Thème du débat : Gabon, Niger, Ukraine, l'été où la diplomatie française a vacillé ? Débatteurs : Dominique de Villepin, ancien Premier ministre face à Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires Etrangères. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-31-aout-2023-1096491
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00:00 Après le Mali, le Burkina Faso, le Niger cet été, c'est hier le Gabon qui a subi
00:05 un coup d'État militaire renversant Ali Bongo au pouvoir depuis près de 15 ans et
00:10 fraîchement réélu mercredi dernier.
00:13 Que se passe-t-il au Sahel et quelle est la voie de la France dans cette région ? A-t-elle
00:18 seulement encore une voie ? On en débat ce matin avec deux invités de premier plan,
00:25 ils furent l'un et l'autre ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine et
00:30 Dominique de Villepin qui fut aussi Premier ministre.
00:33 Bonjour à tous les deux et merci d'être là ce matin et particulièrement ce matin
00:37 à l'aune de l'actualité brûlante.
00:39 Nicolas le rappelait, Emmanuel Macron a déploré donc une épidémie de poutches en Afrique
00:43 ces derniers mois.
00:44 Expliquez-nous ce qui se passe, pourquoi les régimes d'Afrique francophone tombent les
00:47 uns après les autres, même s'il y a évidemment des spécificités et que ce n'est pas la
00:51 même situation dans chaque pays.
00:52 Dominique de Villepin, éclairez-nous, qu'est-ce qui se passe en Afrique ?
00:56 Il y a en Afrique un profond ressentiment vis-à-vis de la France, une profonde suspicion
01:06 qui est nourrie par un certain nombre d'éléments et au premier chef bien sûr la relation post-coloniale
01:13 de ces pays africains avec la France.
01:16 Tout cela a été activé dans les dernières années par la militarisation de notre politique,
01:22 depuis l'intervention française en Libye en 2011, puis les interventions au Mali et
01:29 au Sahel.
01:30 S'y ajoute par ailleurs le sentiment souvent d'un double discours, on le voit sur la démocratie,
01:36 puisque le traitement réservé aux États n'est pas le même, selon qu'on est le
01:40 Tchad ou que l'on est le Mali ou la Guinée.
01:43 Et il y a par ailleurs du côté de l'Ukraine, alors là ça a été un choc pour beaucoup
01:51 de pays africains de constater à quel point il y avait deux points de mesure, un intérêt
01:56 très fort de l'Europe et de la France pour ce qui se passait à l'Est et un désintérêt
02:00 relatif pour ce qui se passait au Soudan, en Éthiopie et dans beaucoup d'autres régions
02:06 de l'Afrique.
02:07 Et il y a un deuxième élément, c'est le sentiment du côté des sociétés africaines
02:14 d'un éloignement de la France et à partir de là une coagulation de l'ensemble des
02:18 couches sociales contre la France.
02:20 Les plus défavorisés ne voient pas leur source améliorée, les classes moyennes sont
02:24 très soucieuses de souveraineté et donc condamnent les attitudes de la France et les
02:28 classes dirigeantes se servent de la France comme bouc émissaire, tout cela avec une
02:32 jeunesse connectée.
02:33 Pourquoi c'est la faute de la France tout ça ?
02:34 Parce que d'abord les promesses ou les attentes n'ont pas été satisfaites.
02:41 Depuis 2013, la lutte contre le terrorisme n'a pas permis de redonner la pleine stabilité,
02:49 si le président Macron a eu raison de rappeler qu'en partie cette stabilité avait été
02:53 maintenue mais néanmoins l'amélioration de ces sociétés ne s'est pas fait sentir
02:57 du côté des populations.
02:58 Et un dernier élément que je veux mentionner dans les reproches ou dans les évolutions
03:02 qui pèsent sur ce regard vers la France, c'est la mondialisation de l'Afrique.
03:06 Le fait que l'Afrique aujourd'hui est mondialisée, il y a une ruée vers l'Afrique, la position
03:11 de la France évidemment est aujourd'hui beaucoup plus relative.
03:13 - Hubert Védrine, votre lecture et votre analyse de ce qu'Emmanuel Macron a donc appelé
03:18 cette épidémie de putsch ?
03:20 - Ma lecture n'est pas différente.
03:22 En réalité, je commençais par rappeler qu'ils sont indépendants depuis 60 ans.
03:27 Ce sont des pays indépendants.
03:29 Donc ce que la France fait dans ces pays depuis, bien ou mal, à tort ou à raison, c'est
03:35 à leur demande.
03:36 A leur demande.
03:37 Il faut avoir ça en tête.
03:38 Comme le disait le président Obama plusieurs fois en Afrique, président Obama, ces pays
03:43 sont indépendants depuis très longtemps, il faut qu'ils arrêtent de raconter que
03:46 leurs problèmes sont liés à un très lointain passé.
03:48 Ils sont responsables.
03:49 Ça c'est la première chose.
03:51 - Vous êtes d'accord avec ça ? Juste pour savoir, sur ce premier point, vous êtes d'accord
03:56 qu'ils sont responsables, il faut qu'ils arrêtent de mettre la faute sur la France ?
03:59 - Oui, sauf que nous sommes tombés dans un piège que nous n'avons pas su éviter.
04:03 - Oui, mais c'est pas incompatible.
04:04 - Oui, mais c'est important.
04:06 - J'ajouterais à la chose, c'est que au moment des décolonisations, qu'on a oubliées,
04:12 on aurait tort d'avoir honte de ce qui s'était passé entre la France et Senghor, la France
04:16 et Oufouette-Boigny, c'est-à-dire les gens à l'origine qui demandaient que la France
04:19 reste, pour les dispenser d'avoir affaire à des armées qui feraient des putschs.
04:23 Bon, ça c'est la toute première période, bien avant même la France-Afrique, qui a
04:28 été critiquée à juste titre, qui a alors disparu depuis belle durée, puisque plus
04:31 personne en France ne connaît l'Afrique.
04:33 Mais j'ajouterais que les Anglais, au moment de la décolonisation, sont partis, on dit
04:37 on s'en fiche de la suite.
04:39 Les Belges ont laissé une situation monstrueuse au Rwanda, Burundi, République du Congo,
04:44 etc.
04:45 Tout le monde a oublié.
04:46 Les Portugais ont laissé des guerres civiles en Angola, Mozambique, plus personne ne parle
04:51 d'eux.
04:52 Alors la France est piégée par elle-même, le côté "on est resté", j'en demandais,
04:57 on a coopéré, le côté un peu brafie, un peu idiote, vous voyez, qui est resté comme
05:01 ça.
05:02 Donc on prend dans la figure tout le mouvement de désoccidentalisation, qui est à l'œuvre
05:08 dans le monde globalement.
05:09 On voit les brics maintenant, mais ça remonte à bien longtemps.
05:12 Et puis on est là, donc on est bouclés.
05:14 Et on est là, vous le dites tous les deux.
05:16 Et voilà pourquoi on est spécialement à la France, vous voyez.
05:18 Oui, pourquoi spécialement à la France, c'est pourquoi on a l'impression qu'effectivement,
05:22 ils nous détestent, ou en tout cas ils nous rejettent.
05:25 La question qu'on a envie de vous poser, et notamment à l'aune de ce qui s'est passé
05:29 cet été au Niger, parce que le Niger, c'était quand même, le président nigérien était
05:33 l'allié numéro un, enfin un des principaux alliés en Afrique d'Emmanuel Macron, de
05:38 la France.
05:39 Qu'est-ce que ça dit ce qui s'est passé ? Le fait qu'il ait été déchu, le fait
05:44 qu'on ait entendu la France dehors, etc.
05:47 Son éviction du pouvoir marque-t-elle le déclin inexorable de la France en Afrique ?
05:52 Est-ce que c'est la fin, quoi ?
05:53 Le risque de l'effet domino est évidemment important, avec une fois de plus des menaces
05:58 différentes.
05:59 Il y a la menace des états faillis, de la malgouvernance, il y a la corruption, il y
06:05 a la menace islamiste, il y a la menace terroriste, il y a la menace d'une conjonction des militaires
06:10 avec l'islamisme.
06:11 Donc nous sommes devant des évolutions qui sont considérables et qui peuvent se développer,
06:17 y compris dans des pays plus importants de l'Afrique de l'Ouest.
06:21 Et donc c'est une menace qu'il faut prendre au sérieux.
06:23 Le piège qui nous est aujourd'hui tendu, c'est que si on se situe du côté des sociétés,
06:28 on s'alliène les gouvernements, qui souvent sont perçus comme illégitimes par ces sociétés
06:32 et inefficaces.
06:33 Et si on se situe du côté des gouvernements, on s'allienne les peuples de ces pays.
06:38 Et le choix que nous avons fait d'avoir comme point d'entrée politique depuis dix ans
06:43 le militaire, les interventions militaires, a considérablement aggravé les choses.
06:48 Et c'est pour ça que je veux vous dire quand même aujourd'hui, tout ce qui se
06:51 passe aujourd'hui était prévisible dès 2013.
06:55 La France s'est mise dans une situation où il n'y avait pas d'issue.
07:01 Et nous n'avons pas cessé de nous embourber, alors même que nous avons perdu contact avec
07:09 une grande partie du Sud.
07:10 Et c'est ça le paradoxe.
07:11 C'est que non seulement aujourd'hui nous nous voyons évincés d'Afrique, mais nous
07:16 perdons contact avec le Sud qui devient un élément dominant du jeu mondial.
07:20 Nous avons choisi de nous occidentaliser depuis Nicolas Sarkozy, depuis 2007.
07:25 Nous n'avons pas poursuivi dans la voie qu'avait initié Jacques Chirac ou continué Jacques
07:31 Chirac de liens extrêmement forts avec le Sud dans le cadre d'une politique arabe,
07:36 d'une politique africaine, d'une politique vis-à-vis de l'Amérique latine, d'une
07:38 politique généreuse en matière de taxes financières.
07:40 Tout ceci s'est arrêté par à la fois le retour dans l'OTAN et la France au moment
07:48 où les autres pays occidentaux se rendaient compte que la politique d'intervention militaire
07:53 était une erreur.
07:54 Eh bien nous, nous avons continué.
07:55 Nous avons continué en Libye, nous avons continué au Mali sans comprendre que cette
08:00 politique d'intervention militaire était perçue par le Sud comme parfaitement illégitime
08:05 et condamnable.
08:06 Parce qu'ils nous le demandaient Dominique de Villepin.
08:07 Parce que le gouvernement malien nous le demandait pour lutter contre les terroristes.
08:10 C'est une chose de faire ce que nous avons toujours fait en Afrique, une intervention
08:14 ponctuelle et quelques mois plus tard de s'en aller, autre chose de s'installer pour 10
08:18 ans sans évidemment avoir les résultats escomptés.
08:21 Vous partagez cette lecture Hubert Védrine et la question vous la repose à vous aussi,
08:25 est-ce que la France a encore une voix ?
08:27 Alors je vais vous décevoir mais je ne suis pas entièrement en désaccord.
08:31 Il y a beaucoup de points que je partage.
08:34 Alors je vais aggraver mon cas Hubert.
08:36 Je pense que ce que nous sommes en train de vivre est l'équivalent sur le plan symbolique
08:40 et politique de la crise de 1956.
08:43 Nous sommes sur le plan symbolique et politique devant une situation qui marque un fort abaissement
08:49 de la France.
08:50 Et malheureusement si nous ne révisons pas notre politique étrangère pour la rééquilibrer
08:57 et vis-à-vis de l'Europe et des Etats-Unis et vis-à-vis du Sud et bien sûr vis-à-vis
09:04 de la Chine, et bien nous risquons de voir une situation se dégrader.
09:07 Ça c'est des conclusions lointaines et il ne faut pas qu'on se mette à parler
09:13 à partir d'une France imaginaire qui n'existe plus en réalité.
09:16 Mais enfin sur l'aspect historique, d'accord.
09:18 Notamment sur un point clé, c'est que la présence française, très légitime de
09:23 tante-ci façon, était trop militarisée à leur demande.
09:26 À leur demande.
09:27 Ils en aient fait un choix.
09:29 Non.
09:30 C'était presque difficile de ne pas répondre à l'appel des dirigeants maliens, au début
09:35 de Hollande, première opération, menace sur Bamako, appuyé par les autres Africains
09:39 puis par l'Union Africaine.
09:40 Mais évidemment il ne fallait pas rester après.
09:42 Mais en tout cas, ce n'est pas le choix de la France.
09:45 Simplement elle s'est laissée engager, embarquer, donc peut-être un peu piégée,
09:49 par une présence militarisée, on l'a dit plus enfin, je suis tout à fait d'accord.
09:53 Il n'y a aucune raison que la présence française en Afrique demain soit militarisée.
09:58 On ne peut pas être la seule puissance au monde qui n'aurait plus de politique en
10:01 Afrique.
10:02 Ça serait grotesque.
10:03 On peut passer d'un extrême à l'autre.
10:04 Mais il n'y a pas de raison que ce soit sous cette forme militaire.
10:07 Donc il faut tout remettre à plat.
10:08 Il faut gérer les crises.
10:09 Il y a encore de la place pour une politique et si oui, laquelle ?
10:12 Toujours.
10:13 De tous les autres volets.
10:14 Économique, culturel, échange humain, linguistique, les entreprises.
10:19 Ils ne sont pas inquiétés.
10:20 Les entreprises françaises, ça peut venir.
10:22 Mais c'est vrai que c'est le côté co-militarisé qui doit être corrigé.
10:27 Les militaires français en sont conscients.
10:28 Tous ceux qui ont été chargés des opérations.
10:31 Mais qu'est-ce qu'il faut faire ?
10:32 Qu'est-ce qu'il faut faire Hubert Védrine, 2002-2005 ?
10:34 Qu'est-ce qu'il faut faire ?
10:35 On a l'impression que chaque année qui passe, on voit un tout petit peu plus le déclin
10:38 de la voix de la France dans le monde et de manière aiguë en Afrique.
10:41 Non, c'est la relativisation du poids des occidentaux, globalement, qui n'ont plus
10:46 le monopole avec les autres qui montent, les émergents, les BRICS, etc.
10:50 Et là, Dominique a raison sur la grande politique qu'il faut par rapport à ça.
10:54 Mais nous...
10:55 Et vous pensez que c'est inéluctable, la lente perte d'influence de l'Occident ?
10:59 Oui, c'est mathématique, c'est statistique, c'est démographique.
11:03 Et donc la place prépondérante de l'Occident sur la scène internationale, pour vous, c'est
11:08 terminé.
11:09 On a perdu le monopole, c'est déjà le cas.
11:11 On n'a pas perdu la puissance et l'influence.
11:13 Donc dans le cas de l'espace, il faut avoir à la fois des raisonnements à long terme
11:16 sur ce qu'il faudrait faire pour reformuler une politique et gérer les crises.
11:19 Ce qu'il faut gérer les crises, d'abord c'est complètement différent.
11:22 Le putsch au Niger et le putsch au Gabon, c'est le contraire exact dans les motivations
11:26 et les déclenchements.
11:27 Il faut gérer avec pragmatisme, beaucoup de sang-froid, le moins de déclarations possibles
11:33 et ne jamais jouer ça que de façon franco-française.
11:36 Il y a la CDAO, il y a les autres européens, il y a les autres occidentaux.
11:40 Donc je pense qu'il y a une autre approche pour gérer l'IMEDA.
11:44 Et après, dans le moyen terme, remettre en avant toutes les autres formes non militaires
11:50 de la présence française des échanges avec la France.
11:52 Ils sont relativement demandeurs parce que les mêmes Africains dont parle Dominique,
11:56 ils n'ont pas envie d'être en tête à tête avec les Chinois ou avec les Russes.
11:59 - Bah si, on a l'impression que si, Hubert Védré, on a l'impression qu'ils ne sont
12:01 pas très demandeurs de la France et des économies françaises, mais plutôt la Chine et le Parisien.
12:05 - Ne vous inquiète pas, les entreprises, c'est ceux qui payent les militants pour
12:09 aller gueuler contre la France, c'est eux-mêmes qui les payent pour aller applaudir le président
12:12 français quand il arrive.
12:13 Vous voyez, c'est des mouvements de fou, il ne faut pas exagérer ça.
12:15 Mais dans la tendance, je pense qu'il faut assumer de rester à leur demande aussi sous
12:20 une forme très modifiée.
12:22 - Dominique de Vépin ?
12:23 - Nous sommes à un moment où il faut, pour pouvoir persister dans une politique africaine
12:30 qui est indispensable pour la France, il faut profondément revoir les bases de notre politique
12:36 étrangère pour justement maintenir la légitimité de notre action.
12:40 En 2003, avec Jacques Chirac, face au néo-conservatisme américain et à la politique d'interventionnisme
12:47 militaire, nous avions proposé une alternative qui était celle de la défense de la légalité
12:52 internationale et l'action collective.
12:54 Ça reste vrai, mais dans un monde profondément différent.
12:58 Aujourd'hui, la France est entraînée, et en particulier par les crises récentes,
13:03 dans un soutien qui est légitime à l'Occident.
13:08 Nous devons faire en sorte que ce clivage Occident et reste du monde ne nous emprisonne
13:16 pas du côté occidental.
13:18 Et ça veut dire notamment dans la division du monde entre la Chine et les Etats-Unis
13:22 que nous soyons en permanence dans le souci d'un équilibre et d'éviter cette logique
13:27 de confrontation.
13:28 De la même façon, entre le Nord et le Sud, si nous voulons retrouver une voie en Afrique,
13:32 une crédibilité en Afrique, nous devons être le porte-voix des pays du Sud.
13:37 Et ça veut dire, et nous le faisons parfois, l'initiative du président Macron en matière
13:42 financière par exemple à Paris avant l'été, allait dans le sens de la défense des intérêts
13:47 du Sud, sur la dette, sur un nouvel équilibre financier international.
13:51 Mais la lisibilité de cette action n'est pas suffisamment grande parce qu'elle est
13:55 faite en pointillés et qu'il implique fortement, et en particulier en gommant cet interventionnisme
14:01 militaire, de translater sur le plan politique et sur le plan diplomatique notre engagement
14:07 vis-à-vis des préjugés.
14:08 - Hubert Védrine, Dominique de Villepin a tort de fantasmer la grandeur de la France
14:13 où il a raison de continuer, à chaque fois qu'il vient à ce micro et à tous les micros,
14:17 à exhorter la diplomatie française, à faire entendre sa voix, où est-ce que c'est du
14:23 fantasme et du passé auquel on ne reviendra pas ?
14:26 - Non, moi je suis heureux que cette voix existe et continue à s'exprimer et qu'on
14:31 puisse l'entendre.
14:32 Mais j'ai un tempérament différent, un langage différent, mais je ne suis pas pour
14:36 qu'on passe sous la table.
14:37 Même si je reconnais les erreurs, les accumulations d'erreurs, les maladresses, oui, mais on
14:42 ne va pas disparaître, on ne va pas raser les murs.
14:44 C'est comme si, parce qu'il y a eu des erreurs en Afrique, on n'aura plus du tout de politique
14:47 en Afrique.
14:48 Donc je ne suis pas heurté par ça.
14:50 Ce n'est pas ma façon de m'exprimer, mais je ne suis pas du tout heurté par ça.
14:53 Je vous rappelle d'autre part qu'il a tout à fait raison sur le reste du Sud.
14:57 Il ne faut pas traiter comme un bloc, parce qu'il ne faut pas les homogénéiser contre
15:01 nous.
15:02 Mais avoir une politique intelligente avec l'Inde, avec la Chine, ça sera un autre sujet.
15:05 L'Indonésie, le Nigéria, l'Éthiopie, l'Afrique du Sud, oui, bravo, le Brésil, je suis complètement
15:10 d'accord par rapport à ça.
15:11 - Mais le risque, c'est de bilatéraliser nos relations avec le Sud alors que nous devons
15:15 avoir une voix globale.
15:17 Le général de Gaulle, c'est celui qui a dénoncé cette politique.
15:19 - Oui, mais les problématiques du Sud dans le monde d'aujourd'hui n'ont pas changé.
15:25 Le fait par exemple qu'en Afrique on soit incapable...
15:27 - Il ne faut pas le globaliser contre nous.
15:29 - Mais nous avons été, avec Jacques Chirac, leaders dans le domaine de la santé en Afrique.
15:34 Nous avons porté la voix des intérêts de l'Afrique.
15:37 Et bien il faut continuer à le faire en matière de lutte contre la pauvreté, en matière
15:41 d'écologie et d'environnement.
15:45 - Je suis d'accord mais il ne faut pas, au moment où les BRICS s'affirment sous une
15:50 forme agressive, on n'a pas intérêt à consolider l'homogénéation agressive.
15:55 - Mais c'est justement, plus nous nous situerons en lien avec les pays du Sud, plus nous pouvons
16:01 nous confronter.
16:02 - Je ne suis pas contre le bilatéral parce qu'on a intérêt à avoir une politique indienne
16:04 astucieuse parce qu'ils ne veulent pas de la domination de la Chine sur le système.
16:07 Donc on va combiner les deux.
16:08 Mais bon, moi je ne vais pas raconter le discours de la Baulle de Mitterrand, et puis de Gaulle
16:11 n'est plus là, etc.
16:12 Donc il faut se projeter.
16:14 Je voulais ajouter qu'on parle de 4 ou 5 pays d'Afrique qui posent des problèmes particuliers
16:19 en ce moment.
16:20 - Ils sont tous francophones.
16:21 - Oui, par ailleurs francophones.
16:22 - Ils ne sont pas anglophones.
16:23 - Ce sont tous tirés dans les conditions que j'ai indiquées.
16:25 Donc on ne s'en prend pas à eux, le bouc émissaire n'est plus là.
16:27 Mais attendez, je rappelle qu'en Afrique, il y a quoi, 53 pays ? 53, 54 pays.
16:33 Donc il faut avoir une vision d'ensemble.
16:35 Et la plupart des autres pays, ils se fichent totalement des guérillas franco-africano-français
16:42 sur le passé.
16:43 - Ce n'est pas leur sujet.
16:44 - Il y a un mot en 30 secondes que vous n'avez pas prononcé, ni l'un ni l'autre, depuis
16:48 25 minutes.
16:49 Non mais il y en a un de manière aiguë, parce qu'on parle de la scène internationale.
16:52 En 30 secondes, c'est le mot Europe.
16:55 - C'est un grand silence.
16:57 - Si les Européens avaient voulu soutenir la politique légitime, pour cette part-là,
17:03 de lutte contre le terrorisme, il serait venu en masse, au début.
17:06 Alors moi je pense que la France au début n'avait pas tort des décisions de Hollande
17:10 de bloquer l'attaque sur Bamako, mais la France ne pouvait pas rester pour sécuriser
17:14 un ensemble qui est grand comme l'Europe.
17:15 C'est absurde.
17:16 - Mais les Européens nous ont lâchés.
17:17 - Cela a été une des limites de la diplomatie française, justement, de ne pas être capable
17:24 d'engager davantage l'Europe avec nous sur une véritable politique.
17:28 Je pense que le choix militaire que nous avons fait, la militarisation de notre diplomatie,
17:33 puisque le ministère de la Défense a pris un ascendant fort par rapport au gouvernement
17:36 français.
17:37 - C'était la demande des Africains.
17:38 - Peu importe, on est capable de défendre nos intérêts tout seul.
17:40 On n'est pas obligé de répondre à n'importe quoi, n'importe quand.
17:43 - Pour vous, c'est non tout le temps l'intervention militaire ?
17:47 - C'est non le plus souvent.
17:49 - Elle n'est jamais justifiée ?
17:50 - Et quand c'est pas non, c'est ponctuellement, dans un cadre multilatéral, parfaitement
17:55 et clairement fixé à l'avance.
17:57 - Je suis d'accord avec ça.
17:58 - Merci à tous les deux Dominique de Villepin, Hubert Védrine.