, c'est extrêmement intéressant.
06:08 Quels sont les pays les plus pollués aujourd'hui ?
06:10 Ce sont les pays les plus pauvres en réalité.
06:12 Donc des pays où justement, il y a très peu d'investissements
06:15 pour lutter contre la pollution.
06:16 Donc là, il y a une espèce de déséquilibre,
06:18 beaucoup de pollution, peu d'investissement.
06:20 Et donc là, il faut modifier cet équilibre.
06:22 Mais même dans nos pays, il y a clairement besoin de financer mieux
06:28 la recherche sur ces effets de la pollution
06:31 et sur les systèmes de prévention.
06:33 Merci beaucoup, le message est passé.
06:35 Merci Bruno Crestani d'avoir été avec nous.
06:37 Je rappelle que vous êtes chef de service pneumologie de l'hôpital Bichat
06:40 et également président de la Fondation du Souffle.
06:42 Oui, soutenez la Fondation du Souffle si je peux me permettre.
06:45 On l'a noté, merci.
06:48 Je vous pose une petite question personnelle.
06:49 Quand on fait du vélo dans une ville comme Paris,
06:51 est-ce qu'on se met en danger ?
06:52 On dit que ça nous met en forme,
06:55 mais est-ce que de notre côté, on se met en danger ?
06:57 Alors c'est sûr que si vous faites du sport et notamment faire du vélo,
07:01 vous allez augmenter votre ventilation.
07:03 Si vous vous respirez de l'air pollué,
07:05 vous allez effectivement vous exposer à de la pollution.
07:08 Donc oui, évitez de faire du sport sur des axes très riches en voitures
07:16 et notamment lors des pics de pollution.
07:17 Inversement, si tous ceux qui sont dans leur voiture prenaient leur vélo,
07:21 vous voyez le bénéfice, il serait absolument colossal.
07:24 Thomas Soto, il prend son vélo lui.
07:26 Bravo Thomas.
07:27 Quand j'arrive à trouver ma vélibe.