Ligue 1 : L’interview intégrale avec Eric Roy dans Génération After

  • l’année dernière
Eric Roy était l’invité de Génération After ce mardi soir. Le coach de Brest revient notamment sur le bon début de saison du club breton et de son retour dans le grand bain après plusieurs années d’absence.
Transcript
00:00 Eric, bravo pour ce début de saison, 7 points sur 12 en affrontant 3 européens, victoire contre Lens en ouverture, victoire contre le Havre,
00:07 défaite, je vais me faire des ennemis, anomalies statistiques au Vélodrome, et un nul contre Rennes.
00:12 Est-ce que tu es surpris par ce début de saison ? Franchement ?
00:15 Surpris non, parce que je sais ce que mon équipe est capable de faire, on avait bien travaillé sur la préparation,
00:23 on a fait des bons matchs amicaux aussi, donc après, il est évident quand on a vu le calendrier et qu'on recevait sur les 4 premiers matchs,
00:32 c'est toujours pareil, il y avait 4 matchs après cette trame internationale, il y a encore 4 matchs qui vont suivre derrière,
00:36 donc on prend un petit peu ces challenges tous les 4 matchs, et c'est vrai que sur les 4 premiers matchs,
00:43 quand tu joues le deuxième, le troisième et le quatrième de la saison précédente,
00:47 c'est évident qu'on s'est dit "tiens, ça va être un début de championnat difficile",
00:52 et c'est vrai que quand tu te projettes, tu te dis "il ne faudrait pas qu'on ait un ou deux points après les 4 premiers matchs",
00:58 donc il est évident qu'on est satisfaits, mais en même temps frustrés, parce que sur les 2 derniers matchs,
01:04 on considère qu'on aurait pu faire mieux en termes de points, notamment par rapport à notre contenu.
01:09 Eric, on va être honnête, parce qu'on te connaît bien, on était quelques-uns à être un peu sceptiques à ta nomination à Brest en janvier,
01:15 mais pas que nous, il y avait des supporters à Brest aussi, d'autres observateurs, ça ne t'a pas échappé j'imagine ?
01:19 Parce qu'onze ans sans entraîner, après une dernière expérience niçoise de 8 mois, on se demandait,
01:24 est-ce que, peut-être un peu rapidement, Eric sera adapté à ce football dix ans après, à cette nouvelle génération aussi ?
01:30 C'est une question qu'on s'est posée, la réponse aujourd'hui, tu la donnes,
01:34 quand tu arrives il y a 13 points en 17 journées à Brest, Brest finit avec 44 points à l'issue de la saison avec un bon maintien,
01:40 donc pour l'instant c'est réussi. Est-ce que tu as entendu ces critiques et comment tu les as prises à l'époque ?
01:46 — Je les ai prises assez logiquement, dans le sens que je peux comprendre, c'est vrai que...
01:55 d'avoir été absent d'un banc pendant de nombreuses années, ça peut s'entendre, ça peut aussi...
02:04 Je comprends en tous les cas ce scepticisme.
02:07 Après, c'était oublié un peu quand même que j'avais fait des choses intéressantes à Nice,
02:10 ça a duré pratiquement sur trois saisons, parce que c'était une fin de saison pour sauver l'équipe,
02:14 comme à Brest cette année, mais c'était que sur 11 matchs,
02:19 où on avait fait quand même 18 ou 20 points sur 11 matchs, je ne sais plus, pour se maintenir.
02:23 Et puis après, c'était un maintien assez logiquement acquis la saison d'après.
02:28 À l'époque, Nice, il faut remettre les choses dans le contexte, c'était un des derniers budgets du championnat.
02:32 Donc je retrouve un peu ce que j'ai connu à Nice, à Brest, avec effectivement des moyens limités,
02:38 mais avec l'envie de construire un collectif et une identité collective aussi,
02:44 qui est importante pour moi, dans ce qu'on peut produire sur le terrain.
02:48 Ricardo Fati est avec nous, il a une question pour toi.
02:50 Oui, bonsoir coach.
02:51 Bonsoir Ricardo.
02:53 Alors, vous savez, dans le milieu, on vous a surtout connu...
02:56 En tant que joueur.
02:58 Moi, en tant que joueur, bien sûr, dans ma jeunesse, mais aussi plus en hauteur en tant que directeur.
03:04 Et maintenant, vous avez repris le chemin des vestiaires.
03:07 Moi, j'ai une question qui m'intéresse, enfin même deux.
03:11 Vous avez quitté votre première expérience en 2011.
03:15 Est-ce que vous avez senti une différence dans le vestiaire, au niveau des rapports que vous avez avec les joueurs ?
03:21 L'écosystème, si je peux dire, c'est d'investir, est-ce que ça a vraiment changé ?
03:24 Et la deuxième, c'est parce que vous savez, ici, on parle beaucoup de code,
03:28 avec la nouvelle génération, tout ça, les nouvelles générations.
03:33 Et est-ce que vous vous êtes adapté à la génération ?
03:36 Est-ce que vous avez changé vos codes aussi par rapport aux années 2010 ?
03:41 Alors, moi, je suis parti de Nice, c'était en 2012.
03:44 J'avais pris l'équipe en 2010, en février.
03:48 C'est vrai que ça fait un bail, ça fait une dizaine d'années.
03:52 Et autant, je ne me sentais pas du tout en décalage à l'époque,
03:55 quand j'avais repris l'équipe de Nice, par rapport à, effectivement, cette jeunesse,
04:00 cette nouvelle génération, les codes, comme tu peux le dire,
04:03 qui sont et dans le vestiaire et sur le terrain.
04:06 Et autant, quand je suis arrivé à Brest, je me suis, mais à aucun moment, senti en décalage aussi.
04:12 Donc, je ne sais pas si c'est le fait d'avoir des enfants qui sont des adolescents aujourd'hui,
04:16 maintenant, 21 ans.
04:19 Mais en tous les cas, je ne me suis jamais senti vraiment en décalage.
04:24 Alors, c'est vrai que j'ai 55 ans maintenant, donc le temps passe.
04:29 Mais moi, j'ai toujours l'impression d'être jeune dans ma tête, jeune dans mon corps.
04:35 Et quelque part, je n'ai jamais eu réellement ce problème, en fait.
04:40 Ça ne s'est jamais posé.
04:41 Et ce qui est un peu étonnant, déjà à mon époque à Nice,
04:45 quand j'avais été un petit peu, on va dire, balancé sur le terrain pour essayer de sauver l'équipe,
04:50 parce que c'était un peu le cas, parce que je n'avais aucune expérience d'entraîneur à ce moment-là.
04:53 Je n'avais passé aucun diplôme, ce que j'ai depuis passé,
04:56 puisque j'étais dans la promotion de Zidane avec d'autres enseignants internationaux.
05:01 Donc bon, mais autant, je ne me suis pas du tout senti en décalage.
05:06 Au sens, j'ai tout de suite senti à l'époque que j'étais fait pour ça.
05:10 Et me retrouver à Brest dix ans après,
05:13 c'est comme si rien n'avait changé.
05:16 C'est peut-être prétentieux de dire ça,
05:20 mais en même temps, c'était tellement naturel pour moi.
05:23 Je crois que les joueurs, il faut juste être franc, sincère, naturel.
05:27 - Il y a des méthodes immuables. - Exactement.
05:29 - Et ne pas forcer le caractère. - Jimmy.
05:31 C'est intéressant, ça provient déjà qu'il y a une part de fantasme
05:33 dans ce qu'on dit sur le changement générationnel, etc.
05:36 Puisque Eric nous dit qu'il n'a pas non plus radicalement changé ses méthodes.
05:40 Moi, Eric, j'avais une autre question,
05:42 c'est qu'on t'a reconnu comme le disait Ricardo, directeur sportif,
05:45 pendant un certain temps avant de revenir sur le banc.
05:47 À Brest, aujourd'hui, vous avez Greg Lorenzi,
05:48 qui est reconnu comme étant un des meilleurs directeurs sportifs en Ligue 1.
05:51 Maintenant que tu es repassé de l'autre côté,
05:52 comment ça se passe dans le recrutement ?
05:54 Comment vous avez fonctionné ?
05:54 Est-ce qu'en tant qu'ancien directeur sportif,
05:56 tu as envie de t'impliquer plus sur les dossiers de joueurs, etc. ?
05:59 Est-ce qu'au contraire, tu te dis,
06:01 je me souviens comment les entraîneurs m'emmerdaient à l'époque,
06:05 quand moi j'étais directeur sportif, donc je reste à ma place ?
06:07 Comment ça s'est passé, ce binôme, cette intersaison avec Greg Lorenzi ?
06:10 Parce que vous switchez des fois aussi.
06:12 C'est assez simple, en fait, parce que comme j'ai fait son métier,
06:16 en fait, je comprends ses problématiques
06:20 et je me mets assez facilement à sa place,
06:23 et notamment à la place d'un directeur sportif dans un club comme le Stade Bresto 29,
06:26 qui a peu de moyens et qui doit recruter en étant intelligent, en étant malin
06:32 et en essayant de trouver des bonnes solutions par rapport aux moyens que l'on a.
06:36 Donc ce travail-là, je l'ai fait.
06:38 Donc à partir de là, moi, c'est vrai que quand j'étais dans ces fonctions-là,
06:42 je voulais avoir une relation saine avec mon entraîneur.
06:44 Et souvent, ce que j'avais pu mettre en place, par exemple, avec Philippe Montagnier,
06:47 quand on était à Lens tous les deux, c'était de dire,
06:49 je ne prendrai pas un joueur que tu ne veux pas,
06:51 et inversement, tu ne m'imposeras pas un joueur que tu veux si j'en veux pas.
06:55 Donc c'est d'avoir quelque part une volonté commune sur un joueur.
07:00 Et ça, c'était important.
07:01 Donc de respecter le travail des uns et des autres.
07:04 Moi, dans ma fonction, je trouvais que quand j'étais directeur sportif,
07:07 parce que je pense que j'avais fait le métier d'entraîneur aussi avant,
07:10 quand j'étais à Lens, je pouvais avoir des idées sur le jeu,
07:13 je pouvais avoir des idées sur l'équipe, sur les joueurs.
07:18 Et c'était mon devoir d'en parler avec mon entraîneur et d'échanger
07:23 et de peut-être lui donner des pistes.
07:24 Mais après, comme j'ai toujours dit, l'entraîneur a toujours le choix, le dernier choix.
07:28 Et c'est lui qui doit décider parce que c'est lui, en même temps,
07:31 qui doit vivre avec ses choix.
07:33 Et quand on est entraîneur, c'est 500 décisions que l'on prend dans la journée
07:39 et qui sont multiples, diverses à tous les niveaux.
07:43 Donc je veux dire, c'est un métier où on a beaucoup de solitude malgré tout,
07:47 parce que même si on a un staff, les décisions finales, c'est toi qui les prends
07:50 et c'est toi qui vis avec ça.
07:51 Donc c'est assez simple avec Greg.
07:55 Ça se passe normalement, j'allais dire, sans problème.
08:00 Et c'est vrai que je ne vais pas chouiner à lui demander des joueurs
08:04 que je sais qu'on ne pourra pas avoir, avec des salaires qu'on ne peut pas avoir
08:06 parce que j'ai fait ce métier-là et que quelque part, peut-être dans notre relation,
08:10 du coup, c'est plus facile.
08:11 Donc je lui laisse faire son travail, je ne me mixe pas du tout dedans.
08:14 C'est-à-dire que je peux lui donner après des infos sur mon réseau,
08:18 qui était mon réseau à l'époque où je faisais ce métier-là.
08:21 Mais après, c'est lui qui gère tout et qui gère le recrutement.
08:24 Donc il n'y a aucun problème.
08:25 Et c'est à moi après de travailler avec les joueurs qu'il me met à disposition.
08:28 - Ou Ali de Question pour Eric Roy.
08:29 - Bonsoir Eric.
08:30 Déjà, je voulais juste en préambule vous dire que moi, je faisais partie des sceptiques
08:34 et votre travail depuis que vous êtes arrivé à Brest est remarquable.
08:40 Vous parlez d'idées de jeu.
08:42 Moi, j'avais été sceptique aussi par rapport au fait que ça faisait très très longtemps
08:48 que vous n'aviez pas entraîné, que le football aujourd'hui moderne
08:51 se renouvelle à une grande, grande vitesse.
08:54 Moi, j'ai vu le début de saison notamment, et que ce soit le match contre Marseille
08:58 où vous méritez beaucoup mieux, la deuxième mi-temps contre Lens,
09:00 la première mi-temps face à Rennes ou même globalement la première mi-temps contre Le Havre.
09:05 On voit une équipe agressive, on voit une équipe qui veut jouer au foot,
09:09 qui veut se procurer des situations, des occasions.
09:11 Est-ce que vous pouvez nous décrire un petit peu votre plan de jeu
09:13 pour ceux qui n'ont pas eu l'occasion de regarder Brest sur le début de saison ?
09:17 Parce que je trouve qu'on n'en parle pas assez.
09:21 - Effectivement, on n'en parle pas assez.
09:23 Et souvent, quand on a mis en difficulté des équipes qui sont avec des budgets
09:26 bien plus supérieurs aux nôtres, et je pense à Lens, je pense à Rennes,
09:30 je pense à Marseille, comme tu l'as dit.
09:31 C'est vrai que quand tu vois après les commentaires dans les journaux,
09:36 dans les journaux, dans l'équipe par exemple, ou dans d'autres médias,
09:40 on parle souvent des contre-performances de nos adversaires
09:43 et on ne parle jamais de nous qui avons quelque part...
09:46 Si à un moment donné, tu as un adversaire qui est en difficulté,
09:48 c'est que certainement, tu es un petit peu pour quelque chose.
09:51 Donc, c'est un peu triste pour les joueurs.
09:53 Mais en même temps, je connais bien le milieu aussi, les médias,
09:59 et c'est sûr que ça fait plus parler,
10:01 c'est plus intéressant de parler de Marseille, de Lens ou de Rennes que de Brest.
10:05 Mais bon, c'est comme ça.
10:06 - On parlera différemment avec toi quand tu seras troisième de Ligue 1 d'ici 10 journées, certainement.
10:10 - Non, non, non, certainement pas.
10:12 En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on sait d'où on vient,
10:15 on sait en tous les cas où on aimerait aller.
10:17 Mais en tous les cas, il est évident que tu ne peux pas le définir comme ça
10:20 sans avoir des idées précises sur ce que tu veux mettre en place.
10:23 Et un projet de jeu, on parle toujours de projet de jeu, de choses comme ça,
10:27 mais c'est souvent un support théorique qui définit une philosophie,
10:30 des principes de jeu à l'intérieur d'un ou plusieurs systèmes de jeu.
10:33 Et ça, c'est important de les faire comprendre aux joueurs,
10:37 d'avoir ce référentiel entre nous et entre le staff, par exemple,
10:40 pour créer une identité collective.
10:42 C'est-à-dire que ce qu'on va mettre en place,
10:44 ce qu'on va travailler toute la semaine, ce que l'on va décider ensemble,
10:48 c'est justement pour orienter le comportement des joueurs
10:50 par rapport à ce qu'on souhaite faire,
10:51 guider leurs intentions et faciliter leur prise de décision sur le terrain.
10:55 Ça veut dire que si à un moment donné,
10:56 on n'a pas une idée commune, tous ensemble, collective,
10:59 de faire quelque chose,
11:01 il est évident que c'est difficile de le traduire après sur le terrain.
11:03 L'important, c'est d'avoir tous la même idée.
11:05 Après, toutes les idées sont bonnes, d'avoir un jeu très offensif,
11:08 d'avoir un jeu défensif, d'avoir un jeu plus réaliste,
11:10 d'avoir un jeu de possession, d'avoir tout ce que...
11:13 Toutes les idées sont bonnes,
11:14 après, il faut être capable de pouvoir la mettre en application.
11:17 Et moi, ce que j'ai fait dès que je suis arrivé à Dresse,
11:19 c'était de comprendre déjà mon effectif
11:21 et de savoir ce qu'ils étaient capables de faire
11:22 au moment où je les avais récupérés,
11:24 c'est-à-dire en grand manque de confiance, forcément,
11:26 parce que quand tu l'as dit, quand tu as 13 points après 17 journées,
11:29 forcément, tu as eu un début de saison compliqué.
11:32 Donc, par rapport à ce manque de confiance,
11:34 qu'est-ce qu'ils sont capables de faire à cet instant-là ?
11:36 Et après, qu'est-ce que tu vas essayer de développer
11:38 si effectivement, tu arrives petit à petit comme on l'a fait,
11:40 à gagner les matchs, à gagner la confiance ?
11:43 Et à un moment donné, peut-être...
11:45 Moi, je parle beaucoup du bloc équipe, notamment,
11:47 de cette importance du bloc équipe,
11:49 d'avoir un bloc équipe qui est bien resserré sur la largeur
11:52 et sur la hauteur, notamment quand tu es dans des phases défensives
11:55 et qui peut évoluer après quand tu es dans une phase offensive.
11:58 Mais par exemple, ce bloc équipe, au début,
12:00 quand j'ai pris le Stade Bresto 29,
12:05 au mois de janvier de l'année prochaine,
12:07 il était un bloc équipe un peu plus bas
12:10 pour essayer de se rassurer, prendre moins de buts,
12:12 laisser moins d'espace dans le dos.
12:13 Et puis, ce bloc équipe, je l'ai fait avancer au fur et à mesure
12:16 que l'équipe a pris confiance.
12:17 Il y a un travail de psychologie collective, presque.
12:21 C'est exactement ça.
12:23 Aujourd'hui, il faut essayer de rassurer ton équipe
12:25 et leur donner effectivement des objectifs en plus,
12:28 parce qu'il faut toujours donner des objectifs.
12:30 Ils en ont besoin, les footballeurs, tout le monde d'ailleurs.
12:32 Ils sont réalisables pour l'équipe,
12:33 parce que si tu donnes des choses qui sont irréalisables,
12:36 c'est démotivant aussi pour ton groupe,
12:38 c'est démotivant pour tes joueurs.
12:39 Belle leçon de management, c'est vrai, il croit.
12:41 [SILENCE]

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