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- Grand témoin : Benjamin Stora, historien et auteur de « L'arrivée » (Tallandier)

LE GRAND DÉBAT / Faut-il un SMIC plus élevé en Île-de-France ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Dans un contexte inflationniste, les smicards parisiens n'arrivent plus à vivre dans la capitale. Pour remédier à cela, Valérie Pécresse a annoncé en interview à « 20 minutes », mardi 19 septembre 2023, vouloir augmenter le SMIC seulement en Île-de-France. Une étude de l'INSEE relève que pour « consommer comme un ménage moyen de province, il faut dépenser 8 % de plus en région parisienne ». En revanche, un groupe d'experts en économie, présidé par Gilbert Cette, déclare : « Les loyers entrent pour beaucoup dans les écarts de prix d'une région à l'autre mais ces écarts de loyer [...] ne sont pas opérants à l'échelle de la région mais à celle de la commune et parfois même du quartier. » Face à la disparité des situations sur le terrain, régionaliser le SMIC permet-il d'aborder la problématique au bon échelon ?

Invités :
- Erwan Balanant, député Modem du Finistère
- Jean-François Vigier, Président du groupe UDI au conseil régional
- Christophe Seltzer, Directeur du think tank « Générationlibre »
- En Skype : Gilbert Cette, économiste, professeur à Neoma Business School

LE GRAND ENTRETIEN / Benjamin Stora : de Constantine à Paris, récit d'un enfant exilé
Mars 1962, les accords d'Évian sont signés. A 11 ans, Benjamin Stora doit quitter Constantine pour la France. Il est alors confronté à une difficulté majeure : s'intégrer dans la société française en tant qu'algérien et juif. Son adolescence et ses premières amours viennent adoucir l'amertume de l'exil. Au lendemain de mai 1968, il s'engage dans la politique au sein de l'extrême gauche. Son militantisme trotskisme associé à ses connaissances d'historien lui permettent d'acquérir de la légitimité pour devenir enfin français. Dans quelle mesure l'histoire intime d'un historien peut-elle affecter son travail ?

- Grand témoin : Benjamin Stora, historien et auteur de « L'arrivée » (Tallandier)

BOURBON EXPRESS : Stéphanie Dépierre, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS
- Yaël Goosz, éditorialiste politique à France Inter
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Bonsoir et bienvenue dans "Ça vous regarde"
00:08 Ce soir, un historien qui raconte sa propre histoire.
00:10 Bonsoir Benjamin Stora.
00:12 Ravi de vous accueillir.
00:14 L'arrivée chez Taillandier, c'est la vôtre,
00:16 de Constantine à Paris 1962-1972.
00:19 Et c'est de loin votre livre le plus intime,
00:22 le plus personnel, un hommage à vos parents.
00:24 On en parlera, vous racontez votre rapport à l'exil,
00:27 mais aussi la société française.
00:29 Et ça résonne forcément avec l'actualité marquée par l'immigration ces derniers jours.
00:33 On va en parler ensemble dans la deuxième partie.
00:35 Notre grand débat ce soir, faut-il régionaliser le SMIC ?
00:39 C'est Valérie Pécresse qui jette ce pavé dans la mare.
00:41 La présidente de la région et île de France veut augmenter le salaire minimum des Franciliens
00:45 face au coût de la vie qui explose à Paris.
00:48 Souhaitable ? Faisable ?
00:50 Nous en débattons dans un instant avec nos invités sur ce plateau.
00:53 Enfin, nos affranchis ce soir.
00:55 Yael Ghos pour son parti pris politique.
00:57 Pierre-Henri Tavoyo, la vie des idées et un bonbon express très royal avec Stéphanie Despierre.
01:02 Voilà pour le programme. On y va ?
01:04 Benjamin Stora, ça vous regarde ? C'est parti.
01:06 Alors un petit problème de générique, mais c'est pas bien grave,
01:16 parce qu'on va tout de suite débattre de cette idée qui a tout,
01:19 mais vraiment tout pour plaire,
01:21 augmenter le SMIC là où la vie est plus chère.
01:24 A l'heure où la fin du mois commence le 10,
01:27 la proposition de Valérie Pécresse n'est pas passée inaperçue.
01:30 1383 euros par mois quand plus de la moitié part dans le loyer.
01:35 C'est tout simplement indigne à juger la présidente de l'île de France.
01:39 Alors pourquoi pas ? Pourquoi pas régionaliser le salaire minimum ?
01:43 Bonsoir Jean-François Vizier.
01:45 Merci d'être là. C'est vous qui êtes à l'origine de cette proposition.
01:48 Vous présidez le groupe UDI au Conseil Régional Île-de-France.
01:52 C'est à vous donc que Valérie Pécresse a confié une mission
01:55 pour un choc de décentralisation,
01:57 dans laquelle figure cette fameuse idée d'un SMIC régional.
02:01 Bonsoir Erwann Balanant.
02:02 Bonsoir.
02:03 Merci d'être avec nous. Vous êtes député modem du Finistère.
02:06 Vous nous direz si la majorité peut compter sur cette idée,
02:11 la soutenir ou pas.
02:12 Bonsoir Christophe Selzer.
02:14 Bonsoir.
02:15 Ravi de vous accueillir. Vous dirigez le think tank libéral Génération Libre,
02:18 on s'en souvient, fondé par Gaspard Cuny.
02:20 Enfin, bonsoir Gilles Berset.
02:22 Impossible de faire ce débat sans vous,
02:24 parce que vous êtes le grand spécialiste des questions du SMIC.
02:28 Vous êtes économiste et professeur à Neoma Business School.
02:31 Vous présidez ce groupe d'experts,
02:33 qui a été mis en place par le gouvernement,
02:35 qui rend chaque année un rapport sur l'impact du SMIC sur notre économie.
02:40 Benjamin Stora, n'hésitez pas à intervenir quand vous le souhaitez.
02:43 C'est une longue histoire aussi, le SMIC,
02:45 donc je suis sûre que vous aurez quelques remarques à nous soumettre.
02:49 Avant de vous donner la parole, les faits,
02:51 donc la proposition en question,
02:53 et puis les réactions, on voit cela dans le chrono de Blaco,
02:55 qu'on accueille tout de suite.
02:57 Bonsoir mon cher Stéphane.
03:01 Bonsoir Myriam.
03:02 Je me retourne, je vous invite à faire la même chose pour accueillir Stéphane Blakowski.
03:06 Alors, ce qu'on peut dire, c'est que Valérie Pécresse a de la suite dans les idées,
03:10 on peut lui reconnaître ça au moins,
03:11 puisque vous vous souvenez qu'en 2022,
03:13 la promesse phare de sa campagne présidentielle,
03:15 c'était d'augmenter de 10 % les salaires.
03:18 Eh bien cette semaine, elle enfonce le clou,
03:20 elle veut toujours augmenter les salaires,
03:22 mais cette fois-ci, son projet, c'est d'augmenter de 9 % le SMIC en Ile-de-France,
03:27 qui est, ça tombe bien, justement, la région qu'elle préside.
03:31 Donc, sa proposition, elle repose sur une étude de l'INSEE,
03:34 qui disait en 2015 que la différence de prix entre région parisienne et province est de 9 %.
03:40 Alors, ce qui est un peu bizarre, c'est d'avoir choisi l'étude de 2015,
03:42 alors que l'INSEE en a fait une en 2022,
03:44 donc ce qui aurait été plus d'actualité,
03:46 qui nous dit que la différence, en fait, est plutôt de 7 %.
03:48 On ne va pas chipoter, on comprend l'idée qu'il y a derrière ça,
03:52 c'est que tout le monde s'accorde, et le sait,
03:54 la vie est plus chère en région parisienne qu'en province,
03:58 et selon l'INSEE, l'explication tient surtout sur les loyers,
04:01 qui sont en moyenne 40 % supérieurs en région parisienne par rapport à la province.
04:06 Alors, je vous montre une carte pour illustrer ces grosses disparités au niveau national.
04:10 Si vous achetez un studio de 25 m à Paris, ça coûte 267 000 euros, actuellement.
04:15 - 25 m², hein ? - C'est un studio, c'est ce qu'on considère la taille d'un studio,
04:18 bien pour le même prix, la même somme.
04:20 Vous pouvez avoir 60 m² à Bordeaux à Nice,
04:22 vous pouvez avoir 70 m² à Rennes ou à Strasbourg,
04:25 90 m² à Marseille, et puis alors, si vous voulez vraiment de la place,
04:28 Saint-Etienne, on a 200 m².
04:32 Donc c'est cet argument du prix du logement,
04:34 sur lequel insiste évidemment Valérie Pécresse,
04:37 pour justifier une hausse du SMIC, particulièrement en Ile-de-France.
04:40 On l'écoute.
04:41 - Vous êtes SMICA, vous gagnez le SMIC. Si vous voulez vous loger dans un studio à Créteil,
04:47 c'est 50% de votre salaire qui va y passer.
04:49 Si vous voulez vous loger à Limoges, ce sera 25%.
04:52 Vous voyez bien que le reste à vivre pour les bas salaires est très faible.
04:55 - Puis alors, il y a un autre argument qu'on peut employer pour défendre un SMIC différent d'une région à l'autre,
05:01 c'est que ça a déjà existé, cette idée. C'était le cas jusqu'en 1968.
05:06 Donc, si on l'a fait avant, rien n'empêche de le refaire aujourd'hui.
05:09 Ce qui est curieux, c'est qu'Olivier Dussopti, lui, est opposé à cette idée,
05:13 emploie exactement le même argument.
05:14 Il dit que si on a arrêté cette idée en 1968, il y a bien une raison.
05:18 Et la raison, c'est que ça ne marchait pas. On l'écoute.
05:21 - Le SMIC différent d'un endroit à l'autre, ça a déjà existé, de 1950 à 1968.
05:26 Et ça a été abandonné.
05:27 Parce que, d'abord, les écarts de niveau de vie, de loyer, ne sont pas forcément à l'échelle d'une région.
05:33 En région Ile-de-France, le prix, le coût de la vie, le coût des loyers, n'est pas le même dans toutes les communes.
05:39 - Alors, pour illustrer le propos du ministre, on peut citer des chiffres.
05:42 Sans même parler de Paris, où le prix du mètre carré dépasse les 10 000 euros.
05:46 Vous voyez que dans les Hauts-de-Seine, le prix du mètre carré est au-dessus de 7 000 euros.
05:51 Et en revanche, en Seine-et-Marne, le prix du mètre carré est en dessous de 3 000 euros.
05:55 Et pourtant, les deux départements sont dans la région Ile-de-France.
05:58 Alors, est-ce qu'il faudrait affiner ? Est-ce qu'il faudrait faire un SMIC, non pas par région, mais un SMIC par département ?
06:03 Ou peut-être même un SMIC par commune ?
06:04 Bon, je ne sais pas, ça paraît un petit peu compliqué, mais ce n'est pas parce que le gouvernement n'est pas d'accord qu'on n'a pas le droit de débattre de cette idée.
06:11 - Eh bien, on y va. Alors, Jean-François Vivier, puisque c'est vous qui êtes à l'origine de cette proposition,
06:15 qu'est-ce qui vous fait penser que cette fois-ci, ça pourrait marcher, puisqu'on l'a déjà essayé, pour le ministre du Travail, vous l'entendez, ça n'a pas fonctionné ?
06:23 - Son géniteur, Pierre-Yves Caussé, qui était commissaire au plan d'ailleurs à l'époque, a affirmé à plusieurs reprises qu'il regrettait cette décision de l'avoir nationalisée.
06:33 Mais avant de rentrer dans le vif du sujet sur le SMIC, permettez-moi quand même de recontextualiser cette proposition, et je pense que c'est très important.
06:42 En fait, la présidente m'a confié il y a un an une mission, vous l'avez dit, pour un choc de décentralisation à l'issue de l'adoption par le Parlement,
06:50 par l'Assemblée nationale et le Sénat, d'une loi qui s'est appelée la loi 3DS, et qui avait pour objectif, pour ambition, de donner plus de liberté aux collectivités locales,
06:58 parce que c'est un débat aujourd'hui, dans notre pays, celui de faire descendre les compétences vers les collectivités régions, villes, départements.
07:09 Dès lors que la présidente m'a confié cette mission, j'ai organisé des auditions qui ont duré un an, à l'issue desquelles nous avons identifié 40 nouvelles compétences demandées à l'Etat.
07:21 Dans quel cadre nous avons pu demander ces nouvelles compétences ? C'est que, quand la loi 3DS a été adoptée, et c'est assez incroyable,
07:28 beaucoup d'élus ont été déçus des résultats de cette loi, malgré les efforts des sénateurs pour essayer de la renforcer,
07:34 mais il y a une notion qui est passée complètement sous les radars à l'occasion de l'adoption de cette loi, c'est la notion de différenciation.
07:43 C'est que le législateur a permis de dire à une région que, sur des aspects sociétaux, sociaux, économiques,
07:52 elle pouvait se sentir en différence avec les autres régions, et à ce titre, demander un aménagement de ses compétences ou de nouvelles compétences.
08:01 Alors, passé le cadre législatif, la différenciation sur le SMIC en Ile-de-France, parce que la vie est plus chère.
08:06 Et c'est dans ce cadre que nous avons identifié 40 nouvelles demandes que j'ai présentées, que j'ai eu l'honneur de présenter à la demande de la présidente hier à l'Assemblée régionale,
08:14 qui ont été adoptées, 45 à l'arrivée avec des amants.
08:17 Mais vous l'assumez, cette mesure sur le SMIC ?
08:19 Totalement, j'y arrive, je termine juste sur la procédure, puisque c'est intéressant, on a un parlementaire de la majorité,
08:26 c'est que nous allons maintenant saisir officiellement le gouvernement, et le gouvernement, de par la loi, a un an pour nous répondre.
08:32 Donc ce que nous ouvrons aujourd'hui, c'est un débat avec le gouvernement, à qui nous demandons,
08:37 "Chiche, nous avons 45 propositions de compétences, discutons, regardons comment..."
08:42 Alors vous n'avez pas le gouvernement, on met le législateur en face de vous, comment vous plaidez pour cette mesure ?
08:46 Alors moi, ce que je plaide... Votre journaliste a dit plusieurs choses très intéressantes.
08:51 D'abord, il y a une différence de coût de la vie entre la région Ile-de-France et les autres régions françaises, qui est extrêmement importante.
08:59 On a un coût du logement qui est beaucoup plus élevé qu'ailleurs, et on a vu les chiffres actuellement,
09:06 et nous avons aujourd'hui un cas de francilien qui ne peuvent pas se projeter...
09:11 Le soude est plus cher, d'ailleurs. Le logement, évidemment, c'est le premier budget, mais l'alimentation aussi, les transports aussi...
09:15 Non, les transports, non.
09:17 Ça dépend lesquels ?
09:18 Non, les transports, c'est la différence, et on va avoir le débat, parce que c'est un des vrais sujets, le transport.
09:22 Et donc, de ce fait, il faut que nous demandions, de par cette différenciation, la capacité à ce qu'il y ait une fixation régionale du SMIC,
09:31 de façon à pouvoir adapter le salaire minimum au coût de la vie en Ile-de-France.
09:36 Erwan Balanon, après tout, ça a déjà existé, et puis ça existe aujourd'hui.
09:40 Vous le savez, il y a des pays, le Portugal, par exemple, a deux régions dans lesquelles ça se passe, le Mexique aussi, et aux États-Unis,
09:47 le SMIC est fixé par les États, les États fédéraux.
09:51 Oui, alors bon, déjà, vous l'avez dit, c'est un État fédéral, fédéré, avec des États fédéraux, les États-Unis, donc il y a une différence.
09:59 Moi, je comprends que les élus parisiens aient envie de se préoccuper des Parisiens et des habitants de l'Ile-de-France, c'est normal.
10:09 Il y a des coûts, c'est vrai que le logement est plus cher, mais c'est pas si simple.
10:13 La différence qu'on a vue de 7 %, c'est une différence lycée, mais il y a d'autres endroits en France et d'autres territoires où vous avez un coût de la vie qui est important.
10:24 La Seine-et-Marne, c'est pas la même chose que les Hauts-de-Seine.
10:27 Par exemple, mais même en Bretagne, il y a certains endroits où vous habitez, loin de l'endroit où vous travaillez,
10:32 donc du transport et du transport en voiture, qui coûte très cher, et qu'en plus vous habitez dans une zone tendue et que vous avez du mal à trouver un logement,
10:39 je peux vous assurer que c'est aussi compliqué. Donc l'enjeu, en réalité, c'est d'augmenter les salaires dans ce pays et d'augmenter le SMIC.
10:48 -D'augmenter le SMIC ? -D'augmenter la capacité...
10:51 -Alors ça, j'ai mal entendu. -C'est exactement ce que nous demandons.
10:54 -Sauf ce que vous demandez, M. Vigier. En augmentant le SMIC à Paris, vous le baissez ailleurs.
10:59 -D'augmenter le SMIC au niveau national, vous êtes favorable ou pas ?
11:03 -Si un endroit est plus haut, un autre endroit est plus bas. Vous voyez bien qu'il y a une différence.
11:06 -On a eu ce débat pour voir le réchat ici à l'Assemblée nationale et avec les oppositions de l'ANUP, qui demandaient l'augmentation du SMIC national.
11:13 -Oui, mais quand augmenter le SMIC, c'est la conférence sociale. Ce n'est pas le gouvernement qui augmente le SMIC dans un pays.
11:20 C'est les partenaires sociaux, je suis désolé, c'est les partenaires sociaux en accord ensemble et un travail qu'on va avoir grâce à la conférence sociale.
11:28 -Oui, le gouvernement a cette prérogative s'il le décide, mais c'est vrai qu'il y a cette force de la société qui est sur la table.
11:33 -Et sur la question des salaires, parce que le vrai sujet des salaires, c'est effectivement le salaire de base en France, qui est sans doute pas suffisant,
11:41 mais c'est aussi l'évolution des salaires. C'est-à-dire qu'on commence, vous êtes une femme, vous commencez au SMIC, vous finissez au SMIC, votre carrière.
11:48 Ce n'est pas possible, c'est là-dessus qu'il faut qu'on travaille, plus que sur des différenciations qui, je le redis, posent un certain nombre de problèmes,
11:55 parce que, je le redis, ce n'est pas si évident que la vie soit moins gêne.
12:00 -La vie soit moins gêne, nous nous inscrivons totalement dans la loi.
12:03 -C'est plus la faisabilité qui est mise en question que le bien fondé.
12:05 -Nous nous inscrivons totalement dans la loi.
12:06 -Alors, on va aller voir le spécialiste de la question du SMIC, l'économiste Gilles Berset. Merci d'être à distance avec nous.
12:12 Je vous ai lu dans Le Parisien ce matin. Au départ, le groupe d'experts que vous présidez regardait avec plutôt bienveillance cette proposition,
12:20 et puis vous avez changé d'avis. Pourquoi ?
12:23 -Oui, on a changé d'avis, mais juste avant de revenir sur ce point, je voudrais quand même signaler que depuis le 1er janvier 2021,
12:32 le SMIC a été augmenté à 7 reprises, et il a augmenté au total de 13,5 %.
12:38 Peu de salariés ont connu, sous le caporal, une augmentation de salaire de 13,5 %.
12:44 Vous voyez, c'est quand même des éléments à mettre au débat.
12:48 Alors maintenant, pour revenir sur votre question, effectivement, nous nous sommes touchés sur cette proposition qui est très ancienne,
12:55 aussi ancienne que la création du SMIC, c'est-à-dire le début de l'année 1970 et pas la fin de l'année 1968.
13:04 Donc, depuis le début de l'année 1970, il y a toujours eu des propositions de re-régionalisation du salaire minimum.
13:13 Nous avons voulu étudier ça sur le fond, et au début, nous l'avons étudié avec beaucoup de viabillance, comme vous le rappelez.
13:20 Cette idée semblait assez logique, finalement, au niveau des prix, il n'est pas le même en région parisienne que dans d'autres régions de France.
13:28 Et en regardant attentivement les choses, nous avons constaté, comme ça a été présenté tout à l'heure,
13:34 que la principale cause d'écart de prix d'un lieu à un autre en France, c'était le loyer.
13:42 C'est ça, quand même, la principale. Il y a d'autres sources, mais qui jouent de façon très faible par rapport à l'effet des écarts de loyer.
13:52 Et puis, ces écarts de loyer, de prix du logement, ne sont pas, je dirais, au niveau d'une région par rapport à une autre,
14:01 mais sont beaucoup plus granulaires, comme ça a été signalé tout à l'heure. C'est une ville par rapport à une autre.
14:06 Si on voulait garantir par le SMIC une constance, une égalité du pouvoir d'achat pour toutes les régions et tous les lieux d'habitation en France,
14:17 il ne faudrait faire non pas 9 ou 10 SMIC, il faudrait en faire des dizaines de milliers.
14:22 C'est ce qui est ressorti de l'analyse que nous avons fait.
14:28 Donc, il nous a semblé que c'était très compliqué et qu'il y avait d'autres urgences dans le débat sur le SMIC que celui-là.
14:34 Et je voudrais rappeler d'ailleurs, c'est un point important, que le SMIC est payé par l'employeur.
14:41 Si on va dans la direction qui est évoquée, qui est suggérée ici, selon la localisation de l'employeur, il y aurait un niveau du SMIC différent,
14:51 mais le salarié ne vit pas forcément dans la localité où est son entreprise.
14:55 Donc, vous voyez, on est quand même dans des grosses difficultés ici, on ne prendra pas réellement en compte, par une mesure de ce type-là,
15:04 les écarts de niveau de prix auquel on passe.
15:09 – Bien compris. On va revenir vers vous Gilbert Seth, peut-être qu'on peut essayer de régler un tout petit peu plus votre micro afin que le son soit optimal.
15:18 C'est un argument de poids quand même, ce n'est pas un, deux, trois, quatre SMIC, mais des milliers de SMIC différents en fonction des communes.
15:26 Christophe Seltzer, c'est une usine à gaz qui est complètement infaisable, non ?
15:30 – Alors, d'abord, comme directeur d'un think-tank qui a parmi ses grands combats phares la déprésidentialisation en régime plus parlementaire,
15:37 la simplification et la décentralisation, je pense qu'il faut absolument saluer l'initiative du Conseil régional,
15:43 parce que cette proposition, qui est la première des 45 compétences que le Conseil régional demande à obtenir aujourd'hui,
15:50 c'est quelque chose de révolutionnaire en tant que tel, c'est une information.
15:53 – Encore faut-il qu'elle puisse concrètement être mise en œuvre, c'est un petit détail.
15:56 – Il y en a 45 là-dedans, c'est très très rare, c'est conforme aux principes de subsidiarité ascendante qu'on défend.
16:01 – Un SMIC parisien ou un SMIC Ile-de-France.
16:04 – Je trouve que cette proposition a la vertu de montrer que le fait de décréter à un niveau national partout ce que devrait être un SMIC,
16:12 alors qu'il y a effectivement des réalités locales et économiques très différentes, c'est intéressant.
16:17 Je pense que ça soulève notamment effectivement la question du logement.
16:21 Je pense que dans le débat qu'ouvre aujourd'hui le Conseil régional d'Ile-de-France avec l'État,
16:26 en demandant à s'autosaisir de compétences, on pourrait aussi imaginer l'autre,
16:31 enfin penser à l'autre versant de la décentralisation qui est la fiscalité, l'autonomie fiscale locale.
16:37 Nous, on défend le fait qu'en face de compétences, une collectivité, quelle qu'elle soit, puisse lever directement l'impôt.
16:43 C'est presque révolutionnaire, en tout cas radical pour la France qui s'est construite de façon très jacobine.
16:50 Et on est en train justement de réfléchir à une refonte de la taxe foncière
16:55 et d'en refaire quelque chose comme une taxe résidentielle,
16:58 en imaginant même une ventilation entre ce que paie le propriétaire et ce que paie le locataire
17:04 et qui aurait pour vertu de fluidifier le marché du logement.
17:08 Parce qu'il y a énormément aujourd'hui de désincitations pour les propriétaires à mettre leur logement sur le marché locatif.
17:13 Alors je vois que vos propositions vont très loin. Je vais vous repasser la parole, je vois que vous voulez intervenir.
17:17 Peut-être à ce stade du débat, Benjamin Osterhauer, on entend lever l'impôt au niveau des collectivités locales,
17:23 un SMIC dans chaque commune ou chaque département, c'est loin de notre histoire tout ça.
17:29 Les Français pourraient le comprendre, l'accepter ?
17:32 C'est loin effectivement d'une histoire à tradition jacobine centralisée,
17:36 de l'Etat qui décide par en haut de tout ce qu'on doit faire,
17:41 du point de vue des salaires, du point de vue des prix, etc.
17:45 Donc le fait de fractionner, fracturer, diversifier les choses,
17:50 c'est entre guillemets une petite révolution culturelle.
17:54 Je veux dire dans le cadre de la société française, c'est pas n'importe quoi.
17:57 C'est donc à apprécier, à discuter, à mesurer et à peser.
18:00 Simultanément, j'aimerais quand même préciser que, au fur et à mesure des grands actes de décentralisation,
18:05 depuis les années 80, en fait l'Etat a surtout donné des compétences aux collectivités
18:11 en leur donnant des dotations, mais en recentralisant quasiment toute la fiscalité.
18:15 Avant, on avait la taxe d'habitation, il y avait de bonnes raisons pour la supprimer,
18:19 mais en revanche, elle avait une vertu, c'était de maintenir un lien direct entre le compte-bât.
18:22 Plus de compétences et plus de moyens pour les mettre en oeuvre.
18:25 Mais ce que je dis, c'est qu'en fait, on n'a jamais été aussi peu décentralisés d'un point de vue fiscal,
18:28 qu'à ce SMIC plus élevé en Ile-de-France, un SMIC à la carte en fonction du coût de la vie.
18:34 On a aigréné des arguments. Qu'est-ce que vous répondez ?
18:38 Moi, déjà, sur l'ensemble du sujet du pouvoir de vivre des Français,
18:42 la question du logement, elle est cruciale et elle est même cardinale,
18:47 puisqu'on est passé d'un quart du budget des Français sur le logement à un tiers du budget.
18:52 C'est beaucoup, c'est-à-dire 33 %, grosso modo, des dépenses de fonctionnement d'un foyer, c'est le logement.
19:01 Donc on a un vrai problème de logement et en plus, on est dans une crise du logement aujourd'hui...
19:05 Avec les taux d'intérêt qui augmentent.
19:07 Avec les taux d'intérêt qu'il faut résoudre.
19:09 Juste sur le SMIC et sur cette différenciation, moi, je suis aussi plutôt girondin que jacobin,
19:16 tradition bretonne, évidemment, mais je pense qu'aller dans un SMIC qui serait différencié,
19:22 et votre expert l'a dit, je crois qu'il faudrait un SMIC par commune de France
19:26 ou au moins, minimum, un SMIC par bassin de vie.
19:29 Ça va être compliqué.
19:30 Ça demanderait des mesures extrêmement claires.
19:32 Et puis d'ailleurs, je remarque, c'était donné dans les chiffres,
19:34 que le salaire moyen parisien, île de France, est plus élevé que le salaire moyen breton, finistérien ou de mon territoire.
19:43 Donc voyez que ça s'équilibre aussi par les efforts que font les employeurs
19:49 pour garder leur salarié, pour être attractif et pour s'adapter à la réalité.
19:54 Moi, je reviens vraiment, parce que c'est chez nous un mantra au groupe Modem,
19:59 c'est qu'il faut qu'on ait un effort sur les salaires pour les Français.
20:02 On va en parler après. Comment on peut faire, peut-être même construire du logement social,
20:05 ça peut être une solution aussi, et monter, faire augmenter les salaires,
20:10 convaincre les entreprises de le faire.
20:12 On n'a pas entendu les Franciliens, ils racontent aussi ce que c'est que se rester à vivre,
20:17 réduit à peau de chagrin, une fois avalé par le loyer.
20:20 C'est un reportage à Paris et en proche banlieue, signé Marco Pommier.
20:24 Je m'appelle Madame Koulibaly Salamata.
20:32 Je m'appelle Vincent.
20:33 Je m'appelle Florence, je suis assistante de vie aux familles.
20:41 Je gagne 1300-1400.
20:44 J'ai payé le loyer 680 euros et maintenant j'arrive à 735 euros par mois.
20:51 Mon loyer c'est 980 euros tous les mois et moi je gagne 1137 euros.
20:58 Mon salaire actuel est de 1700 euros et mon loyer me pèse 800 euros.
21:08 On ne s'en sort pas du tout en fait, c'est la catastrophe.
21:11 Qu'est-ce qui vous reste à la fin du mois concrètement ?
21:13 Rien du tout, que dalle.
21:15 Pour m'organiser je suis bien allé au Reste du Coeur et me faire aider par la famille.
21:20 Vous ne pouvez pas faire autrement ?
21:22 Ah non, c'est pas possible.
21:23 On ne mange pas comme on veut.
21:25 Avant on allait rentrer, on avait des plats, des desserts, on a tout.
21:30 Maintenant non, que des plats.
21:32 Quand vous rentrez à la maison et que votre enfant vous dit…
21:35 que maman je fends et que vous regardez votre compte bancaire,
21:45 vous êtes à -400, -500, c'est très difficile.
21:50 D'expliquer le pourquoi et le comment à vos enfants, c'est très difficile.
21:53 Aujourd'hui on ne vit pas en France, on se suivit.
21:56 Voilà, cette réalité elle saute aux yeux, elle prend au cœur.
22:02 Est-ce qu'on n'a pas intérêt à trouver vraiment les leviers ?
22:06 Si ce n'est pas le SMIC régional, qu'est-ce qu'on peut faire ?
22:10 D'abord, je suis très étonné qu'on lance un débat.
22:13 Ce débat doit exister et tout de suite on nous dit non.
22:16 Tout de suite non, le SMIC il est national, on n'y touchera pas, parce que c'est comme ça.
22:21 Nous on fait une proposition d'ouvrir le débat
22:24 et j'espère que le gouvernement va vraiment venir discuter avec nous.
22:26 Parce qu'il ne s'agit pas de faire 10 000 SMIC.
22:29 Déjà vous avez 12 SMIC régionaux,
22:32 peut-être qu'il n'y en aura d'ailleurs qu'un seul,
22:35 puisque notre demande ne porte que sur l'île de France.
22:38 Il appartient aux autres régions.
22:39 Quelque chose me dit qu'il y aura d'autres demandes.
22:41 Je voudrais revenir quand même sur ce qu'a dit M. Cette,
22:42 parce que oui le SMIC a été réévalué depuis 2021,
22:45 mais le coût de l'énergie dans les logements a augmenté de façon terrible pour les locataires.
22:51 Moi je le vois dans ma commune, tous les locataires sont impactés.
22:55 Même dans ma commune où mes agents publics ont bénéficié aussi d'une augmentation
23:01 à plusieurs reprises décidée par le gouvernement.
23:04 C'est difficile pour tout le monde de faire face aux coûts.
23:08 Je rappelle quand même qu'à Bure-sur-Yvette,
23:10 un 70 mètres carrés en location, c'est environ 1 500 euros.
23:14 À Nevers, c'est moitié moins.
23:16 Donc on voit bien quand même qu'il y a un réel problème
23:20 sur l'ensemble de l'île de France et qu'il faut absolument le régler.
23:24 Mais derrière tout ça, je voudrais dire aussi que ce qu'on est en train de faire à la région,
23:28 avec Valérie Pécresse, c'est lancer le débat de la décentralisation,
23:31 de la liberté des collectivités locales.
23:34 - Ça vous l'avez dit, on l'a bien compris.
23:36 Mais vous y tenez à cette mesure quand même.
23:38 - Mais bien sûr, mais on tient à ouvrir le débat.
23:40 - Vous la généralisez un peu.
23:41 - Et je tiens à dire aussi à M. Cette que tous les spécialistes ne sont pas d'accord entre eux.
23:47 Le gouverneur de la Banque de France l'a dit à plusieurs reprises
23:49 que ça vaudrait le coup d'essayer de régionaliser le SMIC.
23:52 Gilbert Cette va vous répondre.
23:54 On a entendu le premier argument, c'est l'usine à gaz.
23:57 C'est très clair, autant de SMIC que de différence communale, si l'on veut.
24:02 Deuxième question.
24:03 Tous les économistes vous disent qu'on ne doit pas augmenter le SMIC
24:07 parce que ça freine l'embauche.
24:09 Mais quand on est en situation de quasi plein emploi,
24:11 est-ce que c'est un si grave problème ?
24:14 - Alors vous avez raison.
24:15 En situation de plein emploi, les choses se posent d'une façon assez différente.
24:21 Néanmoins, les emplois qui sont menacés par des fortes augmentations du SMIC
24:25 sont les emplois de personnes fragiles, peu qualifiées.
24:29 Je voudrais souligner deux choses.
24:31 D'abord, si on veut régler par un outil comme le SMIC
24:35 des problèmes d'écart de prix du logement, on se trompe d'outil.
24:38 Il y a des politiques de logement.
24:40 En France, 50 milliards d'euros sont mis sur la table chaque année à peu près
24:45 pour développer des politiques de logement.
24:48 C'est ces politiques-là qui doivent répondre à un coût du logement
24:52 qui peut être très différent d'une région à une autre, d'une ville à une autre, etc.
24:55 Il ne faut pas se tromper d'outil.
24:57 Par ailleurs, il faut bien voir que s'ajoute au SMIC,
25:00 et la France est un pays très particulier pour cela,
25:03 nous avons le salaire minimum,
25:05 c'est le pouvoir d'achat, excusez-moi ce langage un peu technique,
25:09 le plus élevé de tous les pays de l'OCDE.
25:12 Mais on ajoute à ce salaire minimum
25:15 des prestations qui sont assez importantes.
25:19 Par exemple, pour un salarié à temps plein, célibataire,
25:23 qui a le droit aux aides au logement,
25:25 la prime d'activité c'est plus de 240 euros par mois.
25:29 Plus de 240 euros par mois,
25:31 qui s'ajoutent quand même comme ressources,
25:33 et ça s'ajoute encore, les APL, etc., les aides au logement.
25:37 Évidemment, ça ne fait pas des personnes concernées, des nantis, loin de là.
25:41 Mais la situation est largement prise en charge, en compte, par la collectivité.
25:47 Et ce qu'il faut surtout faire, c'est deux choses.
25:51 D'une part, accompagner les gens pour qu'ils sortent du SMIC.
25:54 Vous voyez que des personnes ne restent pas au SMIC durablement.
25:58 C'est ça qui est dramatique.
26:00 Et puis l'autre point, quand on s'intéresse à la pauvreté au travail,
26:04 qui sont les pauvres parmi les travailleurs ?
26:07 Ce ne sont pas des gens qui sont attendus au SMIC.
26:10 Ce sont des gens qui sont attendus au partiel.
26:13 Et là, on touche à des situations dramatiques.
26:16 Et si on veut s'intéresser à la pauvreté laborieuse,
26:19 il faut parler de temps partiel, de temps partiel contraint,
26:22 parmi les 17 % de temps partiel, il y en a 40 % qui sont contraints,
26:26 souvent des familles monoparentales, avec des charges de famille très fortes.
26:30 Là, il y a un effort particulier à faire,
26:32 c'est de réduire, de lutter contre les situations de temps partiel contraint,
26:37 qui est un facteur de pauvreté premier.
26:40 Quand on regarde les facteurs de pauvreté,
26:42 juste pour finir un point, un tout petit point,
26:45 quand on s'intéresse aux principaux facteurs de pauvreté des travailleurs,
26:49 le premier facteur de pauvreté des travailleurs, c'est le nombre d'heures travaillées.
26:53 Le deuxième, c'est la configuration familiale.
26:56 Évidemment, on a plus de chances d'être pauvre quand on a cinq bouches à nourrir
27:00 que quand on en a une ou deux.
27:02 Et le salaire horaire, je rappelle que le SMIC est un salaire horaire,
27:05 vient très très loin derrière.
27:07 Vous voyez, il ne faut pas se tromper de cible en quelque sorte,
27:09 si on veut parler de pauvreté.
27:11 – Bien compris.
27:12 Il y a plein de sujets sur la table, le temps partiel subi,
27:16 la question du logement social aussi, après tout à Paris,
27:18 regardez Anne Hinalgault, elle est dans les clous,
27:20 on est à 20%, c'est la loi SRU 20% et on entend,
27:23 ces franciliens voient bien que ça ne résout pas le problème.
27:26 Vous renvoyez tout à la conférence sociale ?
27:28 Ce sont les partenaires sociaux qui doivent prendre les cartes en main ?
27:31 – Non, non, tout ne sera pas réglé par la conférence sociale dans notre pays,
27:35 c'est pourtant quand même un élément important,
27:38 de remettre tous les acteurs et les partenaires.
27:40 – Qu'est-ce que vous en attendez précisément ?
27:42 – Moi j'en attends que l'on puisse avoir effectivement
27:45 un meilleur partage de la valeur et une augmentation des salaires dans ce pays,
27:49 ça me semble être important.
27:51 – La mobilité salariale est très très faible en France,
27:54 on le redit, on a une SMICardisation, une vie au SMIC, c'est possible en France.
27:58 – Le problème c'est ça, je l'ai dit tout à l'heure en introduction,
28:01 vous avez des gens qui commencent au SMIC et qui finissent au SMIC,
28:04 et en plus, comme vous l'a dit votre expert,
28:06 vous avez des gens qui commencent au SMIC mais pas en temps complet,
28:09 et qui restent longtemps en temps contraint.
28:12 – Il y a même des branches en dessous du SMIC, il y en a 13, ça sera fini ça.
28:15 – Le sujet, et on voit bien qu'aussi le plein emploi,
28:18 l'activité économique fait que les salaires augmentent,
28:21 ils n'augmentent certainement pas assez parce qu'on est dans un choc du prix de l'énergie,
28:25 on est dans un choc de l'inflation aujourd'hui, donc c'est très conjoncturel,
28:29 mais structurellement, si l'économie va mieux, et si l'économie va bien,
28:33 les salaires augmentent.
28:35 Et dernier point, parce que je pense que c'est le point crucial,
28:38 et je reviens, c'est la question du logement, il faut qu'on ait plus de logements sociaux,
28:43 là, ces dames qui nous parlaient tout à l'heure,
28:45 qui sont dans des situations qui crèvent le cœur,
28:47 vu les prix de loyer qu'elles avaient,
28:49 elles n'étaient sans doute pas, voire certainement pas, dans un logement social.
28:53 - Après des années, vous le savez bien, la liste est longue d'attentes.
28:57 - La question de bâtir du logement social de qualité,
29:01 qui permet un logement digne,
29:03 un logement qui permet d'accueillir ses enfants sereinement,
29:06 c'est une priorité également.
29:08 - Le plus grave, je trouve, c'est que ces personnes qu'on a vues,
29:11 qui sont les salariés de première ligne, métier de la santé,
29:15 métier de la petite enfance, métier du troisième âge,
29:17 ils ne vivent pas en Ile-de-France,
29:19 ils sont en dehors de la frontière,
29:21 ils viennent travailler ici, et ça, c'est pas normal.
29:24 - Christophe Salzer.
29:26 - Vous parliez d'usines à gaz sur le logement,
29:29 on ne va pas résoudre tout avec ça,
29:31 mais nous, on a une proposition de simplification sur le bail,
29:34 d'avoir un bail beaucoup plus simplifié,
29:36 qu'on peut révoquer beaucoup plus rapidement,
29:38 en fait, répondre au problème des logements vacants,
29:40 on a 10 % de logements vacants en moyenne sur le territoire,
29:43 y compris à Paris, il y a aussi des impôts locatifs
29:46 qui sont prohibitifs pour les propriétaires,
29:48 sur le marché à l'achat,
29:50 il y a la question des droits de mutation,
29:53 à titre onéreux, pas onéreux,
29:55 nous, on propose de supprimer tout ça,
29:57 un bail simplifié,
29:59 permettre aux propriétaires de récupérer plus rapidement son bien...
30:02 - Là, moi, je m'inscris complètement en faux,
30:04 j'ai l'exemple, dans ma circonscription,
30:06 en ce moment, de quelque chose qui me fend le coeur,
30:09 de propriétaire d'une maison de retraite,
30:11 qui, en 15 jours, demande à leur résident de s'en aller.
30:15 Donc, des beaux qui seraient encore plus simples,
30:18 qui seraient encore moins protecteurs du locataire...
30:20 - En tout cas, c'est intéressant,
30:22 parce que c'est un tour de piste de ce proposition,
30:24 il y a une conférence sociale qui va commencer le mois prochain,
30:27 d'un mot ?
30:28 - Juste en quelques mots, nous, on fait une demande très concrète,
30:31 on a 40 demandes, je sais que Erwann Valand est issu d'un groupe
30:35 qui est très décentralisateur,
30:37 et j'espère que le président de la République
30:39 acceptera le débat sur toutes ces demandes.
30:41 - Le débat, il faut l'avoir, c'est sûr.
30:43 On va s'arrêter là, merci d'avoir participé à ce débat.
30:47 Merci à vous, Gilles Berset, pour votre expertise à distance.
30:51 On vous rappellera, c'est sûr, dès qu'on parle de SMIC,
30:55 vous êtes le meilleur.
30:57 Allez, vous restez avec moi, Benjamin Stora,
30:59 dans une dizaine de minutes,
31:00 les partis pris de nos affranchis ce soir,
31:02 Yael Ghos, qui on est ravis d'accueillir,
31:05 il va nous parler de la planification écologique,
31:07 c'est la fin d'une longue attente.
31:09 Le regard du philosophe Pierre-Henri Tavoyo
31:11 sur les polémiques récentes autour de la laïcité.
31:13 Et puis le roi, forcément, d'un Bourbon Express ce soir.
31:16 C'est bien ça, Stéphanie ?
31:18 - Oui, je vais vous parler du discours d'un roi,
31:20 celui d'Angleterre, évidemment, devant les députés et sénateurs réunis.
31:23 - Mais d'abord, Benjamin Stora, on va plonger dans vos mémoires.
31:26 C'est un peu dans vos mémoires, ce sont vos souvenirs.
31:28 L'arrivée de Constantine à Paris, c'est chez Taillandier,
31:31 ça raconte l'exode précipité,
31:33 l'arrachement de vos parents auxquels vous rendez hommage,
31:36 l'assimilation, l'émancipation aussi
31:38 dans une société française des 30 glorieuses,
31:40 parfois hostile, mais aussi généreuse.
31:43 On voit ça dans l'invitation de Marion Becker,
31:45 on en parle ensemble juste après.
31:47 Si on vous invite, Benjamin Stora,
31:52 c'est parce que vous vous livrez pour la première fois
31:55 en racontant votre enfance.
31:57 Les mémoires d'un gamin qui quitte l'Algérie
32:00 pour découvrir un nouveau monde, la France.
32:03 Un périple de Constantine à Paris.
32:06 En retrassant ces dix années de votre jeunesse,
32:09 vous racontez aussi à quel point vos origines familiales
32:12 ont déterminé votre parcours intellectuel.
32:15 Car Benjamin Stora, vous êtes historien,
32:18 spécialiste de la guerre d'Algérie.
32:20 Vous y avez consacré de nombreux ouvrages.
32:23 En 2020, Emmanuel Macron vous confie à une mission
32:26 sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie.
32:30 Cette fois, vous racontez votre propre histoire,
32:35 celle de votre famille juive à Constantine en Algérie.
32:39 L'arrachement à votre terre natale.
32:41 Le 16 juin 1962, vous embarquez, en silence,
32:46 pour la France, avec votre famille et huit valises.
32:50 À Paris, vous découvrez la pauvreté,
32:53 l'antisémitisme dans le très chic lycée Jansons de Sailly.
32:57 Vous expliquez alors comment il vous a fallu
33:00 oublier et dissimuler votre propre histoire
33:03 pour vivre dans la société française,
33:06 pour surmonter les épreuves de l'exil.
33:09 Ce récit, c'est aussi celui de l'assimilation
33:12 et de la superposition des identités
33:14 dans l'insouciance des années 60 en banlieue.
33:17 Puis celle de l'émancipation par l'engagement politique
33:20 à partir de mai 68.
33:22 Vous êtes alors trotskiste, vous croyez en la révolution.
33:26 La déchéance sociale vécue par votre famille
33:29 n'y est sans doute pas étrangère.
33:32 Votre histoire vous rattrape.
33:34 À partir de 1974, vous commencez à travailler
33:37 sur l'histoire de l'Algérie.
33:39 Après l'oubli nécessaire,
33:41 vous devenez historien des événements.
33:44 Alors on a une question pour vous, Benjamin Stora.
33:47 L'historien que vous êtes a-t-il été construit
33:50 par votre histoire intime ?
33:52 Réponse ?
33:54 Réponse, oui et non.
33:56 L'historien que je suis, c'est d'abord du travail universitaire,
34:00 tout à fait classique, sur la base d'archives,
34:03 de témoignages, de presse, etc.
34:05 Mais on est effectivement rattrapé par son histoire intime.
34:09 C'est vrai.
34:10 Peut-être c'est un effet de vieillissement, je sais pas.
34:13 Ca a pris du temps pour vous d'écrire ce livre.
34:16 C'est un livre personnel, sans doute le plus beau.
34:19 Vous y êtes mis depuis longtemps.
34:21 Qu'est-ce qui vous a décidé ?
34:23 Depuis plusieurs années, en fait,
34:25 parce qu'il y a eu plusieurs événements.
34:28 Bien sûr, le problème de la transmission
34:31 de cette histoire à mon fils, en particulier.
34:34 Je pense que ce sont des choses importantes.
34:37 Les mutations de la société française,
34:39 le rapport à la nation, à la France,
34:41 à l'immigration, à l'exil,
34:43 qui s'est profondément modifié, c'est très important.
34:46 Il y a aussi, bien sûr,
34:48 toute la question des réflexions autour
34:51 des questions coloniales, postcoloniales.
34:54 Le président Macron m'avait confié cette mission,
34:57 en 2021, qui est très importante,
35:00 parce qu'elle touche des millions de personnes
35:03 touchées par l'Algérie.
35:05 -Ca vous fait revenir aux origines.
35:07 On va partir de cette photo.
35:09 La couverture, c'est qui, ce petit garçon de 11 ans,
35:12 au regard pétillant,
35:14 voilà, ce léger sourire,
35:16 qui grandit dans les Ores,
35:18 à Constantine, dans un quartier judéo-musulman,
35:21 où l'on entend l'arabe, la française, bien sûr,
35:24 et on lit l'hébreu.
35:26 A quoi ressemble la vie, à l'époque ?
35:28 -C'est une vie communautaire, déjà.
35:30 C'est-à-dire une vie de l'entre-soi.
35:32 Les gens de la communauté juive
35:34 vivaient entre eux, bien sûr,
35:36 la communauté musulmane, les chrétiens.
35:38 J'utilise les termes de l'époque,
35:40 qui sont toujours utilisés par les personnes
35:43 qui ont vécu cette époque, évidemment,
35:46 mais aussi une ville cosmopolite, forcément.
35:49 C'est-à-dire qu'on parlait plusieurs langues
35:51 sans même s'en apercevoir.
35:53 C'était une richesse dont on ne percevait pas, évidemment,
35:56 toute l'importance que ça aura plus tard, pour moi,
35:59 en particulier dans mes travaux d'historien.
36:01 Donc, une vie d'entre-soi,
36:03 une vie de gaieté, parce qu'il y a beaucoup de fêtes,
36:06 dans les religions, parce que c'était une ville religieuse,
36:09 Constantine, c'était pas Alger, c'était pas Oran.
36:12 Il y avait beaucoup de festivités religieuses.
36:14 -Beaucoup de cousins. -Beaucoup de cousins.
36:16 -Du côté de votre mère, Marthe,
36:18 il y a des photos où on voit les tantes et les cousins.
36:21 -On a énormément de fêtes, beaucoup de rites religieux
36:24 et rites culinaires liés aux rites religieux, bien évidemment,
36:27 puisque c'est les fêtes qui rythment, disons,
36:30 les plats qu'on va manger.
36:32 Donc, c'est cette vie-là.
36:33 Il y a l'éruption de la guerre d'Algérie, la peur.
36:36 -Vos parents, et particulièrement votre père,
36:38 y a cru à cette vie jusqu'au bout.
36:40 Quelques mois encore, alors que ça devient très compliqué,
36:43 notamment pour les Juifs, que son magasin,
36:45 c'est un magasin de semoule,
36:47 pour les Juifs, est boycotté.
36:50 Les tensions sont là.
36:52 Il continue, d'ailleurs, à employer ces deux personnes musulmanes.
36:56 Il y tient, il y croit.
36:58 -Il y croit, parce que la famille Stora
37:01 est issue d'une vieille région d'Algérie,
37:04 qui est les Ores.
37:05 Il y a une autre partie de la famille d'Alger, bien sûr.
37:08 C'est-à-dire qu'en fait, les Juifs d'Algérie
37:10 étaient là depuis des siècles et des siècles.
37:12 Comment s'arracher à une vie aussi ancienne ?
37:15 C'était un dilemme extrêmement cruel, extrêmement difficile.
37:19 Et puis, mon père aussi avait fait beaucoup d'études
37:22 en arabe littéraire.
37:23 Il avait eu un diplôme de droit musulman
37:25 de la faculté d'Alger, donc il connaissait très bien
37:28 cette société.
37:29 -C'est lui, d'ailleurs, que l'on voit ici.
37:31 -C'est lui que l'on voit absolument, tout à fait.
37:34 Et donc, pour lui, ça paraissait quelque chose d'impensable.
37:37 Pour la plupart, d'ailleurs, pour beaucoup de gens,
37:40 ça paraissait impensable de quitter l'Algérie,
37:43 parce qu'effectivement, il y avait l'Algérie française,
37:47 il y avait eu le décret Crémieux,
37:49 il y avait la citoyenneté française,
37:51 même si elle avait été arrachée, enlevée par Vichy.
37:54 Néanmoins, les Juifs d'Algérie pensaient
37:57 que cette égalité citoyenne, ils ne pouvaient pas la perdre.
38:00 -Parce qu'ils craignaient, d'ailleurs.
38:02 -Ils craignaient de la perdre. -De la perdre à nouveau.
38:05 Alors, ça sera pas le bateau, pour vous,
38:08 cette décision de départ, ce sera l'avion.
38:11 Deux valises par personne, pas plus,
38:14 il faut tout laisser derrière soi,
38:16 et vos parents, vous, votre sœur,
38:18 vous prenez d'abord un camion militaire,
38:21 et puis, jusqu'à l'aéroport, c'est le décollage,
38:24 personne ne parle, silence total,
38:26 et la nuit tombe.
38:28 C'est ça, votre dernière image.
38:30 En fait, elle n'existe pas.
38:32 -En fait, elle n'existe pas, la dernière image,
38:34 dans la mesure où on a attendu longtemps sur le tarmac,
38:37 en portant des manteaux,
38:38 comme ça, on gagnait de la place dans les valises,
38:41 et lorsque l'avion a décollé, effectivement,
38:43 la nuit est tombée brusquement,
38:45 et j'ai pas de souvenir d'une dernière image de l'Algérie,
38:49 de ce pays qui va disparaître, dans tous les sens du terme,
38:52 mais va disparaître rapidement, c'est le sens de ce livre,
38:55 c'est-à-dire le fait que, pendant tout un temps,
38:58 il y avait cet oubli, cet oubli de l'Algérie.
39:01 Alors, moi, comme enfant de 12 ans, bien sûr,
39:03 ce qui n'était pas le cas de mes parents,
39:05 qui étaient, eux, emportés par le chagrin...
39:07 -C'est ça qui est très important.
39:09 Pour vous, ce départ n'est pas si douloureux,
39:11 mais vos parents sont déjà âgés.
39:13 -Ils sont âgés, mon père à 53 ans, ma mère, 46 ans.
39:16 Ils ont fait toute leur vie en Algérie.
39:18 -C'est plus difficile pour eux. -Pour moi, non.
39:20 Il y a une excitation,
39:21 il y a la découverte d'un nouveau pays, la France,
39:24 dont on parlait beaucoup à l'école, partout,
39:26 et qu'on connaissait pas, on n'avait jamais été en France.
39:29 Donc, il y avait, effectivement, cette nouveauté sensationnelle
39:33 qui se présentait devant mes yeux,
39:35 et donc, aller vers la ville lumière,
39:37 c'était important. -Justement,
39:39 la ville lumière est sombre quand vous arrivez.
39:42 C'est rude, cette arrivée.
39:44 C'est un taudis, dans le 16e, certes,
39:46 mais mi-garage, mi-appartement...
39:48 -Mi-entrepôt. -Mi-entrepôt,
39:50 dans lequel vous arrivez. Rien n'est prévu, d'ailleurs,
39:53 pour accueillir ceux qu'on appelle les rapatriés.
39:56 -Oui, c'est-à-dire qu'en fait, on était,
39:58 mais on le disait pas comme ça, à l'époque, des réfugiés.
40:01 C'est lorsque j'ai, par exemple, quand j'ai vu les images
40:04 des Ukrainiens qui quittaient, vous savez, les villes en guerre,
40:08 je me suis souvenu aussi de ce départ avec deux valises,
40:11 sans rien, et ne sachant pas s'il y avait la possibilité du retour.
40:15 Donc, c'était l'incertitude, la précarité absolue,
40:18 et, effectivement, on a atterri dans un endroit improbable,
40:22 dans le 16e arrondissement, au coeur du 16e arrondissement,
40:25 entre la rue du Docteur Blanche et l'avenue Mozart.
40:28 C'était quand même un quartier trichy.
40:30 -Vous allez rester deux ans. -Deux ans, oui.
40:33 -Au lycée très huppé de Jansons-Sailly.
40:36 Et là, vous racontez la honte de la pauvreté.
40:39 Vous racontez même que vous faites semblant
40:42 de rentrer chez vous, alors que c'est pas chez vous,
40:45 dans de beaux immeubles parisiens,
40:47 pour que vos camarades ne se doutent de rien.
40:50 -Oui, c'est-à-dire que dans cet exil, effectivement,
40:53 la question de la honte sociale s'est imposée beaucoup plus,
40:56 dans un premier temps, que la question de la perte d'identité
41:00 ou de la nostalgie du paradis perdu, etc.
41:03 En fait, la question sociale avait tout envahi.
41:06 Mes parents et mon père, en particulier, ma mère aussi,
41:09 étaient obsédés par la question sociale,
41:11 trouver un logement. -Elle a trouvé
41:13 un travail incroyable, votre mère, à l'usine Peugeot.
41:16 -Ma mère a fini par venir ouvrir d'usine,
41:19 à l'usine Peugeot, au Quiry, à la Gareine Beson.
41:22 Et mon père, bon, grâce à son diplôme en droit,
41:25 a pu travailler dans une compagnie d'assurance.
41:28 Mais c'était une "désopération de survie sociale",
41:32 fondamentalement, plus que de souvenirs, de traumatismes,
41:36 même si dans l'espace privé familial,
41:39 en particulier avec la grande famille,
41:42 le souvenir, naturellement, lancinant, terrible,
41:45 de l'Algérie revenait. Mais la question sociale
41:48 était très importante. -La question sociale,
41:51 la question de l'antisémitisme aussi.
41:54 Même si on oublie, même si on efface,
41:57 on vous rattrape cette question-là.
41:59 Vous en faites l'expérience de façon très différente
42:02 de tout ce que vous avez pu connaître en métropole,
42:05 dans l'Eutrachie, 16e arrondissement.
42:07 -Oui, effectivement, il y a une espèce, entre guillemets,
42:10 d'antisémitisme culturel, évident, banal, etc.,
42:14 qui pousse d'ailleurs à cette sorte, entre guillemets,
42:17 de dissimulation des origines.
42:19 C'est ce qu'on va appeler l'assimilation, c'est vrai,
42:22 c'est l'assimilation, c'est-à-dire ne pas montrer
42:25 qu'on vient d'Algérie, donc il faut effacer son accent,
42:28 bien sûr, qui est un accent très reconnaissable,
42:31 mais il y a aussi, bien sûr, l'identité juive,
42:35 qui s'efface dans l'espace public,
42:38 alors qu'elle était très présente, cette identité,
42:41 lorsque j'étais enfant. Donc c'est un processus aussi
42:44 qui s'accomplit dans une modernisation très rapide
42:48 de la société française. -Oui, les trentes glorieuses,
42:51 la voiture, la machine à laver. -La machine à laver,
42:54 les avions, les aéroports, les autoroutes.
42:57 Enfin, bref, on a une France qui se modifie
43:00 à une vitesse prodigieuse. -Comment vous vivez le regard
43:03 qu'on porte sur vous ? Vous êtes perçus comme des réfugiés
43:06 dans votre pays ? -Non, on n'est pas perçus
43:08 comme des réfugiés. -Des étrangers ?
43:10 -Non plus. On n'était ni des réfugiés,
43:12 ni des étrangers, ni des immigrés.
43:14 Mais qu'est-ce qu'on était, alors ? -Alors ?
43:17 -On était des espèces de Français à part.
43:20 D'ailleurs, ma mère, quand elle parlait souvent,
43:23 elle parlait des Français, quand elle parlait des gens
43:26 qui vivaient à côté de chez nous, etc.
43:29 C'est-à-dire qu'on était à la fois français
43:31 sans être vraiment français.
43:33 On parlait français, on aimait la culture française,
43:36 bien sûr, mais en même temps, on n'était pas vus
43:39 véritablement comme des Français.
43:41 C'était toute la difficulté de cet entre-deux.
43:44 -Les années s'y retrouvaient ? -Les années s'y retrouvaient.
43:47 -Vous respirez. Le foot, les filles, les mobilettes, les copains.
43:50 -Les copains, le cyclisme, le vélo, le football,
43:53 la culture ouvrière, que je découvre, bien sûr.
43:56 Ca va de Jean Ferrat jusqu'au Tour de France.
43:59 C'est là que je rencontre le Parti communiste français aussi,
44:03 qui est très fort, très puissant, à sa retrouvée.
44:06 Donc il y a une fraternité nouvelle qui existe
44:09 à l'intérieur des cités ouvrières de cette époque,
44:12 sans distinction d'origine identitaire, ethnique ou autre.
44:15 Tous les enfants, tous les adolescents de cette époque
44:18 qui jouent au football, qui font du vélo, qui font des sorties,
44:21 ne se préoccupent pas de l'identité première.
44:25 Ca, c'est très important, ce qui va expliquer aussi
44:28 "l'oubli", c'est-à-dire qu'on a aussi une volonté
44:32 d'avancer dans une société qui se modernise très vite,
44:35 sans référence à l'identité de départ.
44:37 -Sans assignation. -Sans assignation, absolument.
44:40 -C'est l'éveil politique, vous l'avez dit,
44:42 déjà les premiers contacts avec le communisme,
44:45 et ce Benjamin Chstora dont les cheveux
44:48 commencent à pousser de plus en plus dans les années 70,
44:51 Nanterre, où vous allez découvrir l'histoire,
44:54 commencer à vous tourner vers l'Algérie.
44:57 L'histoire de l'Algérie, ça commence déjà là,
45:00 mai 68, l'extrême gauche, le lambertisme,
45:03 le trotskisme, vous avez un blase,
45:06 d'abord un blase un peu soviétique,
45:09 puis ensuite vous devenez russe, vous devenez truffaut.
45:12 C'est l'émancipation véritable.
45:15 Qu'est-ce que vous en gardez de ces années-là ?
45:18 En quoi elles vous ont encore marquées ?
45:20 -Elles participent d'un processus d'assimilation culturelle,
45:24 de rentrer aussi dans cette histoire française,
45:27 que je connaissais pas, qui va de la commune de Paris
45:30 jusqu'à la Résistance, etc.
45:32 Donc c'est une suite, fondamentalement.
45:35 D'autre part, c'est une sécurité,
45:37 parce qu'il y avait une incertitude quand même sociale,
45:41 il y a une fraternité qui se crée dans le réseau militant,
45:44 qui est très forte,
45:46 parce qu'on était un petit groupe à Nanterre,
45:49 on était très solidaires entre nous,
45:51 et il y avait beaucoup de groupes à l'époque à Nanterre,
45:54 on n'était pas les seuls, évidemment,
45:56 mais ça a créé cette sorte de convivialité,
45:59 de vivre ensemble, de chaleur humaine,
46:01 que je retrouvais, dans le fond,
46:03 que j'avais pas vraiment découvert dans les lycées
46:06 où j'avais été, et que je retrouvais là, spontanément.
46:09 -C'est l'idéal révolutionnaire.
46:11 Cette radicalité, c'était une forme de revanche sur le déclassement
46:15 des parents ? -Il y a effectivement
46:17 une radicalité qui pourrait prendre,
46:19 c'est rétrospectivement, que je l'ai analysée dans ce livre,
46:22 effectivement, par rapport au déclassement,
46:25 la chute vertigineuse sociale de mes parents,
46:28 et il y a une rage, effectivement, sociale,
46:31 qui est très forte.
46:32 Moi, j'étais fils d'ouvrier, fondamentalement,
46:35 ce qui n'était pas le cas de tous mes camarades.
46:38 -C'est sûr.
46:39 Je vous invite à lire "L'arrivée".
46:41 On parlera de la question de la mémoire.
46:43 Plus tard, vous reviendrez, parce que les tensions
46:46 sont encore très difficiles entre la France et l'Algérie.
46:49 De Constantine, à Paris, 1962-1972,
46:52 chez Taillandier.
46:53 Le plus beau livre, je trouve, de Benjamin Stora.
46:56 Vous restez avec moi, c'est l'heure des parties prises,
46:59 des affranchies, ils vont vous faire réagir.
47:02 On les accueille tout de suite.
47:04 Yael Gauze, éditorialiste à France Inter.
47:06 Bienvenue dans cette émission.
47:08 Vous aurez désormais un parti pris politique
47:10 le jeudi soir dans "Ça vous regarde".
47:12 Installez-vous.
47:13 Pierre-Henri Pavoyau, qu'on est ravis de retrouver
47:16 cette saison du Collège de philosophie.
47:18 On va commencer par Bourbon Express,
47:20 Bourbon royale, ce soir, forcément.
47:22 L'histoire du jour à l'Assemblée,
47:24 elle s'est passée du côté du Sénat,
47:26 mais les députés y étaient.
47:28 Bonsoir, Stéphanie Despierre.
47:30 Comment l'ont-ils trouvé Charles III ?
47:32 -Je vais vous le raconter, Myriam,
47:34 je vous propose de regarder ces quelques images,
47:36 parce que c'était un moment historique
47:38 pour la première fois.
47:39 Un roi anglais a fait un discours
47:41 à la tribune du Parlement français.
47:43 Sa Majesté, Charles III, a été accueilli
47:45 en grande pompe sous les ordres de la République
47:47 par Yael Brome-Pivet, présidente de l'Assemblée,
47:49 et Gérard Larcher.
47:50 Il a salué toute une délégation
47:52 de députés et de sénateurs.
47:54 Protocole oblige, c'était tenu correct, exigé,
47:56 mais rien de trop difficile et pas de révérence.
47:58 -Tous cravatés, moi j'ai bien regardé.
48:00 -Tous cravatés, mais pas de révérence.
48:02 -C'est un des sujets de sa Majesté.
48:04 Et puis, vous le voyez devant un parterre
48:06 de 300 parlementaires,
48:08 il a fait un long discours.
48:10 Chaque groupe politique était invité.
48:12 Ils étaient tous là.
48:14 Et les bancs ressemblaient un peu à un fan club.
48:16 Regardez cette photo.
48:18 Et bien voilà, finis les débats sur les portables,
48:20 les photos dans l'hémicycle.
48:22 Tout le monde voulait sa photo du roi.
48:24 -Alors, qu'est-ce qu'il a dit, le roi Charles ?
48:26 -Il a fait un discours très politique
48:28 en 18 minutes, en alternant avec une grande aisance
48:31 entre le français et l'anglais.
48:33 Charles III n'a éludé aucun des sujets du moment,
48:36 sauf peut-être le Brexit.
48:38 Il a parlé d'Ukraine en expliquant que l'alliance
48:40 entre la France et le Royaume-Uni
48:42 était plus importante que jamais,
48:44 alors que la guerre est de retour sur le sol européen.
48:47 Puis, il a parlé d'environnement.
48:49 On le sait, c'est un sujet qui lui tient à coeur.
48:52 Il a proposé une nouvelle entente climatique
48:55 aux parlementaires français, pour un monde plus durable.
48:58 Il a célébré cette amitié franco-britannique
49:02 sur un ton volontariste et optimiste.
49:05 -Notre détermination et notre alliance
49:09 sont plus importantes que jamais.
49:13 Tout simplement, le Royaume-Uni
49:16 sera toujours un des alliés les plus proches
49:20 et un des meilleurs amis de la France.
49:24 Allons de l'avant avec espoir et courage
49:29 et faisons-le ensemble.
49:32 Merci.
49:34 -Le Roi a eu droit à une longue standing ovation,
49:37 presque deux minutes d'applaudissements debout.
49:40 Une vraie lune de miel entre le Roi et la République.
49:43 Ça a même amusé Gérard Larcher, le président du Sénat,
49:46 qui était un peu jaloux.
49:48 -Ce qui nous ferait rêver, Mme la présidente et moi-même,
49:51 dans nos hémicycles respectifs.
49:53 -Nous ne désespérons pas, M. le président.
49:56 -Et les députés ? Qu'ont-ils pensé de ce discours ?
49:59 -Cousconquis tous sous le charme.
50:01 Discours très apprécié, même ceux de gauche.
50:04 -Est-ce qu'à vous, députée de gauche,
50:07 ça vous a plu, cette visite royale ?
50:09 -Effectivement, moi, députée de gauche,
50:11 j'ai aimé le discours du Roi.
50:13 Ce qui peut paraître contradictoire
50:15 pour une députée qui aime la République,
50:17 qui suit à gauche.
50:19 Mais c'était un discours à la fois
50:21 qui portait sur les enjeux d'aujourd'hui,
50:23 avec l'écologie, bien entendu.
50:25 Et puis c'était un discours qui remet le progrès
50:28 à l'ordre du jour politique.
50:30 Et c'était un discours très politique.
50:32 -Pour vous, les Insoumis, la royauté, c'est pas votre tasse de thé ?
50:35 C'était comment, ce discours, ce matin ?
50:37 -C'était un discours prononcé par un chef d'Etat ami.
50:40 C'était légitime que ça existe, qu'on soit représenté.
50:43 Un chef d'Etat s'est adressé à un peuple
50:46 par l'intermédiaire de ses représentants.
50:48 C'était un moment finalement agréable.
50:50 -Un moment finalement agréable, du boulet des lèvres,
50:53 mais c'est dit.
50:54 Sa Majesté Charles III aura donc accompli un petit miracle
50:57 à réconcilier quelques heures du rang la gauche et la monarchie.
51:00 -Merci, Stéphanie.
51:02 Comment vous regardez ces images en historien ?
51:05 Ca vous attendrit, cette espèce de grande entente cordiale
51:08 entre les députés républicains et le roi britannique ?
51:11 -Ca fait rêver, ce rassemblement unitaire
51:14 de l'ensemble du spectre politique.
51:17 C'est quelque chose de très étrange,
51:19 d'autant qu'en ce moment, on discute beaucoup de Robespierre,
51:22 de la Révolution française, de couper les têtes
51:25 dans tous les débats politiques publics,
51:27 et tout d'un coup, le roi arrive et nous voilà
51:29 dans une sorte de rassemblement national.
51:31 C'est très surprenant. -Oui.
51:33 Sincère ou pas ? -Je sais pas.
51:35 -On se pose la question. Yael, on enchaîne avec vous.
51:38 Après Charles III, le mondial de rugby,
51:41 le pape qui arrive samedi, l'inflation,
51:44 eh bien, la planification écologique,
51:46 on la croyait complètement enterrée,
51:48 pourtant, ça avance. -Ca avance, ça avance, Myriam,
51:51 même s'il a fallu être un peu patient,
51:53 parce que ce plan, on aurait dû le connaître cet été,
51:56 au mois de juillet, les émeutes, le remaniement,
51:59 tout ça a décalé l'agenda, mais on y est.
52:01 Lundi dernier, Elisabeth Borne, la Première ministre,
52:03 elle a vu les chefs de parti,
52:05 elle leur a montré les fameux graphiques,
52:07 les camemberts, les courbes, les petits histogrammes,
52:09 le Tetris coloré, qui nous dit ce qu'on doit faire
52:11 d'ici à 2030, réduire et comment
52:14 de 55 % nos émissions de CO2,
52:16 et on attend maintenant, lundi prochain,
52:18 le grand discours du président,
52:20 celui qui doit résonner avec sa promesse de campagne 2022,
52:23 vous vous souvenez, à Marseille, mon quinquennat
52:25 sera écologique ou ne le sera pas.
52:27 Deux points positifs, le premier,
52:29 c'est qu'on a un consensus politique
52:31 qui s'est dégagé sur ces chiffres
52:33 de la décarbonation, autrement dit,
52:35 plus personne ne remet en question
52:37 les objectifs, donc la science,
52:39 et ça, c'est quand même assez rare en ce moment,
52:41 dans une époque très polarisée,
52:43 et c'est un plan qui nous dépasse, nous, Français,
52:45 puisque la trajectoire, elle est européenne.
52:47 Et le deuxième point positif, quoi que rigole,
52:49 la France fait de la planification écologique,
52:52 avec une équipe dédiée, rattachée à Matignon,
52:54 qui balise la route pour guider le politique,
52:56 et ça, c'est inédit.
52:57 - Alors, il n'y a plus qu'à, maintenant.
52:58 - Et c'est là que le consensus s'arrête, Myriam,
53:00 parce que, il s'agit de savoir maintenant
53:02 comment on fait pour arriver à faire plus
53:04 en l'espace de 7 ans que ce qui a été déjà fait
53:06 en 33 ans, voilà, il faut accélérer,
53:08 c'est ça l'enjeu, mais maintenant,
53:10 il faut savoir quel moyen, quel milliard,
53:12 pour électrifier une économie à vitesse grand V,
53:14 c'est aussi l'enjeu de l'électricité,
53:16 et comment on répartit l'effort.
53:18 Et j'ai bien dit le mot "effort".
53:19 Or, Emmanuel Macron, tout son défi,
53:21 c'est d'assurer le portage politique du changement,
53:23 faire que cette transition ne soit pas vécue
53:26 comme subie, mais comme désirable.
53:28 - Et ça, ça reste difficile, pourquoi ?
53:30 - On va sans arrêt alterner entre des sentiments contraires,
53:34 soit le refus d'obstacle, c'est trop dur,
53:37 on a peur et la peur, ça paralyse,
53:39 soit, à l'inverse, la fois exagérée dans une science,
53:42 une technologie qui ne ferait qu'on n'ait pas à changer nos comportements,
53:45 c'est utopique aussi, c'est impossible,
53:47 d'un côté, une tentation du "à quoi bon ?"
53:49 pourquoi en faire autant si la France n'émet que 1 % du CO2 mondial ?
53:53 Et de l'autre côté, au contraire, la volonté de tirer les autres avec nous,
53:57 universalistes et français, de montrer l'exemple.
54:00 Le problème, là, maintenant, tout de suite,
54:02 c'est qu'on est toujours bloqué dans cet entre-deux
54:04 fin du mois, fin du monde.
54:06 Vous avez vu comment le gouvernement est à la peine sur l'inflation,
54:09 comment il cherche la formule magique impossible
54:11 pour baisser le prix des carburants.
54:13 L'urgence de court terme du pouvoir d'achat
54:15 percute le travail de ces planificateurs dont on parle.
54:18 Pour qui l'urgence ? C'est, au contraire, de se désintoxiquer
54:21 au plus vite du pétrole.
54:23 Mais sans le signal prix, comment vous faites
54:25 pour vous désintoxiquer, changer les comportements ?
54:27 Il va falloir aussi très vite, Myriam,
54:29 un plan pour surmonter toutes nos contradictions.
54:31 Capable ou pas capable, à votre avis ?
54:33 Ce sera très difficile, et surtout la question de l'électricité.
54:36 C'était Lénine qui disait
54:38 qu'on souhaitait la société pour les soviets,
54:40 plus l'électricité.
54:42 On revient à... -Il a toujours ses références.
54:44 -Ce ne sera pas la pompe,
54:46 ce sera le prix du kWh aussi.
54:48 -Oui. On va terminer avec vous,
54:50 Pierre-Henri, de l'interdiction
54:52 de la baïa à la visite du pape à Marseille demain.
54:55 On l'a vu, cette rentrée,
54:57 elle est chargée en matière de laïcité.
54:59 Vous vouliez revenir là-dessus.
55:01 -Oui, c'est chargé, et c'est aussi un moment
55:03 de confusion des esprits,
55:05 et on a vu le problème qui s'offusquait
55:07 de l'interdiction de la baïa.
55:09 C'étrangle, littéralement, de voir notre président
55:11 assister à la messe à Marseille avec le pape.
55:13 On a là une très grande confusion des esprits.
55:16 L'idée qu'il faut fonder cette laïcité,
55:18 c'est quand même de l'islamophobie un peu cachée,
55:21 et qu'il y a deux poids, deux mesures.
55:23 On interdit tout ce qui relève de l'islam
55:25 et on vénère tout ce qui relève de la chrétienté.
55:27 En effet, il y a un problème.
55:29 -En quoi ces apparences sont trompeuses ?
55:31 -Il faut rappeler une chose importante.
55:33 Le contraire de la laïcité, ce n'est pas la religion,
55:35 c'est le fondamentalisme.
55:37 Le fondamentalisme, c'est quoi ?
55:39 C'est la volonté de réjonter la totalité
55:41 de la sphère privée, de la sphère existentielle,
55:43 de la sphère des individus, sous une seule loi,
55:45 la loi de Dieu.
55:47 Je cite quand même cette petite phrase de Voltaire
55:49 dans l'article "Fanatisme"
55:51 de son dictionnaire philosophique.
55:53 "Que répondre à un homme qui vous dit
55:55 qu'il est mieux obéir à Dieu qu'aux hommes
55:57 et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel
55:59 en vous égorgeant ?"
56:01 L'assassinat de Samuel Paty a montré
56:03 que ce n'était pas là un mot d'esprit.
56:05 Contre le fondamentalisme,
56:07 nos sociétés libérales considèrent
56:09 qu'il n'y a pas que la religion dans la vie,
56:11 mais qu'il y a en vérité trois sphères
56:13 qu'il faut bien distinguer, parce qu'il y a un principe
56:15 pour chacune de ces trois sphères.
56:17 Sphère privée, c'est la liberté.
56:19 Liberté de croire, de ne pas croire,
56:21 de changer de religion.
56:23 Ni l'hérésie, ni l'apostasie, ni l'athéisme
56:25 ne sont des crimes.
56:27 Sphère publique, l'Etat ne reconnaît
56:29 ni ne subventionne aucun culte.
56:31 Et au nom du salut public,
56:33 il faut se désintéresser du salut privé.
56:35 -Et la troisième sphère ?
56:37 -La troisième qu'on oublie,
56:39 la sphère de la civilité.
56:41 C'est le principe de la discrétion,
56:43 du respect d'autrui, des égards,
56:45 ni effacement excessif, ni provocation outrancière.
56:47 C'est la condition de la...
56:49 Pas du vivre ensemble, on dit souvent le vivre ensemble,
56:51 mais de la vie commune, parce qu'on peut vivre ensemble,
56:53 côte à côte, ou face à face, la vie commune,
56:55 c'est le vouloir vivre ensemble.
56:57 -Alors, liberté, neutralité, discrétion,
56:59 si je vous suis bien, trilogie,
57:01 trinité qui clarifie suffisamment les choses.
57:03 -Oui, je crois, parce qu'en fait,
57:05 les grandes querelles de la laïcité sont toujours
57:07 sur la question des frontières
57:09 entre ces trois sphères, frontières subtiles.
57:11 Vous voyez, la question de l'abaya,
57:13 c'est de dire "c'est ma vie privée,
57:15 j'ai le droit de m'habiller comme je veux,
57:17 j'ai le droit d'être pudique, de cacher mon corps".
57:19 Oui, mais on oublie que cet abaya pudique
57:21 pour le corps est un exhibitionnisme religieux
57:23 qui vise à faire
57:25 pression sur les autres
57:27 et à entreprendre une stratégie de conquête
57:29 du monde scolaire.
57:31 Et donc, en effet, cet abaya relève
57:33 de la loi de 1904,
57:35 de 2004, pardon,
57:37 qui interdit les signes,
57:39 les manifestations ostensibles d'appartenance religieuse.
57:41 -Surtout quand elles se manifestent,
57:43 c'est ça, le mot important.
57:45 -Le président, de son côté, c'est le même principe.
57:47 Est-ce que c'est privé ou est-ce que c'est public ?
57:49 Est-ce qu'il est dévotion personnelle
57:51 ou représentation nationale ?
57:53 -En l'occurrence, oui, on peut dire
57:55 qu'il est à Marseille, il sera à Marseille
57:57 comme un président. Des présidents ont assisté
57:59 à des messes, il y a des présidents
58:01 de Gaulle, notamment. Il y a aussi
58:03 des signes, non pas de dévotion,
58:05 mais de marque de respect. Quand on entre
58:07 dans une synagogue, on prend une kippa,
58:09 comme Hollande l'avait fait en 2015,
58:11 après les attentats. Quand on entre dans une mosquée,
58:13 on enlève ses chaussures. C'est une marque de respect,
58:15 pas un signe de dévotion. Donc, ce n'est pas
58:17 des atteintes à la laïcité.
58:19 On peut objecter
58:21 politiquement que c'est pas opportun.
58:23 -On peut débattre, je crois, même demain.
58:25 -On peut débattre, mais ce n'est pas une atteinte à la laïcité.
58:27 -Merci pour ce parti pris.
58:29 D'accord avec ça ? Ça vous choque pas,
58:31 Emmanuel Macron, au Vélodrome, pour la messe, avec le pape ?
58:33 -Non, je suis d'accord avec le fait qu'il y a une loi,
58:35 c'est la loi de 2004. Donc, il faut
58:37 l'appliquer, tout simplement,
58:39 et ne pas rajouter encore
58:41 des débats sur la base d'une loi qui existe déjà.
58:43 -Et le président ?
58:45 -Le président ? -Au Vélodrome, à la grande messe.
58:47 -Pourquoi pas ? Je crois que c'est
58:49 François Mitterrand qui avait dit, avant de mourir,
58:51 "Une messe peut être dite,
58:53 si mes souvenirs sont bons."
58:55 -Absolument. Celui qui voulait croire
58:57 en les forces de l'esprit. On s'arrête là.
58:59 Merci beaucoup, Benjamin Stora,
59:01 de nous avoir accompagné une heure en direct ce soir.
59:03 L'arrivée de Constantine à Paris
59:05 est à lire aux éditions
59:07 Taillandier. Merci, il les a franchis.
59:09 À très vite, je crois même demain.
59:11 On vous retrouve pour ce débat, à l'occasion
59:13 de la visite du pape François
59:15 et de cette grande messe sur Vélodrome,
59:17 Emmanuel Macron. À très vite.
59:19 Stéphanie Despierre, c'est la fin de cette émission.
59:21 Merci de l'avoir suivie. Pour la voir ou la revoir,
59:23 la chaîne YouTube d'LCP. Très belle soirée.
59:25 À demain.
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