Projet de loi numérique : "Imposer aux grandes plateformes de se soucier de leurs conséquences sur le monde"

  • l’année dernière
Le ministre délégué chargé de la transition numérique défend mardi à l’Assemblée son projet de loi visant à "sécuriser et réguler l’espace numérique".

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Transcription
00:00 Il est 6h20, bonjour Jean-Noël Barraud.
00:02 Bonjour Mathilde Minouz.
00:03 Vous êtes le ministre délégué chargé de la transition numérique et vous avez un
00:06 projet de loi qui arrive aujourd'hui à l'Assemblée.
00:08 Un texte pour sécuriser et réguler l'espace numérique.
00:12 C'est très vaste comme ambition.
00:14 On va prendre un exemple concret.
00:16 L'application TikTok est accusée d'avoir poussé au suicide une adolescente de 15 ans
00:19 en France.
00:20 Ses parents ont porté plainte.
00:22 Ils estiment que l'algorithme du réseau a enfermé leur fille dans son mal-être.
00:25 Votre projet de loi permettra-t-il d'empêcher de tels drames ?
00:29 Oui, parce que ce projet de loi vient concrétiser dans notre droit français un règlement que
00:36 la France a porté l'année dernière, qui a été adopté par toute l'Union Européenne
00:40 et qui pour la première fois impose aux grandes plateformes de réseaux sociaux de se soucier
00:45 des conséquences qu'elles ont sur le monde et sur leurs utilisateurs.
00:49 Et en particulier sur la santé de leurs utilisateurs.
00:52 Si elles ne prennent pas le soin d'analyser, de corriger ces risques, et en particulier
00:57 les risques qu'elles font peser sur les enfants et sur les mineurs, alors une application
01:02 comme TikTok pourra être sanctionnée à hauteur de 6% de son chiffre d'affaires mondial.
01:07 Pour TikTok, c'est 600 millions d'euros.
01:08 Mais très concrètement, parce que ce soucier reste un peu vague, votre projet de loi, il
01:13 oblige Twitter et TikTok à faire quoi ? A modifier son algorithme ? A mettre en place
01:18 des contrôles ? Une surveillance précise ?
01:20 C'est l'Europe qui va imposer à TikTok, grâce à ce texte de loi qui vient traduire
01:27 dans notre droit ce règlement européen, le fait de faire auditer ces algorithmes,
01:32 de partager ces données avec les chercheurs, d'imposer les processus de signalement simples
01:38 et accessibles pour les enfants et le retrait des contenus qui sont cyanéés.
01:41 Et cette nouvelle obligation qui est pour la plateforme d'analyser et de corriger
01:45 les risques sur la santé des utilisateurs, sans quoi des sanctions extrêmement lourdes
01:49 peuvent être prononcées à l'encontre de ces plateformes comme TikTok.
01:52 Donc sanctions contre les plateformes, votre projet de loi vise aussi tous ceux qui propagent
01:57 de la haine en ligne ? Absolument, il y a une minorité d'internautes
02:02 qui se comportent comme des chefs de motte et qui propagent la violence sur les réseaux
02:06 sociaux en désignant à leur communauté des personnes ou des personnalités comme
02:10 des cibles et bien souvent des femmes qui sont 26 fois plus souvent harcelées que les
02:14 hommes.
02:15 Ce que prévoit ce projet de loi, c'est une peine de bannissement, une peine que le juge
02:20 pourra prononcer lorsqu'il condamne quelqu'un pour cyberharcèlement en le bannissant pendant
02:24 une période de 6 mois du réseau social sur lequel il a commis ces violences.
02:28 Alors Jean-Noël Barraud, ça pose plusieurs questions.
02:30 D'abord, qu'est-ce qu'on considère comme un appel à la violence ? Comment on repère
02:33 ces appels ? Comment on identifie ces personnes ? Souvent c'est des messages anonymes.
02:37 Comment on fait tout ça ? Et bien c'est entre les mains du juge, puisque
02:41 vous avez raison, il faut à chaque étape veiller à préserver les libertés fondamentales
02:46 et en particulier la liberté d'expression.
02:48 Et donc lorsque le juge, dans des cas que la loi prévoit, va condamner une personne
02:53 parce qu'elle a semé la violence ou parce qu'elle a cyberharcelé une personne, alors
02:58 le juge pourra, dans certains cas, si le juge pertinent, prononcer cette peine complémentaire,
03:05 cette peine supplémentaire de bannissement du réseau social sur lequel l'infraction
03:09 ou le délit a été commis.
03:10 Mais ça veut dire que ça va être très long.
03:12 Parce que le temps de solliciter un juge, il peut se passer du temps quand même.
03:14 Oui mais vous venez de rappeler à juste titre qu'il y a certains délits sur lesquels
03:19 on ne peut pas s'appuyer sur autre chose que le jugement d'un magistrat pour définir
03:25 si oui ou non la loi a été enfrein.
03:27 Et ce qui est très important à savoir, c'est que la condamnation pourra s'adjoindre d'une
03:34 peine de bannissement pour éviter la récidive, un peu comme ça a été le cas des interdictions
03:39 de stade pour les violences dans les stades sportifs.
03:42 Et comment on vérifie que les personnes ne reviendront pas sur le web avec un pseudo ?
03:46 Vous dites qu'ils sont bannis mais les plateformes ont les moyens de les identifier, de voir
03:50 qu'elles essayent de revenir ?
03:51 Les plateformes devront prendre tous les moyens pour veiller à ce que la personne ne se réinscrive
03:55 pas et il en existe parce qu'elles peuvent conserver certaines données identifiantes
03:59 même si elles n'ont pas l'identité de la personne.
04:01 Mais vous avez raison, il faut renforcer un peu le dispositif et nous allons lors des
04:06 débats à l'Assemblée nationale qui vont commencer aujourd'hui, proposer que ce soit
04:11 l'auteur lui-même qui se voit sanctionné s'il essaye de contourner les mesures mises
04:17 en place par les plateformes pour empêcher sa réinscription.
04:19 Et vous, est-ce que vous allez recruter du monde justement pour pouvoir mieux contrôler,
04:24 mieux vérifier ce qui se passe sur le web, pour pouvoir traquer les appels à la haine
04:27 ou au meurtre ? Il faut du monde pour faire ça.
04:29 Vous avez tout à fait raison, c'est d'ailleurs le rôle de l'ARCOM qui est l'autorité,
04:36 qui est le gendarme de l'audiovisuel et des médias, dont les effectifs ont été
04:40 renforcés de 15 personnes supplémentaires l'année dernière, qui vont être à nouveau
04:44 renforcées de 10 personnes supplémentaires l'année prochaine, ce qui va permettre à
04:49 cette autorité d'assumer les nouvelles missions qu'on veut lui confier.
04:53 25 personnes, c'est suffisant pour des millions et des millions et des millions de messages
04:57 quotidiens ? Mais vous savez, l'ARCOM n'agira pas seul
05:00 puisque grâce à ces règles européennes que la France, que le Président de la République
05:03 a portées l'année dernière, ce sont de nouveaux recrutements, et là de l'ordre
05:07 de la centaine, qui ont été faits à la Commission européenne, pour veiller à ce
05:12 que les réseaux sociaux soient bien tenus à un niveau de responsabilité suffisant.
05:16 Jean-Noël Barreau, après les émeutes d'il y a deux mois, il y a un groupe de travail
05:19 avec des parlementaires qui s'est formé, qui a étudié le sujet, le rôle des réseaux
05:25 sociaux dans la propagation de ces émeutes.
05:27 Est-ce que ce rôle est avéré ? Vous avez raison, on a rassemblé 15 groupes
05:32 politiques de tout le spectre politique pour analyser à froid et essayer de tirer les
05:40 premières leçons.
05:41 Ce dont on s'aperçoit, c'est qu'il y a effectivement un rôle qui a sans doute été
05:45 joué par les réseaux sociaux, mais qu'on ne peut pas jeter le bébé avec l'eau du
05:50 bain parce que les appels au calme ont été beaucoup plus nombreux sur les réseaux sociaux
05:54 que les appels à la violence.
05:56 Et donc, ce que la Première Ministre nous a demandé, c'est de proposer un certain
06:01 nombre de solutions pour qu'à l'avenir, à la fois, on puisse mieux veiller à ce
06:07 que les réseaux sociaux ne soient pas dévoyés au service de la formation de violences urbaines,
06:13 et puis d'autre part, qu'on puisse mieux valoriser celles et ceux qui, au quotidien,
06:17 s'engagent sur Internet pour apporter de la pacification et de l'apaisement.
06:22 Et dans les deux cas, comment vous comptez-vous y prendre ?
06:24 Eh bien, la Première Ministre réunira tous les membres du gouvernement qui ont planché
06:30 sur les conséquences attirées des violences urbaines de début juillet.
06:35 Je détaillerai ces propositions à cette occasion-là, et les amendements éventuels,
06:41 les propositions éventuelles seront soumises aux députés qui pourront les porter de manière
06:45 transpartisane.
06:46 Et donc, il va y avoir effectivement la création d'une réserve citoyenne du numérique ?
06:50 Ça fait partie, effectivement, des solutions que je souhaite proposer à la Première
06:54 Ministre, et donc aux parlementaires, car il me semble essentiel de valoriser celles
06:59 et ceux qui, au quotidien, s'engagent pour apaiser l'espace numérique et faire en
07:03 sorte que ce soit un espace dans lequel on puisse s'exprimer sereinement.
07:08 Jean-Noël Barraud, merci ministre délégué chargé de la transition numérique.

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