L'annonce faite mardi 12 septembre des résultats obtenus par un vaccin thérapeutique dans le traitement du cancer du poumon génère un certain espoir.
Comment fonctionne un tel traitement ?
Comment notre système immunitaire pourrait-il êtres mis à contribution dans la lutte contre la maladie ?
Pour répondre à ces questions, Marguerite Catton reçoit Fabrice Barlesi, directeur médical de l’institut Gustave Roussy.
#cancer #vaccination #science
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NewsTranscription
00:00 La question du jour, Marguerite Caton, bonjour.
00:02 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:04 Ce matin, nous recevons le directeur général de l'Institut Gustave Roussy, venu décrypter
00:09 Tédopi.
00:10 Tédopi, c'est un vaccin thérapeutique, porteur de beaucoup d'espoir dans la lutte
00:13 contre le cancer du poumon.
00:14 Bonjour Fabrice Barlesy.
00:16 Bonjour.
00:17 Quel rôle a tenu votre institut dans la mise au point de ce vaccin et quels sont ses liens,
00:21 vos liens avec la société Os Immuno Thérapeutics qui le développe ?
00:25 Le rôle d'un grand institut comme Gustave Roussy, c'est de participer au développement
00:30 des médicaments dans ses phases les plus initiales, comprendre comment il peut fonctionner,
00:34 chez quel type de patient il va avoir la meilleure efficacité et accompagner les différentes
00:38 compagnies.
00:39 En particulier, on est particulièrement heureux d'avoir une compagnie française dans le développement
00:43 de ce médicament.
00:45 Ensuite, c'est de driver toutes les étapes cliniques, c'est-à-dire de surveiller tous
00:49 les événements qui peuvent survenir et s'assurer que le développement du médicament se fait
00:54 d'abord dans des bonnes conditions de sécurité pour les patients qui participent à l'essai
00:58 et ensuite bien sûr de maximiser l'efficacité de ces différents traitements.
01:02 C'est le rôle des leaders de Gustave Roussy.
01:03 Pas de conflit d'intérêt ?
01:04 Aucun.
01:05 Avant d'en venir aux résultats publiés lundi dans les annales d'oncologie, il faut commencer
01:10 par dire Fabrice Barlesy que le vaccin sur lequel vous avez travaillé est un vaccin
01:14 thérapeutique, c'est-à-dire qu'il concerne des gens malades déjà atteints et même
01:17 à un stade avancé d'un cancer du poumon.
01:20 C'est bien cela ?
01:21 Exactement.
01:22 Ce sont malheureusement des patients qui ont une maladie métastatique, qui ont déjà
01:25 reçu une chimiothérapie, qui ont déjà reçu une immunothérapie et qui sont dans
01:30 une situation où il y a un besoin non satisfait, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de standard
01:35 thérapeutique, pas de stratégie qui est officiellement effet, c'est preuve.
01:38 Il est donc extrêmement important de mener des recherches dans ce domaine-là.
01:41 Alors comment fonctionne ce vaccin ? Qu'est-ce qu'on injecte ?
01:44 Alors ce vaccin en fait est un vaccin peptidique, donc ce n'est pas un vaccin à ARN messager
01:50 comme ils ont été popularisés pendant la crise Covid, donc c'est une technologie
01:54 un peu différente.
01:55 L'idée est en fait d'avoir identifié au niveau tumoral des anomalies présentes
02:00 sur les cellules tumorales de manière extrêmement régulière et relativement fréquente et
02:05 de développer un vaccin qui va booster, éduquer le système immunitaire pour reconnaître
02:10 ces anomalies.
02:11 En injectant ce vaccin, on va stimuler des lymphocytes, c'est-à-dire les globules
02:16 blancs qui sont les acteurs de ce système immunitaire, pour venir détruire les cellules
02:21 qui seront porteuses de ces anomalies.
02:23 Et c'est le principe de ce vaccin thérapeutique qui a été administré à ces patients de
02:27 manière régulière par voie sous-cutanée.
02:29 Alors si je comprends bien, on identifie les marqueurs vraiment du cancer et ce qu'on
02:35 injecte quand on dit peptidique, qu'est-ce que c'est ?
02:38 C'est des petits bouts de protéines en fait.
02:40 Les peptides c'est des tout petits bouts de protéines qu'on va injecter exactement
02:44 comme on peut le faire avec des vaccins avisés anti-infectieuses, mais qui eux sont des vaccins
02:48 préventifs.
02:49 Et là on le fait pour stimuler le système immunitaire, pour l'éduquer, le rendre
02:52 extrêmement puissant, multiplier le nombre de cellules capables de reconnaître ces anomalies
02:58 et donc de les attaquer pour détruire les cellules cancéreuses.
03:00 Venons-en à l'étude publiée lundi.
03:02 Disons tout d'abord qu'il s'agit des résultats de la troisième phase de l'essai Clinics.
03:06 La troisième phase de l'essai Clinics est une phase cruciale, celle qui précède la
03:09 demande d'autorisation de mis sur le marché.
03:12 Ce sont donc des résultats solides Fabrice ?
03:13 Alors la phase, en fait, c'est pas la troisième phase, mais la phase 3.
03:18 La phase 3, c'est en fait en général ce qu'on appelle une étude randomisée.
03:22 C'est-à-dire qu'une partie des malades va recevoir le traitement investigationnel,
03:27 celui qui a l'étude, et là en l'occurrence le vaccin, et l'autre partie des malades
03:30 va recevoir ce qui est considéré comme le standard, et là en l'occurrence c'était
03:34 des monochimio-thérapies.
03:35 Et c'est la seule manière scientifiquement valide de comparer l'effet différentiel
03:41 éventuellement de ce traitement.
03:43 Donc c'est effectivement très important parce que c'est une modalité qui permet
03:47 d'identifier s'il existe ou pas un bénéfice réel, et deuxièmement si ça se fait dans
03:51 des conditions de sécurité qui sont aussi en faveur du nouveau traitement.
03:55 Alors quels sont les résultats obtenus ?
03:56 Alors les résultats, la première chose c'est que c'est un essai qui a été rendu
04:01 plus compliqué par la période Covid, puisqu'il avait démarré avant, et qu'on sait que
04:05 pendant la période Covid il a été évidemment extrêmement difficile de poursuivre une
04:10 activité de recherche clinique identique à celle qui était auparavant, notamment
04:14 dans l'utilisation je dirais de traitements investigationnels.
04:17 Donc c'est un essai qui a inclus plus de 200 malades.
04:20 C'est un essai qui a intéressé des malades, qui étaient des malades qui avaient eu pour
04:25 certains une résistance primaire à l'immunothérapie, c'est-à-dire qu'en fait malheureusement
04:30 la maladie avait évolué très vite après la mise en œuvre de ce traitement, et d'autres
04:34 malades qui avaient eu en fait une résistance secondaire, c'est-à-dire qu'ils avaient
04:37 eu une période de bénéfice de l'immunothérapie avant de reprogresser.
04:41 Et c'est en fait dans cette seconde population que les résultats sont particulièrement
04:45 intéressants, puisque dans cette population de patients, la survie médiane, c'est-à-dire
04:51 le moment où on a plus de la moitié des malades qui sont toujours vivants sous le
04:56 traitement investigationnel, ce temps-là était de 11,1 mois, alors qu'il était
05:00 de 7,5 mois pour la chimiothérapie.
05:03 Ça veut dire en gros qu'on a augmenté de quasiment 50% ce temps-là.
05:07 Donc évidemment, ce n'est pas un résultat, je dirais, définitif, il y a encore plein
05:11 de choses à comprendre, mais c'est un résultat extrêmement encourageant, c'est une porte
05:14 ouverte sur l'utilisation potentielle et l'utilité potentielle de ce type de stratégie
05:19 thérapeutique.
05:20 Je crois que la qualité de vie du patient est aussi nettement améliorée ?
05:23 Alors en fait, un des deuxièmes intérêts, c'est qu'en parallèle de l'amélioration
05:28 de l'efficacité, on a aussi une amélioration de la tolérance.
05:32 Le nombre d'effets secondaires graves était diminué par 3 avec le vaccin, par rapport
05:37 aux effets secondaires graves de la chimiothérapie.
05:39 Et bien sûr, ça a des conséquences sur la qualité de vie.
05:41 Les malades étaient mieux, avaient moins de difficultés à avoir une vie plus proche
05:45 de la normale que les patients qui étaient traités par les traitements plus standards
05:48 et notamment la chimiothérapie.
05:49 À ce stade, quel délai faut-il compter avant que le traitement soit disponible pour les
05:53 malades ?
05:54 C'est compliqué de répondre à cette question.
05:57 Malheureusement, il faut se dire que c'est plusieurs mois et probablement même plusieurs
06:02 mois, en tout cas plus d'une année, parce qu'il faut d'abord que la compagnie,
06:06 OZ Pharmaceutique, dépose un dossier haut niveau européen et qu'une fois que l'AMM
06:11 européenne sera obtenue, il y ait tous les process de remboursement mis en œuvre en
06:16 France.
06:17 Entre-temps, en France, nous avons un système d'accès précoce qui devrait nous permettre,
06:21 dès l'AMM européenne obtenue, d'accéder pour nos malades à cette stratégie thérapeutique.
06:26 Vous l'avez dit, les perspectives sont grandes à partir de cette découverte.
06:29 Est-ce qu'on peut transformer un jour ce vaccin, dont on a dit qu'il était thérapeutique
06:33 et qui concernait déjà des gens malades, en un vaccin préventif, où au moins il
06:36 l'utilisait à des stades plus précoces de la maladie ?
06:38 Vous avez parfaitement raison.
06:41 La première chose, c'est aussi de se dire que ça va être utile dans d'autres maladies.
06:44 Il y a une utilisation aujourd'hui dans le cancer du pancréas.
06:48 L'étude est terminée, on attend les résultats, mais aussi dans les cancers de l'ovaire.
06:51 On a une étude qui est toujours en cours à Gustave Roussy avec ce vaccin.
06:55 La deuxième chose, vous avez parfaitement raison, c'est de dire qu'on fait la démonstration
06:58 d'efficacité dans des situations où il n'y a pas de standard.
07:01 Mais on essaye le plus rapidement possible, lorsque ça fonctionne, de revenir dans des
07:05 stades plus précoces.
07:06 On peut imaginer combiner cette stratégie en première ligne thérapeutique, mais peut-être
07:11 aussi dans des stades non métastatiques où là, l'objectif est d'être curatif.
07:15 On peut imaginer le faire dans des stades effectivement très précoces.
07:18 C'est donc une découverte majeure, on le comprend bien.
07:20 Merci beaucoup Fabrice Barlesy de toutes ces explications.
07:23 Je rappelle que vous êtes professeur de médecine et directeur de l'Institut Gustave Roussy.
07:27 NICOLAS : Merci Marguerite Caton.