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L'historien, Pierre Vermeren, réagit sur le thème du déclin démographique: «Il y a vraiment un problème français particulier dans le domaine de l'immigration».

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00:00 première, tout simple, dans un texte assez récent. Vous revenez sur tous les débats
00:04 sur l'immigration, le basculement démographique français et à la différence de plusieurs,
00:09 vous affirmez que l'immigration n'est pas de la réponse automatique et inévitable
00:14 à la crise démographique française telle qu'on se la représente généralement dans
00:18 le débat public. C'est une réponse qui tranche, comme je le dis, avec le consensus
00:22 médiatique pour l'essentiel. Qu'est-ce qui vous a mené à vous opposer à cette
00:26 thèse?
00:27 Il y a la question démographique d'une part et la question économique de l'autre.
00:31 La question démographique, c'est assez complexe et ce n'est pas ma spécialité,
00:37 mais moi ce qui m'intéresse c'est plus la question de l'emploi. Je crois qu'il
00:40 y a vraiment un problème français particulier dans le domaine de l'immigration parce que
00:44 souvent on se compare à l'Allemagne et on dit « regardez les Allemands, ils sont
00:48 comme nous à peu près, ils ont une vingtaine de millions d'immigrés sur trois générations
00:52 et c'est une économie qui fonctionne très bien. »
00:54 Et donc nous d'après l'INSEE, sur trois générations, il y a à peu près 19 millions
00:59 sur trois générations aussi d'immigrés aujourd'hui. Le problème c'est qu'on
01:03 a une économie qui fonctionne mal au sens où dans une république sociale qui porte
01:11 beaucoup la question de l'égalité sur ces fonds baptismaux d'ailleurs, il y a
01:17 un problème d'emploi. Alors on nous dit oui le chômage est faible, mais ce qu'il
01:22 faut c'est regarder le taux d'emploi et le nombre de personnes qui travaillent. Le
01:26 nombre de personnes qui travaillent en France est infiniment plus faible que celui que l'on
01:31 trouve en Allemagne. La différence des gens employés réellement, c'est-à-dire qui
01:36 vont le lundi matin au travail et qui sont payés pour cela dans le système tout à
01:43 fait officiel, et bien en France on est autour de 23, 22, 23, 24 millions d'emplois occupés
01:51 réellement. Après on dit il y a 29 millions d'actifs, mais dans les millions d'actifs
01:56 il y a les chômeurs, il y a les stagiaires, il y a tout un tas de gens qui ne sont pas
01:58 en réalité devant l'emploi. Selon les mêmes critères en Allemagne il y a 20 millions
02:02 d'emplois en plus. Alors bien sûr l'Allemagne est un grand pays, mais disons que si on rapporte
02:08 notre population qui est un peu plus jeune aussi que celle de l'Allemagne et qui est
02:13 moins nombreuse, il nous manque 10 millions d'emplois. Alors 10 millions d'emplois,
02:18 tout à l'heure je voyais la Une du Monde qui disait il y a un déni en France eu égard
02:23 à la question des emplois sous tension. Mais en fait on occulte le véritable déni,
02:28 ce déni en cache un autre, c'est-à-dire le déni du fait que depuis 40 ans et de manière
02:33 croissante on a une partie très importante de la population qui n'est pas employée,
02:38 qui n'est pas en emploi, qui n'a pas d'activité et qui vit non pas encochée de la société
02:42 parce que tout est organisé pour que cette population bien sûr ait des revenus de substitution,
02:47 mais c'est une population que l'on peut qualifier d'assistée sous tout un tas de
02:52 formes.
02:53 Les revenus de substitution, vous voulez dire une forme d'économie parallèle ?
02:54 Pas du tout, alors ça ça existe mais c'est une autre affaire. Non, non, une économie
02:59 de substitution avec des revenus de substitution qui sont versés par l'État ou par l'économie
03:05 sociale parce que ce qui compte aujourd'hui pour nos employeurs c'est d'avoir des consommateurs.
03:13 On a spécialisé notre pays sur la consommation, d'ailleurs souvent c'est le critère principal
03:19 que l'on observe quand on regarde notre économie. On dit les Allemands, leur production, leurs
03:24 exportations. Nous on pourrait dire notre consommation, nos déficits. Et c'est là
03:28 qu'il y a un problème, c'est-à-dire que faire venir des travailleurs en grand nombre
03:32 en réalité c'est pas ce qui nous intéresse. Marginalement oui, mais on fait venir des
03:37 consommateurs et c'est là qu'il y a un malentendu parce que dans l'imaginaire,
03:41 l'immigration est liée au travail, elle est liée aussi à l'asile, etc. C'est
03:45 une autre question, mais elle est liée au travail. Et en réalité, non seulement on
03:51 n'a pas de travail, il y a vraiment une carence très importante et cette carence
03:54 on va la retrouver dans ce qu'on appelle la France périphérique. C'est pour ça
03:57 que vous citiez mes livres, mais moi ça a attiré... la question des gilets jaunes
04:03 il y a maintenant 5 ans ou 6 ans a été un événement majeur dans notre existence parce
04:07 qu'on pressentait qu'il y avait un énorme malaise. Le malaise depuis c'est probablement
04:11 aggravé, mais ça renvoie au fait qu'il nous manque 5, 6, 7 millions d'emplois de
04:18 production par rapport à l'après-guerre qui est beaucoup plus. Et donc ajouter à
04:23 cette population sans emploi très nombreuse, si on considère comme moi que le travail
04:28 c'est ce qui construit l'existence et le sens de la vie, entre autres, mais vraiment
04:32 c'est très puissant, rajouter des non-travailleurs à une masse de non-travailleurs, c'est ce
04:38 qui nous différencie de l'Allemagne et c'est ce qui fait qu'il y a vraiment un
04:41 problème et que si on considère que l'immigration va résoudre la question de l'emploi en France,
04:46 on passe à côté de la réalité.
04:48 [Musique]
04:52 [SILENCE]

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