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00:00 que c'est une femme d'origine maghrébine.
00:01 J'ai l'impression que si je parle du sexisme qu'il y a dans ma famille,
00:04 ça donne du gras à moudre à des hypothèses racistes.
00:07 Donc, j'ai l'impression que ma parole aussi, elle est muselée.
00:10 J'ai vraiment commencé à mener ma double vie au lycée.
00:28 J'ai commenté absolument sur toutes mes sorties,
00:30 sur les copains avec qui je sortais,
00:32 sur le profil aussi des copines avec qui je traînais.
00:36 Maintenant, ça fait plus de 12-13 ans, je pense,
00:38 que je mens continuellement sur mes relations amoureuses.
00:42 Je cache à mes parents le fait que je suis avec un homme blanc
00:46 d'origine non musulmane.
00:47 C'est un tabou, quand on est maghrébine,
00:50 de sortir avec un homme non musulman blanc.
00:52 C'est un interdit dans lequel j'ai grandi,
00:54 qui n'était pas forcément formulé clairement, mais je l'ai bien vu.
00:57 Il y a le cousin de mon père qui s'est marié avec une femme blanche.
01:01 Ils sont tous et toutes allés à leur mariage.
01:04 Quelques années plus tard, il y a la cousine de ma mère
01:07 qui s'est mariée avec un homme blanc non musulman.
01:10 Et mon père, quand il a reçu le fer part,
01:12 il l'a juste balancé à la poubelle en disant "La honte, quoi".
01:15 On utilise un argument bien sexiste en disant
01:18 que les femmes sont beaucoup plus perméables à la culture de leur mari.
01:24 Donc, elles vont perdre leur culture musulmane.
01:27 Les enfants vont plus avoir d'identité.
01:28 J'ai grandi avec des injonctions contradictoires
01:30 parce que je suis issue de l'immigration.
01:33 Les codes culturels dans lesquels j'ai grandi dans ma famille
01:36 sont complètement à l'opposé des codes occidentaux
01:40 dans lesquels j'ai aussi évolué.
01:42 J'ai eu honte d'être maghrébine.
01:44 Je voulais être blanche comme mes copines, profondément.
01:48 Mon premier copain, Louis, était blanc non musulman.
01:53 Ça a été aussi un choix très conscient de ma part
01:56 de sortir avec un blanc.
01:58 Je me disais qu'avec un nom comme j'avais,
02:00 un prénom comme j'ai, la tête que j'ai,
02:03 ma condition aussi financière, sociale,
02:05 je me disais que je ne pouvais pas réussir.
02:07 Je n'avais aucun modèle, aucune représentation de femme
02:10 qui, comme moi, était comme moi et qui réussissait.
02:13 Il n'y en avait presque pas quand j'étais adolescente.
02:15 Les rares modèles qu'on a autour de nous,
02:17 ce sont des femmes de régime maghrébine
02:18 qui sont en couple avec des hommes blancs.
02:21 Pendant longtemps, ça a été un refus de sortir avec un homme maghrébin.
02:24 J'en ai honte aujourd'hui de le dire.
02:27 Je disais, sortir avec un maghrébin, c'est comme sortir avec mon frère.
02:31 Moi, j'ai complètement intégré ce truc assimilationniste.
02:34 Il y a cette vision hyper négative de l'union communautaire.
02:38 Je dois être avec un blanc, être la bonne petite française
02:42 que la République attend.
02:44 Et en fait, c'est complètement à l'heure
02:46 parce qu'être avec un blanc, ça a aussi plein d'inconvénients.
02:49 J'avais l'impression qu'avec mon premier copain,
02:51 j'avais vraiment cette sensation
02:52 qu'il avait une image extrêmement négative de mes origines.
02:55 Ça le faisait aussi honte, alors que moi, j'en avais aussi honte.
02:58 On s'intègre dans un contexte aussi politique, économique,
03:03 qui ne nous est pas forcément favorable.
03:06 L'écriture de mon livre a été une vraie thérapie pour moi.
03:09 Ça m'a renouée avec mes origines algériennes.
03:13 Je suis allée en Algérie, j'ai appris énormément sur mes parents.
03:17 Ça m'a apaisée, clairement.
03:18 Je ne suis pas d'accord avec la façon de penser de mon père,
03:22 mais d'un autre côté, je la comprends totalement.
03:25 Mon père, comme beaucoup d'hommes maghrébins,
03:28 se sent rejeté aussi par la population majoritaire, par la France.
03:34 Au travail, dans les études, ça a été aussi compliqué.
03:36 Dans la vie intime, je reçois encore et toujours ces remarques racistes.
03:40 Je suis une femme, mais je ne suis pas qu'une femme.
03:41 Je suis aussi une personne racisée.
03:43 Et en fait, ma famille, c'est un cocon, en fait, pour moi.
03:46 C'est le seul endroit où on est ensemble, dans notre différence, où je me repose.
03:50 Quand j'en parlais à des adolescentes et même jeunes adultes,
03:53 à mes copines blanches, en leur disant "moi, je mens à ma famille,
03:57 je ne peux pas leur dire que je suis avec un tel ou un tel",
03:59 elles me répondaient toujours "t'es majeure et vaccinée".
04:03 Au pire, ils ne te parlent pas, ils ne te parlent pas, tant pis.
04:05 Il y a cette incompréhension totale.
04:07 Le mensonge, c'est pour moi une façon de tout concilier.
04:11 C'est une façon de vivre ma vie, comme moi, je l'entends.
04:14 Et en même temps, de me plier aussi aux exigences de ma famille,
04:17 de continuer à les voir, à avoir une relation avec eux.
04:21 C'est une stratégie comme une autre, le mensonge.
04:23 J'ai l'impression qu'on est un peu prise entre le marteau et l'enclume,
04:27 où il faut qu'on choisisse entre la lutte antiraciste et notre lutte féministe.
04:32 J'aimerais, dans l'idéal, que le débat public s'apaise sur les musulmans,
04:38 sur les arabes, sur les maghrébins,
04:40 et qu'on puisse nous-mêmes parler de nos propres vécus avec nos mots.
04:44 C'est ce que je veux.
04:45 Sous-titrage ST' 501
04:47 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
04:50 [SILENCE]