Avec la Diagonale des Fous à la Réunion, l'Ultra Trail du Mont-Blanc, créé en 2003, est l'une des plus prestigieuses épreuves de trail au monde (course à pied de longue distance en terrain accidenté). Le départ a été donnée hier vendredi à 18h. Pour en parler, Xavier Thévenard, l'un des meilleurs trailers au monde, trois fois vainqueur de l'UTMB (2013, 2015, 2018). Souffrant de la maladie de Lyme, il ne participe pas cette année.
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00:00 Si vous nous rejoignez de 8h50, je vous propose donc ce matin de prendre de l'altitude, de nous rendre à Chamonix,
00:04 la capitale du Grand Air, de l'alpinisme et tout ce week-end, le paradis des traileurs.
00:08 Ce sont ces coureurs à pied de plus en plus nombreux qui s'attaquent à des défis, alors paradis ou plutôt enfer,
00:13 car l'UTMB, l'ultra trail du Mont Blanc, sont plusieurs courses, mais la course qui fait fantasmer,
00:19 ce sont 173 kilomètres, 10 000 mètres de dénivelé dans les Alpes françaises, suisses, italiennes,
00:26 ça ne fait que monter et descendre. 2 300 personnes ont pris le départ hier soir à 18h,
00:31 les plus rapides termineront dans l'après-midi, les autres dans la nuit, demain matin, demain après-midi.
00:36 Pour être un finisheur, il faut boucler en moins de 46h30.
00:40 Xavier Thévenard est avec nous depuis Chamonix, on le remercie, les spécialistes de l'ultra trail.
00:44 Bonjour à vous. - Bonjour.
00:46 - Merci Xavier d'être en direct cette année, vous êtes spectateur, vous, parce que malade,
00:49 vous allez nous expliquer ce qui vous arrive. Vous l'avez remporté trois fois cette UTMB,
00:53 pouvez-nous dire avec quelques mots en quoi cette épreuve est si dure et si folle ?
00:58 - Elle est dure parce que c'est 10 000 mètres de dénivelé pour 170 kilomètres,
01:03 donc c'est quand même assez dense et la particularité, c'est qu'on a cette montagne mythique du Mont Blanc,
01:09 on en fait le tour, donc elle est reconnue à l'échelle internationale,
01:13 ce qui fait un événement de renom et c'est un peu la référence mondiale aujourd'hui en ultra trail.
01:19 - On passe par des altitudes à 2500 mètres, Xavier, il y a 10 000 mètres de dénivelé,
01:24 donc je caricature en disant ça monte, ça descend, ça monte, ça descend, c'est que ça ?
01:28 - Oui c'est ça, c'est des grands toboggans, donc on est des grands enfants, on s'amuse sur ces toboggans,
01:34 et le point haut effectivement c'est le Grand Col Ferré au 100ème kilomètre,
01:39 qui est à peu près à 2500 mètres d'altitude, et ensuite il y a quelques montées sur la fin aussi,
01:46 qui sont très mal, et puis le but c'est de boucler la boucle et de franchir la ligne d'arrivée.
01:52 - Concrètement qu'est-ce qui fait le plus mal aux jambes, aux dos, aux genoux, aux articulations,
01:56 c'est de monter ou de descendre ?
01:58 - C'est un peu tout, mais après les descentes c'est vrai que c'est un niveau excentrique,
02:04 donc il y a beaucoup de casse de la fibre musculaire,
02:07 et dans un magasinier cette casse de la fibre musculaire au fil des kilomètres,
02:14 ça peut être un peu dur sur les dernières descentes,
02:16 après aussi ça peut être un peu au niveau articulaire, pas que musculaire,
02:19 puis le bas du dos, les lambaires, mais bon après c'est de l'entraînement,
02:24 et puis quand on a de l'entraînement on arrive à magasiner ces douleurs,
02:29 et en avoir de moins en moins.
02:31 - Alors le corps il faut qu'il soit au rendez-vous bien évidemment,
02:33 il faut beaucoup d'entraînement, on l'entend bien, pour faire ça.
02:35 Est-ce que la tête ça joue un rôle vraiment particulier ?
02:38 Est-ce que ça se joue aussi au moral, au mental ?
02:41 - Oui bien sûr, c'est quand même quelque chose de très important,
02:45 surtout quand on est tous cuit physiquement,
02:47 parce qu'à un moment donné on est tous au même stade physiquement,
02:50 donc après c'est la tête qui prend le relais,
02:52 puis celui qui est positif, et qui a envie de...
02:55 qui est encore frais mentalement,
02:58 il peut aller chercher des belles choses,
03:00 et puis encore grappiller un peu de temps sur la fin du parcours,
03:03 donc il faut justement arriver à économiser son énergie mentale avant la course,
03:08 parce qu'on va devoir s'en servir sur la fin du parcours.
03:10 - On est très très loin de la balade,
03:12 mais ce sont quand même les Alpes françaises, les Alpes suisses,
03:15 italiennes, il y a plus de 170 km,
03:17 est-ce que quand on court, quand on participe à ce genre d'épreuve,
03:20 dans cette course-là en particulier,
03:22 on arrive à profiter du paysage quand même ?
03:24 - C'est même la base, je pense que c'est l'essentiel,
03:26 c'est ce qui fait avancer.
03:29 On est quand même dans des endroits qui sont magnifiques,
03:32 avec des grands espaces, les glaciers à proximité,
03:35 les rivières incroyables,
03:37 donc en fait quand on est dans des difficultés, des temps faibles,
03:39 qu'on a tous, on traverse tous des moments de souffrance,
03:42 il faut lever les yeux et regarder un peu ce qui nous entoure,
03:45 et on dit qu'on n'a pas le droit de se plaindre,
03:48 on n'est pas dans un conflit armé,
03:50 on n'a pas des bombes qui nous tombent sur la tête,
03:52 alors certes ça peut être difficile,
03:53 mais on est quand même dans un lieu incroyable,
03:55 et puis si on a mal aux jambes, si on souffre,
03:58 c'est seulement nous qui avons décidé d'être là,
04:00 donc on pourrait relativiser la situation.
04:03 - Et cette montagne, vous la voyez se dégrader quand vous faites des courses comme ça ?
04:06 C'est-à-dire qu'on parle beaucoup d'environnement, d'écologie en ce moment,
04:08 ça a changé le décor ?
04:10 - Oui, et puis encore plus ici à Chamonix,
04:12 on a quand même des glaciers assez incroyables
04:14 qui sont sous nos yeux,
04:16 à proximité de la haute montagne,
04:18 et on y voit tout doucement fondre d'année en année,
04:23 et moi je suis monté il n'y a pas très longtemps avec un petit groupe de sportifs
04:28 pour un événement avec Maïf Sport Planète et Riding to Explore,
04:34 où justement on a été sensibilisés à ces glaciers-là avec des glaciologues,
04:41 et puis c'est sûr que c'est problématique.
04:44 - C'est la course Nature par excellence, l'UTMB dans les Alpes,
04:48 la course est associée désormais à un sponsor, c'est une marque automobile aujourd'hui.
04:53 Ça, ça coince pour beaucoup, c'est très critiqué, comment vous le commentez ?
04:57 - Oui, il y a une vraie contradiction,
04:59 parce que ça s'associe à une industrie liée aux énergies fossiles,
05:02 ça participe à la dégradation de l'environnement qui est autour de nous,
05:05 justement les glaciers, c'est un gros paradoxe.
05:10 Après, il faut aussi...
05:12 Les gens ne comprennent pas souvent les interactions avec l'abondance des énergies fossiles,
05:18 le rejet de CO2 en plus,
05:20 et la montée des températures qui font fondre nos glaciers,
05:23 donc après c'est à nous aussi de sensibiliser sur ces points-là,
05:27 parce qu'il y a vraiment des enjeux importants qui vont arriver prochainement sur l'environnement,
05:33 il y a une dégradation forte de l'environnement,
05:35 donc moi je suis animateur de la fresquette du climat,
05:37 mais on est d'autres aussi à essayer d'amener ça à des sujets
05:42 sur les problèmes d'idées et règlements climatiques,
05:44 parce que c'est tellement important, ça nous concerne tous.
05:47 Donc voilà, il faut une fois de plus amener de la pédagogie et sensibiliser,
05:51 et puis encore plus dans des événements comme ça,
05:53 pour bien faire comprendre que c'est plus possible d'être associé à un partenariat
05:56 qui détruit un environnement qui est autour de chez soi.
05:58 - Vous avez gagné trois fois cette UTMB, Xavier.
06:01 Là vous êtes malade, en ce moment c'est la maladie de Lyme qui vous touche,
06:04 comment vous allez ? J'avais promis de ne pas vous embêter longtemps là-dessus,
06:07 mais comment ça va ?
06:08 - Il y a des jours où ça va, d'autant un peu moins,
06:12 c'est un peu cyclique, après il y a le Lyme qui perturbe pas mal de choses,
06:17 donc il y a aussi un peu des conséquences du Lyme,
06:19 mais après c'est comme s'il y avait un virus dans un logiciel,
06:22 et le logiciel il fallait le reconfigurer,
06:24 donc après je suis bien suivi, donc je ne l'espère pas,
06:28 mais le plus dur c'est justement de ne pas savoir où on en est,
06:31 par rapport à quand les gens me cassaient, on sait pour combien de temps on en a,
06:34 un Lyme c'est un peu plus compliqué,
06:36 mais de toute façon je ne baisserai jamais les bras pour me sortir d'affaire,
06:40 il faut que je me sorte d'affaire.
06:41 - On vous souhaite de vous en sortir très très vite.
06:43 Merci d'avoir partagé des choses avec les auditeurs,
06:45 Xavier Tevenard, trois fois dans le trattel du Mont Blanc,
06:48 ça court en ce moment et ça va courir jusqu'à demain soir,
06:51 on vous tiendra au courant bien entendu.