Quasiment aucun procès n'a pu avoir lieu ce lundi au tribunal de Valence. Les greffiers étaient en grève. Ces professionnels réclament de meilleurs salaires mais aussi de passer en fonctionnaires de catégorie A.
Plus de la moitié des personnels de greffe étaient donc à l'arrêt à Valence alors que les négociations avec le ministère de la justice commencent ce mardi.
Plus de la moitié des personnels de greffe étaient donc à l'arrêt à Valence alors que les négociations avec le ministère de la justice commencent ce mardi.
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00:00 Infos, sourires et musique, les essentiels du 6/9 France Bleu de Robardège.
00:05 7h43, une profession indispensable à la justice et pourtant méconnue,
00:10 dénonce ses conditions de travail. Les greffiers étaient en grève hier, Emmanuel Champal,
00:14 et l'une de ses professionnels est avec nous ce matin.
00:17 Bonjour Suzanne Malard.
00:18 Bonjour, merci de m'avoir invitée.
00:20 Avec plaisir. Greffière au tribunal pour enfants à Valence.
00:23 Avant de passer à vos conditions de travail, ce qui ne va pas dans votre métier de greffier et de greffière,
00:29 il y a un cadre général au tribunal de Valence que vous dénoncez.
00:34 En gros, c'est quoi ? C'est un problème de matériel que vous avez ?
00:36 Tout à fait, ça fait des années. Depuis que notre nouveau président est arrivé,
00:40 il le dénonce encore plus fort et encore de manière plus médiatique.
00:44 Nous manquons de place, nous manquons de personnel et nous manquons de moyens, même informatique.
00:49 Donc ce qui est très compliqué pour pouvoir exercer nos fonctions au jour le jour
00:53 et qui va entraîner une certaine fatigue.
00:56 Rassurez-nous, vous pouvez envoyer des mails, vous pouvez communiquer quand même ?
00:59 Oui, tout à fait. Mais nous sommes à la modernisation, nous sommes à la numérisation des procédures,
01:03 nous sommes à l'ère numérique et nous avons des câblages qui datent du Moyen-Âge.
01:07 Donc vous voyez, il n'y a rien qui passe, tout est lent.
01:09 On a des logiciels qu'il faut qu'on relance 300 fois pour essayer de sortir un jugement correctement.
01:15 Donc tout ça fait que nous prenons du retard et qui nous fatigue.
01:19 Sur le manque de place, le tribunal de Valence va avoir une nouvelle annexe, ça a été annoncé en 2026.
01:25 Ça vous rassure ça ou pas ?
01:27 Ça me rassure mais je me demande comment nous allons tenir dans ce délai en fait.
01:31 Tout simplement, c'est que le manque de place il est irréel maintenant.
01:34 Donc en effet, nous avons une perspective, le ministre nous l'a garantie lorsqu'il est venu la dernière fois dans sa venue.
01:40 Mais c'est vrai qu'actuellement nous partageons des bureaux à quatre,
01:43 nous partageons une photocopieuse, nous partageons des imprimantes.
01:47 Et ce qui est bien c'est que quand tout tombe en panne, tout le monde est logé à la même enseigne.
01:51 Donc au moins nous avons un traitement égalitaire. Mais c'est vrai que c'est très compliqué.
01:54 Le matériel c'est une chose, derrière il y a des hommes et des femmes, les greffiers.
01:59 Comment vous sentez la fatigue générale ? Vous l'avez dit, on manque de personnel, on est fatigué.
02:06 C'est ça.
02:07 C'est vraiment sensible ça ?
02:08 C'est vraiment sensible parce que bon, alors déjà nous avons des durées d'audience qui sont de plus en plus longues.
02:14 En gros ?
02:15 En gros, nous en principe nous sommes encadrés par une circulaire qui s'appelle la circulaire Lebranche-U,
02:22 qui date de 2001, qui dit que nous avons une durée maximum d'audience.
02:26 Qui par exemple quand vous commencez une audience l'après-midi, elle doit être de 6 heures.
02:29 Au bout de 6 heures elle doit s'arrêter. Quand vous commencez une audience le matin,
02:32 qui dure toute la journée, c'est 8 heures.
02:34 Et là vous voyez que par exemple hier on avait une audience de 11 aussi l'après-midi,
02:38 vous savez que vous partez pour une durée de 11 heures.
02:42 Voilà, tout simplement parce que vous avez des justiciables qui attendent ce procès,
02:46 autant de victimes que de prévenus, et qu'il faut prendre le temps de les écouter.
02:49 Donc forcément, vous vous débordez.
02:51 11 heures de travail, c'est une exception ou c'est devenu la règle ?
02:53 Ça devient de plus en plus la règle, pour les audiences pénales, tout à fait.
02:57 Et avec des horaires, effectivement, on travaille très tard dans la nuit, vous travaillez très tard.
03:01 Exactement, il faut savoir que nous sommes à nos postes à 9 heures du matin.
03:04 C'est-à-dire que quand vous prenez l'audience à 14 heures avec 11 dossiers qui se terminent à 2 heures du matin,
03:09 en fait vous avez une journée qui a commencé à 9 heures du matin.
03:11 Donc c'est vrai que vous faites ça une fois dans la semaine, deux fois dans la semaine,
03:14 avec le manque de personnel, parce que comme on a moins de personnel, forcément on doit se remplacer les uns les autres,
03:20 avec les gens qui ont le droit de prendre des récupérations, des congés, des maladies,
03:24 et voilà, ça accentue la fatigue et l'épuisement de chacun.
03:28 Tout ça pour quel salaire ?
03:29 Alors vous allez avoir un greffier qui, quand il commence, va être à 1500 euros.
03:34 Et quand moi j'ai 20 ans de carrière, je vais être à 2002-2003.
03:38 Suzanne Malard, vous êtes greffière, vous au tribunal pour enfants de Valence,
03:42 ça s'est vraiment détérioré rapidement votre situation, où est-ce que vous l'avez vu venir ?
03:47 Alors moi je l'ai vu, on l'a vu venir, oui, quand même, au cours des dernières années.
03:54 Au cours des dernières années, on a vu arriver aussi un certain nombre de sucres rapides,
03:58 comme notre ministre nous l'a annoncé, donc les contractuels.
04:01 Sauf que les contractuels, il faut les former, en fait vous avez des gens qui arrivent de bonne volonté,
04:06 qui ont des compétences, il n'y a pas à dire, mais il faut qu'ils soient encadrés, formés,
04:10 et tout ça, ça prend du temps.
04:13 Et les véritables greffiers qui mettent un an et demi de formation, qui arrivent en juridiction, c'est très compliqué.
04:18 45% des greffiers qui souhaitent réchanger de métier, apparemment, c'est votre cas ou pas ?
04:24 Je l'envisage, je ne l'aurais jamais cru, mais je l'envisage.
04:27 Vous ne l'auriez jamais cru ?
04:28 Non, jamais, c'est un métier que j'adore.
04:30 C'est un métier que j'adore, on est proche du citoyen, on sait qu'on apporte notre petite pierre
04:36 à cet édifice de la justice qui fait notre état de droit, et voilà, je ne l'aurais jamais cru.
04:40 Mais c'est vrai qu'il y a un moment où l'épuisement fait qu'on voit d'autres nécessités.
04:45 Des négociations commencent aujourd'hui au ministère de la Justice, vous attendez des hausses de salaire,
04:50 c'est le point majeur, la reconnaissance par salaire ?
04:54 Alors, les hausses de salaire, on peut dire que la dernière grille indiciaire nous faisait une petite hausse de salaire,
04:58 pas mirobolante, parfois c'était 20 euros par personne et par mois.
05:02 Mais c'est pas... En effet, il y a la hausse de salaire pour pouvoir y briguer,
05:06 mais il y a surtout cette peur de la perspective de greffier.
05:10 Voilà, cette reconnaissance et cette valorisation que nous demandons,
05:13 nous avons tenu les juridictions dans des moments difficiles,
05:16 et au moment où vous avez l'ensemble du ministère qui se mobilise pour en effet faire de la reconnaissance,
05:23 on se rend compte que le greffier est la dernière roue du carrosse.
05:26 Vous avez un surveillant de centre pénitentiaire qui est passé en catégorie B,
05:30 qui a un niveau de recrutement qui est au brevet des collèges,
05:33 nous nous sommes en catégorie B également, mais nous avons un recrutement du niveau de Bac+2.
05:38 Donc nous ne comprenons pas pourquoi vous avez autant de distinctions,
05:42 et quand nous réclamons en effet cette catégorie A, qui est quand même l'objet de notre lutte,
05:47 c'est parce qu'en fait on estime qu'on a ce genre de responsabilité,
05:52 donc on ne comprend pas pourquoi on est toujours la dernière roue du carrosse.
05:55 - Un meilleur statut et de meilleur salaire, voilà ce que vous réclamez pour une profession
05:58 qui est indispensable au fonctionnement de notre justice collective.
06:01 - Tout à fait.
06:02 - Merci à vous Suzanne Malard, je rappelle que vous êtes greffière au tribunal pour enfants à Valence.
06:05 - Exactement, merci de m'avoir invitée.
06:07 Interview à réécouter dans quelques instants sur francebleu.fr, bientôt 8h à -10h.