Antibiotiques à l'unité pour lutter contre les pénuries : «C'est la mauvaise réponse à une bonne question», estime Pierre-Olivier Variot

  • l’année dernière

Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Pour faire face aux pénuries de médicaments et notamment d'antibiotiques, le gouvernement souhaite mettre en place un système de délivrance à l'unité.

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00:00 - Europe 1, il est 6h41.
00:02 - Vous avez déjà eu du mal à vous procurer des médicaments en pharmacie.
00:05 Pour éviter les pénuries, le gouvernement veut rendre obligatoire la vente à l'unité de certains antibiotiques en rupture de stock.
00:11 - On vous en parlait avec votre invité, Alexandre Lemer, Pierre-Olivier Vario, président de l'union des syndicats de pharmaciens d'officine.
00:17 - Bonjour Pierre-Olivier Vario.
00:19 - Bonjour à vous.
00:20 - Vous avez vous-même une pharmacie aux portes de Dijon.
00:23 Vendre des antibiotiques à l'unité pour éviter les pénuries de médicaments, est-ce que c'est selon vous le bon remède ?
00:29 - Pour moi c'est la mauvaise réponse à une bonne question, comment on lutte contre la pénurie de médicaments.
00:36 - L'idée c'est d'éviter que des boîtes à moitié pleine, vous comprenez, ne traînent pas dans les placards alors qu'on en manque.
00:42 Ça répond à une logique certaine, parce qu'on en a des boîtes à moitié pleine dans les placards.
00:46 - Tout à fait, mais si vous voulez, il faut comprendre qu'en France, on a toujours fait la prescription en fonction des recommandations.
00:55 Si la recommandation c'est 6 jours, le boîtage antibiotique en question c'est 6 comprimés.
01:02 Donc si le médecin prescrit 8 jours, effectivement, il ne respecte pas les prescriptions instaurées par l'HAS ou par les autorités de santé.
01:11 - Les autorités de santé, oui.
01:13 - Les recommandations, et s'il ne respecte pas les recommandations, on est obligé de dispenser une boîte supplémentaire.
01:20 Mais nous obliger à faire du découpage de boîtes de blister pour qu'on soit contre les recommandations, c'est complètement illogique.
01:29 Il faudrait mieux que le médecin prescrive dans le cadre des recommandations,
01:32 ou nous autoriser à nous à remettre dans le cadre des recommandations la prescription.
01:36 - Alors, pratique courante dans les pays anglo-saxons, les médicaments sont vendus à l'unité dans des flacons.
01:41 Vous nous dites que, côté français, Pierre-Olivier Vario, c'est difficile techniquement à mettre en place le médicament à l'unité.
01:48 - Oui, ce n'est pas du tout le modèle qu'on a choisi.
01:50 Parce que, si vous voulez, aujourd'hui, on a une traçabilité du médicament au comprimé à la boîte, au numéro de lot.
01:57 C'est-à-dire que, quand vous venez chez moi, je vais vous dire, voilà, vous êtes monsieur, je vais prendre votre nom, votre prénom, votre adresse,
02:02 et je vais vous dispenser une boîte, et je vais marquer dans mon ordinateur que vous avez eu telle boîte avec tel numéro de lot.
02:07 Si demain, il y a un rappel de lot, parce que l'industriel a mal travaillé, qu'il y a eu un souci,
02:11 eh bien, moi, je sais aller chercher quelle boîte je vous ai dispensé, et quel est le lot.
02:16 Donc, je vais pouvoir vous le rappeler en disant, écoutez, ramenez-moi la boîte, on va vous faire l'échange.
02:20 Quand je suis au comprimé, je ne sais pas faire.
02:22 - On est perdu, effectivement. Mais, si on se place du point de vue du client, du patient, concrètement, ça se passe comment, effectivement,
02:27 quand on a un traitement au cachet multiple, aux prises multiples, un traitement au long cours, on passe sa vie à la pharmacie ?
02:33 - Non, on ne passe pas sa vie à la pharmacie. On dispense la bonne quantité, et on explique aux patients comment faire pour qu'ils soient observants de son traitement.
02:41 On a d'ailleurs des outils à notre disposition qui s'appellent les bilans partagés d'indications,
02:45 qui s'appellent les bilans de prise en charge et d'accompagnement des patients sur différentes pathologies,
02:50 et ça, on peut faire. Je voudrais revenir aux ruptures.
02:53 Aujourd'hui, les ruptures qui sont les plus importantes pour nous, ce sont les ruptures de formes pédiatriques, les flacons.
02:58 Expliquez-moi comment je vais faire pour dispenser la moitié d'un flacon, un tiers de flacon.
03:02 - Vous ne distribuez pas des cuillères, oui, des cuillerées.
03:04 - Ça va être compliqué.
03:05 - Bon, effectivement.
03:06 Pierre-Olivier Vario, pourquoi ces pénuries à répétition ?
03:09 Est-ce que c'est un problème de livraison ? Est-ce que c'est un problème de production ?
03:12 Est-ce que la demande est trop élevée ? C'est un peu tout ça à la fois ?
03:16 - Alors, il peut y avoir différentes raisons.
03:17 Effectivement, quand il y a une distorsion entre le besoin et la production, on a une pénurie.
03:22 Ça, c'est facile à comprendre.
03:23 Mais on a aussi une pénurie parce que parfois, des boîtes sont fléchées à vendu d'être vendues dans d'autres pays,
03:30 parce que les autres pays vont tout simplement payer mieux les médicaments.
03:33 Et ça, si vous voulez, c'est quelque chose qu'on ne peut pas contrôler.
03:36 - Bon, on a un problème de souveraineté dans la production de médicaments.
03:38 C'est ça la question que ça soulève.
03:40 - Bien évidemment.
03:41 Vous avez parfaitement raison, on a un problème de souveraineté.
03:43 On a voulu en France exporter la production de médicaments,
03:47 alors déjà dans les pays de l'Est, pour des raisons de coût.
03:50 Et puis après, quand les pays de l'Est ont eu un coût trop important pour les industriels,
03:54 ça a été exporté au niveau des pays plus lointains, comme la Chine ou l'Inde.
03:59 Et cette souveraineté, on l'a perdue.
04:01 Et c'est dramatique aujourd'hui.
04:02 - Les Français sont les quatrièmes plus gros consommateurs d'antibiotiques en Europe.
04:05 Alors on garde en tête cette campagne des pouvoirs publics.
04:08 Les antibiotiques, ce n'est pas automatique.
04:10 Il paraît loin aujourd'hui ce slogan.
04:12 Il faut le raviver, le remettre au goût du jour ?
04:15 - Il faut faire ça, mais il faut aussi nous donner la possibilité,
04:17 que ce soit aux médecins ou aux pharmaciens,
04:19 de pouvoir faire de la juste dispensation.
04:22 On a aujourd'hui des tests de l'orientation qui nous permettent de dire
04:25 si l'infection est caractérisée comme virale ou bactérienne.
04:29 Quand un médecin voit un patient et suspect qu'il y a une infection,
04:31 il n'a pas le temps de le revoir une seconde fois.
04:33 Donc il va prescrire des antibiotiques pour se couvrir.
04:36 Et il a raison de le faire, parce qu'il n'a pas le choix.
04:38 De dire, si ça dure, vous prendrez des antibiotiques.
04:42 Les patients, si ça dure, ils l'oublient, ils prennent l'antibiotique tout de suite.
04:45 - Le gouvernement évoque aussi la possibilité pour vous, les pharmaciens,
04:50 de délivrer des antibiotiques sans ordonnance,
04:52 à condition que le patient, le client, fasse au préalable un test.
04:56 Vous y êtes favorable ?
04:57 - Bien évidemment.
04:59 C'est un protocole qui a été mis en place par l'HAS et un test.
05:04 Il faut les deux choses.
05:05 Et effectivement, quand on a objectivé l'infection,
05:08 dans certains cas comme l'angine ou la cystite,
05:11 l'antibiotique est de fait, si vous voulez, et on n'a pas le choix.
05:15 Enfin, c'est pas qu'on n'a pas le choix,
05:16 mais l'antibiotique, on sait lequel on va dispenser.
05:20 Donc pour éviter et alléger le parcours de prise en charge du patient,
05:23 éviter qu'un patient, parce qu'il n'y a plus de médecin traitant,
05:26 le samedi après-midi, se retrouve aux urgences pour une cystite,
05:28 qu'on puisse le prendre en charge et on puisse faciliter son parcours.
05:32 C'est d'une telle évidence que c'est important que je ferai maintenant.
05:37 - Le gouvernement veut augmenter le prix de vente de l'amoxycyline en particulier,
05:40 qui est l'antibiotique le plus prescrit en France,
05:42 l'augmenter de 10%.
05:44 On ne paye pas assez cher les médicaments en France aujourd'hui, Pierre-Olivier Vario ?
05:49 - Eh bien je pense qu'on est au bout d'un système
05:51 où en France, on a voulu financer l'innovation thérapeutique,
05:54 les médicaments très chers,
05:56 en baissant les médicaments d'immatures, les plus anciens.
05:58 Je pense qu'on est au bout de ce système.
06:00 Il va falloir qu'on retrouve un autre système de financement de l'innovation thérapeutique,
06:04 parce qu'on va se priver et des vieux médicaments,
06:07 et des médicaments récents, qui peuvent être des médicaments importants
06:10 dans certaines prises en charge, comme le cancer en particulier.
06:13 - La vente de médicaments à l'unité, solution envisagée par le gouvernement
06:17 pour faire face à la pénurie de médicaments, vous n'y êtes pas du tout favorable,
06:20 vous nous l'avez dit, Pierre-Olivier Vario, ce matin sur Europe 1,
06:23 le président de l'union des syndicats de pharmaciens d'officine.
06:26 Merci à vous.
06:27 - Europe 1.

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