Antoine de Salins Directeur des Gestions Groupama AM>

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Antoine de Salins Directeur des Gestions Groupama AM>
Transcription
00:00 Antoine de Salin, bonjour.
00:01 Bonjour.
00:02 Vous êtes le directeur des gestions de Groupama Assets Management.
00:05 On va parler avec vous des marchés, de stratégies sur ces marchés,
00:08 de perspectives un peu pour cette année 2012,
00:10 alors qui commence, il faut le dire, on ne va pas dire à l'envers,
00:14 mais qui a plutôt bien commencé,
00:15 alors qu'on a l'impression que beaucoup de questions se posent encore,
00:19 notamment dans la zone euro.
00:21 Comment vous abordez ce début d'année 2012,
00:23 après une année 2011 qui a été assez difficile ?
00:26 Un peu chaotique, effectivement.
00:28 Écoutez, nous, nous l'abordons de manière assez prudente.
00:31 Je crois qu'il faut distinguer les, j'allais dire, les vaguelettes,
00:36 les cumes, les vaguelettes et un peu les lames de fond ou les questions de fond.
00:41 Alors, pour commencer par le plus important,
00:42 c'est-à-dire les aspects peut-être un peu structurels qu'on oublie,
00:47 peut-être parfois quand on se livre à l'exercice délicat de faire des prévisions
00:51 sur un trimestre, un semestre ou un an.
00:55 Qu'est-ce qu'on peut dire à l'issue de l'année 2011 ?
00:57 La première chose qu'on peut dire, c'est que l'économie américaine
00:59 s'est montrée un peu plus résiliente que ce que les craintes que l'on avait eues,
01:05 vous vous en souvenez, à la fin du deuxième trimestre,
01:08 avec la révision très significative des PIB américains sur le début de l'année
01:13 et la fin de l'année 2010.
01:16 Pour nous, il y a des indicateurs, effectivement,
01:19 qui nourrissent le momentum positif du marché,
01:21 sur les marchés d'action américains en particulier,
01:24 et donc par contre-coup sur les marchés européens aussi,
01:27 sur une stabilisation du marché immobilier,
01:30 une plus grande confiance des promoteurs immobiliers,
01:33 sur le fait que la consommation de biens durables
01:36 soutient bien la consommation des ménages,
01:38 ou en tout cas l'a bien soutenue jusqu'à présent.
01:40 Nonobstant tous ces facteurs un peu positifs,
01:44 nous nous sommes prudents et nous pensons que l'économie américaine
01:48 au premier trimestre va avoir un petit coup de mou, si j'ose dire,
01:52 avant de revenir à un étiage qui restera modeste.
01:55 C'est pour ça que le consensus est autour de 2,2% de croissance aux Etats-Unis.
02:00 Nous, nous pensons qu'on sera plutôt aux alentours de 1%.
02:05 Parce que la consommation des ménages américains,
02:08 de notre point de vue, va ralentir.
02:09 Les ménages américains ne peuvent pas,
02:11 comme ils l'ont fait à la fin de l'année dernière,
02:13 continuer à tirer sur leur épargne
02:15 pour soutenir cette consommation de biens durables.
02:18 Donc ça, c'est la première chose.
02:18 L'économie américaine plus résiliente, mais encore un peu flageolante.
02:22 Du côté européen, l'économie réelle est clairement en récession,
02:28 ou entrée en récession.
02:29 Italie, Espagne, la France sans doute un peu aussi, enfin à l'évidence.
02:34 L'Allemagne connaît aussi un moment d'affaiblissement.
02:37 Comment aimerais-je les indicateurs avancés ?
02:39 Nous sommes donc là aussi un peu en dessous du consensus.
02:45 Notre prévision de croissance sur l'Europe, sur la zone europe,
02:48 plus exactement, est de -0,7,
02:51 alors que le consensus, qui a beaucoup faibli ces derniers temps, est à -0,3.
02:55 Alors, c'est une récession molle.
02:59 Un premier trimestre qui ne sera pas bon,
03:00 un deuxième trimestre qui sera un peu meilleur,
03:02 et un deuxième semestre qui devrait être meilleur.
03:04 Alors ceci aussi est ad réferendum de ce qui se passe sur la crise de la dette souveraine,
03:10 qui n'est pas stabilisée, comme vous le savez.
03:13 Ça reste le sujet encore de cette année.
03:15 Ça reste le sujet de cette année.
03:16 Et l'évidence, c'est une sorte de surplomb du fonctionnement des marchés.
03:21 Et ça nourrit la version au risque ou les comportements attentistes des investisseurs.
03:27 Alors, on est bien obligé de se positionner en scénario central par rapport à la crise de la dette.
03:32 Parce qu'évidemment, la stratégie d'investissement n'est pas du tout la même
03:35 si l'on croit qu'il y a une très forte matérialité d'un risque d'éclatement de la zone euro,
03:40 d'un risque de sortie de la Grèce,
03:42 avec les conséquences en termes de contagion sur les autres pays les plus fragiles,
03:46 ou si on considère que, ce qui est notre cas,
03:50 que les décideurs politiques et monétaires, y compris la BCE,
03:53 naturellement, la BCE au premier chef,
03:55 feront ce qu'ils font, feront leur devoir,
03:57 si jamais les taux italiens, les taux espagnols,
04:01 et peut-être aussi les taux français, sont retestés par les marchés.
04:05 Alors, il y a deux leçons importantes qui structurent cette vision pour nous de l'année 2011.
04:12 La première, c'est que, clairement, l'attente des marchés,
04:19 devant laquelle nous participions, d'ailleurs, nous aussi,
04:21 consistant à dire, il faut, les hommes politiques vont arriver à trouver
04:25 un grand soi-re-fondateur de l'union économique et monétaire,
04:28 pour enfin mettre fin au fait que le système est à l'évidence bancale,
04:33 entre une union monétaire que porte la BCE à côté,
04:37 et les faiblesses de la gouvernance politique,
04:40 avec les dérives budgétaires que l'on a connues ces dix dernières années
04:42 dans un certain nombre de pays.
04:44 Il n'y aura pas de grand soi-re.
04:46 L'Allemagne a imposé sa stratégie, qui est une stratégie de petits pas, de progrès,
04:51 vers une forme d'union politique dont les contours ne sont pas très clairs.
04:54 Ça, c'est la première leçon.
04:55 La deuxième leçon, c'est que les hommes politiques ont du mal à délivrer,
04:59 ce qui désespère les marchés.
05:01 Et de ce point de vue-là, on a quatre tests dans les mois qui viennent,
05:06 qui peuvent, nous, nous faire basculer, changer de scénario,
05:09 de scénario central un peu de confiance, prudente,
05:12 mais de confiance quand même vers quelque chose
05:14 qui serait beaucoup plus cataclysmique, si j'ose dire.
05:17 Le premier, c'est le PSY.
05:19 Les nouvelles, les rumeurs de ces derniers jours sont plutôt bonnes,
05:22 mais il faut trouver une solution pour traiter cet abcès qui dure depuis 18 mois.
05:27 La Grèce est insolvable, il faut trouver une solution.
05:30 Le deuxième, c'est le projet de traité qui a été annoncé le 9 décembre.
05:33 Mais il n'y a pas l'air de convaincre beaucoup les investisseurs.
05:35 La règle d'or budgétaire, je crois qu'il était indispensable,
05:38 dans une optique allemande.
05:39 Les Allemands ne peuvent accepter plus de solidarité,
05:42 la monétisation des dettes, les euro-bonds, plus tard,
05:45 que s'ils ont la conviction que les pays du Sud seront aussi sérieux
05:48 que les pays du Nord dans leur gestion budgétaire.
05:51 Donc on va voir le projet de traité fin février, début mars.
05:54 Est-ce qu'il sera consensuel ? Est-ce qu'il sera crédible ?
05:57 Est-ce qu'il pourra conforter l'opinion publique allemande
05:59 et les investisseurs sur le fait que les chefs d'État font le job
06:02 sous réserve des ratifications, qui est compliquée dans le pays ?
06:05 C'est à voir.
06:07 Le troisième test, c'est quel message de croissance économique ?
06:11 Parce que la discipline budgétaire, c'est bien,
06:14 mais la croissance économique, c'est quand même ça qui,
06:16 fondamentalement, permet de traiter le problème des dettes publiques
06:18 à moyen long terme.
06:19 On l'a vu avec les agences de notation, avec la dégradation de la francque...
06:22 C'est tout à fait le discours, l'un des arguments de Standard & Poor's
06:26 pour dire "on porte un jugement plutôt négatif sur la zone euro".
06:29 On va voir.
06:30 Pour l'instant, le discours, il faut être honnête, est assez pauvre.
06:33 Enfin, c'est bien de guérir le malade,
06:34 mais si la médecine le tue, suivant la formule consacrée,
06:39 c'est un peu ennuyeux.
06:41 Le quatrième test, c'est aussi qu'est-ce que dira
06:45 l'autorité bancaire européenne dans ses stress tests au mois de juin dernier ?
06:49 Elle a fait, de mon point de vue, une erreur assez tragique l'année dernière,
06:52 au mois de juin, dans l'urgence, en chaisissant de marquer
06:54 au marché les dettes souveraines.
06:56 Ce n'était pas la bonne solution.
06:57 Ça a introduit encore plus de défiance dans le système.
07:02 Ça fait qu'aujourd'hui, les banques n'investissent plus que
07:05 dans les obligations souveraines de leur propre pays.
07:08 Donc, il y a une espèce de refragmentation de l'espace financier européen
07:12 qui avait été créé au bout de 15 ans du nouveau économique monétaire,
07:14 ce qui n'est pas une bonne nouvelle.
07:16 On verra ce que sera ces stress tests.
07:19 Dans l'attente, et ça nourrit l'optimisme du marché en ce début d'année,
07:22 qui reste, de notre point de vue, assez fragile, comme vous l'avez compris,
07:25 c'est le fait que le LTO, long terme,
07:29 donc à trois ans de la Banque Centrale au mois de décembre,
07:32 a joué un rôle très très puissant.
07:35 Tout le monde a compris que, même si la BCE le nie,
07:38 tout le monde a compris que le pari qui a été fait,
07:40 c'était une sorte de quantitative easing à l'européenne,
07:43 donner de la liquidité aux banques et leur permettre de faire un grand carry trade
07:48 en rachetant des obligations souveraines de leur pays,
07:51 de manière à tenir les spreads et à bien gérer la liquidité.
07:55 Donc pour nous, un premier semestre un peu entendu et un peu chaotique,
08:00 sans doute, en fonction des signaux politiques,
08:02 avec un arrière-plan macro pas catastrophique, mais quand même pas extraordinaire.
08:08 Et un deuxième semestre, si du côté européen il y a un peu de mouvement,
08:13 et si la résilience de l'économie américaine se confirme, qui devrait être meilleure.
08:18 C'est pour ça que nos prévisions sont assez modestes en fin d'année.
08:22 Qu'est-ce que ça veut dire peut-être en conclusion pour l'allocation d'actifs ?
08:25 Justement, on voit bien qu'aujourd'hui l'investissement en actions
08:28 n'est pas forcément...
08:29 à la fois ça serait peut-être celui qui serait recommandé et recommandable,
08:32 mais compte tenu de différents scénarios,
08:34 peut-être de ce manque de visibilité à court terme, pas évident.
08:38 Pour répondre à la question de l'allocation,
08:40 il faut d'abord répondre à la question pour un investisseur de ses passifs,
08:43 de ses contraintes de liquidité.
08:45 Soit c'est un monde un peu binaire,
08:47 soit vous pouvez porter la volatilité potentielle que j'évoquais,
08:51 enfin qui reste toujours aujourd'hui importante,
08:54 et assumer ce que ça veut dire en termes de moins-value potentielle de vos portefeuilles.
08:59 Auquel cas, il y a des affaires à faire,
09:01 de manière très sélective, mais que ce soit le marché des actifs risqués en particulier,
09:04 actions et crédits.
09:07 Soit vous ne le pouvez pas, et dans ce cas-là c'est une autre stratégie,
09:10 plus de gestion par les risques,
09:12 plus de cash dans vos portefeuilles, une stratégie plus prudente.
09:15 Donc ça dépend fondamentalement de l'aversion aux risques
09:17 drivée par les passifs, si j'ose dire, de chaque investisseur.
09:20 Au-delà de cet aspect, si vous êtes dans la première catégorie,
09:25 nous ne croyons pas que les marchés d'action vont remonter jusqu'au ciel.
09:28 Nous pensons que les prévisions de consensus des analystes sont trop optimistes.
09:35 On est aux alentours de, entre +5 et +10 si je me souviens bien,
09:40 pour l'année 2012, nous sommes à -9.
09:43 Ce qui, évidemment, fait une certaine différence.
09:48 Donc les bénéfices par action étant plus faibles, avec des multiples,
09:52 il ne faut pas prendre les multiples de référence des plus hauts,
09:55 des marchés de 1000, il faut prendre des multiples de long terme.
09:58 On n'est pas à des niveaux de sous-valorisation,
10:00 on est à un marché d'action qui est sous-valorisé,
10:02 mais pas de manière extraordinaire.
10:05 Sur le crédit, il faut être à mon avis très prudent sur le crédit bancaire,
10:08 parce que le business model des banques n'est pas stabilisé,
10:12 il y a toujours ce lien entre les banques et les souverains, si j'ai le goût de dire.
10:16 Par contre, sur le corporate, on peut être nettement plus actif,
10:22 de manière encore une fois sélective.
10:24 Sur les obligations souveraines, il y a deux écoles, encore une fois,
10:29 si vous croyez que tout ça va se restabiliser,
10:31 il y a un grand trade à jouer qui est de se mettre long d'obligations italiennes
10:38 et courts de bund.
10:40 Évidemment, au niveau de bund actuel, c'est quand même tout à fait exceptionnel.
10:43 Nous pensons d'ailleurs, dans notre prévision,
10:45 le bund est à 2,50 à la fin de l'année.
10:47 Et il y a beaucoup d'argent à faire sur l'Italie et peut-être l'Espagne,
10:52 même si l'Espagne est dans une situation fondamentale plus difficile
10:55 que l'Italie de notre point de vue.
10:57 Et sur le spread OAT/bund, notre vision, c'est qu'en moyenne,
11:04 dans les 3-4 mois qui viennent, pour des raisons électorales évidentes,
11:06 il y aura beaucoup de volatilité.
11:08 Donc il va se tendre.
11:10 En moyenne, on est à à peu près 160, on est à 130 aujourd'hui, 130-135.
11:18 Et qu'en fin d'année, il devrait se restabiliser,
11:20 une fois que les passions politiques seront stabilisées,
11:23 se restabiliser aux alentours de 100 BP au-dessus du put.
11:26 Merci d'avoir fait le point avec nous sur cette stratégie,
11:29 sur les perspectives de 2012.
11:31 Antoine de Salin, je rappelle, vous êtes donc le directeur des gestions
11:33 de Groupama Assets Management.
11:35 Merci à vous.
11:36 [SILENCE]

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