• l’année dernière
Alors que les professeurs alertent en cette rentrée sur la fragilité du système scolaire, des parents dont les enfants sont atteints de handicaps divers réclament leur inclusion... L'école en a-t-elle les moyens ? Comment imaginer un accompagnement adapté, au carrefour de l'éducation et la santé ?

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Amusant
Transcription
00:00 Tout va bien, mais tout peut arriver. Et c'est justement l'heure de la question qui fâche.
00:04 Les enfants handicapés ont-ils vraiment leur place à l'école ?
00:08 La lumière s'est baissée, tout le décor home est là.
00:18 Si on pose cette question, c'est que chaque année, la colère des parents d'enfants handicapés est plus grande.
00:22 Oui, le nombre des accompagnants d'élèves en situation de handicap, les AESH, a augmenté depuis 4 ans.
00:28 Mais pas du tout autant que le nombre d'enfants handicapés scolarisés.
00:31 Nous sommes avec Roxane Butterfly, membre de l'association Trisomie 21 France et maman de Zully.
00:37 Zully, une jeune adolescente trisomique dont la scolarisation, depuis que la famille est revenue d'Espagne où tout se passait bien, est chaotique.
00:44 Bonjour Roxane.
00:45 Bonjour mesdames.
00:46 Bonjour.
00:47 Est-ce que vous pouvez justement nous raconter le parcours scolaire de Zully ?
00:50 Zully, c'est une enfant qui est porteuse de Trisomie 21, qui est un handicap qui a été reconnu à un grade de 30%.
01:02 En arrivant en France, sans qu'il n'y ait aucune consultation d'aucune sorte, on a posé un grade de 80% d'handicap sur sa carte d'handicapé.
01:11 Automatiquement ?
01:11 Automatiquement, en audisant la trisomie, c'est pareil pour tout le monde.
01:15 Donc déjà, il y avait un manque de nuances certains, ce qui n'est pas dire que la trisomie ne représente pas de multiples handicaps.
01:23 Mais déjà, ça nous fait comprendre qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une question de moyens dont on sait pertinemment qu'ils sont en manque,
01:29 notamment le manque d'AESH qui ne sont pas suffisamment recrutés car ils sont dans des situations d'emplois très précaires.
01:35 Mais c'est aussi une question de vision, de projet au long terme.
01:40 En arrivant en France, une enfant qui avait été scolarisée à temps plein depuis ses 9 mois,
01:47 en crèche, en maternelle, en école primaire, tout son CP et un début de CE1, c'est-à-dire de 9h à 17h,
01:55 sans qu'il y ait des AESH ou non, l'école trouvait les solutions.
01:59 En arrivant en France, il n'y a pas d'AESH, Madame, gardez votre enfant chez vous.
02:03 - Ah ! Donc je me suis dit, j'étais plutôt du côté de l'instruction en famille, je suis artiste, je m'imaginais voyageant par manges et par veau avec ma fille sur scène.
02:13 De toute façon, c'est ce qui s'est passé puisque par défaut, elle n'a pas été à l'école.
02:17 Et que finalement, la façon la plus idéale de faire de l'instruction en famille, sans avoir le gouvernement à dos,
02:24 puisque ce sont des façons de faire qui ne sont plus du tout soutenues ni encouragées,
02:29 c'est de surveiller. - C'est très simple, il suffit d'avoir un enfant en situation de handicap,
02:32 parce qu'on serait dans les clous, il serait inclus à l'école, mais en fait il n'ira pas,
02:36 et l'école demandera aux parents de faire l'école à sa place.
02:39 Donc en gros, en arrivant en France, gros trou, grosse discontinuité, pas d'école du tout pendant 4 mois pleins.
02:47 Donc je me mets au RSA, ça fait 7 ans que j'y suis parce que je n'arrive plus à travailler,
02:52 parce qu'à chaque rentrée, on ne sait jamais à quelle sauce on sera mangé.
02:56 Et en bref, ma fille n'a eu qu'une année de scolarité normale, son CM2.
03:03 Ce qui est ironique parce que c'est l'année où elle aurait dû sortir du cycle primaire
03:06 pour passer déjà en 6ème du fait de son âge.
03:09 Un âge qui a pris du retard puisqu'elle a refait un CP vu qu'elle n'y avait pas eu accès.
03:14 - Roxane, si on redéfinit les termes du débat, à quoi ça sert un AESH ? Dans quel cas est-ce qu'il y en a vraiment besoin ?
03:19 - Un AESH, c'est l'accompagnant d'enfants en situation de handicap.
03:23 C'est-à-dire qu'on ne dit plus un enfant handicapé à présent, on dit plutôt un enfant en situation de handicap.
03:29 Et donc, par exemple, l'année qui vient de passer, pendant 6 mois, ma fille n'a pas eu d'AESH.
03:34 Comme beaucoup d'enfants, malheureusement c'est la majorité,
03:38 et qui du coup n'a pas eu accès à Histoire Géo.
03:42 On me l'a mis en permanence à 8h du matin sans que nous soyons au courant.
03:46 30 heures d'absence non justifiées par mois, des volumes d'heures passées en permanence.
03:53 - Un enfant un peu à l'abandon. - Voilà, un enfant complètement à l'abandon.
03:56 Et surtout, sans réactivité du rectorat, parce que le rectorat lui-même n'est pas en mesure de recruter des AESH.
04:01 - Est-ce que ce que disent les professeurs, c'est d'accord, mais nous sans AESH, on veut bien faire de l'école inclusive,
04:05 mais on passe plus de temps à éviter l'accident plutôt qu'à enseigner.
04:08 - Tout à fait. Ils sont pris en étau.
04:11 Alors je vais me faire l'avocat du diable, parce qu'on a eu affaire à des enseignants,
04:15 en Espagne, mais aussi les dernières années de scolarité en primaire, ici en France,
04:21 où, sans avoir plus de moyens ni de formation, on a quand même été en relation avec des enseignants
04:27 qui ont fait d'énormes différences, qui se sont attelés à ce challenge, et qui ont eu des résultats incroyables.
04:32 Qui n'avaient rien à voir avec... - Vous dites que donc ça dépend de la volonté du prof ?
04:36 - Ça dépend peut-être pas forcément que de la volonté, mais du talent.
04:41 On va dire du talent. - C'est dur ce qu'on dit.
04:44 - Du coup, il faut vraiment s'appuyer sur les exemples de personnes qui ont réussi à faire cette différence
04:49 pour inspirer les autres et partager cette ressource.
04:52 - Donc si je résume pour l'instant, parce que c'est un petit peu la mi-temps de la question qui fâche,
04:56 pour l'instant, j'ai compris qu'en ce moment, le rectorat manquait de nuances, manquait de moyens, manquait d'accompagnement.
05:02 Du coup, votre enfant a manqué des cours, mais certains profs font ce qu'ils peuvent et essayent.
05:08 Maintenant, voilà, il y a d'autres questions, par exemple...
05:12 - Est-ce qu'avoir un enfant porteur de handicap dans une classe où il n'est pas correctement accompagné,
05:17 est-ce que ce n'est pas un handicap pour le reste des élèves ?
05:19 C'est une question terrible, mais j'imagine qu'elle vous est posée régulièrement.
05:23 - Alors non, ce n'est pas une question terrible, elle a beaucoup de sens,
05:25 parce que moi-même étant professeure sur le champ de la danse, du rythme, etc.,
05:29 quand il m'arrive un enfant qui est sur des paramètres d'apprentissage complètement différents,
05:34 ça me pose un vrai challenge.
05:36 D'avoir Uzuli m'a fait changer complètement ma pédagogie et j'ai réalisé une chose,
05:41 c'est que ce que j'arrive à faire fonctionner pour un enfant qui est en difficulté va fonctionner pour tout le monde.
05:45 Et à présent je suis une bien meilleure professeure,
05:47 parce que j'arrive à inclure un panel de gens beaucoup plus divers,
05:51 pas forcément des professionnels, mais des amateurs, etc.
05:54 Et donc je me dis que c'est une conversation que j'ai eue avec les professeurs qui ont fait que ça fonctionne.
05:59 Ils sont partis sur ce même principe que réfléchir différemment à son cours bénéficie à tout le monde.
06:05 - Est-ce que ce n'est pas les valides au final que vous voulez qu'on éduque presque plus que votre enfant ?
06:09 - L'inclusion ça bénéficie pas seulement à nos enfants qui sont en situation de handicap,
06:13 mais à tous les enfants en général.
06:15 Parce que si ce n'est pas à l'école qu'ils apprennent à se côtoyer,
06:19 qu'ils apprennent à développer un geste citoyen, un geste sensé, sensible envers l'autre,
06:25 on manque une étape qui est vraiment cruciale.
06:28 C'est-à-dire qu'il y a des enfants qui, parce qu'ils auront côtoyé ma fille ou d'autres enfants en situation de handicap sur les bancs de l'école,
06:35 le jour où ils seront chefs d'entreprise, ils auront le réflexe peut-être d'engager un de ces enfants,
06:39 parce qu'il aura vu que cet enfant a un potentiel.
06:42 Sinon, il resterait dans une espèce de nuage d'a priori, les mêmes que ses parents.
06:46 - Donc notre question qui fâche du soir était "Les enfants handicapés ont-ils vraiment leur place à l'école ?"
06:51 Si je résume, la réponse est oui, mais pour ça il faut des moyens, du personnel si possible,
06:56 des gens qui en ont envie et des spectacles de danse.
06:58 - C'est bien ça Roxane ? - Exactement !
07:00 - Merci beaucoup Roxane Butterfly. On souhaite un avenir radieux à Zully.

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