• l’année dernière
À l’heure où l’actualité urbaine et environnementale, notamment à Paris avec le Plan Climat et le PLU bioclimatique, affirme l’importance de la rénovation énergétique et architecturale, se pose la question de la valeur patrimoniale de certains bâtiments. Des réalisations architecturales souvent singulières et méconnues, que nous nommerons par commodité « postmodernes », passent aujourd’hui le cap de la cinquantaine et nous invitent à nous repencher sur cette période architecturale de la fin du XXe siècle, peu décrite, peu définie. De quoi le postmodernisme architectural est-il le nom ? L’architecture postmoderne a-t-elle bien eu lieu ?
À l’occasion de la publication du guide Paris postmoderne – Architectures 1973-1993, le Pavillon de l’Arsenal met en lumière cette période et invite au débat. Aux côtés de Jean-Louis Violeau, sociologue, enseignant-chercheur et auteur du guide, et Margaux Darrieus, critique d'architecture et modératrice de ce débat, Iwona Buczkowska, architecte et urbaniste, Alain Peskine (agence ED architectes) et l'agence MBL Architectes partageront leurs analyses et réactions sur l’architecture et l'urbanisme de cette période dont les qualités retrouvent aujourd’hui une étonnante actualité.
Transcription
00:00:00 [Musique]
00:00:17 Bonsoir, bienvenue au pavillon de l'Arsenal.
00:00:19 Je suis Marion Valère, directrice du pavillon de l'Arsenal
00:00:22 et très heureuse de vous accueillir avec toute l'équipe du pavillon de l'Arsenal
00:00:26 et ce beau panel à l'occasion de la sortie de ce livre
00:00:30 "Paris post-moderne" qui a été écrit par Jean-Louis Violo
00:00:34 qui est avec nous ce soir et édité par le pavillon de l'Arsenal.
00:00:38 C'est un livre, un guide qui nous tient beaucoup à cœur
00:00:41 puisqu'il retrace l'architecture entre 73 et 93 dans le Grand Paris.
00:00:47 Une architecture qui est parfois moins mise en valeur que celle d'autres époques,
00:00:52 qui est parfois moins valorisée et moins protégée.
00:00:55 Et donc il nous semblait important avec Jean-Louis de mettre en valeur,
00:00:59 de mettre en lumière cette époque, de recenser tous les bâtiments,
00:01:03 de les décrire pour qu'ensuite ils puissent être mieux protégés,
00:01:07 que tout le monde s'empare de ce patrimoine,
00:01:10 qu'il soit mieux connu du grand public, des architectes, des promoteurs.
00:01:14 Et donc voilà, ce livre évidemment, vous le retrouverez à la librairie
00:01:18 du pavillon de l'Arsenal qui est juste derrière vous
00:01:21 ainsi que dans d'autres librairies.
00:01:25 Ce soir, on a donc tenu à débattre de cette période
00:01:30 avec des spécialistes de cette période
00:01:33 et puis des architectes qui travaillent aussi sur ce patrimoine
00:01:37 et donc pour mieux comprendre cette époque, pour mieux la décrire,
00:01:42 avec Jean-Louis bien sûr.
00:01:44 Et donc ce débat sera animé par Margot Darieu,
00:01:47 qui est journaliste pour la revue d'architecture AMC
00:01:50 et qui est également enseignante-chercheure à l'ENSA de Nantes.
00:01:55 Merci de Rennes, pardon de Rennes.
00:01:58 Merci Margot d'animer cette soirée au pavillon
00:02:03 et je te laisse tout de suite la parole pour nous en dire plus
00:02:06 sur les invités et les thématiques qu'on va aborder.
00:02:09 Merci beaucoup.
00:02:10 Bonsoir à toutes et tous.
00:02:12 Bienvenue à cette soirée de lancement du nouveau guide
00:02:16 de l'architecture parisienne et grand parisienne
00:02:18 édité par le pavillon de l'Arsenal.
00:02:21 Celui qui prend la suite, qui complète peut-être
00:02:24 un premier guide paru en 2008,
00:02:26 écrit par Éric Lapierre, qui couvrait la période de 1900 à 2008.
00:02:32 Un guide qui aujourd'hui n'est pas réalisé par un architecte,
00:02:36 mais par un sociologue.
00:02:37 Et c'est intéressant, je trouve,
00:02:39 parce que ça nous dit aussi beaucoup de choses
00:02:40 de cette période à laquelle Jean-Louis Viollot s'est intéressé,
00:02:44 1973-1993.
00:02:46 Alors, pourquoi un sociologue peut-être pour regarder cette période ?
00:02:50 Peut-être parce qu'elle n'est pas encore tout à fait l'histoire,
00:02:53 peut-être parce qu'elle mérite un regard pour devenir histoire.
00:02:57 Et comme elle n'est pas encore tout à fait histoire,
00:02:59 elle n'intéresse peut-être pas encore les historiens.
00:03:01 Un sociologue aussi parce que c'est une architecture habitée,
00:03:05 encore habitée, c'est une architecture où on vit en masse,
00:03:09 même si on interrogera l'utilisation de ce mot,
00:03:12 puisqu'elle correspond à une période où, en fait,
00:03:15 à Paris et dans le Grand Paris, on a beaucoup construit.
00:03:17 On a beaucoup construit de logements,
00:03:18 on a beaucoup construit de bureaux et d'équipements.
00:03:20 Un sociologue aussi parce que c'est une architecture qui parle,
00:03:25 c'est une architecture narrative qui articule des signes,
00:03:28 des imaginaires, qui se joue souvent des esthétiques,
00:03:32 des esthétiques instituées, des paradoxes.
00:03:35 Elle se joue du pluralisme, de la multitude,
00:03:37 du savant, du populaire, etc.
00:03:40 Et puis, pour documenter une architecture,
00:03:44 finalement, qu'on a peu regardée,
00:03:46 qui a été un peu éclipsée par les grands travaux du président Mitterrand,
00:03:49 dans les années 80-90,
00:03:52 mais une architecture qui, malgré tout, fait débat.
00:03:55 Et vous allez le voir ce soir.
00:03:57 Alors, autour de la table,
00:03:58 deux architectes qui ont participé activement
00:04:04 à la fabrique des projets qui sont présentés dans le livre.
00:04:07 Vous verrez que la question du mot post-moderne les interroge aussi.
00:04:10 Et puis, un architecte plus jeune qui s'interroge sur cet héritage.
00:04:17 Alors, Ivona Bukowska, que vous voyez au milieu,
00:04:21 qui est architecte et urbaniste,
00:04:23 qui est polonaise d'origine,
00:04:26 qui a fondé son atelier en 1980
00:04:28 et qui, en 1994, obtient la médaille d'argent
00:04:30 et le prix de la rue de l'Académie d'architecture
00:04:32 pour l'ensemble de son œuvre.
00:04:34 Ivona, vous êtes l'autrice de nombreux logements collectifs
00:04:38 en région parisienne et au-delà,
00:04:39 d'équipements scolaires également,
00:04:42 et on voulait souligner ensemble
00:04:45 votre apprentissage à l'école spéciale
00:04:47 où vous avez rencontré, par hasard,
00:04:50 vous l'avez dit vous-même, René Gayousté.
00:04:52 Alain Pesquine, à côté de Jean-Louis Violo.
00:04:56 Vous êtes le co-fondateur, en 1971,
00:05:00 d'une agence qui s'appelle ED Architectes,
00:05:03 qui a été fondée avec les architectes Daniel Bertrand,
00:05:06 Patrick Demanche, Philippe Dornier,
00:05:08 vous Alain Pesquine, et Jean-Pierre Roulet.
00:05:11 Vous avez, notamment, c'est très lisible dans ce guide,
00:05:15 produit beaucoup de logements à Paris,
00:05:17 et vous avez l'honneur de faire la couverture du livre.
00:05:21 Autre chose importante, vous êtes tous,
00:05:24 tous les co-fondateurs de l'agence ED
00:05:26 avaient été élèves au sein de l'atelier Beaudoin, au Beaux-Arts.
00:05:31 Et vous êtes diplômés dans la tourmente de 1968,
00:05:35 c'est très certainement signifiant
00:05:37 par rapport à ce qu'on va se raconter ce soir.
00:05:39 Et puis, à côté de moi, Sébastien Martinez-Barratt,
00:05:43 co-fondateur dans les années 2010,
00:05:46 avec Benjamin Lafort de l'agence MBL,
00:05:49 lauréate des albums des jeunes architectes et paysagistes.
00:05:53 Vous travaillez aujourd'hui sur de la transformation,
00:05:58 principalement des projets de recherche,
00:06:01 de la curation, et notamment,
00:06:05 vous êtes par ailleurs rédacteur en chef
00:06:07 de la très bonne revue "Plan libre",
00:06:09 éditée par la maison de l'architecture Occitanie,
00:06:11 qui a publié un numéro spécial,
00:06:14 on en reparlera, "Bye bye Pomo" en mai 2022.
00:06:19 Alors, pour commencer, Jean-Louis Violo,
00:06:22 l'auteur de cet ouvrage, va nous poser le problème,
00:06:26 entre guillemets, qui nous intéresse ce soir.
00:06:31 Quel problème ?
00:06:33 Oui, alors tu disais, Margot,
00:06:35 que c'est un travail de sociologue, en effet.
00:06:40 C'est un travail de sociologue, d'ailleurs,
00:06:41 on peut se demander si le postmodernisme
00:06:44 aurait eu une chance d'exister sans l'arrivée
00:06:47 des sociologues dans l'enseignement de l'architecture.
00:06:49 C'est une question que je laisse ouverte,
00:06:51 mais c'est typiquement un style de sociologue,
00:06:54 le postmodernisme.
00:06:55 Pourquoi ? Parce que ça interroge les catégories sociales,
00:06:57 les catégories du jugement,
00:06:59 les catégories du jugement de goût,
00:07:00 telles que Pierre Bourdieu les interrogeait
00:07:02 dans cet article, pour lui, liminaire,
00:07:07 puisque c'est à partir de cet article
00:07:08 qu'il va travailler pendant dix ans sur la distinction,
00:07:11 qui paraîtra en 1979,
00:07:13 puis sur les règles de l'art, qui paraîtront en 1992.
00:07:16 Et dans cet article qui est paru dans les Temps modernes,
00:07:18 Pierre Bourdieu s'interroge sur les catégories du jugement,
00:07:22 d'un côté, ce qui donnera naissance à la distinction,
00:07:26 et puis il s'interroge sur les règles de fonctionnement
00:07:29 des mondes culturels,
00:07:31 comme on le voit sur son petit diagramme.
00:07:33 Alors, je vais y revenir.
00:07:35 D'abord, juste quelques mots pour remercier
00:07:37 toutes les équipes du pavillon de l'Arsenal
00:07:39 qui m'ont accompagné dans cette aventure au long cours,
00:07:41 qui a quand même débuté en 2019,
00:07:44 donc il y a un petit moment qui s'est écoulé depuis,
00:07:47 plusieurs crises sanitaires notamment,
00:07:49 ce qui fait que ce travail a été un travail de longue haleine,
00:07:52 mais en même temps permis aussi par les événements
00:07:54 et les temps de latence qu'ils impliquaient.
00:07:58 Alors, tu as dit, oui, qu'est-ce que j'ai cherché à faire
00:08:01 à travers ce boulot ?
00:08:03 Eh bien, l'esprit dans lequel j'ai travaillé,
00:08:06 c'est l'esprit qui m'a animé, je dirais, depuis toujours,
00:08:09 c'est quelles places ont les architectes
00:08:12 dans le monde des idées et dans la division du travail
00:08:16 qui est nécessaire à la fabrique de la ville.
00:08:18 Ils sont tiraillés entre, d'un côté,
00:08:20 je dirais un festival de Cannes qui s'appelle BatiMath,
00:08:23 et puis, de l'autre côté,
00:08:25 la nécessité de théoriser leur propre pratique.
00:08:28 Et on s'aperçoit assez vite en regardant les choses
00:08:31 qu'il y a eu un mouvement de réintellectualisation
00:08:34 très puissant, justement, au sortir des années 68,
00:08:36 comme tu l'as annoncé,
00:08:38 et qui était aussi un moment de reclassement des architectes,
00:08:42 qui était en passe d'être déclassé
00:08:44 par la production horriblement candidativiste,
00:08:46 dont on paye encore les frais,
00:08:48 d'une manière ou d'une autre, d'être anglo-ryeuse.
00:08:50 Et ce travail de réintellectualisation, il est passé,
00:08:53 c'était une boutade pour commencer,
00:08:54 encore que je pense vraiment que les sciences humaines
00:08:57 sont très importantes dans le postmodernisme,
00:08:58 et que Denis Scott Brown était sociologue, n'est-ce pas,
00:09:02 dans la compagne de Robert Venturi.
00:09:05 Donc, ce mouvement de réintellectualisation,
00:09:07 il est passé par la porte des sciences humaines,
00:09:09 qui était alors, alors zénite.
00:09:11 C'est ce qu'on oublie aussi, puisqu'on vit encore
00:09:13 sur une partie des querelles de ces années-là.
00:09:16 Il y a plein de bouquins qui sortent en ce moment
00:09:18 qui ont peur de la déconstruction.
00:09:19 La déconstruction, c'est ces années-là, par exemple.
00:09:22 C'est le quatuor ou le quintet magique
00:09:25 des sciences humaines françaises,
00:09:27 unies sous le paradigme structuraliste.
00:09:30 Et c'est cette sémiologie qui va servir, pour une part,
00:09:34 aux architectes à réintellectualiser leur pratique,
00:09:37 en s'apercevant que l'architecture communique,
00:09:40 qu'elle communique et qu'elle doit organiser sa communication.
00:09:43 Et donc, en s'interrogeant sur les destinataires
00:09:44 de cette communication, que sont, je dirais,
00:09:48 les "masses populaires", entre guillemets,
00:09:50 celles qu'on doit loger.
00:09:52 Et à l'époque, il y a un désaveu très, très fort.
00:09:54 Évidemment, il y a un cadavre dans le placard
00:09:56 qui est le rejet de l'austérité, du lisse, du monotone,
00:09:59 du répétitif, de tout un tas de caractéristiques
00:10:04 qui ont accompagné jusqu'ici la redéfinition
00:10:06 de l'architecture depuis la guerre.
00:10:08 Et, encore une fois, les sociologues jouent un rôle
00:10:10 dans ce phénomène.
00:10:12 Et puis, sur l'autre main, ce n'est pas un ouvrage
00:10:16 d'historien de l'architecture, c'est vrai.
00:10:19 Parce que, d'une certaine manière,
00:10:22 je n'ai pas cherché à l'unicité d'une oeuvre.
00:10:24 C'est-à-dire qu'il y a un dernier Hayau à Paris,
00:10:27 par exemple.
00:10:28 Est-ce qu'un jour, le dernier Hayau à Paris,
00:10:31 avec son moellon de béton fendu, sera aussi célèbre
00:10:34 que le Hayau des mosaïdes colorés et des courbes
00:10:38 et contre-courbes qu'il a érigées dans les périphéries parisiennes ?
00:10:42 C'est une question ouverte.
00:10:43 Le dernier Jean-Jean Sbert, par exemple.
00:10:46 Il y a beaucoup d'architectes, le dernier Maurice Novarina,
00:10:50 bref, on les retrouve tous dans ce guide.
00:10:52 Ça a été une sorte de jeu de piste,
00:10:54 parce qu'ils ont été assez peu traités par l'histoire
00:10:56 de l'architecture, qui aiment bien voir une cohérence
00:10:59 dans l'oeuvre des auteurs.
00:11:02 Donc, ce guide, de cette manière-là,
00:11:06 n'est pas tout à fait académique, mais c'était un peu voulu.
00:11:09 Alors, tu m'as d'autorité passé à la seconde diapositive
00:11:13 pour dire que, oui, les architectes sont sur la route
00:11:15 des intellectuels.
00:11:16 La première montrait Pierre Bourdieu.
00:11:18 Et si tu reviens juste un instant sur la première,
00:11:21 on voit que l'architecture ne la calcule pas, comme on dit.
00:11:24 Il s'intéresse à tous les champs culturels
00:11:27 et les consacrer, instituer la musique, la peinture,
00:11:30 la sculpture, la littérature, le théâtre.
00:11:31 Tiens, il n'y a pas l'architecture.
00:11:33 Il s'intéresse au milieu, à ceux qui sont en train
00:11:35 de se légitimer en tant que pratiques culturelles,
00:11:38 le cinéma, la photo, le jazz.
00:11:40 Ça nous ramène plus d'un demi-siècle en arrière.
00:11:42 À l'époque, c'est une aventure de pionniers
00:11:44 dans ces champs culturels-là.
00:11:45 Et puis, le grand public, d'une certaine manière,
00:11:48 il cherche à établir des correspondances
00:11:50 entre ces différentes sphères d'expression culturelle.
00:11:52 Et comme par hasard, comme on dit,
00:11:54 il manque l'architecture.
00:11:55 Donc, c'est vraiment un moment où l'architecture
00:11:57 se retrouve perdue dans le monde culturel.
00:12:00 Et puis, si on passe à la seconde diapositive,
00:12:04 dix ans plus tard, les architectes ont diablement
00:12:07 bien réussi leur coup.
00:12:08 C'est-à-dire que Jean-François Lyotard sort un ouvrage
00:12:11 qui est resté célèbre, qui est toujours une référence
00:12:13 à la condition post-moderne.
00:12:15 C'est un travail d'épistémologie,
00:12:16 c'est plutôt un travail de philosophie des sciences.
00:12:17 Mais il n'empêche, ça s'appelle la condition post-moderne.
00:12:20 Et dans cet ouvrage, il dit clairement qu'il accepte
00:12:23 ce terme parce qu'un univers l'a déjà endossé
00:12:27 et l'utilise sans guillemets, c'est celui des architectes.
00:12:30 Et pourtant, tout le monde pense que c'est
00:12:32 Jean-François Lyotard, à juste titre,
00:12:34 encore que ça puisse se discuter,
00:12:36 qui a forgé le cadre de la définition du post-modernisme.
00:12:41 Mais on peut se demander jusqu'où.
00:12:42 Elle n'a pas été d'abord forgée chez les architectes.
00:12:47 Et on s'en aperçoit d'autant mieux si on considère
00:12:51 la figure de Charles Jencks.
00:12:53 1975, c'est la première fois qu'il utilise le terme,
00:12:56 et 1977, c'est la parution de la première édition
00:12:59 multi-réédité depuis, de l'architecture du langage
00:13:03 de l'architecture post-moderne.
00:13:06 C'est un ouvrage plus que frotté de sémiologies,
00:13:10 entre parenthèses, et de linguistiques.
00:13:12 Et on voit très bien qu'il y a une catégorie
00:13:15 de la linguistique fondamentale qui est très facile
00:13:16 à articuler pour les architectes.
00:13:18 C'est-à-dire, si on suit la définition canonique
00:13:20 de Ferdinand de Saussure, qui a donné ses lettres
00:13:23 de noblesse au structuralisme,
00:13:24 il y a une dichotomie entre la langue et la parole.
00:13:27 La langue existe et la parole active la langue.
00:13:30 Et on s'aperçoit très bien comment les architectes
00:13:32 ont pu transférer ces enseignements-là
00:13:36 vers leur champ d'activité.
00:13:37 Il y a une histoire de l'architecture avec ses codes,
00:13:39 avec ses repères obligés, et il y a une manière
00:13:44 de l'activer à chaque situation de projet.
00:13:47 Et puis, l'autre manière de l'activer,
00:13:49 c'est le signifiant-signifié.
00:13:52 Dès lors qu'on joue sur l'un, on change le sens.
00:13:55 Si je dis patates et pommes de terre,
00:13:57 c'est le même signifié, mais ce n'est pas
00:13:58 le même signifiant, donc ce n'est pas le même sens.
00:14:01 Et comme ça, on peut s'amuser beaucoup,
00:14:04 je pense, quand on est architecte.
00:14:05 Je ne sais pas, je ne suis pas architecte,
00:14:06 mais je pense qu'on peut faire plein de projets
00:14:08 en pensant à ce jeu-là.
00:14:10 Charles Jencks, c'est un entrepreneur culturel,
00:14:14 en quelque sorte, comme il y en a dans plusieurs univers,
00:14:16 comme Pierre Restany l'a fait avec les nouveaux réalistes
00:14:18 dix ans plus tôt.
00:14:19 Il crée son propre mouvement, d'une certaine manière.
00:14:22 Ce n'en est pas l'exégèse, c'en est le créateur.
00:14:24 Et c'en est le créateur un petit peu dans sa cuisine.
00:14:27 C'est-à-dire qu'il va faire des styles,
00:14:29 des ingrédients du projet.
00:14:31 C'est ce qu'on lui a beaucoup reproché,
00:14:32 c'est ce jeu un peu délibéré, je dirais,
00:14:36 le prime sautier avec les catégories culturelles.
00:14:40 Il fait des styles, des genres,
00:14:43 à partir desquels il va faire des projets.
00:14:46 Et ça, c'est tout un travail aussi sur la hiérarchie culturelle
00:14:49 et sur la question du goût, des préférences,
00:14:52 d'où le choix de ma première diapositive sur Pierre Bourdieu.
00:14:56 C'est aussi une manière de considérer la hiérarchie
00:14:59 et de jouer avec.
00:15:00 Il y a cette phrase célèbre de Bourdieu qui dit
00:15:02 « Quand certains ont commencé à jouer au tennis,
00:15:05 alors d'autres se sont mis à jouer au golf ».
00:15:07 Il y a toujours un côté relatif dans l'histoire des goûts,
00:15:11 puisque l'histoire des goûts n'est jamais univoque,
00:15:14 elle est toujours en situation.
00:15:15 Et Jenks va en jouer en situation
00:15:17 et il va faire ces diagrammes célèbres
00:15:19 qui ne progressent pas de haut en bas,
00:15:20 mais de gauche à droite,
00:15:22 où il fait une sorte de cuisine du projet à sa manière.
00:15:28 Le problème dans cette période,
00:15:30 c'est qu'il y a une forme de désinvolture
00:15:33 qui va être beaucoup critiquée envers le postmodernisme.
00:15:36 C'est-à-dire une sorte de légèreté,
00:15:38 de trivialité, de régression.
00:15:41 Et puis il y a toujours cet adjectif
00:15:43 qui guette les productions, qui est le « kitsch »,
00:15:46 c'est-à-dire la descente en gamme d'une production culturelle
00:15:50 dès lors qu'elle se trouve démocratisée.
00:15:53 Il faut dire que Charles Jenks n'a souvent pas hésité à en jouer,
00:15:58 ce qui donne aussi une postérité un peu contrariée
00:16:00 par rapport au postmodernisme.
00:16:02 Ce qui m'a vraiment touché,
00:16:04 le mot est un peu fort peut-être,
00:16:06 mais quand je suis arrivé à Paris il y a 30 ans, en 1993,
00:16:13 je venais de l'université
00:16:15 et je m'intéressais fortement à l'architecture,
00:16:17 mais par un biais livrais, forcément.
00:16:19 Je suis allé voir tous les gens
00:16:21 qui avaient été des protagonistes autorisés,
00:16:23 en tout cas tels que les revues me l'avaient signalé,
00:16:26 du postmodernisme.
00:16:27 Je les ai interrogés et pas un n'a accepté
00:16:31 d'endosser l'étiquette sans réticence
00:16:33 ou alors s'en est fermement défendu.
00:16:36 Je me suis dit que ce n'était pas possible,
00:16:37 qu'il y avait un problème,
00:16:38 que je n'avais pas compris ce que j'ai lu.
00:16:40 Et pourtant, il me semblait bien
00:16:41 qu'un tel, un tel et un tel
00:16:44 étaient des figures de proue de ce mouvement en France.
00:16:47 On se dit, la guerre du Golfe a-t-elle bien eu lieu ?
00:16:49 Le postmodernisme a-t-il bien existé ?
00:16:52 Et je me suis aperçu que les choses étaient
00:16:54 évidemment beaucoup plus compliquées.
00:16:55 Et donc tous ces gens,
00:16:58 c'est une autre diapositive,
00:17:00 c'est juste pour dire que ce guide
00:17:02 a été fait aussi dans l'esprit de fixer un moment.
00:17:06 Tous ces gens sont morts
00:17:07 depuis que j'ai commencé ce chantier.
00:17:09 Et ça, c'est quand même,
00:17:13 en quatre ans, c'est quand même un fait marquant.
00:17:14 Et j'ai oublié Michel Dupley
00:17:16 dans cette galerie de photos,
00:17:18 où on reconnaît Gérard Grandval,
00:17:21 Roland Castro, Jean-Jacques Fernier,
00:17:23 Denis Sloan, Philippe Panret,
00:17:25 Jean-Louis Cohen, Monique Heneb,
00:17:29 Jean-Claude Chambordon.
00:17:30 J'ai quand même mis un sociologue.
00:17:31 Il y a eu le Covid.
00:17:33 Jean-Bourdenon est décédé des suites du Covid,
00:17:35 mais pas seulement.
00:17:36 Henri Godin, Michel Marot,
00:17:38 Michel Andraud, Andréa Feldziber,
00:17:40 tous ces gens-là sont partis depuis quatre ans.
00:17:43 Donc il y a tout de même un moment
00:17:45 de transition, de transmission,
00:17:47 dont il faut fixer les jalons.
00:17:49 Et puis l'autre aspect,
00:17:51 c'est le versant patrimonial.
00:17:54 Tous ces édifices ont soit été détruits,
00:17:56 soit fortement recarrossés, reconfigurés,
00:18:00 à tel point qu'ils n'avaient plus leur place
00:18:03 dans ce guide, alors qu'on aurait pu envisager
00:18:06 leur présence lorsqu'on a commencé l'entreprise.
00:18:09 Et pour donner une idée,
00:18:11 sur 600 réalisations, il y en a plus d'une vingtaine
00:18:14 qu'on a dû abandonner au cours de route
00:18:16 du fait d'une destruction ou d'une reconfiguration.
00:18:19 Et ce projet s'inscrit, avec le pavillon de l'Arsenal,
00:18:21 aussi dans cette perspective.
00:18:23 Il ne s'agit pas de faire une histoire de l'architecture,
00:18:25 mais de fixer des repères, des jalons,
00:18:27 qui puissent signifier que quelque chose a existé.
00:18:31 Pas forcément un classement ou que sais-je,
00:18:33 mais en tout cas, ça existe,
00:18:35 on connaît l'architecte, on connaît le maître d'ouvrage,
00:18:38 l'année de livraison et une notice de base.
00:18:41 Ensuite, on en parlera certainement,
00:18:48 je ne vais pas m'étendre,
00:18:50 mais le postmodernisme est-il un style ?
00:18:52 Vaste débat.
00:18:54 Disons plutôt qu'on est sorti du style postmoderne,
00:18:59 d'une certaine manière.
00:19:01 C'est ce que je rappelais tout à l'heure,
00:19:03 quand j'ai posé la question aux architectes,
00:19:05 aucun n'a endossé l'étiquette.
00:19:07 Si on dit à un architecte aujourd'hui,
00:19:09 "mais tu es postmoderne", il est rare
00:19:11 qu'il assume fièrement et bravement l'étiquette.
00:19:13 En revanche, les questions qui ont vu naître ce style
00:19:15 montrent que nous ne sommes pas sortis
00:19:17 de l'époque qu'il a vu naître.
00:19:19 C'est-à-dire, la question sur les hiérarchies
00:19:21 entre le savant et le populaire dont tu parlais,
00:19:23 le rapport à l'histoire,
00:19:25 le rapport à la ville,
00:19:27 le rapport aux ressources,
00:19:29 puisque la crise du pétrole a partiellement lié
00:19:31 avec le postmodernisme.
00:19:33 Il me semble que ces questions-là n'ont jamais été
00:19:35 autant à l'agenda,
00:19:37 et pourtant le temps s'est écoulé,
00:19:39 même si le style a disparu.
00:19:41 Le style, c'est aussi un ensemble codifié
00:19:43 de préceptes,
00:19:45 avec lesquels l'écart et le jeu
00:19:47 sont quasiment obligatoires pour un créateur.
00:19:49 Le style donne aussi lieu
00:19:51 à tout un tas d'écarts.
00:19:53 Il est vrai qu'avec le postmodernisme,
00:19:55 ça peut sembler parfois un peu contradictoire.
00:19:57 Mais là encore, je ne vais pas
00:19:59 déflorer le débat qu'on va avoir
00:20:01 et qu'on a préparé tout à l'heure.
00:20:03 Ensuite, dernière modalité,
00:20:07 le postmodernisme,
00:20:09 est-ce que c'est comme le nuage de Tchernobyl ?
00:20:11 C'est souvent ce qu'on m'a répondu
00:20:13 quand j'ai interrogé des gens il y a 30 ans sur ça.
00:20:15 Ils m'ont dit que c'était une histoire de journaliste,
00:20:17 d'anglo-saxon.
00:20:19 Mais pour nous, ça ne nous a jamais vraiment concerné.
00:20:21 En France, on a utilisé tout un tas de mots.
00:20:23 Je vous ai répertorié au fil de mes lectures.
00:20:25 Seconde modernité,
00:20:27 modernité douce, querelle des modernismes,
00:20:29 succession du mouvement moderne.
00:20:31 Il y a même un critique d'architecture
00:20:33 qui a souvent parlé de baroque moderne.
00:20:35 Qu'est-ce que c'est sinon
00:20:37 des stratégies de contournement
00:20:39 pour ne pas employer le mot postmodernisme ?
00:20:41 Ce fut aussi un petit débat
00:20:43 ici à l'Arsenal,
00:20:45 est-ce qu'on le garde ou pas sur la couverture ?
00:20:47 J'ai insisté pour qu'on le garde
00:20:49 et on lui redonne ses lettres de noblesse
00:20:51 à ce fameux style.
00:20:53 Cette diapo, pourquoi ?
00:20:57 Pour faire la transition avec les plus jeunes
00:20:59 qui arrivent et qui s'occupent d'une revue
00:21:01 qui s'appelle "Plan libre"
00:21:03 et qui ont interrogé un architecte
00:21:05 qui avait justement sa réponse à cette question.
00:21:07 C'est un numéro qui date
00:21:09 de l'été dernier, si ma mémoire est bonne.
00:21:11 C'est l'architecte fondateur de FAT.
00:21:15 Dans l'acronyme de FAT,
00:21:17 il y a la question du goût.
00:21:19 Le T, c'est pour le test.
00:21:21 C'est bien une question, le goût, n'est-ce pas, en architecture,
00:21:23 et l'expression des préférences.
00:21:25 Et donc, cet architecte anglo-saxon,
00:21:27 Sam Jacob, interrogé par
00:21:29 Sébastien Martinez-Barrat,
00:21:31 lui répond
00:21:33 "Nous avons trouvé presque par accident,
00:21:35 donc au milieu des années 90,
00:21:37 quand ils ont fondé leur agence,
00:21:39 cette sorte d'héritage de la culture architecturale
00:21:41 qui traitait déjà de communication et d'information.
00:21:43 C'était ça
00:21:45 que l'on appelait le post-modernisme, fondamentalement.
00:21:47 Mais bizarrement,
00:21:49 ça avait été complètement effacé de la scène architecturale.
00:21:51 Tiens, chez les Anglais aussi.
00:21:53 Comme si ça n'avait jamais existé.
00:21:55 Je trouvais des livres dans des librairies
00:21:57 à bas prix, moi aussi, chez Monalysé,
00:21:59 là où on brade
00:22:01 les livres dont on veut se débarrasser.
00:22:03 J'étais si enthousiaste de voir tous les livres
00:22:05 d'architecture que je pouvais acheter.
00:22:07 Dans notre travail, nous regardions la situation d'un point de vue différent.
00:22:09 Les débats sur ce que le post-modernisme
00:22:11 était devenu, surtout au Royaume-Uni,
00:22:13 où le débat avait été cristallisé autour
00:22:15 de l'extension de la National Gallery,
00:22:17 où le fait que Venturi utilisait des références classiques
00:22:19 a été considéré comme traditionnel
00:22:21 par certains, et puis bavard par d'autres.
00:22:23 Tout cela n'avait pas de sens pour nous.
00:22:25 Nous n'étions pas intéressés par l'architecture classique.
00:22:27 Nous étions seulement intéressés par les batailles
00:22:29 des styles. Mais nous étions aussi
00:22:31 en grande partie, et c'est là où l'entretien
00:22:33 devient un peu plus compliqué,
00:22:35 pour l'aplatissement de la culture.
00:22:37 Ce qui est certainement une des raisons pour lesquelles
00:22:39 l'Internet a traversé le temps.
00:22:41 Et oui, c'est le dernier élément sur lequel je voulais
00:22:43 m'arrêter, mais brièvement.
00:22:45 Je me suis aperçu
00:22:47 de cette reviviscence du post-modernisme
00:22:49 dans les projets de PFE.
00:22:51 Depuis 5 ans, 6 ans, 7 ans...
00:22:53 - Les diplômes d'architecte.
00:22:55 - Les diplômes d'architecte. Il y en avait encore
00:22:57 aujourd'hui. Et on s'aperçoit que les gens
00:22:59 qui arrivent traitent la chose
00:23:01 d'une manière décomplexée, mais dans le sens
00:23:03 positif du terme. C'est-à-dire qu'ils ne portent pas
00:23:05 une histoire chargée d'ambiguïté avec eux.
00:23:07 Et on regarde ça comme des références
00:23:09 parmi d'autres. Et c'est aussi ce retour-là
00:23:11 qui m'avait fait proposer cette initiative
00:23:13 au pavillon de l'Arsenal.
00:23:15 - Merci. Merci Jean-Louis.
00:23:17 (Applaudissements)
00:23:19 (Applaudissements)
00:23:21 (Applaudissements)
00:23:23 (Applaudissements)
00:23:25 (Applaudissements)
00:23:27 Alors, il me semble que tu as posé très clairement
00:23:29 l'enjeu du débat ce soir
00:23:31 qui est plus qu'une table ronde,
00:23:33 mais vraiment un débat, avec une question de fond
00:23:35 qui va nous traverser,
00:23:37 qui est d'accepter ou pas
00:23:39 que cette architecture
00:23:41 dite post-moderne a existé.
00:23:43 Alors, pour la petite histoire,
00:23:45 j'ai prêté les intervenantes
00:23:47 et les intervenantes ce soir
00:23:49 un petit jeu que j'ai l'habitude de faire.
00:23:51 J'ai défini au préalable des questions
00:23:53 et je leur ai demandé de répondre. Ils y ont chacun répondu
00:23:55 par des projets, par des références
00:23:57 intellectuelles, etc., qui vont s'articuler
00:23:59 pendant tout l'échange.
00:24:01 La première question que j'ai posée,
00:24:03 que je leur ai soumise, c'est
00:24:05 "l'architecture post-moderne a-t-elle existé ?"
00:24:07 Alors, cette question, je ne l'avais pas anticipée,
00:24:09 partant du principe que, le livre étant là,
00:24:11 c'était un fait admis et partagé
00:24:13 désormais. Or,
00:24:15 en sollicitant les intervenantes et les intervenants
00:24:17 ce soir, la première chose
00:24:19 que j'ai reçue comme réponse fut la même
00:24:21 que celle que Jean-Louis a eue.
00:24:23 "Ah, mais c'est très difficile pour moi
00:24:25 de porter cette étiquette-là.
00:24:27 Je la remets d'emblée en question."
00:24:29 Alors, la deuxième qui se pose
00:24:31 à ce moment-là, c'est de savoir
00:24:33 si on pense communément
00:24:35 ou individuellement que cette architecture
00:24:37 a existé. Alors, après, j'ai mis les deux options.
00:24:39 Si oui, vous pensez
00:24:41 qu'elle a existé. Si oui, comment vous la décrivez ?
00:24:43 Si vous ne pensez qu'elle n'a pas existé,
00:24:45 qu'est-ce qui qualifie la production
00:24:47 architecturale des années 70, 80,
00:24:49 90 ? J'aurais peut-être pas dû mettre
00:24:51 90.
00:24:53 Alors, les questions et les réponses
00:24:55 vont défiler dans un ordre qui ne sera pas
00:24:57 toujours le même, de sorte que chacun, chacune
00:24:59 puisse prendre la parole successivement.
00:25:01 Alors, évidemment, le premier
00:25:03 visuel, c'est ce projet
00:25:05 mis en majesté sur la couverture de l'ouvrage.
00:25:07 Donc, Alain
00:25:09 Pesquine,
00:25:11 de l'agence ED Architectes,
00:25:13 expliquez-nous pourquoi vous avez mis
00:25:15 ce visuel, ce projet, en réponse
00:25:17 à la première question, "l'architecture post-moderne,
00:25:19 a-t-elle existé ?"
00:25:21 C'est un immeuble qui est au 11-10
00:25:23 rue Viendicolles.
00:25:25 Pour nous, il était moderne.
00:25:27 On a vu qu'on était
00:25:29 devenus cover-boys chez les post-modernes.
00:25:31 On s'est dit, il y a quelque chose qui ne va pas.
00:25:33 On se demandait s'il fallait
00:25:35 prendre un avocat pour se défendre, ou si au contraire,
00:25:37 on voulait une bouteille de champagne et aller boire un coup
00:25:39 parce que c'était tout de même quelque chose.
00:25:41 Bon, en fait,
00:25:43 on hésite encore, mais
00:25:45 c'est...
00:25:47 on va essayer d'expliquer
00:25:49 en tous les cas comment on est peut-être
00:25:51 post-modernes ou pas.
00:25:53 D'abord, la
00:25:55 conception du bâtiment est complètement
00:25:57 liée à son fonctionnement.
00:25:59 Dans ce sens-là, je pense
00:26:01 qu'on a été formés
00:26:03 à l'école des Beaux-Arts
00:26:05 par le fonctionnement.
00:26:07 C'est-à-dire qu'on travaillait sur les plans
00:26:09 et les plans devaient représenter
00:26:11 non seulement le fonctionnement, mais devaient même
00:26:13 présenter les volumes. C'était tout de même extraordinaire
00:26:15 comme idée. Mais enfin,
00:26:17 ça a un peu marché puisque la plupart
00:26:19 des gens qui
00:26:21 présentent des projets dans ce livre
00:26:23 ont suivi cet enseignement
00:26:25 jugé très rétrograde
00:26:27 qui était l'enseignement des Beaux-Arts.
00:26:29 Voilà.
00:26:31 Donc,
00:26:33 la fin des Beaux-Arts
00:26:35 date finalement du début,
00:26:37 en quelque sorte, de cette période.
00:26:39 C'est 68, quand même.
00:26:41 Alors, pour revenir
00:26:45 sur notre conception de ce bâtiment,
00:26:47 je pense que
00:26:51 s'il a été choisi
00:26:53 sans d'ailleurs notre...
00:26:55 C'est pas notre assentiment, mais simplement
00:26:57 il a été choisi. On est évidemment très honoré.
00:26:59 Mais il est...
00:27:01 Il faut qu'on explique
00:27:03 au fond, ou plus exactement que peut-être
00:27:05 vous expliquez, ceux qui l'ont choisi,
00:27:07 pourquoi. Pourquoi finalement
00:27:09 vous l'avez choisi comme représentant
00:27:11 la période post-moderne ?
00:27:13 Il y a des éléments sur le bâtiment qui...
00:27:15 La couleur,
00:27:17 déjà,
00:27:19 le comportement des matériaux,
00:27:21 le jeu sur le décor,
00:27:23 je dirais pas l'ornement,
00:27:25 parce que c'est vraiment un décor scénarisé,
00:27:27 au rez-de-chaussée.
00:27:29 Au moins, déjà, on a une définition minimale.
00:27:31 Oui. Bon, on a
00:27:33 une réponse sur le fonctionnement,
00:27:35 dans le sens que c'est vrai que quand on regarde
00:27:37 l'immeuble, on voit bien que les percements,
00:27:39 enfin que les fenêtres
00:27:41 qui éclairent à la fois la cuisine,
00:27:43 enfin, on voit bien
00:27:45 qu'elles sont un peu indépendantes de la fonction
00:27:47 de la dernière. Ça,
00:27:49 ça pourrait être considéré par les modernes comme
00:27:51 une erreur. Bon.
00:27:53 Bon, c'est une erreur qu'on assume
00:27:55 avec plaisir, je vous dirais, parce que c'est tout de même
00:27:57 ce qu'on a travaillé dessus, on a été contents
00:27:59 à partir d'un certain moment
00:28:01 et ça a été exécuté comme ça.
00:28:03 Le deuxième
00:28:05 aspect qui est peut-être tout à fait
00:28:07 différent, c'est que
00:28:09 il y a cette intervention
00:28:11 des artistes qui, dans cet immeuble,
00:28:13 est tout même extrêmement importante, parce que
00:28:15 on a appelé donc
00:28:17 Don, qui était
00:28:19 un artiste ami un peu
00:28:21 du groupe,
00:28:23 et on lui a donné
00:28:25 cette
00:28:27 mission de
00:28:29 raconter une histoire, en fait, qui devait être
00:28:31 liée à l'idée qu'on aurait
00:28:33 construit cet immeuble sur des ruines anciennes
00:28:35 romaines, probablement.
00:28:37 Donc,
00:28:39 elle a pris ça très au sérieux,
00:28:41 et elle a,
00:28:43 évidemment, c'est à la fois sérieux
00:28:45 et malgré tout, on sent que
00:28:47 c'est une fake news, parce que
00:28:49 tout simplement, parce que
00:28:51 il y a quelques
00:28:53 coups d'œil qui sont des gros, gros, gros coups d'œil
00:28:55 eux-mêmes, comme par exemple
00:28:57 les gens qui boivent du Coca-Cola
00:28:59 au fond dans les ruines de Pompéi, des choses comme ça,
00:29:01 mais qui nous amusaient bien,
00:29:03 en fait, et ça faisait partie, en quelque
00:29:05 sorte, de cette introduction
00:29:07 d'un
00:29:09 élément un peu nouveau qui est lié à
00:29:11 l'histoire qu'on peut raconter, et
00:29:13 aussi à l'intervention
00:29:15 de quelqu'un qui n'était pas nous
00:29:17 pour rajouter quelque
00:29:19 chose dans le bâtiment. Et là,
00:29:21 je dirais que c'est pas spécialement
00:29:23 post-moderne, puisque...
00:29:25 Ah si, le récit, c'est éminemment
00:29:27 post-moderne. La question de la narration.
00:29:29 Le récit, c'est une catégorie
00:29:31 post-moderne par excellence. Voilà,
00:29:33 alors, effectivement, l'idée
00:29:35 de la ruine et de tout ce
00:29:37 qu'elle raconte,
00:29:39 ça c'est certainement, effectivement,
00:29:41 un élément qui était
00:29:43 assez nouveau, je veux dire. Ça venait,
00:29:45 il faut le dire, aussi,
00:29:47 du respect que l'on avait pour
00:29:49 le travail d'un Américain,
00:29:51 d'un groupe,
00:29:53 d'Américains, Sight,
00:29:55 qui décorait des magasins
00:29:57 avec des histoires, justement.
00:29:59 Et vous avez commencé même par
00:30:01 une histoire, puisque Ed, c'est quoi l'histoire ?
00:30:03 Alors...
00:30:05 Ed, Ed, l'agence, le nom de l'agence.
00:30:07 Euh...
00:30:09 Ed, bon, c'est compliqué,
00:30:11 c'est une histoire qui a duré 40 ans, ou 50 ans,
00:30:13 mais presque, maintenant. - Mais l'acronyme ?
00:30:15 Le nom.
00:30:17 Au début,
00:30:19 au début, effectivement, c'était
00:30:21 tout simplement la tarte à la crème,
00:30:23 c'est l'environnement et le design.
00:30:25 Après, on était un peu gênés par
00:30:27 justement le côté tarte à la crème, donc on a
00:30:29 trouvé finalement que
00:30:31 le nom venait d'un
00:30:33 certain Elmer Dwight-Edward, qui était un
00:30:35 architecte américain du
00:30:37 19ème siècle, né en 1812
00:30:39 et mort en 1913,
00:30:41 et qui avait participé à la construction
00:30:43 de tout un tas d'immeubles
00:30:45 extraordinaires,
00:30:47 qui malheureusement ont tous disparu, mais enfin qui ont
00:30:49 existé et dont on avait des photos.
00:30:51 Alors, je vais passer,
00:30:53 excusez-moi, je vais passer à la suite
00:30:55 pour montrer aussi la diversité
00:30:57 des approches
00:30:59 sur la définition de ce que pouvait être
00:31:01 ou ne pas être la question de l'architecture
00:31:03 post-moderne. Alors, Ivona Bukovska, c'est
00:31:05 un projet de vous qu'on voit, qui s'affiche,
00:31:07 et on va voir que la question du récit
00:31:09 n'est pas du tout en jeu.
00:31:11 Oui, en effet, j'ai du mal à
00:31:13 accepter complètement
00:31:15 le titre de ce guide qui est absolument
00:31:17 extraordinaire, et il nous permet
00:31:19 de faire des balades formidables à Paris
00:31:21 et dans sa région, car je trouve qu'à l'époque
00:31:23 73-73,
00:31:25 c'était une époque très riche,
00:31:27 très riche au niveau des débats.
00:31:29 En 73, je suis en troisième année d'architecture,
00:31:31 je débarque de la Pologne,
00:31:33 et je suis confrontée aux débats
00:31:35 à l'infini,
00:31:37 des débats, finalement, qui n'étaient peut-être pas
00:31:39 toujours très, très courtois.
00:31:41 La vie, c'était vraiment pas
00:31:43 un long
00:31:45 fleuve tranquille, au contraire,
00:31:47 c'était souvent des débats
00:31:49 assez violents, et n'empêche,
00:31:51 ça impliquait
00:31:53 quand même, il impliquait quand même
00:31:55 l'existence de plusieurs courants. Pour moi,
00:31:57 le post-modernisme, c'est
00:31:59 un courant, et ce n'est pas
00:32:01 une époque. Alors, rien
00:32:03 qu'à l'école de Belleville, à l'époque, quand on
00:32:05 voit le groupe UNO avec Edith Gerard,
00:32:07 Henri Sariani,
00:32:09 d'un côté et de l'autre côté, les mouvements historicistes
00:32:11 avec Bernard Thué, c'était
00:32:13 quand même un conflit permanent,
00:32:15 et peut-être enrichissant, j'en sais rien,
00:32:17 pendant vraiment des années.
00:32:19 Donc,
00:32:21 j'ai l'impression quand même que cette époque
00:32:23 était infiniment,
00:32:25 très, très complexe,
00:32:27 et quelque part,
00:32:29 le post-modernisme fait
00:32:31 simplement partie
00:32:33 de tous ces événements. Alors,
00:32:35 dans les guides, il y a une définition
00:32:37 de ce post-modernisme.
00:32:39 En fait, on essaye
00:32:41 de parier finalement à la nuit
00:32:43 de façade du mouvement moderne.
00:32:45 On cherche l'éclairage qui provient de toutes directions,
00:32:47 comme par les bons huidons, ou alors on cherche
00:32:49 aussi des petites croissances extérieures,
00:32:51 des balconnées ou des jardins.
00:32:53 Et
00:32:55 j'avoue que j'ai
00:32:57 exactement les mêmes objectifs, je les ai
00:32:59 toujours eus, mais la manière de procéder
00:33:01 est très différente. C'est-à-dire que quand vous voyez
00:33:03 ces images derrière moi,
00:33:05 il s'agit toujours de
00:33:07 procéder de l'intérieur
00:33:09 vers l'extérieur.
00:33:11 Alors, les logements seront tous différents,
00:33:13 chaque logement va négocier sa place avec un autre,
00:33:15 et on va
00:33:17 essayer d'esculpter l'évolution
00:33:19 en fonction, arriver à une certaine
00:33:21 proposition spatiale de ces logements.
00:33:23 On va chercher l'éclairage, cette fois-ci,
00:33:25 par l'implication des façades
00:33:27 dont les directions sont très différentes,
00:33:29 et au fond, la façade
00:33:31 proprement dite, telle qu'on les
00:33:33 dessine en 2D sur un papier, n'existe pas.
00:33:35 Elle s'impose par les traitements
00:33:37 volumétriques de
00:33:39 l'ensemble.
00:33:41 Donc la démarche est
00:33:43 assez opposée par rapport à celle
00:33:45 que je pense est propre au mouvement
00:33:47 post-moderne, où c'est plutôt
00:33:49 l'inverse qui se produit, on
00:33:51 résorbe l'extérieur, et c'est
00:33:53 de l'extérieur qu'on passe vers
00:33:55 l'intérieur. C'est intéressant,
00:33:57 vous glissez de la question du mouvement
00:33:59 et de l'agencement de
00:34:01 styles ensemble à celle d'une époque
00:34:03 qui serait après la modernité.
00:34:05 Oui, mais
00:34:07 je dirais, est-ce qu'un balcon tient
00:34:09 sur un mur rideau ?
00:34:11 Non, pas bien.
00:34:13 Sur votre opération, on voit
00:34:15 une véranda en haut sur le toit,
00:34:17 et puis on voit des beaux windows, en tout cas
00:34:19 tournés. Et sur votre opération,
00:34:21 il y a une multiplication
00:34:23 de bercements qui fait tout son sel, tout son
00:34:25 intérêt, et les prolongements extérieurs.
00:34:27 Et là, les confinements successifs
00:34:29 nous ont montré toute la valeur de cette
00:34:31 architecture. Et cette valeur-là,
00:34:33 elle n'a pu être obtenue qu'au prix de
00:34:35 luttes symboliques, où il fallait briser
00:34:37 la façade lisse, efficace.
00:34:39 Le fonctionnalisme n'avait
00:34:41 communiqué que sur l'efficacité
00:34:43 et n'offrir que l'efficacité.
00:34:45 Vous, vous offriez quelque chose en plus,
00:34:47 comme des donismes, n'est-ce pas ?
00:34:49 Oui, mais je veux simplement expliquer que les deux
00:34:51 manières de procéder sont différentes.
00:34:53 L'une part de l'intérieur,
00:34:55 où l'homme est au centre d'intérêt,
00:34:57 et on s'ouvre vers l'extérieur.
00:34:59 Et l'autre,
00:35:01 c'est l'envers, j'ai l'impression. C'est plutôt
00:35:03 l'extérieur qui modèle la façade,
00:35:05 on arrive à l'intérieur.
00:35:07 Mais en ce qui concerne
00:35:09 le plaisir de vivre,
00:35:11 oui, les deux démarches peuvent
00:35:13 se rejoindre.
00:35:15 Mais un mur et d'eau, ça ne marche pas.
00:35:17 Disons que peut-être le patriotisme
00:35:19 qui est fait là est intéressant, c'est-à-dire qu'on quitte
00:35:21 le champ de l'esthétique pour aller vers
00:35:23 celui des usages et s'interroger sur
00:35:25 la manière dont la post-modernité a peut-être
00:35:27 interrogé des manières
00:35:29 d'envisager les usages à l'intérieur de l'architecture.
00:35:31 Moins unifié, plus individualisé, peut-être.
00:35:33 Parce qu'il y avait des sociologues aussi dans les écoles.
00:35:35 Parce qu'il y avait des sociologues dans les écoles.
00:35:37 Troisième intervenant
00:35:39 à qui j'ai posé la même question,
00:35:41 est-ce que l'architecture
00:35:43 post-moderne a existé, Sébastien ?
00:35:45 Pour nous, oui,
00:35:47 l'architecture post-moderne a existé.
00:35:49 Je dirais qu'on a commencé à pratiquer l'architecture
00:35:51 à un moment où c'était déjà...
00:35:53 L'année de diplôme, peut-être ?
00:35:55 2009-2010.
00:35:57 C'est un moment où
00:35:59 c'est une époque révolue.
00:36:01 On peut considérer ça comme un fait historique
00:36:03 acquis qui a déjà
00:36:05 une masse critique que l'on peut consulter.
00:36:07 Pour nous, l'objet post-moderne
00:36:09 par excellence, c'est les diagrammes de
00:36:11 Junks. Ici, c'est une version redessinée
00:36:13 par un designer qui s'appelle Mathieu Perroulé
00:36:15 qui est allé voir Charles Junks un peu avant
00:36:17 sa mort. C'est quelqu'un qu'on ne fréquentait plus trop.
00:36:19 Charles Junks était tout à fait disponible
00:36:21 à répondre à
00:36:23 nos questions. Dans ce diagramme
00:36:25 de Junks, ce qui nous intéresse, c'est que
00:36:27 on voit
00:36:29 une multitude, un étoilement
00:36:31 de postures d'architectes,
00:36:33 de manières de faire de l'architecture
00:36:35 qui se démultiplient et qui finalement
00:36:37 formulent une critique
00:36:39 du projet moderne, qui était quand même
00:36:41 un projet hégémonique,
00:36:43 centré sur un humanisme
00:36:45 qui était l'humanisme de l'ombre blanche,
00:36:47 hétérosexuelle, occidentale.
00:36:49 Ce qu'a commencé le post-modernisme,
00:36:51 c'est briser cette hégémonie
00:36:53 et dire qu'il y a plusieurs postures
00:36:55 qui sont possibles et qui
00:36:57 ne se rejoignent pas nécessairement.
00:36:59 Il y a quand même un geste
00:37:01 libérateur, émancipateur.
00:37:03 Pour reprendre les mots
00:37:05 de Jean-Louis Violot, il y a
00:37:07 une liberté inquiète dans le post-modernisme.
00:37:09 Et cette liberté inquiète,
00:37:11 elle est ressource
00:37:13 de méthodes qui, pour nous architectes,
00:37:15 étaient quand même
00:37:17 plutôt quelque chose de positif dans le post-modernisme.
00:37:19 Mais aussi,
00:37:21 si on regarde les objets du post-modernisme,
00:37:23 cette inquiétude s'incarne
00:37:25 dans des objets qui sont extrêmement spécifiques
00:37:27 et très diversifiés,
00:37:29 qui cherchent vraiment à se singulariser.
00:37:31 A l'image de la maquette de cette maison
00:37:33 qui a été construite à Kyoto dans les années 70,
00:37:35 par l'architecte Yamashita,
00:37:37 c'est la "face house",
00:37:39 donc littéralement une façade-visage
00:37:41 qui a une bouche béante
00:37:43 qui est la porte. Et on ne sait pas vraiment
00:37:45 si elle est joyeuse ou inquiète.
00:37:47 Il y a une sorte de paradoxe dans ces années
00:37:49 post-modernes, c'est que ça produit des formes
00:37:51 rutilantes, mais on ne sait jamais
00:37:53 le ton qu'elles ont. Il y a une forme
00:37:55 d'ambiguïté qui laisse quand même
00:37:57 largement à interprétation.
00:37:59 Et lorsqu'on a manipulé cette maquette,
00:38:01 ça c'est une photo qui a été prise
00:38:03 lors de l'exposition en 2015
00:38:05 qu'elle s'est installée. Quelque chose de beau
00:38:07 parce qu'elle est présentée
00:38:09 presque comme un animal dangereux,
00:38:11 qui est à la fois fascinant, mais presque dangereux
00:38:13 à manipuler, comme le post-modernisme l'est.
00:38:15 Oui, j'ai oublié de préciser tout à l'heure
00:38:17 l'exposition "Un passe des lilas", "Arc en rêve",
00:38:19 l'été 2022, où justement vous aviez montré
00:38:21 une exposition monographique de l'agence MBL,
00:38:23 vous aviez montré une somme de références
00:38:25 issues de votre corpus
00:38:27 intellectuel au sein de l'agence,
00:38:29 dont faisait partie cette maquette.
00:38:31 Exactement, avec d'autres références post-modernes,
00:38:33 avec l'idée de, finalement,
00:38:35 c'est notre héritage, comme finalement
00:38:37 le modernisme a été l'héritage
00:38:39 des architectes post-modernes,
00:38:41 mais qu'est-ce qu'on en fait, comment on l'active,
00:38:43 comment on le délie, le relie, et comment on va
00:38:45 au-delà du post-modernisme, évidemment.
00:38:47 Mais ce que tu as dit
00:38:49 sur l'inquiétude, c'est
00:38:51 tout à fait révélateur, et à chaque fois
00:38:53 que l'architecture s'est mise à parler,
00:38:55 c'est le révélateur d'une crise.
00:38:57 Ce soit
00:38:59 Ricardo Bofill et Jean Nouvel,
00:39:01 ou Boulet et Lequeu.
00:39:03 Ce sont des moments d'inquiétude
00:39:05 des architectes et de leur place dans la société.
00:39:07 Et quand l'architecture, en général,
00:39:09 parle, c'est qu'elle traverse une crise
00:39:11 d'existence.
00:39:13 Alors, puisqu'on...
00:39:15 Ensuite, ça peut être un peu... c'est tout le problème
00:39:17 du post-modernisme, et le kitsch peut tomber dans le vulgaire.
00:39:19 Et l'accusation
00:39:21 de populisme a souvent été
00:39:23 lancée aux architectures post-modernes,
00:39:25 il ne faut pas l'oublier. Brouillage des catégories,
00:39:27 appel au peuple,
00:39:29 enfin bon, bref.
00:39:31 Alors, on voit bien que
00:39:33 les définitions sont très distinctes,
00:39:35 que les étiquettes ne sont pas si faciles à porter.
00:39:37 Et bien justement, mettons
00:39:39 le doigt sur le problème.
00:39:41 Pourquoi le qualificatif de post-moderne
00:39:43 est si difficile à porter ?
00:39:45 Qu'on l'attribue à l'architecture ou aux architectes ?
00:39:47 On voit bien que la question de la posture,
00:39:49 aussi, est traversée par
00:39:51 ce terme.
00:39:53 Et, manifestement, elle l'est
00:39:55 autant hier qu'aujourd'hui.
00:39:57 Pour la petite anecdote, quand nous avons
00:39:59 contacté Sébastien et Benjamin
00:40:01 de l'agence MBL pour leur proposer de participer,
00:40:03 ils ont avoué qu'ils étaient eux-mêmes pas d'accord
00:40:05 sur le fait d'être mis
00:40:07 dans ce paquet de la post-modernité.
00:40:09 Alors, pourquoi ?
00:40:11 Ivona ?
00:40:13 Certains aspects de l'architecture
00:40:15 post-moderne sont gênants
00:40:17 quand même pour beaucoup d'architectes.
00:40:19 Le principe d'écolage,
00:40:21 l'insertion des éléments,
00:40:23 d'éléments, finalement,
00:40:25 de l'architecture antique.
00:40:27 Là, vous avez devant vous
00:40:29 un projet de forme d'étude
00:40:31 fait à Nantes
00:40:33 dans l'atelier de
00:40:35 M. Goetsch. D'ailleurs, nous avons assisté ensemble
00:40:37 à ce travail de PFE.
00:40:39 Il s'agit ici, simplement,
00:40:41 d'analyse du site. Alors, quand vous regardez
00:40:43 bien ce panneau, on retrouve
00:40:45 plusieurs éléments collés
00:40:47 les uns à côté des autres, des passages
00:40:49 traités d'une manière particulière, sans qu'on
00:40:51 ne sache vraiment pourquoi.
00:40:53 Les matériaux
00:40:55 très différents en façade,
00:40:57 qui ne correspondent absolument à aucune
00:40:59 utilisation particulière des lieux.
00:41:01 Et j'avoue que devant
00:41:03 cette organisation
00:41:05 de détails,
00:41:07 d'architecture, et pourtant,
00:41:09 les plaomas sont plutôt sympathiques avec les espaces verts.
00:41:11 L'ensemble est placé
00:41:13 dans un lieu plutôt agréable.
00:41:15 Mais il y a une sorte de gêne,
00:41:17 finalement, qu'on ressent.
00:41:19 On ne comprend pas
00:41:21 la pensée d'architecte. Et d'ailleurs,
00:41:23 les élèves avaient
00:41:25 beaucoup de mal, finalement, à réhabiliter
00:41:27 ces bâtiments. On ne connaît pas
00:41:29 le nom d'architecte, d'ailleurs.
00:41:31 Ce sont des hachelèmes placés dans un site
00:41:33 assez beau, donc il s'agit de
00:41:35 réhabiliter l'ensemble.
00:41:37 Et donc, je pense que pour beaucoup d'architectes,
00:41:39 si on rentre vraiment
00:41:41 dans quelques détails de ce mouvement,
00:41:43 et qui souvent,
00:41:45 surtout dans le cas des hachelèmes,
00:41:47 ne sont pas vraiment
00:41:49 très bien réhabilités,
00:41:51 on peut dire que ce mouvement
00:41:53 est un peu plus
00:41:55 déformé.
00:41:57 Et donc, on ne peut pas dire
00:41:59 que ce mouvement est un peu plus
00:42:01 déformé.
00:42:03 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:05 que ce mouvement est un peu plus
00:42:07 déformé.
00:42:09 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:11 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:13 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:15 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:17 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:19 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:21 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:23 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:25 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:27 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:29 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:31 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:33 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:35 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:37 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:39 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:41 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:43 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:45 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:47 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:49 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:51 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:53 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:55 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:42:57 Et donc, on ne peut pas dire
00:42:59 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:01 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:03 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:05 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:07 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:09 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:11 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:13 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:15 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:17 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:19 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:21 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:23 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:25 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:27 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:29 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:31 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:33 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:35 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:37 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:39 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:41 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:43 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:45 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:47 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:49 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:51 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:53 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:55 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:43:57 Et donc, on ne peut pas dire
00:43:59 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:01 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:03 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:05 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:07 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:09 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:11 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:13 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:15 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:17 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:19 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:21 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:23 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:25 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:27 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:29 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:31 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:33 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:35 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:37 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:39 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:41 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:43 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:45 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:47 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:49 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:51 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:53 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:55 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:44:57 Et donc, on ne peut pas dire
00:44:59 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:01 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:03 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:05 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:07 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:09 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:11 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:13 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:15 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:17 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:19 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:21 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:23 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:25 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:27 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:29 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:31 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:33 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:35 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:37 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:39 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:41 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:43 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:45 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:47 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:49 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:51 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:53 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:55 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:45:57 Et donc, on ne peut pas dire
00:45:59 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:01 Et donc, on ne peut pas dire
00:46:03 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:05 Et donc, on ne peut pas dire
00:46:07 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:09 Et donc, on ne peut pas dire
00:46:11 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:13 Et donc, on ne peut pas dire
00:46:15 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:17 Et donc, on ne peut pas dire
00:46:19 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:21 Et donc, on ne peut pas dire
00:46:23 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:25 Et donc, on ne peut pas dire
00:46:27 que ce mouvement est un peu plus déformé.
00:46:29 Pourquoi c'est encore difficile aujourd'hui,
00:46:31 en passé 2020,
00:46:33 de porter ce qualificatif ?
00:46:35 Il y a plusieurs raisons.
00:46:37 Déjà, il y a des choses
00:46:39 qui sont très positives dans le postmodernisme.
00:46:41 Il y a cette idée de savoir situer,
00:46:43 de dire d'où on fait l'architecture,
00:46:45 d'énoncer l'épistémologie
00:46:47 de là où on parle.
00:46:49 C'est quand même quelque chose d'assez émancipateur.
00:46:51 Après, le postmodernisme a fait
00:46:53 de l'architecture le sujet de l'architecture,
00:46:55 d'une certaine manière.
00:46:57 C'est à la fois passionnant,
00:46:59 mais ça pose des questions.
00:47:01 C'est un peu le sens de ce numéro de "Plan libre",
00:47:03 "Bye bye Pomo", donc au revoir au postmodernisme,
00:47:05 qui montre ce dessin
00:47:07 fait par Benjamin Lafort,
00:47:09 de la salière et de la poivrière
00:47:11 de Michael Graves,
00:47:13 qui, en fait,
00:47:15 montre que,
00:47:17 dans cette sorte de sophistication formelle,
00:47:19 l'architecture qui se replie
00:47:21 sur elle-même, est produite des objets
00:47:23 d'un luxe conceptuel fabuleux,
00:47:25 de forme rutilante,
00:47:27 absolument passionnante,
00:47:29 mais d'une certaine forme, ça reste
00:47:31 peut-être des bibelots. Dans quelles mesures
00:47:33 elle va au-delà de l'architecture
00:47:35 pour rendre fertiles
00:47:37 des territoires de pensée, des villes,
00:47:39 en quoi elle s'adresse politiquement
00:47:41 à autre chose ? Et ça ramène
00:47:43 d'une certaine manière à une citation
00:47:45 de Charles Juncks, qui est humoristique,
00:47:47 mais qui dit bien les choses. Il définissait
00:47:49 le postmodernisme comme un double ristretto
00:47:51 décaféiné, donc quelque chose
00:47:53 de très fort, mais sans conséquences.
00:47:55 Et c'est là où on peut
00:47:57 ne pas supporter d'être postmoderne,
00:47:59 c'est tant d'efforts pour si peu d'effets.
00:48:01 Ça n'a peut-être pas toujours été vrai,
00:48:05 mais on voit que l'architecture
00:48:07 postmoderne s'est quand même structurée aussi
00:48:09 sur les notions de communication, et notamment
00:48:11 l'industrie culturelle
00:48:13 liée à l'architecture, la circulation d'images,
00:48:15 de revues, d'expositions, qui s'est
00:48:17 intensifiée dans les années 80-90
00:48:19 jusqu'à 2000, et cette image-là,
00:48:21 elle est tirée d'un ouvrage de François Blanciac
00:48:23 qui a été publié au début des années 2000,
00:48:25 qui s'appelle "Sightless",
00:48:27 donc sans site, mais il y a une forme
00:48:29 avec l'idée que c'est
00:48:31 une sorte de manifeste
00:48:33 sans mots, où il n'y a que des formes
00:48:35 et on peut prendre une de ces formes,
00:48:37 en faire un bâtiment, ça marchera toujours.
00:48:39 Et ça renvoie un peu à ce moment
00:48:41 des années 2000, qui est une sorte de
00:48:43 je dirais d'apogée du postmodernisme,
00:48:45 ou à Omotesando,
00:48:47 à Tokyo, ou dans certaines
00:48:49 villes européennes et américaines,
00:48:51 on pouvait voir des sortes
00:48:53 de mastodontes faits par des
00:48:55 architectes, qui étaient des
00:48:57 immeubles extrêmement raffinés, absolument
00:48:59 passionnants d'un point de vue technique, architectural,
00:49:01 conceptuel et historique,
00:49:03 mais qui à la fois étaient un peu
00:49:05 sans conséquences. Donc c'est
00:49:07 cet apogée-là des
00:49:09 flagships et des stars
00:49:11 architectes, c'est une sorte de
00:49:13 critique on pourrait dire du postmodernisme,
00:49:15 qui produit des objets beaux et fascinants,
00:49:17 mais qu'on n'arrive pas à activer,
00:49:19 je dirais d'un point de vue presque politique.
00:49:21 Oui, mais c'est vrai que la symbolique et la forme
00:49:23 exclusivement, ça donne une impasse.
00:49:25 Et c'est vrai que le postmodernisme a plutôt
00:49:27 cherché à un moment donné à s'intéresser plus qu'aux effets,
00:49:29 sans jamais s'interroger sur les causes.
00:49:31 Ça c'est vrai, et ça a été le
00:49:33 deuil, le déclin de ce courant. Et puis aussi
00:49:35 un courant qui a été très très vite à la mode,
00:49:37 il ne faut pas oublier, historiquement, et qui donc s'est
00:49:39 trouvé très vite démodé aussi.
00:49:41 Peut-être juste pour ajouter,
00:49:43 c'est aussi un courant qui a
00:49:45 permis de construire
00:49:47 la notion de l'architecte comme auteur,
00:49:49 ou en tout cas super auteur,
00:49:51 en lien peut-être avec la modernité déjà.
00:49:53 Et ça c'est quelque chose qui aujourd'hui,
00:49:55 à notre sens, est quelque chose
00:49:57 qu'on peut critiquer.
00:49:59 Ou disons les diversités de manières d'être un auteur,
00:50:01 peut-être, en acceptant qu'elle pouvait être plurielle.
00:50:03 On reviendra peut-être aussi
00:50:07 sur la porie politique, dont on voit
00:50:09 qu'elle commence à émerger, cette critique
00:50:11 de l'architecture postmoderne,
00:50:13 en vis-à-vis peut-être du projet politique
00:50:15 porté par la modernité.
00:50:17 Alors,
00:50:19 autre question. Partons du principe que
00:50:21 cette architecture a existé,
00:50:23 en quoi
00:50:25 elle serait intéressante aujourd'hui ?
00:50:27 Pourquoi la regarder, nous intéresse ?
00:50:29 Lijona.
00:50:31 En fait, ce qui m'intéressait peut-être le plus dans cette
00:50:33 démarche, c'est l'intérêt qu'on porte à la ville,
00:50:35 à l'alignement, à la
00:50:37 reconstruction des centres
00:50:39 de nos villes.
00:50:41 Finalement, le projet que vous voyez
00:50:43 sur l'écran, c'est un projet
00:50:45 de 46 logements, d'une densité
00:50:47 assez importante, et il était
00:50:49 très important de respecter pour moi,
00:50:51 finalement, l'alignement sur la rue et les bâtiments
00:50:53 existants, ce qui m'a obligée de
00:50:55 coller les bâtiments, de positionner
00:50:57 en limites séparatives. Et à partir de
00:50:59 ce moment, se pose la question d'éclairage,
00:51:01 comment on éclaire, comment les séjours peuvent être
00:51:03 éclairés, et comment capter
00:51:05 l'éclairage provenant de toutes les directions.
00:51:07 Et ce qui me semble intéressant
00:51:09 dans cette démarche, c'est que de la contrainte,
00:51:11 on peut arriver
00:51:13 quasiment à un ato, parce que cette contrainte
00:51:15 difficile à résoudre,
00:51:17 m'a obligée, finalement,
00:51:19 de penser les appartements différemment,
00:51:21 à deux niveaux, les séjours à deux niveaux,
00:51:23 sous l'éclairage
00:51:25 zénital, non seulement,
00:51:27 bien évidemment. Et donc, c'est ce rapport
00:51:29 avec la ville qui me semble intéressant
00:51:31 quand même, de
00:51:33 profiter des contraintes, parce que Dieu sait
00:51:35 à quel point, surtout à Paris, on les a,
00:51:37 mais de s'en servir un peu comme tremplin
00:51:39 pour essayer à chercher
00:51:41 peut-être des espaces qu'on n'a pas l'habitude
00:51:43 de dessiner.
00:51:45 Ce sont des hachelèmes réalisés par l'Office d'Ivry.
00:51:47 Là aussi, on voit donc réapparaître
00:51:49 l'idée que l'espace se conçoit
00:51:51 depuis l'intérieur, et
00:51:53 par contre, on voit vraiment émerger
00:51:55 fondamentalement l'argument du retour
00:51:57 à la rue, du retour à la ville, au contexte.
00:51:59 Ce qui est intéressant aussi,
00:52:01 je trouve, dans les projets que vous montrez, Ivona, c'est
00:52:03 qu'on ne nous laisse pas croire
00:52:05 que la production post-moderne serait
00:52:07 la production de la petite échelle.
00:52:09 On est encore sur des grands volumes de production
00:52:11 du logement. Ici, 200 logements
00:52:13 en 96.
00:52:15 C'est pour après.
00:52:17 Oui, mais
00:52:19 à cette époque, en fait,
00:52:21 c'était une petite opération.
00:52:23 Il y avait des opérations de 10 000 logements
00:52:25 qui se dessinaient, vous voyez par exemple
00:52:27 l'aubervillier de Madame René-Gaillustet.
00:52:29 Aujourd'hui, en effet, 46 logements,
00:52:31 c'est un grand projet.
00:52:33 Alors, en quoi
00:52:35 elle est intéressante, vu d'aujourd'hui,
00:52:37 cette architecture post-moderne ?
00:52:39 Alors là,
00:52:41 pour répondre à cette question, on passe par
00:52:43 un dessin de James Wines,
00:52:45 qui est fondateur du groupe
00:52:47 Sight, qui est un groupe d'architectes,
00:52:49 enfin une agence américaine, qui a
00:52:51 peu construit, mais qui a beaucoup produit
00:52:53 de dessins, qui a construit beaucoup de supermarchés,
00:52:55 la série des Best
00:52:57 étant leur chef-d'oeuvre.
00:52:59 Donc là, c'est un dessin de 1981 qui s'appelle
00:53:01 High-Rise Building.
00:53:03 Et ce qui est intéressant ici, c'est que
00:53:05 on est vraiment dans l'aporie post-moderne,
00:53:07 pour reprendre le terme,
00:53:09 avec un immeuble d'habitation individuelle
00:53:11 où on voit une sorte de
00:53:13 neutre, le neutre de l'étagère
00:53:15 moderne,
00:53:17 qui est porté d'une partition
00:53:19 de musique, et l'ensemble des pavillons
00:53:21 qui obéissent tous à une volonté
00:53:23 de singularisation, de style très
00:53:25 différent, qui cohabitent et
00:53:27 malgré tout arrivent à former
00:53:29 une sorte de nous, de communauté
00:53:31 par la multitude
00:53:33 de singularités. Et c'est souvent ce que le
00:53:35 post-modernisme a essayé d'explorer
00:53:37 en architecture. Ce qui est intéressant
00:53:39 aussi là, c'est que ça ne passe pas
00:53:41 nécessairement par une sorte de raffinement
00:53:43 formel, ça passe par une brutalité
00:53:45 et surtout des objets trouvés.
00:53:47 C'est-à-dire qu'on est vraiment dans le prélèvement
00:53:49 d'une réalité, ces pavillonnaires, ils existent
00:53:51 partout aux Etats-Unis, ils sont simplement
00:53:53 rassemblés ici. Alors cette photo,
00:53:55 enfin ce dessin, il interpelle aussi,
00:53:57 parce qu'il est un peu
00:53:59 comme à l'image de l'ouvrage, il pose
00:54:01 dans une étagère commune un ensemble
00:54:03 de démarches hétéroclites. Et finalement,
00:54:05 cette image-là, quand
00:54:07 vous l'avez découverte, Ivona et Alain,
00:54:09 elle vous a aussi interpellées, puisqu'elle
00:54:11 vous renvoie aussi à cette idée que
00:54:13 finalement, sous ces étiquettes
00:54:15 post-modernes,
00:54:17 vous ne vous y retrouvez pas.
00:54:19 Ou en tout cas pas tout le temps.
00:54:21 Vous voulez réagir ?
00:54:25 Non, vous avez tout à fait raison.
00:54:27 Je suis très attachée à l'espace,
00:54:31 à l'espace antérieur.
00:54:33 C'est le plus grand plaisir pour moi de travailler
00:54:35 les bâtiments dans ce sens-là.
00:54:37 J'ai commencé ce travail à l'âge de 23
00:54:39 dans cette direction-là et je continue
00:54:41 toujours aujourd'hui.
00:54:43 Donc post-modernes ou pas,
00:54:45 peut-être je suis bornée,
00:54:47 peut-être je ne suis pas suffisamment ouverte,
00:54:49 mais les éléments qui m'intéressent
00:54:51 en architecture sont assez
00:54:53 invariables. C'est toujours la même chose.
00:54:55 C'est l'éclairage qui provient de toutes directions,
00:54:57 c'est l'éclairage dénital, ce sont les espaces
00:54:59 à plusieurs niveaux. Ce sont les terrasses,
00:55:01 les jardins, ce sont des espaces en plus qu'on donne
00:55:03 par des séjours en amphithéâtre.
00:55:05 On ne montre pas ici des images,
00:55:07 mais c'est le plaisir de vivre.
00:55:09 Et Alain, vous, ce qui vous
00:55:11 faisait peut-être réagir, mais vous le
00:55:13 diriez peut-être vous-même, c'est le fait
00:55:15 sous cette grande bannière de post-modernes,
00:55:17 d'être accolé à des gens avec qui on ne partage pas grand-chose.
00:55:19 Je voulais juste faire une référence au travail de Wines,
00:55:31 parce que tous ces dessins-là sont en général des dessins
00:55:35 au crayon, aux couleurs absolument magnifiques.
00:55:37 On pense souvent qu'il n'a pas beaucoup construit,
00:55:40 mais en réalité il a beaucoup construit,
00:55:42 mais c'était surtout de l'éphémère.
00:55:44 C'est pour ça que ça n'est pas resté très longtemps.
00:55:47 Mais il a beaucoup de choses.
00:55:49 Alors, l'avis d'une autre, quand même.
00:55:51 Oui, c'est toujours pour continuer
00:55:53 un peu en écho de l'image d'avant.
00:55:55 On voyait qu'il y avait une sorte de
00:55:57 formulation d'un "nous possible",
00:55:59 mais le post-modernisme a souvent été quand même
00:56:01 focalisé sur une forme de nostalgie
00:56:03 occidentale. Alors, le Japon
00:56:05 est un grand pays post-moderne,
00:56:07 enfin, une ville qui a été façonnée
00:56:10 par le post-modernisme, mais en tout cas,
00:56:12 il y a quand même cette idée que ça concerne
00:56:14 exclusivement les pays
00:56:16 qui ont été profondément
00:56:18 marqués par l'économie, par le capitalisme
00:56:20 et transformés par le capitalisme.
00:56:22 Donc, il y a une nostalgie un peu égocentrique quand même.
00:56:24 Et je pense que le post-modernisme,
00:56:27 en ouvrant cette notion
00:56:29 de savoir situé, de discours autre,
00:56:31 a permis la critique,
00:56:33 clairement, de l'hégémonie
00:56:35 humaniste,
00:56:37 et la pensée,
00:56:39 à travers ce dessin de Maë Kordié-Johann,
00:56:41 qui est architecte,
00:56:43 qui travaille sur les questions queer et féministes,
00:56:45 qu'on a publiées en Une de Plan Libre,
00:56:47 c'était, finalement,
00:56:49 cette quête actuelle,
00:56:51 je dirais, dans la lignée du post-modernisme,
00:56:53 de discours autres, ceux que la modernité
00:56:55 a totalement
00:56:57 oubliés.
00:56:59 C'est à la fois les discours queer-féministes,
00:57:01 post-coloniaux,
00:57:03 et l'ouverture, finalement,
00:57:05 à une identité qui n'est pas
00:57:07 figée, et à des corps qui ne sont pas
00:57:09 figés. Donc ça,
00:57:11 c'est quand même, je dirais,
00:57:13 le grand geste émancipateur dans la lignée du post-modernisme.
00:57:15 Mais le post-modernisme ne l'a pas
00:57:17 totalement réalisé, puisqu'il était
00:57:19 un peu égocentré.
00:57:21 Alors,
00:57:23 sur les enseignements, aussi, peut-être,
00:57:25 de cette architecture-là, et peut-être, finalement,
00:57:27 ce qui fait qu'elle est atemporelle,
00:57:29 malgré
00:57:31 les images et les imaginaires qu'elle convoque,
00:57:33 qu'est-ce qui la rend presque atemporelle ?
00:57:35 Là encore,
00:57:37 on reconnaît une architecture
00:57:39 qui est plutôt... Pardon.
00:57:41 On reconnaît une architecture plutôt
00:57:43 fonctionnaliste, malgré le fait
00:57:45 qu'elle a
00:57:47 peut-être certains éléments
00:57:49 originaux. En réalité, on s'appuie
00:57:51 sur la mémoire
00:57:53 de certains angles parisiens,
00:57:55 qui sont marqués souvent par une tourelle.
00:57:57 Là, c'est un cas
00:57:59 un peu particulier, parce qu'il a fallu
00:58:01 faire rentrer, fonctionnellement,
00:58:03 les gens pour monter chez eux,
00:58:05 parce qu'ils ne montent pas dans les duplexes
00:58:07 qui sont sur les côtés, à travers un système
00:58:09 de passerelles.
00:58:11 Donc, je reviens
00:58:13 toujours sur cette espèce de description fonctionnelle,
00:58:15 juste pour montrer que nous ne sommes
00:58:17 pas seulement post-modernes.
00:58:19 Peut-être post-modernes,
00:58:21 parce que la deuxième photo
00:58:23 montre
00:58:25 l'intervention des artistes,
00:58:27 qui était un peu tout de même
00:58:29 une constante chez nous.
00:58:31 Et là, l'artiste a vraiment
00:58:33 fait un gros, gros travail, parce que
00:58:35 tout l'intérieur de Lilo
00:58:37 était... il y avait
00:58:39 un grand mur
00:58:41 en très mauvais état d'une école,
00:58:43 et il a donc donné
00:58:45 le livre-coeur à son
00:58:47 imagination, mais c'était
00:58:49 un service rendu à tous les
00:58:51 appartements qui sont, en quelque sorte, en balcon
00:58:53 au-dessus de ce jardin.
00:58:55 Ce qui nous
00:58:59 permet de commencer à comprendre
00:59:01 aussi que la question
00:59:03 de l'architecture post-moderne ne peut pas seulement se réduire
00:59:05 à une histoire de façade, de composition de façade,
00:59:07 mais doit aussi se regarder dans l'épaisseur
00:59:09 de la fabrique du projet. Et finalement,
00:59:11 ce que vous racontez aussi avec celui-ci,
00:59:13 en particulier, c'est que c'est un projet
00:59:15 comme un autre, qui s'interroge
00:59:17 sur son contexte, qui s'interroge sur ses
00:59:19 usages, et sur ce qu'il offre
00:59:21 à son environnement.
00:59:23 Et la dernière question, celle qui nous amène
00:59:29 encore plus dans le contemporain.
00:59:31 L'architecture d'aujourd'hui,
00:59:33 est-ce qu'elle est encore post-moderne ?
00:59:35 Je voulais vous poser cette question-là, parce qu'on
00:59:37 a beaucoup évoqué le diagramme de Charles Jencks
00:59:39 que nous montrait Jean-Louis au début de la présentation.
00:59:41 Ce diagramme, il a évolué
00:59:43 tout au fil du temps, il a changé
00:59:45 de nom, il s'est appelé
00:59:47 l'évolution
00:59:49 de l'architecture du modernisme
00:59:51 tardif, l'évolution de l'architecture
00:59:53 post-moderne, etc.
00:59:55 Il a appelé ça l'arbre sémiologique.
00:59:57 L'arbre sémiologique.
00:59:59 Son curseur
01:00:01 temporel a également progressivement
01:00:03 débordé vers les années 2000,
01:00:05 au fil de ses recherches. Mais est-ce qu'on
01:00:07 pourrait pas nous-mêmes essayer de le faire déborder
01:00:09 jusqu'aux années 2020 ? Je ne sais pas, c'est une question
01:00:11 que je vous pose.
01:00:13 Partant de l'hypothèse,
01:00:15 j'ajuste juste, partant de l'hypothèse
01:00:17 que formulait Jean-Louis en préalable
01:00:19 de ce débat sur
01:00:21 la permanence des arguments post-modernes
01:00:23 en architecture. Alors Ivona,
01:00:25 vous montrez la maison
01:00:27 des enfants de la nature et de la forêt de
01:00:29 l'internet. Oui, j'ai tiens à
01:00:31 montrer les deux derniers projets, celui-là
01:00:33 en or, beaucoup plus petit, l'atelier Gold.
01:00:35 Et j'étais très chanceuse
01:00:37 car c'était encore au moment des concours
01:00:39 où les critères des concours,
01:00:41 c'était la qualité architecturale.
01:00:43 En ce qui concerne les dossiers,
01:00:45 pour choisir
01:00:47 le candidat, et après pour
01:00:49 choisir donc le candidat définitif,
01:00:51 l'auteur définitif du futur projet.
01:00:53 Et
01:00:55 j'avoue qu'aujourd'hui on pose la question
01:00:57 de la qualité architecturale
01:00:59 et de la qualité de l'architecture.
01:01:01 Et j'ai un petit peu
01:01:03 l'impression que c'est un peu
01:01:05 l'inverse.
01:01:07 Je pense que la question
01:01:09 est très importante
01:01:11 pour tout ce qui est
01:01:13 architecture post-moderne.
01:01:15 J'espère qu'elle n'existe
01:01:17 plus dans ces mauvais termes
01:01:19 où il s'agit simplement de décollage en façade.
01:01:21 Mais je pense que la question que je saurais
01:01:23 très poser, c'est est-ce qu'aujourd'hui
01:01:25 la qualité architecturale
01:01:27 c'était les critères les plus importants
01:01:29 aujourd'hui dans le cadre des concours
01:01:31 publics, et les critères
01:01:33 d'architecture sont quasiment
01:01:35 inexistants, ou alors c'est la dernière place.
01:01:37 La première, c'est le montant
01:01:39 d'honoraires que l'équipe va
01:01:41 demander au futur
01:01:43 maître d'ouvrage.
01:01:45 Et quand j'apprends que certains de mes collègues
01:01:47 travaillent à 2%
01:01:49 par rapport au montant de travaux, parce que
01:01:51 logiquement l'argent que l'architecte
01:01:53 passe en fonction du coût des bâtiments,
01:01:55 je pense qu'il y a des cas où l'architecture
01:01:57 ne peut pas exister parce que
01:01:59 l'architecture ça se paye, parce que
01:02:01 construire une terrasse c'est plus cher
01:02:03 que ne pas la construire, et parce que l'architecte
01:02:05 s'il veut faire des recherches,
01:02:07 il lui faut du temps. Donc il ne peut
01:02:09 pas travailler dans des
01:02:11 contextes où finalement le seul
01:02:13 moyen à préparer le nouveau
01:02:15 projet c'est de faire des copiers-collés
01:02:17 et de chercher, et même pas de chercher
01:02:19 d'appliquer les solutions qu'il connaît déjà
01:02:21 quelque part.
01:02:23 Donc je trouve que c'est un problème
01:02:25 assez embêtant
01:02:27 dans notre société d'aujourd'hui.
01:02:29 En tout cas vous posez les questions
01:02:31 qui sont aussi soulevées dans le guide,
01:02:33 qui sont le système de production
01:02:35 qui accompagne aussi l'émergence
01:02:37 de cette architecture dans les années 70,
01:02:39 80 et à l'arrivée
01:02:41 des années 90, où
01:02:43 la fabrique
01:02:45 de l'architecture même, les maîtres d'ouvrage,
01:02:47 les moyens alloués au projet
01:02:49 étaient très différents de ceux d'aujourd'hui.
01:02:51 C'était le concours rémunéré, n'est-ce pas ?
01:02:53 Qui n'existe presque plus.
01:02:55 Les architectes le savent bien, malheureusement.
01:02:57 Oui, mais il faut déjà choisir
01:02:59 pour concourir.
01:03:01 Oui, c'est ça, quand ils sont invités à concourir, c'est une fête.
01:03:03 Et si les critères d'architecture
01:03:05 n'existent pas,
01:03:07 finalement, si le seul
01:03:09 critère, seulement tant d'honneur
01:03:11 que l'architecte demande,
01:03:13 c'est l'architecture à la morte ?
01:03:15 Du moins son autonomie,
01:03:17 c'est vrai ? Oui.
01:03:19 À partir du moment où elle est entièrement subordonnée à des logiques
01:03:21 qui la dépassent, elle n'a plus d'autonomie.
01:03:23 Donc, si on rejoint Pierre Bourdieu, ce n'est plus
01:03:25 un champ culturel. Ce n'est plus
01:03:27 qu'un rameau du champ économique.
01:03:29 Mais on ne les enterre pas trop vite non plus.
01:03:33 On est quand même dans
01:03:35 un lieu qui vit pas mal.
01:03:37 Qui valorise, c'est vrai.
01:03:39 Alors Alain, un bâtiment
01:03:41 peut-être que vous connaissez toutes et tous, pas très loin
01:03:43 du centre Pompidou, du Renard ?
01:03:45 Juste un petit mot sur cet immeuble.
01:03:47 C'était un concours qui avait été organisé
01:03:51 par la ville de Paris pour l'utilisation d'une dent creuse.
01:03:53 Donc on a répondu en tant que
01:03:57 société allemande, Edouard Compromoteur
01:03:59 et architecte.
01:04:01 Le promoteur avait eu la gentillesse de choisir
01:04:03 Ed comme architecte.
01:04:05 On a fait ce concours, on l'a gagné
01:04:09 et donc on a eu le droit de construire
01:04:11 ce bâtiment. Alors maintenant,
01:04:13 pour expliquer la conception,
01:04:15 il a remplacé,
01:04:21 je dois dire que ça a été un peu dur
01:04:23 pour nous aussi, il y avait une superbe
01:04:25 publicité d'un singe qui mangeait
01:04:27 un yaourt.
01:04:29 Sûrement il y a des gens
01:04:31 qui s'en souviennent.
01:04:33 Et quand on l'a été enlevée
01:04:35 par l'organisateur qui était la ville,
01:04:37 on a pensé que c'était pas possible
01:04:39 de ne pas faire d'intervenir
01:04:41 un artiste. Alors,
01:04:43 faire intervenir un artiste, c'est pas
01:04:45 spécialement post-moderne. Je pense que
01:04:47 le pape, quand il a choisi un
01:04:49 artiste pour être chez lui, pour
01:04:51 faire faire le plafond
01:04:53 de sa chapelle, c'était pas
01:04:55 nécessairement post-moderne.
01:04:57 Donc,
01:04:59 l'idée
01:05:01 d'offrir en quelque sorte
01:05:03 ce travail d'un artiste,
01:05:05 qu'on aimait beaucoup,
01:05:07 c'était quelque chose comme tout
01:05:09 simplement, non pas une addition
01:05:11 architecturale, mais vraiment
01:05:13 un cadeau, quelque chose
01:05:15 qui devait rester dans la ville
01:05:17 comme il y en a tout de même quelques-uns
01:05:19 dans la ville qu'on connaît bien,
01:05:21 où on avait fait un peu le tour de tout ce qui avait été
01:05:23 fait en céramique, etc.
01:05:25 Par contre, si on veut regarder
01:05:27 comment l'immeuble
01:05:29 se lie à ses immeubles voisins,
01:05:31 là, il y a un travail
01:05:33 très fin,
01:05:35 c'est peut-être exagéré,
01:05:37 mais très important
01:05:39 de raccordement aux immeubles voisins,
01:05:41 c'est-à-dire qu'on est complètement dépendant
01:05:43 de l'environnement,
01:05:45 on rentre
01:05:47 avec, on va dire, délicatesse
01:05:49 dans l'espace qu'il nous est donné.
01:05:51 Il y a d'ailleurs un petit
01:05:53 détail de discussion avec
01:05:55 l'administration, ils nous ont fait retirer
01:05:57 un étage en haut, alors que
01:05:59 on peut voir très bien que
01:06:01 l'étage de plus
01:06:03 cachait justement
01:06:05 les mitoyens des deux
01:06:07 immeubles voisins.
01:06:09 Ce n'est pas monstrueux,
01:06:11 mais enfin, c'est un peu
01:06:13 dommage.
01:06:15 Ce n'est pas pour le fait d'avoir perdu un étage,
01:06:17 parce que ça, bien sûr, ça a été dur
01:06:19 pour la partie promotion,
01:06:21 mais pour la partie, on va dire,
01:06:23 création, ça faisait
01:06:25 partie de nos obligations
01:06:27 de s'intégrer d'une façon
01:06:29 détaillée et bien
01:06:31 faite.
01:06:33 Ce qu'on entend aussi, c'est le désir
01:06:35 de parsemer la ville de signes, de repères.
01:06:37 Pardon ?
01:06:39 Ce qu'on entend dans votre explication, c'est aussi le désir
01:06:41 de parsemer la ville de signes
01:06:43 et de repères, au-delà du projet
01:06:45 architectural, d'offrir des
01:06:47 éléments de repères et de
01:06:49 narration à l'intérieur des projets.
01:06:51 Oui. Au-delà de l'architecture.
01:06:53 Oui, on
01:06:55 peut dire ça.
01:06:57 Je peux...
01:06:59 C'est l'autre voilà, c'est cette photo-là
01:07:01 qui montre peut-être un peu mieux le problème de l'intégration
01:07:03 aux immènes voisins.
01:07:05 Oui, avec la continuité des corniches, les alignements
01:07:07 des fenêtres. Oui, puis il y a aussi
01:07:09 l'artiste a aussi
01:07:11 insisté sur ses liaisons
01:07:13 avec la pierre dorée.
01:07:15 Donc, il y avait
01:07:17 tout de même une interrogation
01:07:19 à remplir, enfin une réponse à apporter dans ce sens-là.
01:07:21 Voilà.
01:07:23 Bon, en même temps, ça ne nous empêche pas
01:07:25 d'adorer
01:07:27 le grand bâtiment qui est à côté,
01:07:29 Pompidou.
01:07:31 On l'aime beaucoup, bien sûr.
01:07:33 Alors,
01:07:35 comment on regarde l'architecture contemporaine ?
01:07:37 Comment on la relie à cette histoire ?
01:07:41 Alors, pour nous, le post-modernisme
01:07:43 est mort
01:07:45 le 11 septembre 2001.
01:07:47 Ça, c'est une image
01:07:49 de Minoru Yamazaki,
01:07:51 j'ai bien prononcé son nom,
01:07:53 un architecte américain qui, d'une certaine
01:07:55 manière, est à l'origine de la naissance et de la mort
01:07:57 du post-modernisme. La naissance, puisque c'est
01:07:59 l'auteur des logements
01:08:01 collectifs à Saint-Louis, au Missouri,
01:08:03 qui sont détruits en 1970
01:08:05 et qui marquent l'image
01:08:07 de la destruction, ouvre le livre
01:08:09 de Charles Juncks avec une phrase
01:08:11 restée célèbre, "l'architecture
01:08:13 moderne est morte
01:08:15 à Saint-Louis, Missouri,
01:08:17 par la destruction de ce bâtiment".
01:08:19 Voilà, donc, il a eu ce bâtiment détruit
01:08:21 et la naissance du
01:08:23 post-modernisme advient,
01:08:25 selon Charles Juncks, et puis l'autre bâtiment
01:08:27 qui a été détruit dans sa vie,
01:08:29 c'est évidemment le World Trade Center,
01:08:31 lors du 11 septembre.
01:08:33 Cette image,
01:08:35 nous séduit d'une certaine manière
01:08:37 parce qu'elle montre un certain
01:08:39 héroïsme de l'architecture
01:08:41 qui est vraiment révolue
01:08:43 et appartient à un autre siècle.
01:08:45 Donc l'architecture post-moderne
01:08:47 est morte le 11 septembre, mais
01:08:49 d'une certaine manière, certains modes de production
01:08:51 persistent,
01:08:53 notamment la question de la
01:08:55 communication
01:08:57 qui s'est vraiment instituée,
01:08:59 industrialisée, la communication
01:09:01 de l'architecture, et avec
01:09:03 cette couverture de plans libres,
01:09:05 les formes du capitalisme, et ces
01:09:07 deux images, ces deux mains de Mickey,
01:09:09 produites par les architectes
01:09:11 de UHO,
01:09:13 qui renvoient toujours à cette
01:09:15 économie,
01:09:17 je dirais, du divertissement dans laquelle
01:09:19 l'héritier du post-modernisme, dans laquelle
01:09:21 l'architecture baigne encore,
01:09:23 dans un certain maniérisme
01:09:25 nostalgique qui, quand même, caractérise
01:09:27 notre histoire. Donc ça, c'est
01:09:29 peut-être une structure qui persiste
01:09:31 dans ces temps un peu de fin du capitalisme,
01:09:33 où c'est en trouble, mais
01:09:35 il y a d'autres récits qui sont en train
01:09:37 de se mettre en place,
01:09:39 notamment par le fait qu'on travaille essentiellement
01:09:41 aujourd'hui sur des
01:09:43 bâtiments existants, avec des
01:09:45 méthodologies de projets complètement
01:09:47 nouvelles, d'enquêtes, d'observations,
01:09:49 de retrouver des histoires qui ont été
01:09:51 un peu oubliées, des histoires minoritaires
01:09:53 que l'on essaie
01:09:55 de mettre au jour.
01:09:57 Et quand on parle du post-modernisme, au bureau,
01:09:59 on a cette parabole de la fenêtre, alors qu'il
01:10:01 vaut ce qu'elle vaut, mais on dit toujours
01:10:03 que la modernité, c'est
01:10:05 l'humain, en l'occurrence l'homme,
01:10:07 qui regarde le paysage à travers
01:10:09 la fenêtre. La post-modernité,
01:10:11 c'est l'habitant ou l'architecte
01:10:13 qui regarde la fenêtre et qui se dit "ouais,
01:10:15 elle est faite comme ça, etc."
01:10:17 Aujourd'hui, on a le sentiment que c'est les fenêtres qui nous regardent
01:10:19 et qui nous obligent à,
01:10:21 d'une certaine manière, se poser la question
01:10:23 et les responsabilités, en tant qu'architecte ou habitant,
01:10:25 de "qu'est-ce que c'est que d'habiter là ?
01:10:27 Qu'est-ce que c'est de construire là ? Quels en sont
01:10:29 les impacts ?" Et que cette fenêtre, finalement,
01:10:31 trace des complicités un peu
01:10:33 étranges, avec des histoires qu'on a oubliées,
01:10:35 du carbone qui voyage dans le monde,
01:10:37 et des, je dirais,
01:10:39 des complicités avec
01:10:41 des sites qui sont très très très loin
01:10:43 du lieu où il y a de la construction.
01:10:45 Donc on est, je dirais,
01:10:47 dans un moment où l'architecture nous réoblige,
01:10:49 d'une certaine manière,
01:10:51 à une forme de
01:10:53 responsabilité
01:10:55 qui peut être un peu paralysante et qui,
01:10:57 en tout cas, n'est pas le ton
01:10:59 de l'inconséquence post-moderne.
01:11:01 C'est dur.
01:11:03 Jean-Louis, tu veux réagir ?
01:11:05 Oui.
01:11:07 Le site, c'était
01:11:09 votre référence fétiche
01:11:11 à tout deux.
01:11:13 Je montre toujours aux étudiants leur supermarché
01:11:15 BEST. C'est le premier architecte
01:11:17 qui a mis en forme
01:11:19 la crise des ressources.
01:11:21 Certes, pour en construire des supermarchés,
01:11:23 mais combien d'architectes
01:11:25 ont fait des édifices ?
01:11:27 Bon, combien d'architectes ont construit des prisons ?
01:11:29 Moi, je pense que c'est bien de construire des prisons parce qu'on manque
01:11:31 de... ou alors on change le système
01:11:33 judiciaire et le statut de la propriété privée, mais bon.
01:11:35 Bref. Il a fait des supermarchés.
01:11:37 Et il a fait des supermarchés qui, les
01:11:39 premiers, mettaient en scène l'obsolescence.
01:11:41 Alors, c'est site ou c'est pas site, votre référence ?
01:11:43 Non, mais nous,
01:11:45 on n'a aucun problème à avoir des références
01:11:47 post-modernes. La question, c'est comment, aujourd'hui,
01:11:49 on les active pour mettre en place
01:11:51 un registre esthétique,
01:11:53 conceptuel et méthodologique
01:11:55 qui est certainement un peu nouveau parce que
01:11:57 les modes de production,
01:11:59 les modes, je dirais, de pensée
01:12:01 de l'architecture, ne sont pas du tout les mêmes
01:12:03 que ceux dans les années 80, ou même
01:12:05 je dirais, cette queue de comète du
01:12:07 post-modernisme des années 2000. Aujourd'hui, on est
01:12:09 dans un contexte qui peut-être
01:12:11 met la forme un peu en-dessous du
01:12:13 processus, mais qui a même
01:12:15 embarrassé de la forme. Enfin, il n'y a aucune réponse
01:12:17 franche, mais en tout cas, il y a un contexte qui est
01:12:19 franchement différent, donc pas post-modern.
01:12:21 Moi, j'entends aussi...
01:12:23 C'est vrai.
01:12:25 Le style post-modern, il est
01:12:27 mort et enterré, le style.
01:12:29 Mais les questions qui ont vu naître le style,
01:12:31 elles ne me semblent absolument pas éteintes.
01:12:33 On est d'accord.
01:12:35 J'entends aussi un désir,
01:12:37 peut-être, de poser enfin des mots
01:12:39 sur ça, au-delà de son esthétique.
01:12:41 C'est-à-dire d'aller plus loin que d'une
01:12:43 description purement esthétique, mais y compris
01:12:45 chez les acteurs et les actrices
01:12:47 de l'architecture de cette époque-là.
01:12:49 Rappeler que c'est autre chose que
01:12:51 des images, autre chose que des façades, autre chose que
01:12:53 des signes, et peut-être
01:12:55 accepter que c'était aussi un projet
01:12:57 politique, et que celui-ci doit être remis
01:12:59 aujourd'hui en question.
01:13:01 Par exemple, il y a des méthodes comme l'enquête
01:13:03 de Denise Codd-Brown, qui a cette intuition
01:13:05 de faire des enquêtes de terrain,
01:13:07 de les développer comme outils de compréhension
01:13:09 architecturale.
01:13:11 C'est des choses qui restent
01:13:13 des outils absolument
01:13:15 opérants aujourd'hui.
01:13:17 Il ne s'agit pas, au-delà du style,
01:13:19 je pense que c'est vraiment les méthodes
01:13:21 et les pensées,
01:13:23 les apprentissages du post-modernisme,
01:13:25 qui peuvent nous aider
01:13:27 à penser des formes,
01:13:29 si ce n'est nouvelles, différentes.
01:13:33 D'où l'importance de ce travail de catalogue,
01:13:35 pour les regarder en face
01:13:37 et mettre des mots sur ces démarches.
01:13:39 Oui, c'est ça. C'était simplement l'idée.
01:13:41 Faire un bilan.
01:13:43 On va terminer là-dessus, alors. C'était simplement l'idée.
01:13:45 Merci.
01:13:47 Déjà, félicitations pour cet ouvrage
01:14:01 et la qualité des échanges qui ont eu lieu.
01:14:03 Une question qui me taraude un petit peu.
01:14:05 On a vu beaucoup de logements, on a vu très peu de bureaux.
01:14:07 Notamment dans la question symbolique.
01:14:09 Il me vient, quand on parle
01:14:11 post-modernisme, j'ai tout de suite en tête
01:14:13 les gratte-ciels de Philip Johnson aux Etats-Unis.
01:14:15 Notamment celui avec
01:14:17 les tours crénelées à Pittsburgh.
01:14:19 Et peut-être plus...
01:14:21 Quand en France, on regarde
01:14:23 aussi beaucoup de gratte-ciels, c'est aussi cette époque-là,
01:14:25 peut-être post-moderne.
01:14:27 Est-ce que c'est aussi la rencontre avec un monde financier ?
01:14:29 C'est peut-être une période
01:14:31 où la liberté intellectuelle s'est aussi retrouvée
01:14:33 avec une liberté financière.
01:14:35 On parlait de crise, mais finalement, est-ce que c'était
01:14:37 le monde de la crise ou plutôt le monde
01:14:39 de l'inconscience, le post-modernisme ?
01:14:41 C'est vrai que le souci...
01:14:45 D'un côté, le souci
01:14:47 du fait populaire s'est vite
01:14:49 transmis en élitisme.
01:14:51 Et a été très vite récupéré
01:14:53 à cause des logiques de forme et d'auteur
01:14:55 telles qu'on les a exprimées.
01:14:57 Mais si on regarde bien le guide,
01:14:59 il y a énormément de logements sociaux.
01:15:01 C'est l'âge d'or de la RIVP.
01:15:03 Combien il y a de pompiers,
01:15:05 de policiers, de postiers
01:15:07 logés dans les programmes
01:15:09 de cette période, aujourd'hui,
01:15:11 à Paris, par exemple ?
01:15:13 C'est vraiment l'âge d'or
01:15:17 du logement social à Paris,
01:15:19 sur des petites parcelles, d'une part.
01:15:21 Et d'autre part, quand on regarde
01:15:23 les occurrences,
01:15:25 les réalisations qu'on a retenues,
01:15:27 c'est quoi ?
01:15:29 C'est le XIIIe, le XIVe,
01:15:31 la Zaghlaïr, le XXe,
01:15:33 le XIXe...
01:15:35 C'est les anciens isoins insalubres.
01:15:37 C'est la queue de la comète.
01:15:39 80 ans après
01:15:41 les années 1920, on les a identifiés.
01:15:43 On arrive au bout
01:15:45 de cette résorption.
01:15:47 Donc, le post-modernisme,
01:15:49 tel qu'il s'exprime dans les réalisations
01:15:51 phares, iconiques,
01:15:53 c'est en effet l'alliance avec le capital,
01:15:55 qui va très vite corrompre ce mouvement,
01:15:57 qui est né sur des bases inverses.
01:15:59 Mais ça, l'histoire de l'art et de l'architecture,
01:16:01 on raconte malheureusement beaucoup des histoires comme ça.
01:16:03 Mais dans les faits, à Paris,
01:16:05 ce qui s'est construit sous l'égide du post-modernisme,
01:16:07 c'est des logements sociaux.
01:16:09 De classe, de standing, de la RIVP,
01:16:11 mais quand même, des logements sociaux.
01:16:13 Et c'est la fin de la longue
01:16:15 histoire, et encore,
01:16:17 il n'est pas fini, des isoins insalubres parisiens
01:16:19 découverts au début des années 1920.
01:16:21 Voilà.
01:16:23 Il faut appuyer sur un bouton ?
01:16:27 Non.
01:16:29 Oui, bien sûr, toutes les félicitations.
01:16:31 J'étais quand même en train de penser que,
01:16:33 d'une certaine façon, vous n'avez jamais voulu dire
01:16:35 l'architecture urbaine.
01:16:37 C'est un mot que vous avez
01:16:39 systématiquement évité, peut-être pour dire
01:16:41 contextuel, mais vous n'avez pas parlé
01:16:43 d'architecture urbaine, qui me semble quand même
01:16:45 tout à fait important. Je prendrai quelques
01:16:47 exemples, si vous voulez.
01:16:49 Vous voyez le cas de la pénétrante
01:16:51 vers Saint-Géthorix.
01:16:53 Vous voyez le travail qu'a fait Charley.
01:16:55 Il était question, bien évidemment,
01:16:57 de l'a, d'opérer entièrement
01:16:59 un urbanisme de tabula rasa.
01:17:01 Charley,
01:17:03 d'un labur, reprend
01:17:05 ses plans,
01:17:07 et, bien évidemment,
01:17:09 fait ce qu'on pourrait appeler une architecture,
01:17:11 ou plutôt, un urbanisme de l'interstitiel.
01:17:13 C'est-à-dire, il s'agissait
01:17:15 effectivement, je dirais,
01:17:17 des plans qui effaçaient tout,
01:17:19 conservaient un certain nombre de
01:17:21 bâtiments, et à partir de là,
01:17:23 de tricoter un certain nombre de choses
01:17:25 à des échelles différentes, et
01:17:27 avec, effectivement, une volonté délibérée
01:17:29 de faire appel à des architectes
01:17:31 qui, d'une certaine façon,
01:17:33 n'avaient pas tout à fait le même langage,
01:17:35 ni regardaient les choses sous la même façon.
01:17:37 Donc, il y a une partie, je dirais,
01:17:39 de ce post-modernisme,
01:17:41 et d'une certaine façon, je dirais,
01:17:43 d'un florilège
01:17:45 stylistique, en fin de compte,
01:17:47 des florilèges d'attitudes
01:17:49 profondément différentes. Vous avez présenté un bâtiment
01:17:51 de Nicolas Soulier, par exemple,
01:17:53 qui est une sorte de brutalisme
01:17:55 qui n'est pas très, très avenant,
01:17:57 mais c'est effectivement un bâtiment, je l'ai vu
01:17:59 travailler, qui s'est fait
01:18:01 effectivement à partir des données de cette
01:18:03 parcelle qui était strictement
01:18:05 impossible. Charley, un peu plus loin,
01:18:07 avait fait des ateliers d'artistes que l'on
01:18:09 pourrait considérer comme post-modernes.
01:18:11 Et tout ceci s'est terminé en cette
01:18:13 apothéose, qui n'est pas forcément merveilleuse,
01:18:15 qui est celle de la place de Catalogne.
01:18:17 Pour montrer, effectivement,
01:18:19 que, d'une certaine façon, il s'agissait
01:18:21 bien évidemment de fabriquer
01:18:23 essentiellement la ville,
01:18:25 donc d'être quelque part.
01:18:27 Et que les questions, je dirais, de style,
01:18:29 de querelle, de savoir si effectivement
01:18:31 un tel met un décor, met des fenêtres en beau
01:18:33 window ou pas, c'était
01:18:35 quelque chose de très secondaire
01:18:37 par rapport, je dirais, au fait d'être
01:18:39 là, de respecter d'une certaine façon
01:18:41 l'alignement. Ou alors, dans d'autres
01:18:43 contextes, être dans
01:18:45 ce qu'on pourrait appeler l'interstitiel.
01:18:47 Et je trouve effectivement que
01:18:49 Ivriss, bien évidemment, il y avait ces grandes
01:18:51 tours de Gailloustet qui sont des purs chefs-d'oeuvre,
01:18:53 n'est-ce pas ? Merveilleuse. Et puis
01:18:55 son époux, qui fabrique effectivement
01:18:57 je dirais une architecture totalement
01:18:59 interstitielle, qui vient effectivement
01:19:01 s'insérer dans tout ceci.
01:19:03 Et donc, dans un contexte où il n'y avait plus de parcelles,
01:19:05 où il n'y avait plus d'alignement,
01:19:07 mais où il était question, effectivement, de retricoter
01:19:09 ce qui avait été détruit.
01:19:11 Donc, si vous voulez, ce
01:19:13 terme de post-moderne, que l'on
01:19:15 pourrait effectivement décliner de mille façons,
01:19:17 soit c'est un retour à l'histoire, soit c'est
01:19:19 un retour à la ville, soit c'est effectivement
01:19:21 s'intéresser au sens, c'est aussi de s'intéresser
01:19:23 aux usages. Mais
01:19:25 tel qu'il s'est traduit
01:19:27 à Paris, et disons
01:19:29 dans la région parisienne, il s'agissait
01:19:31 principalement, alors ce n'est pas que
01:19:33 les îlots insalubres dont il s'agissait
01:19:35 de finir, effectivement,
01:19:37 il y avait aussi, il ne faut pas oublier,
01:19:39 l'architecture, je dirais,
01:19:41 de la rénovation, qui passait
01:19:43 vers la destruction totale, je dirais,
01:19:45 de quartier entier, et que là, on conservait
01:19:47 un certain nombre d'édifices, et entre
01:19:49 ces édifices, il s'agissait de refaire la ville.
01:19:51 Quelque part.
01:19:53 Oui, oui, c'est un changement de paradigme, mais
01:19:55 Patrick, qui ne va pas sans un changement d'écriture
01:19:57 et de lexique. Si tu regardes la
01:19:59 ZAG dont tu parlais, vers un Géthorix,
01:20:01 avec le changement et l'arrivée d'Antoine
01:20:03 Grimbac,
01:20:05 Maurice Novarina, rue de
01:20:07 Versailles-Géthorix,
01:20:09 et c'est marrant parce qu'il change d'écriture au fur
01:20:11 et à mesure des dates, et tout à coup, il y a
01:20:13 des toits à double pente qui apparaissent sur
01:20:15 ces tours de huit étages. Il s'est passé
01:20:17 quelque chose, non ?
01:20:19 C'est ouvert à la réflexion.
01:20:21 Même Ginzberg, je dirais,
01:20:23 sur la ZAG du
01:20:25 bassin de la Villette, à un moment donné,
01:20:27 s'est laissé totalement
01:20:29 aller à faire une horreur,
01:20:31 parce qu'il était aveugle.
01:20:33 Ce qui fait qu'effectivement, quand un architecte
01:20:35 devient aveugle, il ne faudrait peut-être pas
01:20:37 trop lui demander.
01:20:39 Mais non, là, c'est un jugement de valeur,
01:20:41 que je ne me permettrais pas, parce que je ne suis pas architecte.
01:20:43 Gruber, architecte,
01:20:45 mes félicitations
01:20:47 pour le livre.
01:20:49 Je regrette
01:20:51 un peu que vous soyez
01:20:53 limité
01:20:55 à certains départements périphériques,
01:20:57 et que vous n'ayez pas pris en compte
01:20:59 l'ensemble de l'Île-de-France.
01:21:01 Pourquoi ?
01:21:03 Parce qu'il manque effectivement
01:21:05 la Seine-et-Marne et l'Essonne.
01:21:07 Pourquoi ? Parce que, à mon avis,
01:21:09 la première approche critique
01:21:13 du mouvement moderne
01:21:17 en France a été
01:21:21 le fait de Bernard Lasius,
01:21:23 paysagiste
01:21:27 et plasticien.
01:21:29 Et il a
01:21:31 matérialisé cette critique
01:21:35 lorsqu'il a été
01:21:37 amené, d'une part,
01:21:39 à Marne-la-Vallée
01:21:41 et d'autre part, sur le concours
01:21:43 d'Evry, par Michel Macari.
01:21:45 En effet, sur le concours
01:21:47 d'Evry,
01:21:49 il nous a poussé
01:21:51 à construire
01:21:53 une pyramide
01:21:57 - d'ailleurs, il y a la photo
01:21:59 au début de cette exposition
01:22:01 permanente -
01:22:03 avec cette démarche
01:22:05 qui était la suivante.
01:22:07 Il ne fallait pas seulement
01:22:09 réaliser les façades
01:22:11 des bâtiments en fonction
01:22:13 de la technique
01:22:15 de construction
01:22:17 ou en fonction
01:22:19 des fonctions
01:22:21 et de l'organisation interne
01:22:23 du plan,
01:22:25 mais il fallait intégrer
01:22:27 l'architecture et les façades
01:22:29 des bâtiments dans le paysage.
01:22:31 Et à partir
01:22:33 de ce moment-là,
01:22:35 étant donné que notre pyramide
01:22:37 réalisée à Evry
01:22:39 avait quatre façades
01:22:41 qui correspondaient
01:22:43 chacune à des paysages différents,
01:22:45 il nous a
01:22:47 amené,
01:22:49 par exemple, une des façades
01:22:51 est une façade végétale
01:22:53 où on a imprimé
01:22:55 dans du béton coloré
01:22:57 des palmes.
01:22:59 Une autre façade
01:23:01 vis-à-vis
01:23:03 de bâtiments en briques d'Androïd-Para
01:23:05 nous a fait
01:23:07 de la fausse brique
01:23:09 teintée rouge dans la masse.
01:23:11 La façade
01:23:13 qui était le long du boulevard urbain,
01:23:15 étant donné
01:23:17 qu'en voiture
01:23:19 on n'a qu'une perception rapide
01:23:21 de l'espace,
01:23:23 il nous a incité
01:23:25 à affirmer les horizontales,
01:23:27 une direction très facile
01:23:29 à appréhender.
01:23:31 Une autre façade
01:23:33 a été traitée
01:23:35 avec des éléments historicistes.
01:23:37 Je crois que le premier
01:23:39 bâtiment
01:23:41 qui a
01:23:43 remis en cause
01:23:45 l'approche
01:23:47 qui était celle
01:23:49 de l'architecture moderne
01:23:51 brutaliste,
01:23:53 a été ce bâtiment
01:23:55 qui a été réalisé en 1971.
01:23:57 J'ai une réponse malheureusement triviale,
01:24:01 c'est que l'Arsenal n'était pas assez
01:24:03 riche pour faire 5 tômes.
01:24:05 En effet, vous avez raison,
01:24:07 les choses se passent d'abord
01:24:09 à l'extérieur de Paris,
01:24:11 et de façon beaucoup plus massive.
01:24:13 C'est indéniable.
01:24:15 Sur les villes nouvelles, il y a déjà
01:24:17 des grands travaux socio-historiques
01:24:19 qui ont été menés, des choses qui
01:24:21 s'apparentent au guide, parfois,
01:24:23 mais qui mériteraient d'être réactualisées.
01:24:25 Le pavillon d'Arsenal ne pouvait pas
01:24:27 faire 4 tômes de plus,
01:24:29 parce que c'est beaucoup plus massif
01:24:31 et c'est beaucoup plus important en volume.
01:24:33 Même dans le guide, on s'aperçoit assez bien
01:24:35 qu'au tout début de la période,
01:24:37 de la scansion jusqu'en 1980 environ,
01:24:39 première couronne,
01:24:41 puisque j'ai choisi à peu près
01:24:43 le tracé du métro,
01:24:45 du Grand Paris Express,
01:24:47 c'est à peu près l'équivalent de ce qu'on peut relever
01:24:49 en première couronne que dans Paris Centre.
01:24:51 Ensuite, les choses s'inversent, évidemment.
01:24:53 Mais ça commence à l'extérieur
01:24:55 et puis ça arrive dans Paris dans les années 1980.
01:24:57 Ça, c'est indéniable.
01:24:59 Et ça commence surtout dans les villes nouvelles.
01:25:01 Mais là, c'est une raison purement
01:25:03 mercantile. Il n'y avait pas assez de sous
01:25:05 pour faire 4 tômes.
01:25:07 C'est juste ça.
01:25:09 Sinon, je volontiers
01:25:11 j'en braille.
01:25:13 - Ces justifications
01:25:15 du corpus présenté dans l'ouvrage
01:25:17 sont très explicites
01:25:19 dans l'introduction de l'ouvrage.
01:25:21 Peut-être qu'on a le temps pour une dernière question.
01:25:23 - Peut-être que vous y répondez déjà dans le catalogue,
01:25:25 mais j'aimerais juste savoir
01:25:27 pourquoi 93 ?
01:25:29 73,
01:25:31 c'est bien le premier choc pétrolier ?
01:25:33 Est-ce que
01:25:35 vous avez une explication
01:25:37 pour ces limites temporelles ?
01:25:39 - J'avais une explication assez
01:25:41 triviale qui était l'entre-deux-crises.
01:25:43 Parce qu'on a oublié
01:25:45 que 93, c'est une crise majeure
01:25:47 de l'immobilier, et de l'immobilier
01:25:49 de bureaux en particulier, mais pas seulement.
01:25:51 Je trouvais que
01:25:53 c'était une suspension assez
01:25:55 facilement mémorisable, un entre-deux-crises,
01:25:57 73-93. Mais c'est une erreur.
01:25:59 Et vous avez raison de la relever.
01:26:01 C'est-à-dire que si j'avais
01:26:03 une réédition
01:26:05 à concevoir, j'étendrais
01:26:07 la chose jusqu'en 1996.
01:26:09 En fait, on s'aperçoit
01:26:11 assez bien que
01:26:13 l'architecture est un travail à mèche lente,
01:26:15 les choses mettent 3-4 ans à sortir,
01:26:17 et tout ce qui sort jusqu'en 1996
01:26:19 peut tout à fait
01:26:21 intégrer les colonnes du guide,
01:26:23 et qui est conçu en 1993.
01:26:25 Oui, ça c'est
01:26:27 réflexion faite,
01:26:29 et en ayant creusé plus profondément
01:26:31 le corpus, je pense qu'on peut aller jusqu'en
01:26:33 1996. Ensuite, on passe à autre chose.
01:26:35 Il y a notamment l'émergence sur la scène
01:26:37 française de quelqu'un qui est
01:26:39 assez oublié aujourd'hui,
01:26:41 mais qui, dans les revues et dans l'air
01:26:43 du temps, fixe un nouvel agenda.
01:26:45 C'est une personnalité comme François Roche.
01:26:47 On ne s'en souvient plus
01:26:49 très bien aujourd'hui, parce qu'il n'a
01:26:51 rien construit, mais il
01:26:53 était promis un avenir
01:26:55 étonnant.
01:26:57 Il a brûlé ses vaisseaux,
01:26:59 mais son émergence coïncite
01:27:01 avec un changement assez net
01:27:03 dans ce qui est relevé
01:27:05 dans la production éditoriale et
01:27:07 dans l'agenda culturel
01:27:09 de cette époque.
01:27:11 François Roche, oui.
01:27:13 Et Edouard François,
01:27:15 j'allais l'oublier.
01:27:17 Edouard François, avec qui
01:27:19 il était associé à l'époque.
01:27:21 Edouard François, lui, c'est un vrai post-modern.
01:27:23 Merci. Merci beaucoup.
01:27:25 Merci à tous et à toutes.
01:27:27 (Applaudissements)
01:27:29 (...)
01:27:31 (...)
01:27:33 (Applaudissements)
01:27:35 [SILENCE]

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