Rencontre avec Joëlle Milquet et Laurette Onkelinx

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Rencontre avec Joëlle Milquet et Laurette Onkelinx
Transcription
00:00 toujours voulu faire de la politique d'abord pour le fond, pour la réforme de la société,
00:05 le service au bien commun, où pour moi les idées priment avant tout le reste, avant la forme,
00:13 avant la communication, avant l'attaque d'un autre parti etc. Et par ailleurs j'ai toujours
00:18 voulu être correcte, voilà je pense qu'on peut avoir des différences de débats, des différences
00:25 d'idées et bien évidemment ça doit se marquer, c'est pas pour autant qu'il faut faire des attaques
00:29 à dominem etc. Et je vois vraiment une dégradation en Belgique comme ailleurs, ne parlons pas de la
00:34 France qui est encore plus presque radicalisée dans les extrêmes au niveau politique, je trouve
00:39 qu'il y a une vraie dégradation de l'environnement politique médiatique lié aux réseaux sociaux,
00:47 lié à certaines attitudes immensément agressives qui cassent des codes. Moi je n'ai jamais connu
00:54 une époque où les présidents de partis se tapaient dessus par médias interposés etc. Je ne trouve pas
01:01 que c'est une bonne chose, je trouve que c'est au détriment vraiment du fond. Je remarque une
01:06 agressivité beaucoup plus forte d'abord au sein du personnel politique, entre eux, alors c'est pas
01:12 le cas de tout le monde, mais enfin disons que les relations humaines sont dégradées quand même
01:16 fortement en termes politiques et c'est très important dans un pays où vous devez faire des
01:20 coalitions de pouvoir avoir un respect mutuel, une confiance aussi, où on peut dire des choses sans
01:25 que ça se retrouve dans la presse. Ça c'est une chose. Deux, il y a une telle parfois agressivité
01:31 ou simplisme venant des médias sociaux, parfois des médias, c'est que ça donne une image
01:36 terriblement dégradée de la politique de manière générale et je crois que ça ne renforce pas le
01:42 sentiment démocratique et c'est souvent excessif. Vous avez peu d'articles ou en tout cas de
01:49 communication sur les bonnes réformes, ce qui se passe de bien, parce qu'il y a des choses bien
01:54 en politique. On est toujours derrière le petit scandale, on est toujours derrière la petite
01:58 attaque ad hominem et je pense que ça génère une certaine dégradation et ça entraîne aussi
02:05 dans le chef du politique parfois un manque d'audace. On a tellement peur d'être attaqué dès qu'on fait
02:10 une réforme, que vous fassiez A, B, C ou D, ce n'est jamais bien, et qu'à un moment j'ai l'impression
02:15 que ça peut presque susciter une envie de ne pas trop déplaire, de ne pas trop bouger parce que
02:21 sinon on est critiqué et la politique c'est aussi oser des changements qui ne sont peut-être pas
02:26 toujours ce qu'il y a dans l'air du temps, c'est parfois déplaire, c'est parfois être audacieux
02:30 et ça ça manque aussi parfois. Donc voilà il y a des choses qui se passent bien, je ne vais pas être
02:34 simpliste, mais je trouve qu'il y a une dégradation par rapport à l'époque où nous étions.
02:39 - C'est un constat assez sévère, vous partagez ? - Écoutez, moi je vais peut-être intervenir sur trois
02:46 éléments. D'abord ce que je trouve intéressant c'est que le féminisme s'est installé en politique.
02:55 Vous avez, moi quand j'ai commencé j'ai souvent été la première, la première ministre président,
03:01 la première avec Isabelle Durand vice-première ministre, la première ministre de la justice,
03:06 et très souvent c'était dans un milieu très masculin. Et là maintenant on voit qu'on a ouvert
03:16 la porte en quelque sorte avec Joël etc, qu'il y a de plus en plus de femmes en politique, dans les
03:22 assemblées, au niveau ministériel et qu'elles sont formidables. Pas simplement dans mon parti,
03:28 mais dans mon parti quand même, c'est pas mal du tout à tous les niveaux de pouvoir. Donc voilà il
03:34 y a cette fierté qu'il y a dans la politique maintenant, quelque chose qui a germé et qui
03:42 s'épanouit. Ça c'est la première chose. Deuxièmement, on constate un peu comme Joël un
03:50 problème de confiance de plus en plus grand entre la population et les hommes et femmes politiques,
03:57 ce qui est un grand problème. Il y a beaucoup d'éléments pour prendre en compte ce manque de
04:06 confiance, mais en tout cas ce que ne comprennent pas les gens c'est la différence entre ce qu'on
04:14 dit avant les élections et après. Et je pense qu'en règle générale on n'ose pas assez dire
04:22 les choses. Prenez l'exemple des réformes de l'État. On entend pour le moment, la plupart qui
04:30 disent la main sur le cœur, non pas de réforme, mais si possible une refédéralisation des
04:37 compétences. Allez, on voit bien ce qui se passe en Flandre, presque 50% de l'électorat
04:43 c'est le Vlaams Belang et la N-VA. Et dans les autres, une grande partie veulent poursuivre des
04:50 réformes. Alors voilà, je pense qu'il faut dire les choses. Il faudra probablement évoluer,
04:58 ce qui ne doit pas mettre en cause la solidarité, on peut être un État fédéral plus approfondi en
05:05 maintenant des solidarités. Un exemple parmi beaucoup d'autres, mais je pense qu'il ne faut
05:11 rien cacher aux électeurs des difficultés, des possibilités de ce qui va se passer après les
05:17 élections. Il ne faut pas cacher les difficultés. Troisièmement, ce qui me fait peur en politique,
05:24 c'est le développement du wokisme. Je trouve que moi j'ai une grosse difficulté avec le wokisme,
05:33 vraiment, et je n'ai pas envie que seule la droite puisse dire qu'elle n'est pas d'accord avec ça.
05:40 Je suis une femme de gauche et je déteste le wokisme. Et je pense que le wokisme va être
05:47 une philosophie qui va se retourner contre les femmes, contre les politiques d'égalité. Caroline
05:59 Fouret a cette belle formule en disant que l'identitaire est en train de dévorer l'égalitaire,
06:06 et je suis d'accord avec elle. Et pour le moment, ce qui me chagrine, c'est qu'en règle générale,
06:10 les partis de gauche laissent la critique de wokisme à la droite. Je trouve que c'est une folie.
06:17 - Le livre d'Arnaud Eiffant qui confond pratiquement gauche et wokisme, c'est la même chose.
06:22 - Oui, et bien je vous réplique. - Mais faire de la sérène en tant qu'une
06:25 femme de gauche, c'est dire qu'elle est contre le wokisme.
06:28 - Oui, mais je pense que le wokisme, peut-être pas dans la base universelle de base,
06:34 mais dans les excès tels qu'on les connaît, parce que comme Laurette le dit, c'est contre
06:40 l'égalitaire, mais c'est contre l'universel aussi. On a toujours eu des convictions universalistes
06:46 sur la notion d'un être égal à un autre être. Alors bien évidemment que ça implique le droit
06:52 à la différence, qu'il faut pouvoir respecter, mais il faut savoir où on met le curseur du
06:57 socle des valeurs communes et de l'égalité telle qu'on peut l'imaginer. Donc oui, c'est
07:05 une évolution encore plus marquée aussi en France, etc.
07:08 - Vous parliez des femmes, vous avez ouvert les portes, effectivement, sans pas granulier,
07:13 jusqu'en même deux des femmes les plus marquantes de l'histoire politique de ce pays.
07:17 Vous dites qu'il y a plein de choses, les portes ont été ouvertes, les choses se passent bien.
07:22 Elles se passent vraiment bien, vous trouvez qu'il y a suffisamment de respect pour les femmes
07:25 politiques ? - Alors autre chose, effectivement, vous posez
07:30 une question intéressante, vraiment. Ce que je n'aime pas, c'est l'attitude très largement
07:38 victimaire des femmes politiques. J'ai entendu plein d'interviews où t'as des femmes députées
07:46 ou quoi, "Oh, on m'a un peu manqué de respect, je suis victime, j'étais un peu jolie et
07:52 ça n'était pas facile pour moi." C'est quoi ces attitudes victimaires ? Ce qui m'énerve
07:58 d'autant plus, c'est qu'on a sur le terrain des femmes qui vivent l'enfer au quotidien,
08:04 des femmes victimes de violences, des femmes victimes de racisme, victimes de vivre une
08:11 situation de monoparentalité difficile. Et à côté de ça, vous avez des élus, "Oh,
08:17 ce n'est pas si facile, allez, qu'on arrête avec ça, qu'on combatte plutôt que de se
08:24 victimer." - En tout cas, nous, on n'était pas des victimes.
08:25 On était plutôt des voyours. - Vous vouliez une réponse claire, ça m'agace
08:30 de dire ça. Et personnellement, même si on a été parmi les premières femmes à
08:38 haute responsabilité, il y en a eu avant nous et il y en a beaucoup après nous et
08:41 c'est très très bien, moi, je ne trouve pas que ça ait été compliqué. Voilà.
08:46 De faire de la politique, de m'imposer en politique et de faire passer des projets
08:51 qui me tenaient à cœur. - C'est la discours qui vous parle, ça, Joël ?
08:54 - En tout cas, moi, je l'ai souvent dit. Alors oui, j'ai vécu comme beaucoup au
09:01 moment de la campagne présidentielle contre Charles Ferdinand Nothomb, j'ai tout vécu.
09:06 On m'a accusé de faire des promotions canapées, enfin bref, il y avait des lettres à nos
09:10 yeux, des choses complètement incroyables. On me demandait si j'allais être capable
09:14 de résister une nuit en cas de négociation, j'ai montré que c'était même plus qu'une
09:19 nuit et que tout le monde dormait et qu'on les enterrait tous. Mais bon, bref, j'ai
09:24 eu vraiment combien d'enfants, je voulais encore, j'ai eu ça pendant la campagne électorale.
09:28 Ça ne m'a pas traumatisé, voilà, on a des personnalités, on s'est imposé, voilà,
09:34 moi j'ai présidé quand même un parti pendant 12 ans où il y avait beaucoup d'hommes,
09:38 parfois plus âgés que moi, souvent d'ailleurs, et ça ne m'a pas empêché. C'est vrai
09:42 qu'il y a une notion parfois un peu victimaire, mais on est aussi dans une société de la
09:46 promotion de l'hyper-fragilité. C'est très bien sur certains aspects, pour le bien-être,
09:50 etc. Pour d'autres aspects, je trouve que ça va parfois un peu trop loin. J'aurais
09:53 une petite modération sur les femmes en politique, en tout cas en termes de représentativité,
09:58 c'est vrai qu'il y en a beaucoup plus, mais regardez dans le cairn du gouvernement
10:02 actuel, ben voilà, vous n'avez pas de femmes, non, on était deux. Les présidents
10:06 de partis, moi quand je les vois tous ensemble, j'ai quand même un malaise de ne pas avoir
10:10 de femmes. Alors je sais bien que chez Icolo il y a une co-présidence, alors de temps
10:13 en temps on met une femme pour au moins avoir un aspect féminin, mais enfin c'est quand
10:17 même très masculin. Donc il y a quand même encore beaucoup de combats à mener, mais
10:21 c'est vrai que la voie est ouverte, c'est vrai qu'en termes de représentativité au
10:24 niveau des parlements, on est à 50%. La communauté française a plus de femmes ministres,
10:30 donc voilà, c'est très bien, mais on n'a pas encore, ah ben oui, on a eu quand même
10:34 Sophie Wilmès, c'est vrai, je pensais les femmes premiers ministres, voilà, mais trop
10:38 court, mais bon. Donc c'est un combat constant. Mais rien n'est jamais acquis, donc là,
10:43 Joël a tout à fait raison. On a eu à un moment donné un cairn pariteur, et maintenant,
10:49 donc effectivement rien n'est jamais acquis, il faut être vigilant, il faut continuer
10:52 le combat, mais il y a eu un changement radical tout de même.
10:55 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -

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