Raphaël Glucksmann : "Nous ne pouvons pas laisser l'Europe se détricoter sur la question migratoire"
Raphaël Glucksmann, député européen Place Publique, est l'invité du Grand Entretien de 8h20.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00 L'invité du grand entretien de la matinale avec Marion Lourdes, nous recevons le député européen place publique, Raphaël Glucksmann,
00:06 président de la commission spéciale sur les ingérences étrangères et candidat à sa réélection.
00:11 Intervenez chers auditeurs au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:17 Bonjour Raphaël Glucksmann.
00:18 Bonjour.
00:19 Et bienvenue, on va parler de votre candidature aux élections européennes, mais partons d'abord de l'actualité,
00:24 et c'est une question qui est adressée très directement à l'Europe et à son fonctionnement.
00:29 L'actualité, elle se focalisait cette semaine en Europe sur une île, une petite île italienne, Lampedusa.
00:35 7000 réfugiés y ont débarqué, la plupart en provenance d'Afrique du Nord.
00:40 7000 personnes, c'est l'équivalent de la population de l'île.
00:43 Il n'y a pas de solidarité européenne face à cette question de migratoire.
00:47 L'Allemagne a annoncé avant-hier qu'elle suspendait l'accueil des migrants en provenance d'Italie,
00:53 ce qui est contraire aux règles de l'UE, en particulier aux mécanismes de solidarité européens.
00:58 Qu'est-ce que ça vous inspire ?
01:00 Ça m'inspire une immense inquiétude.
01:02 Nous ne pouvons pas laisser l'Europe se détricoter sur la question migratoire.
01:07 Ces gens, ils ne viennent pas en Italie, ils viennent en Europe.
01:10 Et donc ça doit être géré à l'échelle européenne.
01:13 Et si à chaque fois qu'il y a une pression, on commence à se désolidariser entre pays européens,
01:20 ce qu'on va faire, c'est l'implosion de l'Union européenne.
01:24 Et ce que fait l'Allemagne est dangereux, risqué.
01:26 Et c'est à l'antithèse de ce que l'Allemagne avait fait au moment de la crise des réfugiés syriens.
01:32 En 2015.
01:32 On ne le dit pas assez.
01:33 Quand Angela Merkel mène sa politique, elle le fait non seulement par solidarité humaniste,
01:38 mais elle le fait aussi pour sauver l'Europe.
01:40 Parce qu'à ce moment-là, il y avait déjà des rideaux de fer qui se construisaient entre les pays.
01:45 Et c'est grâce à sa politique que l'Europe a pu ne pas imploser.
01:49 Et là, ce qu'il faut, c'est un leadership européen.
01:51 Ça fait des années qu'au Parlement européen, des années qu'on porte une réforme de la politique migratoire
01:58 qui la rende réellement européenne.
01:59 La Commission européenne est d'accord.
02:01 Mais qui bloque ? Qui bloque ça ?
02:03 Ce sont les États, ce sont le Conseil européen, y compris la France d'ailleurs.
02:07 Et donc, cette gestion nationale de la question migratoire, elle va aboutir à une catastrophe à l'échelle du continent.
02:13 Elle va aboutir à une catastrophe.
02:15 L'Europe va se fracturer.
02:16 Elle s'est fracturée sur la question migratoire.
02:18 On va porter le fait qu'elle ne se fracture pas.
02:20 Et là, on va avoir un débat au Parlement européen sur le paquet "asile et migration".
02:24 Et on va pousser pour une politique migratoire commune.
02:27 Parce qu'on ne peut pas laisser les pays d'entrée seuls face à la question migratoire.
02:31 Il faut qu'on respecte notre droit d'asile, qu'on définisse ensemble une politique migratoire commune
02:37 et qu'il y ait des mécanismes de solidarité.
02:39 Sinon, il ne faut pas s'étonner que l'extrême droite gagne en Italie après.
02:41 Donc, si on vous entend bien, l'idée d'Emmanuel Macron d'ouvrir la porte à un référendum sur les questions migratoires au niveau de la France,
02:49 ce n'est pas une bonne idée ?
02:50 C'est une question européenne.
02:52 D'ailleurs, on vient de voter au Parlement européen le fait qu'il faut des référendums européens.
02:57 Et donc, c'est une question européenne qui doit se gérer à l'échelle européenne.
03:00 Et ça souligne d'ailleurs à quel point toutes les grandes questions qui nous posent aujourd'hui problème,
03:05 qui font aujourd'hui le cœur du débat public dans nos pays,
03:08 elles ont une réponse à l'échelle européenne.
03:11 La migration évidemment, mais l'écologie, la défense, la politique commerciale, la réindustrialisation,
03:18 tout cela, ça se discute à l'échelle européenne aujourd'hui.
03:21 Est-ce que vous imaginez, il y a une réunion aujourd'hui convoquée par le ministre de l'Intérieur, Gérard Darmanin,
03:25 sur cette question de l'An P12A en particulier, est-ce que vous imaginez la France s'aligner sur l'Allemagne aujourd'hui ?
03:31 Ce que j'espère, c'est que la France va porter au Conseil européen, ce qu'elle n'a pas fait jusqu'ici, une solution européenne.
03:37 Et donc, si on se met à fermer nos frontières et à dire à l'Italie "ce n'est plus notre problème",
03:41 eh bien ce qu'on va faire, c'est contribuer activement à la fracturation du continent européen.
03:47 Et quand on fait des meetings avec des drapeaux européens dans ces salles,
03:51 et qu'on se pose en président le plus pro-européen jamais élu dans notre pays,
03:56 eh bien c'est lors de questions comme celle-ci, lors de débats comme celui-ci, qu'on doit montrer qu'on est activement européen.
04:01 On verra donc ce qu'il sortira de cette réunion convoquée par le ministre de l'Intérieur.
04:07 Marion Maréchal a parlé de "submersion migratoire" pour qualifier la situation de ce moment à l'An P12A.
04:13 Les mots sont importants, vous le savez mieux que personne. Les mots et les symboles sont importants en politique.
04:19 Submersion, qu'est-ce que ça vous inspire ?
04:22 Donc la solution c'est quoi ? La solution c'est on envoie des bateaux de guerre en Méditerranée et on coule les navires, c'est ça ?
04:28 Aujourd'hui, on laisse les gens mourir en Méditerranée, on transforme notre mer en cimetière.
04:31 Là, je pense que la conséquence de l'utilisation de ces mots, c'est d'envoyer des bateaux de guerre pour tirer sur ces bateaux.
04:37 Si vous êtes submergé, si vous êtes envahi par l'armée...
04:39 Là, vous vous faites ironique, mais qu'est-ce que vous lui répondez à tous ceux qui utilisent ce vocabulaire ?
04:43 Je réponds que si nous avons une politique migratoire commune, nous pouvons parfaitement gérer cette situation.
04:49 C'est précident parce que nous ne l'avons pas, qu'à chaque fois il y a des points de fixation et qu'il y a des explosions et des implosions.
04:55 Il ne faut pas laisser les mots de l'extrême droite contaminer notre débat public, même si c'est impopulaire,
05:00 même si ça ne fait pas plaisir à tout le monde.
05:02 Moi, je ne m'alignerais jamais sur cette rhétorique-là et je la combattrai toujours.
05:06 Et je défendrai toujours le principe aussi que le devoir de l'Europe, à la fois légalement et sur le terrain des principes,
05:12 c'est de sauver les gens qui meurent en Méditerranée.
05:15 Raphaël Glucksmann, vous avez dit cette semaine que vous étiez à nouveau candidat pour emmener une liste aux prochaines élections européennes.
05:20 C'est une liste quoi ? C'est une liste place publique, place publique PS comme la dernière fois ? Qu'est-ce que c'est que cette liste ?
05:26 D'abord, j'ai envie de faire campagne, j'ai envie de sillonner la France en parlant des sujets européens.
05:34 Mais pas tout seul ?
05:35 J'ai envie de le faire avec place publique et avec Aurore Laluc, ma collègue députée au Parlement européen, nous nous lançons maintenant.
05:42 Après, avec les sociétés, nous avons un héritage commun.
05:44 Ça fait 4 ans qu'on mène des combats communs au Parlement européen.
05:47 Nous avons une vision commune. Nous avons, je pense, un désir commun.
05:50 Donc oui, je pense qu'on sera ensemble.
05:52 Désir commun, ça veut dire que vous pensez que vous serez ensemble ?
05:55 Qu'il y aura une liste place publique PS ?
05:57 Je pense qu'on sera ensemble, qu'on mènera campagne ensemble.
05:59 Et vous serez tête de liste ?
06:01 Ça, on le verra, mais je suis évidemment candidat à mener cette campagne et à l'être.
06:05 Et moi, ce que je veux, c'est rappeler aujourd'hui aux auditeurs qui nous écoutent,
06:09 qu'il y a deux dates qui seront cruciales en 2024.
06:15 En 2024, il y a deux dates.
06:17 Le 9 juin, les élections européennes.
06:19 Et cette élection, elle n'est pas anodine.
06:22 C'est la première fois qu'on va voter alors que l'Europe est en guerre.
06:25 Et cette élection, elle doit décider d'une chose.
06:27 Est-ce qu'il y aura une victoire de la droite et de l'extrême droite au Parlement européen ?
06:32 Ce qui veut dire la régression sur les questions écologiques, sur les questions sociales, sur les questions démocratiques.
06:37 Ou est-ce qu'on peut porter avec notre groupe social-démocrate,
06:40 qui est le deuxième groupe du Parlement européen, une autre politique à l'échelle européenne ?
06:46 Est-ce qu'on peut construire sur ce qui a déjà été semé pendant ce mandat ?
06:50 C'est-à-dire une rupture avec la politique de libre-échange,
06:52 c'est-à-dire l'émergence d'une puissance écologique européenne.
06:55 C'est ça, l'enjeu de ces élections.
06:56 Et si vous voulez une politique européenne qui soit juste et qui soit forte,
07:00 eh bien il faut que les sociodémocrates dominent le débat.
07:04 Et moi je leur adrirai à chaque fois...
07:05 Vous en parlez avec énormément d'enthousiasme, Raphaël Glucksmann.
07:07 Ce sont pourtant les élections qui intéressent le moins les Français,
07:09 celles qui ont le plus d'abstentionnistes.
07:13 Mais la grande confrontation, pour reprendre le titre d'un de vos livres,
07:16 elle va commencer avec cette campagne.
07:18 Votre principal adversaire dans cette élection ?
07:20 Eh bien, laissez-moi parler d'abord de l'autre date qui sera cruciale,
07:24 c'est le 5 novembre 2024.
07:26 L'autre date de cette année est cruciale.
07:28 C'est quoi ? C'est les élections américaines.
07:29 Et ça va vous faire comprendre à quel point l'Europe est un sujet important.
07:32 C'est les élections américaines.
07:33 Et on peut se retrouver avec un président des États-Unis, Donald Trump,
07:36 qui décide de bazarder l'Europe,
07:38 qui décide de ne plus s'intéresser à la sécurité des Européens.
07:41 Et donc nous, qu'est-ce qui se passera ?
07:42 En Europe, on se retrouvera seul.
07:44 Seul face à la guerre, seul face à notre propre incapacité à nous défendre.
07:47 Et donc, cette élection, elle doit porter sur les questions aussi
07:50 de sécurité collective européenne, de défense européenne.
07:53 On doit devenir producteur.
07:54 Producteur de sécurité, producteur de biens, producteur de sens, producteur d'énergie.
08:00 On doit arrêter d'être simplement consommateur de sécurité américaine
08:02 parce que sinon, on va se retrouver nu lorsque l'hiver arrive.
08:06 Et ça, c'est le sens de cette élection.
08:07 Et moi, je fais le pari qu'en parlant d'Europe,
08:10 en parlant de la question qui...
08:12 en répondant à la question qui est posée par ces élections,
08:14 en ne faisant pas de ces élections un référendum sur Macron ou sur Le Pen,
08:18 eh bien, on arrivera à mobiliser les citoyens français,
08:22 et en particulier les jeunes.
08:24 Et vous serez surpris que quand on parle de la question qui est posée,
08:27 quand on s'adresse à l'intelligence des électrices et des électeurs,
08:30 eh bien, ça fonctionne.
08:31 Et c'est ce qu'on va montrer pendant cette élection.
08:33 Donc, vous ne partez pas en campagne contre le Rassemblement National,
08:36 comme l'a dit, par exemple, le député Renaissance, Pascal Canfin.
08:39 Mais on va arrêter de faire de cette élection une élection franco-française.
08:43 Mais c'est une élection franco-française.
08:45 Elle n'a lieu que sur le territoire français.
08:47 Elle a lieu partout en Europe en même temps.
08:51 Et les sujets qui sont débattus à l'échelle européenne sont assez cruciaux
08:54 pour qu'on ne se laisse pas voler une fois de plus ce débat,
08:57 pour qu'on ne se laisse pas une fois de plus kidnapper cette élection.
09:00 Moi, je veux porter en France la voix aussi de ces socialistes et démocrates européens
09:05 qui peuvent dominer les politiques européennes.
09:08 Et l'enjeu, c'est ça.
09:09 Mais vous savez, honnêtement, ce n'est pas la même Europe
09:11 si vous avez Jacques Delors à la tête de la Commission européenne
09:14 ou si vous avez Barroso.
09:15 Ce n'est pas la même Europe si la droite et l'extrême droite dominent le Parlement européen
09:19 et détricotent le Green Deal, le pacte vert qui a amorcé la bascule écologique du continent.
09:24 Ce n'est pas la même.
09:25 Et portez pas la rue celui-là, Wanderlien.
09:26 Raphaël Glucksmann, vous parlez des socialistes et des démocrates.
09:29 Ça veut dire que vous partez sans le reste de la gauche.
09:31 En tout cas, a priori, vous ne les emmenez pas avec vous.
09:34 Manon Aubry, eurodéputée de la France insoumise, s'est étonnée de voir, je cite,
09:38 qu'alors que vous étiez entrée en politique pour défendre l'union de la gauche,
09:41 vous êtes aujourd'hui parmi ceux qui veulent la rompre.
09:43 Qu'est-ce que vous lui répondez ?
09:45 Qu'il faut être clair sur le fond.
09:47 Sommes-nous d'accord sur l'Europe de la défense ?
09:51 Mais en 2019, vous étiez d'accord ?
09:53 Mais en 2019, quand j'ai proposé, d'ailleurs c'était un débat à la télé,
09:56 quand j'ai dit à Yannick Jadot et Benoît Hamon qu'il n'y avait aucune raison qu'on parte séparés
10:01 et qu'il fallait qu'on parte ensemble,
10:03 je m'adressais à Yannick Jadot et Benoît Hamon qui portaient des projets pro-européens.
10:08 Ça ne vous aura pas échappé.
10:10 Et là, sommes-nous d'accord sur le fond ?
10:12 Moi, je n'ai aucune animosité personnelle, y compris contre Jean-Luc Mélenchon.
10:15 Je n'ai pas de passif, je n'ai pas de passé.
10:17 Je ne me suis pas engueulé à des congrès.
10:19 Je n'ai pas cette histoire-là qui fait qu'on est conduit par des haines recuites.
10:23 Ce qui m'intéresse, c'est les questions de fond.
10:25 Et vous avez des divergences de fond avec la France insoumise ?
10:27 Et des divergences de fond sur l'Europe de la défense,
10:29 sur le soutien absolu résolu qu'on doit apporter à la résistance ukrainienne,
10:33 sur la politique qu'on doit mener à l'égard de la Chine,
10:36 ou même sur, à l'époque de la pandémie, la mutualisation des dettes
10:40 qui était un bond en avant extraordinaire de la solidarité européenne.
10:43 Donc on a des divergences de fond à une élection dont le sujet est l'Europe
10:48 et qui est une proportionnelle à un tour.
10:51 Et on en verra en plus, plus de députés de gauche au Parlement européen.
10:55 C'est ça l'enjeu quand même.
10:56 Plus de députés européens de gauche si nous sommes capables d'assumer nos oppositions de fond,
11:03 de mener un débat de fond, et cette élection doit permettre de clarifier les lignes.
11:06 Mais avec qui ? Parce que gauche, il y a des gauches irréconciliables pour reprendre une formule célèbre.
11:10 Mais il y a une opposition sur la question européenne.
11:14 Qui est majeure et centrale à vos côtés.
11:16 Mais il y a une élection européenne qui arrive.
11:19 Je comprends que les gens aient besoin d'avoir une perspective sur 2027.
11:24 Et ça anime le débat français.
11:26 Et c'est parfaitement naturel.
11:28 Il faudra travailler sur le fond à une clarification qui permette une union pour 2027.
11:33 Mais là, moi, mon horizon, c'est le 9 juin 2024.
11:37 Et je veux être extrêmement clair sur le fond.
11:40 Je ne veux pas la moindre ambiguïté.
11:42 Ni sur l'Ukraine, ni sur la défense, ni sur la Chine, ni sur aucun des sujets qui font débat.
11:50 Et donc, mettons le débat dans le domaine public.
11:53 Assumons que sur le fond, on ait des divergences et qu'on en discute, qu'on en débatte, sans s'insulter, sans invective.
12:00 Mais que ça permette, si vous voulez, de montrer aussi qu'en France, il y a une gauche pro-européenne, viscéralement pro-européenne.
12:09 Et que cette gauche-là, elle est capable de susciter l'enthousiasme et d'être dominante dans le débat public.
12:15 Donc vous partez sans la France Insoumise, ça c'est sûr. Les écologistes ?
12:19 Eh bien, il n'y a pas les mêmes divergences de fond avec les écologistes.
12:23 Simplement, moi, j'ai un principe très clair dans cette campagne.
12:27 On ne va pas passer notre temps à débattre dans des salles obscures et à attendre les décisions des uns et des autres.
12:33 C'est pour ça qu'on se lance avec place publique maintenant.
12:36 Et que la campagne, elle doit créer sa propre dynamique.
12:39 Si ensuite, les écologistes changent d'avis et qu'en fonction de la dynamique qu'on arrive à créer, la situation évolue.
12:47 Évidemment qu'il y a des perspectives communes et que les portes ne sont pas fermées.
12:50 Mais le plus important, c'est qu'on remette l'Europe au cœur du débat.
12:55 Qu'on parle d'industrie, qu'on parle de souveraineté, qu'on parle de défense, qu'on parle de solidarité sociale, qu'on parle de taxation des super-profits, qu'on parle de transformation écologique.
13:05 Comment est-ce qu'on fait du Green Deal qui est le grand débat aujourd'hui avec la droite à l'échelle européenne ?
13:09 Comment est-ce qu'on en fait un chantier industriel ?
13:11 Comment est-ce qu'on montre que la transformation écologique, ce n'est pas moins de puissance, c'est plus de puissance.
13:16 Ce n'est pas moins d'usines, c'est plus d'usines. Ce n'est pas moins de travail, c'est plus de travail bien payé en CDI dans l'industrie.
13:23 De nombreuses questions au Standard, Raphaël Glucksmann.
13:26 Bonjour François.
13:27 Oui bonjour.
13:28 Bonjour, vous nous appelez du Pays Basque. Merci de votre question.
13:32 Oui, d'abord je voudrais dire à Raphaël Glucksmann qu'il a raison de retracer toutes les compromissions envers la Russie de Poutine.
13:39 Ma question c'est face à la poussée des extrêmes, quelles sont les alliances qui se font jour au niveau européen
13:44 pour faire plus entendre vos propositions pour une Europe plus écologique et sociale ?
13:49 Merci François. Réponse Raphaël Glucksmann.
13:51 Au Parlement européen, on est obligé, parce que vous savez, il n'y a pas de majorité et d'opposition au Parlement.
13:57 Donc on est obligé de construire des majorités sur chaque texte.
14:01 Et d'ailleurs, c'est quelque chose que j'ai trouvé absolument fascinant à faire.
14:04 Vous êtes obligé, si vous voulez porter comme je l'ai fait par exemple, le devoir de vigilance des entreprises
14:09 ou l'instrument de bannissement des produits de l'esclavage, c'est-à-dire des ruptures majeures avec les doctrines du libre-échange,
14:15 vous êtes obligé d'aller voir un conservateur slovak et de le convaincre de voter avec vous.
14:18 Vous êtes obligé d'aller voir une libérale estonienne et de voter avec vous.
14:21 On pense à votre combat pour les Ouïghours notamment, mais est-ce que ça ne se limite pas à une fonction tribunicienne
14:27 après un mandat d'eurodéputé ? Est-ce que vous ne dites pas finalement que le Parlement européen,
14:32 c'est un espace pour parler, pour interpeller, pour attirer l'attention sur certains problèmes ?
14:37 Ou est-ce que vous pensez que c'est vraiment un espace où on peut agir ?
14:40 Ce sont les deux. Moi quand j'alerte sur la situation des Ouïghours et qu'il y a des centaines de milliers de jeunes français
14:47 qui se mobilisent contre notamment la réduction en esclavage des Ouïghours sur les chaînes de valeur de production
14:52 des multinationales qui sont dans nos magasins et qui sont dans nos armoires,
15:00 ça débouche sur des lois, ça débouche sur un instrument commercial qui permet de bannir du marché européen
15:08 les produits du travail forcé. Et donc ce que j'ai compris pendant ce mandat, et ça m'a profondément transformé,
15:14 c'est que si on veut défendre des principes, si on veut porter des mobilisations dans la société,
15:21 et bien ensuite il faut mettre les mains dans le cambouis du travail législatif.
15:25 Ensuite il faut s'intéresser aux politiques commerciales, ensuite il faut s'intéresser aux politiques industrielles,
15:30 ensuite il faut s'intéresser aux détails de ces politiques. Et le faire m'a profondément changé.
15:36 Et donc c'est pas simplement une fonction tribunicienne, c'est ensuite une fonction proprement législative.
15:41 Et toutes les grandes lois qui vont réorienter nos politiques commerciales et industrielles,
15:45 qui vont avoir un impact direct sur nos territoires, elles se débattent, elles se négocient au Parlement européen
15:51 en construisant des majorités à chaque fois.
15:53 Donc il y a tout un processus qui est très compliqué. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen
15:57 a défendu cette semaine dans son dernier discours le projet d'une Europe à plus de 30.
16:00 Autrement dit, un élargissement encore de l'Union, c'est une idée que vous soutenez, à laquelle vous souscrivez ?
16:06 Je souscris à l'élargissement à l'Ukraine de l'Union européenne.
16:11 C'est un enjeu majeur pour l'Ukraine évidemment, mais aussi pour le continent européen.
16:16 Les Ukrainiens sont notre première ligne de défense.
16:19 C'est aujourd'hui un peuple qui nous rappelle ce que veut dire être européen.
16:24 Que nous pouvons être fiers, que le droit n'est pas nécessairement plus faible que la force.
16:27 Et donc les intérêts dans l'Union européenne, c'est une immense chance pour l'Union européenne elle-même.
16:32 Et oui, il faut des réformes du fonctionnement de l'Union européenne,
16:36 mais ça ne doit pas repousser au calent grec la perspective de l'élargissement.
16:40 Donc je suis d'accord là-dessus avec Ursula von der Leyen.
16:42 Il n'y a pas que l'Ukraine, il y a la Moldavie, la Géorgie, tous ceux-là vous leur dites bienvenue,
16:46 venez avec nous, vous êtes l'Europe aussi.
16:48 Là-dessus, je veux être très clair.
16:50 La France a raté, et l'opinion française, et les élites françaises, ont raté la réunification du continent européen.
16:58 Notre mission historique, c'est de créer une grande puissance européenne dans un continent réunifié.
17:05 Et donc, ça prendra du temps.
17:07 Ce n'est pas demain, les pays que vous citez ne rentreront pas demain,
17:10 mais oui, il y aura une réunification du continent européen, et c'est ce qui fera notre force.
17:15 Bonjour Didier.
17:18 Bonjour.
17:19 Bonjour et merci de nous appeler au Standard Inter.
17:22 Vous nous appelez d'Angers, vous avez une question pour Raphaël Glucksmann.
17:25 Oui, ma question est concernant 2027.
17:29 Vous avez, semble-t-il, une notion de l'être humain qui est autre que comptable,
17:33 comme l'ont démontré les dernières mesures en France à contrario,
17:36 concernant le chômage, concernant les retraites.
17:41 Que faut-il vous dire, comment vous le demandez pour vous présenter à la présidentielle ?
17:48 Parce que ça aura aussi un levier important sur l'Europe.
17:52 C'est une question et une demande de Didier, merci en tout cas.
17:55 Réponse Raphaël Glucksmann, on n'y échappe pas quand on entre en politique à la question de la présidentielle.
17:59 Merci à vous, et merci de votre confiance et de votre espoir.
18:04 Bon, répondez maintenant.
18:06 Moi, mon horizon, là, et croyez-moi, mon horizon, c'est le 9 juin 2024.
18:11 Je veux qu'on soit à la grande surprise de cette élection, je veux qu'on retourne la table,
18:14 je veux qu'on soit capables de revitaliser, raviver, rendre enthousiasmante cette gauche pro-européenne,
18:21 qui est la mienne, qui est ma famille, qui est ma famille de pensée, qui est ma famille historique,
18:25 qui est ce que je veux porter.
18:27 Et donc ça, c'est mon horizon.
18:29 Et vous me permettrez, je sais bien que tout le monde, tout le monde en France,
18:33 parce que la présidentielle, c'est l'horizon ultime de la politique dans notre pays,
18:37 tout le monde a un plan, tout le monde a un plan pour 2024.
18:39 Moi, j'ai un plan pour 2024.
18:41 Et je suis un peu besogneux, je suis devenu très besogneux,
18:44 donc moi, je me limite à 9 juin 2024,
18:48 et au message très fort qu'on va envoyer sur la scène politique française.
18:53 Alors, qui est on ? Bonjour Patrick, vous nous appelez de la Drôme.
18:57 Oui, bonjour.
18:58 Vous avez une question pour Raphaël Glucksmann.
19:01 Je disais que je suis très content d'entendre M. Glucksmann,
19:05 parce qu'on ne l'entend pas beaucoup en dehors des périodes d'élection.
19:08 Il a répondu un petit peu à ma question primaire en disant qu'il ne voulait pas entendre parler de LFI.
19:18 Mais alors, est-ce qu'il va nous refaire le coup de la dernière fois,
19:23 à savoir représenter le PS, mais pas n'importe quel PS,
19:28 le PS de M. La Folle, de M. Hollande, de Mme Delga,
19:33 en oubliant évidemment le PS de M. Ford ? Voilà ma question.
19:38 Merci Patrick. Réponse Raphaël Glucksmann ?
19:40 Alors déjà, je vous promets que j'ai mené des combats pendant ces 4 ans,
19:44 qui bien sûr, je n'ai pas passé ma vie dans les plateaux,
19:48 mais j'espère que vous m'aurez entendu quand même pendant ces 4 années,
19:52 et que je n'ai pas juste parlé pendant les élections,
19:54 mais que je parle des causes que je défends au Parlement européen,
19:57 et des lois que je porte.
19:59 Mais, moi vous savez, en 2019, le pari qu'on a lancé en commun avec Olivier Faure,
20:05 c'était le pari qui s'appelait "Envie d'Europe",
20:08 d'un rassemblement que nous avons porté pendant ces 4 années,
20:12 et je crois qu'il faut continuer ce qu'on a lancé en 2019,
20:16 et qu'il faut lui donner plus de force, plus d'ampleur.
20:19 Et donc quand vous m'expliquez que ce ne sera pas avec le PS d'Olivier Faure,
20:22 je suis désolé de vous dire que je travaille depuis 4 ans avec lui,
20:26 et que nous avons en commun une vision du monde, une vision de l'Europe.
20:31 Donc on a donné les réponses pour savoir avec qui vous allez vous présenter ?
20:34 Moi je pense qu'on va y aller avec tous les socialistes,
20:37 c'est ce que je pense, mais après c'est les socialistes qui décident,
20:40 vous savez, moi je ne suis pas membre du Parti Socialiste,
20:42 donc je leur laisse leur agenda, leur tempo, leur volonté,
20:46 leur manière de présenter les choses,
20:48 et nous, à Place Publique, on va faire compagnie,
20:50 et on va montrer, encore une fois, pendant tous ces combats
20:53 que vous n'avez pas suivis, monsieur,
20:55 on a mobilisé des centaines de milliers de jeunes.
20:57 Et là vous allez être surpris de voir que dans les salles, partout en France,
21:00 il y a des centaines de milliers de jeunes qui vont venir
21:02 et qui vont déclarer leur amour de l'humanisme, de l'Europe,
21:05 de la démocratie, de l'écologie, et qui montreront que non,
21:09 la jeunesse n'est pas captive d'un discours populiste du Rassemblement National.
21:13 Question d'actualité, le Président de la République assistera samedi
21:16 à la grande messe donnée par le Pape François au stade Vélodrome de Marseille.
21:20 Ce sera, à en croire l'Élysée, un événement populaire et festif.
21:24 Plusieurs élus de gauche ont dénoncé une atteinte au principe de laïcité
21:27 à la séparation de l'Église et de l'État.
21:29 Vous partagez leur avis ?
21:31 Je ne veux pas lancer une polémique sur la présence du Président de la République
21:35 à une messe du Pape.
21:37 Le débat est posé.
21:39 Oui, mais moi je n'y serais pas allé, parce que je pense qu'effectivement
21:42 il faut respecter le principe de laïcité,
21:44 mais qu'il y aille, ce n'est pas le grand sujet de ma vie en ce moment.
21:48 On parlait de l'Ukraine tout à l'heure, Raphaël Glucksmann.
21:50 L'ancien Président Nicolas Sarkozy défend dans son dernier livre
21:53 l'idée qu'il faut discuter avec Vladimir Poutine,
21:55 que la diplomatie et la discussion et l'échange sont les seuls moyens
21:58 de trouver une solution acceptable.
22:00 Est-ce que vous adhérez à ce discours ?
22:02 Je n'y adhère pas et je le trouve extrêmement dangereux.
22:04 Et vous savez, tous ces gens qui, au nom du réalisme,
22:06 prônent en réalité la soumission,
22:08 tous ces gens qui étaient au pouvoir,
22:10 eh bien ils se sont plantés.
22:12 Ils se sont plantés pendant 20 ans
22:14 sur la nature du régime de Vladimir Poutine.
22:16 Moi, j'ai présidé au Parlement européen
22:18 la commission spéciale sur les ingérences étrangères.
22:21 Et nous avons enquêté méthodiquement
22:23 sur les pénétrations russes en France et en Europe.
22:27 Et ce que j'ai vu, c'est que non seulement nos dirigeants,
22:30 comme M. Sarkozy, n'ont pas défendu nos principes,
22:33 ont sacrifié des peuples, ont sacrifié les libertés,
22:36 ont sacrifié les valeurs morales que nous portons,
22:39 mais qu'en plus, ils ont laissé notre souveraineté se faire piétiner.
22:43 Et ils se prétendent réalistes.
22:45 La vérité, c'est que leur pseudo-réalisme a affaibli notre continent.
22:48 Et que maintenant, il est temps de voir que ceux qui sont réellement réalistes,
22:52 eh bien ce sont ceux qui ont défendu des principes
22:54 et qui ont alerté sur la menace de Vladimir Poutine.
22:56 Donc, Nicolas Sarkozy, il incarne aujourd'hui
22:59 la petite musique de soumission qui commence à émerger.
23:01 Et c'est le pari de Vladimir Poutine
23:03 que de plus en plus, les Européens fassent preuve de lassitude
23:06 et qu'ils ne soient pas capables d'un effort à long et moyen terme.
23:08 Moi, je fais le pari profondément inverse.
23:10 Et vous savez, l'Ukraine sera le berceau ou le tombeau
23:14 de la puissance européenne que nous devons, que nous voulons construire.
23:18 Vous êtes plutôt Journée du Patrimoine ou Fête de l'Humain ?
23:20 On peut très bien aller aux deux.
23:23 Non, vous n'y étiez pas l'année dernière, en tout cas à la Fête de l'Humain.
23:26 Parce que le parti chinois y était invité.
23:28 Moi, je n'irai pas tant que l'ambassade de Chine,
23:31 qui est responsable du génocide des Ouïghours,
23:33 eh bien, est présente invitée officielle.
23:36 Moi, en fait, je ne fais pas la fête avec des gens
23:39 qui parquent des êtres humains dans des camps de concentration
23:42 et qui les réduisent en esclavage sur les chaînes de valeur des multinationales.
23:46 Donc voilà, moi, je défends quelques principes.
23:48 Je sais que ça me prive de très bons concerts.
23:50 Mais la vérité, c'est que je ne fais pas la fête avec Xi Jinping.
23:54 Merci, Raphaël Glucksmann, d'avoir répondu à nos questions.
23:57 Je rappelle votre dernier livre paru,
23:59 La Grande Confrontation, aux éditions Alari.