SIMONE - NEWS : Camilla Gallapia a grandi avec une mère alcoolique

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00:00 Je l'avais scindée en deux personnes, parce que pour moi, il y avait ma maman, que vraiment j'adorais.
00:04 Et puis, il y avait l'autre.
00:05 L'autre, c'est celle qu'elle devenait quand elle avait bu.
00:07 Et elle, réellement, je la méprisais.
00:08 J'ai réalisé que ma mère était alcoolique autour de l'âge de 9 ou 10 ans.
00:14 Je n'avais jamais eu aucun indice avant qu'il m'avait indiqué qu'il y avait un problème.
00:17 Et c'est ma grande sœur qui me l'a annoncé un jour, comme pour me rassurer.
00:22 Elle m'a dit "tu sais, maman a un problème avec l'alcool, mais ne t'inquiète pas, c'est fini".
00:25 Sauf qu'en réalité, il s'est avéré que c'est là que moi, l'histoire de l'alcoolisme de ma mère a commencé.
00:31 Parce qu'une fois que j'ai ouvert les yeux et que j'ai vu ce qui se passait chez moi,
00:34 j'ai tout vu.
00:35 À cet âge-là, on n'a pas la conscience de ce que c'est réellement que l'alcoolisme.
00:40 Par contre, on sait que c'est quelque chose de très moche et de très mal considéré.
00:44 J'ai toujours eu des très bonnes relations avec ma mère.
00:46 Ça a été une mère qui était très aimante, qui m'a beaucoup chouchoutée.
00:52 Et les rôles se sont inversés à partir du moment où l'alcool a été plus fort
00:57 et où elle n'a plus été capable de s'occuper convenablement de ses enfants.
01:02 L'alcoolisme féminin, c'est un alcoolisme qui est très intérieur.
01:06 Ça se passe beaucoup dans le foyer.
01:07 Chez nous, c'était vraiment huit clos à la maison.
01:10 Ce qui fait que ma mère avait très peu de relations sociales.
01:13 Et qu'au fur et à mesure où elle a sombré plus loin dans l'alcool, nous aussi on en avait très peu.
01:19 Au quotidien, nos journées, c'était, je rentrais de l'école, ma mère faisait la sieste.
01:23 Pendant qu'elle faisait la sieste, moi je cherchais les bouteilles qu'elle avait pu cacher dans la maison
01:29 pour pouvoir les vider de façon à ce que, quand elle se réveille, elle ait plus d'alcool à disposition.
01:35 J'ai eu la chance de vivre dans un foyer où il n'y avait pas du tout de violence,
01:38 mais c'est quelque chose vraiment qui aurait pu mal tourner.
01:42 C'est très compliqué d'être enfant d'alcoolique parce qu'on a beaucoup d'émotions qui ne sont pas des émotions d'enfant.
01:48 Déjà il y a la culpabilité, on se sent coupable de ne pas réussir à aider notre parent,
01:52 on se sent coupable de le détester parfois.
01:55 Et puis il y a le poids de la honte, c'est terrible,
01:58 parce qu'on ne veut pas que les gens aient cette image-là d'une des personnes qu'on aime le plus au monde.
02:02 Et puis ensuite c'était donc évidemment le secret,
02:05 parce qu'il fallait avoir des techniques de dissimulation pour que les gens ne puissent pas se douter que chez moi,
02:12 ça ne se passait pas comme chez eux.
02:13 Je l'avais scindée en deux personnes parce que pour moi il y avait ma maman que vraiment j'adorais,
02:18 et puis il y avait l'autre, c'est celle qu'elle devenait quand elle avait bu,
02:21 que je reconnaissais au premier coup d'œil.
02:24 Celle-là, elle avait les yeux à gare, une mauvaise élocution,
02:27 et elle réellement je la méprisais.
02:29 Et j'avais hyper honte de la mépriser,
02:33 parce que j'avais l'impression que ma vraie maman allait pouvoir s'en rendre compte.
02:37 Aujourd'hui je n'ai plus aucune rancœur vis-à-vis de ma mère.
02:40 Le seul regret que j'ai, c'est que j'aurais aimé la connaître.
02:43 J'ai le sentiment aujourd'hui de ne pas savoir qui elle était en tant que femme.
02:46 Ma mère a toujours été consciente qu'elle avait un problème avec l'alcool.
02:49 Elle a fait plusieurs cures de désintoxication.
02:51 Quand notre parent a une maladie comme une addiction,
02:55 on a l'impression que nous, enfants, on n'est pas suffisants pour les raccrocher à la vie.
02:59 Et quand je me suis rendue compte qu'en fait elle s'était battue toute sa vie contre l'alcool,
03:03 ça m'a énormément soulagée.
03:05 À aucun moment du parcours médical de ma mère, qui a été très long,
03:09 ma sœur et moi n'avons été reçus ou accompagnés, et mon père non plus d'ailleurs.
03:15 Et 25 ans après, j'ai fait cette BD parce que j'étais enfin en paix avec cette histoire.
03:19 Avec du recul, je me dis que si j'avais été suivie par un psy,
03:24 peut-être que ça me redurait moins longtemps.
03:26 Il faut qu'on sorte de cet espèce de tabou qui fait qu'on ne peut pas dire ce qui se passe,
03:30 parce que pour les enfants c'est un peu le double fardeau.
03:32 Et qu'en tant qu'enfant d'alcoolique, j'étais victime moi aussi de l'alcoolisme.
03:36 Ni les malades, ni leurs proches ne doivent en avoir honte,
03:39 parce que c'est une maladie, l'addiction c'est une maladie qui est compliquée,
03:42 et que l'isolement ne fait que la rendre encore plus compliquée.
03:45 Dans les films et les séries qu'on peut voir où des femmes sont alcooliques,
03:50 déjà c'est relativement rare.
03:52 Et quand elles y sont, je pense toujours aux scènes avec Brie Van Der Kamp,
03:57 à un moment donné elle tombe dans l'alcoolisme,
03:59 et donc elle boit dans des grands verres à pied, des verres de vin blanc,
04:02 comme si c'était de l'alcoolisme élégant.
04:05 Mais l'alcoolisme c'est jamais élégant.
04:08 L'alcoolisme c'est dégradant, l'alcoolisme c'est sale,
04:11 c'est pas une maladie qui peut être glamourisée en fait,
04:15 et ce serait trompeur que de présenter ça.
04:17 Et pour moi ça reste quelque chose de très douloureux,
04:19 que de voir des scènes, ou de lire des scènes,
04:22 avec une mère qui est saoule, ou qui souffre d'alcoolisme.
04:25 [Musique]

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