• l’année dernière
"Il faut éviter que la riposte indiscriminée ne conduise à enflammer un peu plus la région, mais aussi le monde", a estimé l'ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, invité de France Inter jeudi matin. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-12-octobre-2023-8744437

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Au cadre des émissions spéciales que nous vous proposons avec Léa Salamé depuis l'attaque du Hamas contre Israël,
00:06 nous continuons ce matin à essayer de réfléchir, de comprendre ce qui s'est passé et ce qui peut désormais se passer au Moyen-Orient.
00:14 Nous recevons un ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères.
00:19 Vos questions et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application d'Inter.
00:25 Dominique de Villepin, bonjour.
00:27 Bonjour.
00:27 Bonjour.
00:28 Bienvenue sur Inter comme je le fais tous les jours depuis lundi.
00:32 Je vous donne le bilan humain.
00:34 1200 morts du côté palestinien, 1200 morts du côté israélien.
00:38 J'ajoute par ailleurs que 11 Français sont morts dans ces attaques et que 18 sont portés disparus.
00:46 Dominique de Villepin, c'est la première fois que vous prenez la parole depuis cette attaque sans précédent du Hamas contre Israël.
00:53 On attendait votre parole.
00:55 Vous qui connaissez si bien la région d'abord, avez-vous été surpris, frappé par la soudaineté et la violence qui s'est déchaînée samedi ?
01:04 Et quels sentiments vous traversent depuis ces attaques dont on mesure jour après jour la monstruosité ?
01:12 Surpris par l'ampleur, par l'horreur, par la barbarie qui s'est exprimée ce 7 octobre et qui nous appelle tous à un devoir d'humanité et de solidarité vis-à-vis d'Israël et du peuple israélien.
01:32 Mais je dois le dire et je le dis avec une peine infinie, pas surpris par cette haine qui s'est exprimée quand on se rappelle à Gaza,
01:52 depuis 2006, la guerre de 2008, de 2012, de 2014, encore en 2021, quand on se souvient de ce que nous avons tous dit comme témoins sur place de cette prison à ciel ouvert,
02:13 on parle de cocotte minute, qu'une telle situation puisse inventer l'enfer sur terre.
02:27 Alors oui, on se dit que quelque chose a été raté, raté par nous tous, par l'ensemble de la communauté internationale,
02:36 et que l'amnésie qui a été la nôtre, l'oubli qui a considéré à imaginer que cette question de Gaza, que cette question palestinienne allait pouvoir s'effacer,
02:52 s'effacer devant un accord économique, un accord stratégique et diplomatique qui serait en quelque sorte le substitut à cette tragédie,
03:01 parce qu'il y a là une tragédie, avec deux regards, deux points de vue, deux expériences de l'histoire.
03:07 Et c'est ce qui fait qu'il est si difficile aujourd'hui de sortir de ce qui est un engrenage de la violence et de l'horreur.
03:19 Aujourd'hui, que redoutez-vous le plus, Dominique de Villepin ? Une guerre régionale ?
03:23 Pierre Aski en parlait avec une ouverture du front nord d'Israël, avec le Hezbollah libanais.
03:28 Hier, il y a eu des échanges de tir entre le Hezbollah et Israël.
03:32 Pour l'instant, est-ce que c'est juste une manière de montrer ses muscles ou est-ce que ça peut déborder ?
03:37 Qu'est-ce que vous redoutez le plus ?
03:39 Il y a trois seuils qui sont aujourd'hui extrêmement inquiétants.
03:43 Le premier, il est moins régional que presque local.
03:48 Pierre Aski l'a très bien dit, le sud-liban, le Hezbollah, le Hamas, le djihad islamique, des mouvements qui pourraient être issus de Cisjordanie.
04:00 On est là dans une proximité très grande avec ce qui vient de se passer.
04:07 Et puis, il y a la dimension régionale, mais qui peut prendre une ampleur encore plus grande que celle qui vient d'être évoquée.
04:12 C'est-à-dire l'Iran ?
04:13 C'est-à-dire l'Iran, c'est-à-dire les pays arabes, regardons la façon dont la communauté internationale a réagi à cette tragédie.
04:23 Parmi les pays arabes qui ont condamné, il y en a un, les Émirats Arabes Unis.
04:29 Les autres ont exprimé soit une neutralité, soit ont déploré la violence.
04:36 Parmi les grands pays du sud, il y a l'Argentine, il y a l'Inde, mais les autres.
04:43 Et l'on constate que la ligne de fracture du monde aujourd'hui, c'est une ligne de fracture qui recoupe celle de l'Ukraine.
04:51 Et la voie de l'Europe, la voie de l'Occident, elle n'est pas majoritaire.
04:58 Et il faut donc entendre, et il faut se rendre compte que tout ce qui s'est passé,
05:03 mais tout ce qui va se passer, va se passer sous l'œil et le regard du monde qui ne voit pas les choses comme nous.
05:12 Mais ils ne voient pas les massacres de Mingue de Villepinte, ils voient les images du coup samedi.
05:16 Il y a une ligne idéologique et vous avez raison, elle est là et on la sent et on la ressent même quand elle ne se dit pas.
05:22 Puisque ce que vous dites est très juste dans la mesure où effectivement il y a les silences aussi.
05:27 Il y a ceux qui ne condamnent pas et ceux qui se taisent depuis une semaine.
05:31 Mais les gens ne voient pas ce qui s'est passé, les bébés, les vieillards, les femmes.
05:38 J'arrive de Marrakech où il y avait les réunions du Fonds Monétaire International et donc toute l'Afrique était au rendez-vous.
05:46 Beaucoup de dirigeants, de responsables africains.
05:48 Et ce qui revient en boucle dans ce qu'ils disent, c'est l'accusation qui est portée à nos pays, à nos démocraties, à l'Occident.
06:00 De voir, à juste titre, ce qu'ils voient eux comme nous, tous ces massacres, cette horreur.
06:06 Mais de ne pas voir l'horreur quand elle se déroule en dehors de chez nous.
06:12 Et c'est pour ça que le devoir d'humanité s'impose à nous tous.
06:17 Et c'est pour ça que le devoir de responsabilité que nous avons vis-à-vis de cette horreur,
06:21 c'est de bien prendre en compte l'importance de la réaction.
06:27 Et de se souvenir toujours que le droit à la légitime défense n'est pas un droit à une vengeance indiscriminée.
06:36 De se souvenir qu'il n'y a pas de responsabilité collective pour un peuple, pour les crimes commis par quelques-uns.
06:45 Et c'est dire combien la voie est étroite.
06:47 - Vous parlez du blocus complet décidé par Gaza par exemple ? - Bien sûr !
06:51 - Décidé par Israël à Gaza, c'est-à-dire pas d'eau, pas d'électricité, pas de gaz, rien.
06:55 Vous dites, ils vont maintenant, c'est les 2 millions de Gazaouis qui vont souffrir.
06:59 - Aujourd'hui, on débat pour savoir si la qualification est celle de crime de guerre, de crime contre l'humanité.
07:05 Et il y a manifestement des crimes contre l'humanité.
07:09 Dès lors qu'a été ciblée de façon systématique et de façon générale une catégorie de population.
07:19 Mais il faut évidemment éviter que la riposte indiscriminée ne conduise à enflammer un peu plus la région, mais aussi le monde.
07:30 Rendons-nous compte de la fragilité du monde dans lequel nous vivons.
07:35 - L'amie de Netanyahou a comparé une fois de plus hier le Hamas à Daesh, a promis de le détruire.
07:41 Tout homme du Hamas est un homme mort.
07:43 Beaucoup de nos invités israéliens ces derniers jours ont souligné le désir de revanche, voire de vengeance qui traverse aujourd'hui la société israélienne.
07:51 Est-ce que vous comprenez ce sentiment Dominique de Villeneuve ?
07:54 - Je le comprends d'autant plus que nous n'avons cessé depuis des décennies de visiter, de revisiter l'histoire.
08:01 Comment ne pas être renvoyé à l'Holocauste, à l'horreur d'une violence aveugle, gratuite ?
08:08 Comment ne pas être envoyé aux horreurs de l'État islamique ?
08:12 Mais justement, la différence là, c'est que nous sommes, qu'Israël est une démocratie.
08:19 Et c'est à la fois au nom de la démocratie, au nom de l'humanité que nous devons incarner dans ce moment précis.
08:26 C'est au nom de cette humanité que nous ne pouvons pas céder à la simple revanche,
08:32 que nous devons porter une responsabilité parce que c'est en quelque sorte l'illustration, la preuve que nous pouvons apporter.
08:40 Et ce depuis les débuts de la guerre d'Ukraine, que nous ne nous mettons pas au niveau de ceux qui pratiquent cette barbarie.
08:49 Et donc oui, c'est un chemin difficile parce que je pense à ces familles, à ces otages, à cet indicible qui s'est déroulé le 7 octobre.
08:59 Je pense à cela et c'est pour ça que je ne veux certainement pas aujourd'hui me poser en donneur de leçons,
09:04 mais simplement apporter une expérience.
09:07 Et si vous me permettez, on a beaucoup parlé de précédents historiques.
09:13 On a parlé de la guerre du Kipour de 73.
09:16 On a parlé aussi du 11 septembre 2001. Je l'ai vécu en direct et j'étais en responsabilité.
09:22 La comparaison vous semble-t-elle pertinente quand on entend dire « c'est le 11 septembre des Israéliens ».
09:27 Elle est pertinente par l'immensité du drame et du choc.
09:31 Et elle est pertinente aussi par les erreurs qui ont été commises.
09:34 Le 11 septembre 2001, les Américains ont cédé à une volonté de vengeance.
09:39 Ils se sont lancés seuls dans une volonté de punir.
09:43 Et le résultat, ils ont été entraînés dans des interventions militaires.
09:47 Ils ont été entraînés dans une logique de force.
09:52 Et ils ont cru qu'ils pourraient à la fois fabriquer un nouveau Moyen-Orient.
09:58 Ils ont cru qu'ils pourraient apporter à la démocratie par la violence et par la force à ces pays.
10:03 Et quel a été le résultat ?
10:05 Ils ont enflammé une grande partie de l'héritage de ce que nous vivons aujourd'hui.
10:09 Il vient de là. Ne recommettons pas les mêmes erreurs.
10:13 - Mais qu'est-ce qu'ils peuvent faire, Dominique de Villepin ?
10:15 Une fois que vous dites ça, qu'est-ce qu'ils peuvent faire ?
10:17 Qu'est-ce qu'ils doivent faire aujourd'hui ? Le gouvernement israélien, c'est un casse-tête.
10:19 Il y a l'affaire des otages.
10:21 C'est cette centaine d'otages qui est aujourd'hui à Gaza.
10:24 Comment taper sans les tuer ? C'est ça les questions qui se posent.
10:28 Comment éviter une opération terrestre ?
10:30 - Dans le discours de beaucoup de dirigeants israéliens, il y a cette conscience.
10:34 Il y a le Hamas.
10:36 Le Hamas, ce n'est pas le peuple palestinien.
10:39 Une organisation terroriste doit être combattue, bien sûr.
10:43 Nous savons, historiquement, ça s'est vérifié à chaque fois,
10:47 que pour être efficace, et là parlons si vous me permettez,
10:50 même si c'est presque un gros mot de le dire,
10:52 pour être efficace, il faut utiliser toutes les armes dont nous disposons,
11:00 en termes de sécurité, en termes militaires,
11:03 mais il faut une perspective politique.
11:05 Et de ce point de vue-là, combattre le Hamas n'est pas enfermer les palestiniens,
11:13 deux millions de palestiniens dans la bande de Gaza, sans pouvoir sortir.
11:18 Donc il faut penser couloir humanitaire.
11:20 - Mais où ? Vers où ?
11:22 - Vers où ? Oui.
11:23 - L'Egypte n'en veut pas, vous le savez.
11:25 - Mais à quoi sert l'Europe ? A quoi sert les Nations Unies ?
11:28 A quoi sert les Etats-Unis ?
11:29 Si ce n'est pas justement pour discuter avec l'Egypte,
11:32 pour voir dans quelles conditions un accueil est possible,
11:35 et pour faire en sorte que tout cela ne se termine pas dans un mâle-sang.
11:40 Parce que tout ce dont on parle aujourd'hui, de ce devoir d'humanité,
11:44 et bien il sera souillé historiquement.
11:48 Et vous vous rendez compte dans quel monde nous serons amenés alors à vivre ?
11:51 Je pense que l'enjeu aujourd'hui, il nous concerne tous.
11:55 Et il a une résonance d'ailleurs dans tous nos pays,
11:57 on le voit bien sûr y compris aujourd'hui en France.
12:00 - Alors oui.
12:02 - Donc c'est véritablement...
12:03 - Cela crée un risque de guerre mondiale, pour parler un peu journalistiquement, caricaturalement,
12:06 la question Tartin-la-Crème.
12:08 - C'est un risque d'internationalisation,
12:10 et c'est un risque de division extrêmement profond au sein de chacun de nos pays.
12:15 Parce qu'on voit bien qu'il y a des lignes de fracture qui courent y compris chez nous.
12:18 - Dominique de Villepin, le Président de la République s'exprimera ce soir à 20h à la télévision sur ce sujet.
12:24 Que doit-il dire ? Quelle doit être la voix de la France selon vous ?
12:28 - Certainement pas à moi de dire au Président de la République ce qu'il doit dire.
12:31 Mais il y a une exigence aujourd'hui, nous le voyons.
12:34 Une exigence d'humanité et de solidarité vis-à-vis d'Israël.
12:38 Il y a aussi une exigence de responsabilité que nous devons porter à la tête de la communauté internationale.
12:45 Parce que nous sommes peut-être l'un des pays qui a la plus forte expérience
12:50 de ces situations de guerre, de crise, de cette expérience du terrorisme.
12:56 Et nous avons donc une expérience à partager.
13:00 Et nous devons être imaginatifs. Nous devons trouver des solutions en termes humanitaires.
13:05 Et nous devons penser, parce que j'en suis convaincu aujourd'hui devant vous plus que jamais,
13:09 que la solution à deux États qu'on a enterré, j'ai été heureux d'entendre Catherine Colonna hier sur France Info,
13:16 la solution à deux États, plus que jamais, est aujourd'hui la seule.
13:21 Et il faut avoir le courage de le dire.
13:25 - Avec qui Dominique de Villepin aujourd'hui ? Qui va négocier ? Qui va s'asseoir autour de la table ?
13:30 - À l'autorité palestinienne ?
13:32 - Mais faisons en sorte qu'émerge une autorité palestinienne qui soit représentative et capable de mener des négociations.
13:43 Et de ce point de vue-là, Israël a une responsabilité. Car il a tout fait pour diviser le mouvement palestinien.
13:48 - Pour marginaliser l'autorité palestinienne.
13:50 - Mahmoud Barghouti est en prison depuis des années et il aurait pu être un des chefs alternatifs, sans doute mieux que beaucoup d'autres.
13:57 Donc, de ce point de vue, il faut faire émerger des responsables capables de porter un processus de paix.
14:05 Et nous voyons bien que la solution à deux États, ce n'est pas seulement une solution politique qui est la seule aujourd'hui,
14:11 mais c'est aussi en termes de sécurité la meilleure garantie que pourrait avoir Israël.
14:15 Et d'avoir un État constitué à côté de soi, ça vaut mieux que d'avoir un pullulement d'organisations terroristes,
14:21 un chaudron mortifère qui vous menace à chaque instant.
14:24 Et c'est ça qui a été rappelé aux Israéliens.
14:26 Ils savent désormais, ça fait partie du traumatisme pour Israël,
14:30 ils savent désormais que tout ce qu'on leur a dit sur une barrière technologique qui allait assurer une sécurité formidable,
14:36 sur un contrôle militaire qui allait permettre à l'armée, quoi qu'il arrive, d'assurer leur protection,
14:41 il y a un sentiment que le pacte israélien de sécurité a été rompu et que la protection n'a pas été assurée.
14:48 Comment vous expliquez la défaillance des services de sécurité israéliens ?
14:52 Comment vous comprenez qu'il n'ait pas vu ?
14:55 Alors vous connaissez les thèses, certains disent que Benhamin Netanyahou a été alerté par l'Égypte trois jours avant, qu'il a sous-estimé.
15:02 Comment vous voyez cela ?
15:04 Mais je pense qu'ils ont été très largement détournés, leur attention a été détournée.
15:08 Obama s'est engagé avec eux des négociations sur le futur des conditions de vie.
15:13 Un certain nombre de témoins de la dernière semaine sainte disaient qu'il y avait un calme surréel dans les dernières semaines et les derniers mois.
15:22 Quand Jacques Sullivan dit « jamais la région n'a été aussi calme », on voit bien qu'il y avait derrière une illusion.
15:28 Mais l'illusion la plus profonde, c'est qu'il n'y a pas de sécurité possible sans règlement politique.
15:35 Il n'y aura pas, et ça je l'ai dit depuis des dizaines d'années, Israël ne peut pas être en sécurité tant qu'il n'y a pas la reconnaissance d'un État palestinien à ses côtés
15:47 qui partage la responsabilité de la sécurité dans cette région à travers la reconnaissance de l'existence de l'État d'Israël.
15:54 Gérard Haraud nous a expliqué mardi que Joe Biden était le président américain qui s'était le moins investi au Proche-Orient
16:02 car le capital politique à y dépenser est inutile, disait-il.
16:06 Les américains vont-ils devoir revenir dans la région d'une manière ou d'une autre ? Et très fortement selon vous ?
16:15 Nous tous, nous devrons revenir. Et c'est vrai que depuis 2003, le rêve d'un grand Moyen-Orient américain,
16:24 puis les printemps arabes, puis le terrorisme de l'État islamique en 2014 et les accords d'Abraham,
16:32 cette question palestinienne et la question de Gaza est passée au second plan.
16:36 Et cette horreur qui se produit ramène évidemment ces enjeux au cœur de l'actualité avec des conséquences importantes
16:47 sur l'évolution de la communauté internationale, y compris pour l'Ukraine.
16:51 Il y a donc une crise... - L'Ukraine qui craint d'être marginalisée, vous avez entendu Zelensky il y a deux jours
16:56 qui dit "l'opinion publique, l'Ukraine peut être la grande perdante de ce qui se passe".
17:00 - J'ai évoqué il y a plusieurs mois la possibilité d'un deuxième front qui modifierait la donne
17:04 et pourquoi pas demain d'un troisième front quand on connaît la situation dans d'autres régions du monde.
17:08 - Tout ça profite-t-il à la Russie par exemple ?
17:10 - Mais tout ça aujourd'hui profite d'abord à cette coupure entre les démocraties et les autocraties
17:20 qui peuvent facilement dénoncer l'hypocrisie du monde occidental.
17:24 Et c'est pour ça que la charge qui nous revient dans cette période,
17:27 de faire en sorte que la façon dont sera gérée ce drame est si importante.
17:34 Et c'est une responsabilité collective que nous portons en tant que pays européens et occidentaux et en tant que démocratie.
17:39 - Dominique de Villepin, plus d'une centaine d'actes antisémites en France depuis samedi
17:42 a dit juste il y a quelques minutes à votre place Gérald Darmanin
17:45 craignez-vous une importation, on l'a connu par le passé,
17:49 une importation du conflit israélo-palestinien en France et des déchirures en France ?
17:54 - La résonance de tout ce qui se passe au Proche-Orient en France est très grande, nous le savons.
18:02 Cela fait partie des sujets qui passionnent, qui enflamment, qui mobilisent.
18:09 Et c'est pour cela qu'il est si important que la voie de la France soit juste.
18:14 Que la voie de la France soit capable de mesurer chaque instant et chaque situation dans le souci de faire avancer la paix.
18:28 Et c'est pour cela que la France doit être porteuse de solutions.
18:30 Plus la France sera engagée, active, proposante...
18:34 - Mais quels mots vous dites aujourd'hui pour que ça ne s'embrasse pas en France ?
18:37 - Agissons ensemble pour faire avancer la paix et la justice.
18:46 - Ça c'est des mots là ? Comment vous arrivez à convaincre aujourd'hui des gens qui pourraient avoir envie d'importer tout de suite ici en France le conflit israélo-palestinien ?
18:59 - Est-ce que nous avons envie que les drames comme ceux qui se sont déroulés, que cette horreur et cette barbarie se déroulent sur le sol de France ?
19:08 On l'a vécu. On l'a vécu à travers des attentats qui ne sont pas lointains.
19:11 Est-ce que nous sommes désireux d'un mimétisme qui reproduirait cette horreur à travers des logiques infernales de vengeance et des cycles de violence ?
19:22 Je crois que chacun d'entre nous doit mesurer que nous pouvons, nous Français, aujourd'hui faire quelque chose à travers l'engagement très fort du président de la République et de la diplomatie française.
19:31 Nous pouvons être aux avant-postes d'une réponse à apporter à ce drame.
19:36 - Eric Ciotti demande d'arrêter de suspendre l'aide européenne aux Palestiniens. C'est une mauvaise idée ?
19:42 - Mais tout ce qui, dans la politique politicienne, peut conduire à essayer de tirer profit politiquement de cette situation me dégoûte.
19:53 Je le dis comme je le pense. Je crois qu'il faut avoir un sens de l'humanité, de la justice et de l'honneur en politique.
20:02 On ne peut pas jouer avec tout.
20:04 Sur ces sujets, nous ne sommes pas là pour essayer de tirer avantage sur telle et telle communauté, sur tel et tel segment de la population à des fins électorales.
20:13 - La question se pose aussi à gauche.
20:15 - Mais de la même façon, je le dis de la même façon...
20:18 - Qui refuse de parler du Hamas comme d'une organisation terroriste, qui parle d'une force armée qui...
20:24 - Vous savez, les crimes de guerre, des deux côtés, Israël et les Palestiniens...
20:29 - C'est le point de départ de la politique quand on veut servir un peuple.
20:32 Et je ne doute pas de la volonté de nos dirigeants politiques de vouloir servir.
20:36 C'est la lucidité. Il faut regarder les choses en face.
20:39 Et en même temps, il faut ne pas oublier. Il ne faut pas être amnésique.
20:43 Il ne faut pas regarder qu'un aspect du sujet.
20:45 Et c'est ce qui est si difficile. Et c'est pour ça qu'on se moque souvent des diplomates quand ils veulent pratiquer une politique d'équilibre.
20:52 Il ne faut ni renvoyer dos à dos l'agresseur et l'agressé, le criminel et celui qui est la victime,
20:58 ni ignorer la réalité et la complexité de ces sujets.
21:03 C'est pour ça que je marche sur des œufs devant vous ce matin.
21:07 Et je veux avancer avec des pattes de colombe.
21:09 Rien n'est plus difficile que de faire face à l'histoire quand elle se brouille.
21:15 - Et cette manière de refuser de condamner, de parler d'organisation terroriste du Hamas, vous entendez ça ? Vous comprenez ça ?
21:21 - Oui, mais parce qu'ils veulent privilégier un aspect qui est la dimension politique de ce drame.
21:28 Mais une fois de plus, avant d'être des hommes politiques, nous sommes des hommes tout court.
21:32 Et ce devoir d'humanité, nous devons l'exprimer aussi.
21:35 - Et donc il faut condamner absolument ce qui s'est passé ?
21:37 - Mais bien sûr. Vous savez, ce n'est pas en mettant la poussière sous le tapis en matière internationale qu'on avance.
21:43 Il faut nommer comme il faut nommer les crimes. Et ce sera important que la justice internationale...
21:48 - Pour vous, il y a des crimes contre l'humanité qui se passent ?
21:50 - Mais à partir du moment où il y a des attaques généralisées et systématiques, c'est la définition d'un crime contre l'humanité.
21:56 Mais ce n'est pas à moi de le dire, c'est à la justice internationale.
21:59 - Question sur l'application de France Inter. Monsieur Dominique de Villepin, croyez-vous que la réponse européenne soit à la hauteur ?
22:07 - Non. Non. D'abord, être à la hauteur, c'est un travail de tous les instants et de tous les jours.
22:13 Mais l'Europe, qui est la principale pourvoyeuse d'aide à la population palestinienne, doit bien sûr être en tête.
22:21 En plus, nous sommes le continent aujourd'hui qui connaît la guerre en Ukraine, qui a été le plus éprouvé historiquement, qui a été marqué par le terrorisme.
22:29 Nous avons quelque chose à dire. Nous ne devons pas nous excuser d'avoir une expérience. Nous devons la partager.
22:36 Et nous avons vu nos amis américains se fourvoyer pendant des années. Et nous sommes nous-mêmes fourvoyés dans d'autres interventions militaires.
22:45 Donc, soyons lucides, soyons capables d'un examen de conscience, soyons capables, dans un souci une fois de plus, de démocratie et d'efficacité.
22:54 Parce que je ne parle pas seulement de façon irénique au nom de la démocratie, c'est au nom de l'efficacité que nous devons aussi agir.
23:02 Comment garder espoir ce matin ? Ce que je veux dire c'est que beaucoup de gens sont sidérés depuis une semaine, ont peur tout simplement depuis une semaine.
23:13 On peur que ça se territorialise, que ça se régionalise, que ça devienne une guerre au niveau régional.
23:18 On peur pour leur vie, ont été choqués de voir ces images encore.
23:22 Ça intervient un an et demi après le début de la guerre en Ukraine où il y a des exactions terribles également.
23:27 Comment ne pas céder à la déprime, à la dépression ? Comment garder une forme d'espérance quand on voit ça ?
23:35 Et c'est pour cela que nous avons besoin d'agir. Et que nous ne pouvons pas nous contenter de communiquer diplomatique, de réunion diplomatique.
23:42 Il faut agir. Il faut des mesures tout de suite. On ne peut pas aujourd'hui...
23:47 Contre qui ? Contre l'Iran ? Contre le Qatar qui finance le Hamas, Dominique de Vittor ?
23:50 Tout à fait plus. Nous sommes aujourd'hui devant un drame qui se joue à Gaza.
23:56 Nous devons apporter des réponses immédiates à ce qui se joue à Gaza.
24:00 A la fois face aux terroristes du Hamas et à la fois face à une population qui est aujourd'hui étouffée.
24:06 Ces deux réalités relèvent à la fois du droit humanitaire, d'une action internationale, d'une action directe de la part de l'Union Européenne.
24:15 Et c'est là où, oui, les responsables européens doivent être capables de boucler leur valise et d'aller sur place pour agir, pour témoigner et pour faire avancer le règlement de cela.
24:27 On ne peut pas s'installer dans le confort des chancelleries. On ne peut pas se contenter de discourir à la radio et à la télévision. On doit agir.
24:33 En tout cas, merci. Et merci de la part des très nombreux auditeurs de France Inter qui vous remercient, Dominique de Villepin, d'avoir été à ce micro ce matin.
24:43 et d'avoir pris la parole. Merci en tout cas.

Recommandations