Alors que les professeurs alertent en cette rentrée sur la fragilité du système scolaire, des parents dont les enfants sont atteints de handicaps divers réclament leur inclusion... L'école en a-t-elle les moyens ? Comment imaginer un accompagnement adapté, au carrefour de l'éducation et la santé ?
Retrouvez toutes les chroniques de Marie Misset dans « Jusqu'ici tout va bien » sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/
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AmusantTranscription
00:00 Tout va bien, mais tout peut arriver. Et c'est justement l'heure de la question qui fâche.
00:04 Les enfants handicapés ont-ils vraiment leur place à l'école ?
00:08 La lumière s'est baissée, tout le décor home est là.
00:18 Si on pose cette question, c'est que chaque année, la colère des parents d'enfants handicapés est plus grande.
00:22 Oui, le nombre des accompagnants d'élèves en situation de handicap, les AESH, a augmenté depuis 4 ans.
00:28 Mais pas du tout autant que le nombre d'enfants handicapés scolarisés.
00:31 Nous sommes avec Roxane Butterfly, membre de l'association Trisomie 21 France et maman de Zully.
00:37 Zully, une jeune adolescente trisomique dont la scolarisation, depuis que la famille est revenue d'Espagne où tout se passait bien, est chaotique.
00:44 Bonjour Roxane.
00:45 Bonjour mesdames.
00:46 Bonjour.
00:47 Est-ce que vous pouvez justement nous raconter le parcours scolaire de Zully ?
00:50 Zully, c'est une enfant qui est porteuse de Trisomie 21, qui est un handicap qui a été reconnu à un grade de 30%.
01:02 En arrivant en France, sans qu'il n'y ait aucune consultation d'aucune sorte, on a posé un grade de 80% d'handicap sur sa carte d'handicapé.
01:11 Automatiquement ?
01:11 Automatiquement, en audisant la trisomie, c'est pareil pour tout le monde.
01:15 Donc déjà, il y avait un manque de nuances certains, ce qui n'est pas dire que la trisomie ne représente pas de multiples handicaps.
01:23 Mais déjà, ça nous fait comprendre qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une question de moyens dont on sait pertinemment qu'ils sont en manque,
01:29 notamment le manque d'AESH qui ne sont pas suffisamment recrutés car ils sont dans des situations d'emplois très précaires.
01:35 Mais c'est aussi une question de vision, de projet au long terme.
01:40 En arrivant en France, une enfant qui avait été scolarisée à temps plein depuis ses 9 mois,
01:47 en crèche, en maternelle, en école primaire, tout son CP et un début de CE1, c'est-à-dire de 9h à 17h,
01:55 sans qu'il y ait des AESH ou non, l'école trouvait les solutions.
01:59 En arrivant en France, il n'y a pas d'AESH, Madame, gardez votre enfant chez vous.
02:03 - Ah ! Donc je me suis dit, j'étais plutôt du côté de l'instruction en famille, je suis artiste, je m'imaginais voyageant par manges et par veau avec ma fille sur scène.
02:13 De toute façon, c'est ce qui s'est passé puisque par défaut, elle n'a pas été à l'école.
02:17 Et que finalement, la façon la plus idéale de faire de l'instruction en famille, sans avoir le gouvernement à dos,
02:24 puisque ce sont des façons de faire qui ne sont plus du tout soutenues ni encouragées,
02:29 c'est de surveiller. - C'est très simple, il suffit d'avoir un enfant en situation de handicap,
02:32 parce qu'on serait dans les clous, il serait inclus à l'école, mais en fait il n'ira pas,
02:36 et l'école demandera aux parents de faire l'école à sa place.
02:39 Donc en gros, en arrivant en France, gros trou, grosse discontinuité, pas d'école du tout pendant 4 mois pleins.
02:47 Donc je me mets au RSA, ça fait 7 ans que j'y suis parce que je n'arrive plus à travailler,
02:52 parce qu'à chaque rentrée, on ne sait jamais à quelle sauce on sera mangé.
02:56 Et en bref, ma fille n'a eu qu'une année de scolarité normale, son CM2.
03:03 Ce qui est ironique parce que c'est l'année où elle aurait dû sortir du cycle primaire
03:06 pour passer déjà en 6ème du fait de son âge.
03:09 Un âge qui a pris du retard puisqu'elle a refait un CP vu qu'elle n'y avait pas eu accès.
03:14 - Roxane, si on redéfinit les termes du débat, à quoi ça sert un AESH ? Dans quel cas est-ce qu'il y en a vraiment besoin ?
03:19 - Un AESH, c'est l'accompagnant d'enfants en situation de handicap.
03:23 C'est-à-dire qu'on ne dit plus un enfant handicapé à présent, on dit plutôt un enfant en situation de handicap.
03:29 Et donc, par exemple, l'année qui vient de passer, pendant 6 mois, ma fille n'a pas eu d'AESH.
03:34 Comme beaucoup d'enfants, malheureusement c'est la majorité,
03:38 et qui du coup n'a pas eu accès à Histoire Géo.
03:42 On me l'a mis en permanence à 8h du matin sans que nous soyons au courant.
03:46 30 heures d'absence non justifiées par mois, des volumes d'heures passées en permanence.
03:53 - Un enfant un peu à l'abandon. - Voilà, un enfant complètement à l'abandon.
03:56 Et surtout, sans réactivité du rectorat, parce que le rectorat lui-même n'est pas en mesure de recruter des AESH.
04:01 - Est-ce que ce que disent les professeurs, c'est d'accord, mais nous sans AESH, on veut bien faire de l'école inclusive,
04:05 mais on passe plus de temps à éviter l'accident plutôt qu'à enseigner.
04:08 - Tout à fait. Ils sont pris en étau.
04:11 Alors je vais me faire l'avocat du diable, parce qu'on a eu affaire à des enseignants,
04:15 en Espagne, mais aussi les dernières années de scolarité en primaire, ici en France,
04:21 où, sans avoir plus de moyens ni de formation, on a quand même été en relation avec des enseignants
04:27 qui ont fait d'énormes différences, qui se sont attelés à ce challenge, et qui ont eu des résultats incroyables.
04:32 Qui n'avaient rien à voir avec... - Vous dites que donc ça dépend de la volonté du prof ?
04:36 - Ça dépend peut-être pas forcément que de la volonté, mais du talent.
04:41 On va dire du talent. - C'est dur ce qu'on dit.
04:44 - Du coup, il faut vraiment s'appuyer sur les exemples de personnes qui ont réussi à faire cette différence
04:49 pour inspirer les autres et partager cette ressource.
04:52 - Donc si je résume pour l'instant, parce que c'est un petit peu la mi-temps de la question qui fâche,
04:56 pour l'instant, j'ai compris qu'en ce moment, le rectorat manquait de nuances, manquait de moyens, manquait d'accompagnement.
05:02 Du coup, votre enfant a manqué des cours, mais certains profs font ce qu'ils peuvent et essayent.
05:08 Maintenant, voilà, il y a d'autres questions, par exemple...
05:12 - Est-ce qu'avoir un enfant porteur de handicap dans une classe où il n'est pas correctement accompagné,
05:17 est-ce que ce n'est pas un handicap pour le reste des élèves ?
05:19 C'est une question terrible, mais j'imagine qu'elle vous est posée régulièrement.
05:23 - Alors non, ce n'est pas une question terrible, elle a beaucoup de sens,
05:25 parce que moi-même étant professeure sur le champ de la danse, du rythme, etc.,
05:29 quand il m'arrive un enfant qui est sur des paramètres d'apprentissage complètement différents,
05:34 ça me pose un vrai challenge.
05:36 D'avoir Uzuli m'a fait changer complètement ma pédagogie et j'ai réalisé une chose,
05:41 c'est que ce que j'arrive à faire fonctionner pour un enfant qui est en difficulté va fonctionner pour tout le monde.
05:45 Et à présent je suis une bien meilleure professeure,
05:47 parce que j'arrive à inclure un panel de gens beaucoup plus divers,
05:51 pas forcément des professionnels, mais des amateurs, etc.
05:54 Et donc je me dis que c'est une conversation que j'ai eue avec les professeurs qui ont fait que ça fonctionne.
05:59 Ils sont partis sur ce même principe que réfléchir différemment à son cours bénéficie à tout le monde.
06:05 - Est-ce que ce n'est pas les valides au final que vous voulez qu'on éduque presque plus que votre enfant ?
06:09 - L'inclusion ça bénéficie pas seulement à nos enfants qui sont en situation de handicap,
06:13 mais à tous les enfants en général.
06:15 Parce que si ce n'est pas à l'école qu'ils apprennent à se côtoyer,
06:19 qu'ils apprennent à développer un geste citoyen, un geste sensé, sensible envers l'autre,
06:25 on manque une étape qui est vraiment cruciale.
06:28 C'est-à-dire qu'il y a des enfants qui, parce qu'ils auront côtoyé ma fille ou d'autres enfants en situation de handicap sur les bancs de l'école,
06:35 le jour où ils seront chefs d'entreprise, ils auront le réflexe peut-être d'engager un de ces enfants,
06:39 parce qu'il aura vu que cet enfant a un potentiel.
06:42 Sinon, il resterait dans une espèce de nuage d'a priori, les mêmes que ses parents.
06:46 - Donc notre question qui fâche du soir était "Les enfants handicapés ont-ils vraiment leur place à l'école ?"
06:51 Si je résume, la réponse est oui, mais pour ça il faut des moyens, du personnel si possible,
06:56 des gens qui en ont envie et des spectacles de danse.
06:58 - C'est bien ça Roxane ? - Exactement !
07:00 - Merci beaucoup Roxane Butterfly. On souhaite un avenir radieux à Zully.