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Disney+, Netflix, Prime vidéo, deux tiers des français sont abonnés aujourd’hui à au moins une plateforme de streaming et beaucoup d’entre nous les cumulent. Il faut dire que jusque là leurs prix étaient attractifs. Mais ces dernières semaines, la plupart ont annoncé une forte augmentation de leurs tarifs et des changements dans leurs offres. Alors pourquoi ces hausses de prix et est ce que ça va se poursuivre ?

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Transcription
00:00 Avec Thomas Hill. Et Thomas, c'est l'heure de la question média du jour.
00:03 Disney+, Netflix, Prime Vidéo, deux tiers des Français sont abonnés aujourd'hui à au moins une plateforme de streaming.
00:09 Et beaucoup d'entre nous les cumulent, les accumulent même.
00:12 Il faut dire que jusque là, leur prix était assez attractif.
00:16 Mais ces dernières semaines, la plupart ont annoncé une forte augmentation de leurs tarifs et des changements dans leurs offres.
00:22 Alors pourquoi ces hausses de prix ? Est-ce que ça va se poursuivre ?
00:25 On en parle ce matin avec Guillaume Boutin.
00:27 Bonjour. Vous êtes cofondateur du site SensCritique qui s'intéresse notamment à toutes les séries de ces plateformes.
00:33 Et Gilles Peset est avec nous également.
00:35 Bonjour.
00:35 Expert en économie des médias audiovisuels chez NPA Conseil.
00:39 Alors, si on prend l'exemple du numéro un en France, qui est actuellement Netflix,
00:44 un abonnement standard coûtait 8,99 euros en 2014.
00:48 Aujourd'hui, la même formule est à 13,99 euros.
00:52 Le bond est quand même énorme en quelques années.
00:54 Qu'est-ce qui explique et qu'est-ce qui justifie une telle hausse, Gilles Peset ?
00:58 Alors, qu'est-ce qui le justifie ça ? Je ne sais pas.
01:00 Mais ce qu'il explique, en tout cas, c'est que le Netflix de 2023 n'a plus rien à voir avec le Netflix de 2014,
01:06 quand il est arrivé en France.
01:08 Entre-temps, on a une petite décennie qui s'est écoulée.
01:11 Netflix a investi des dizaines de milliards de dollars dans des contenus, des contenus premium.
01:16 Quand Netflix s'est lancé en France, vous aviez une série française originale, Marseille.
01:21 Aujourd'hui, vous en avez plusieurs dizaines.
01:23 Entre-temps, Netflix s'est lancé dans la production de longs métrages.
01:26 Entre-temps, Netflix a amélioré ses technologies,
01:30 a placé des serveurs cache un peu partout dans le monde pour améliorer la qualité du streaming.
01:37 Il a investi dans des infrastructures de studio à Madrid, à Londres, en Corée du Sud.
01:42 Donc, il y a eu des investissements massifs.
01:44 C'est la vie d'une entreprise qui s'est développée.
01:47 Et c'est le cas pour toutes ces plateformes qui ont dû investir lourdement.
01:49 Les autres plateformes se sont lancées beaucoup plus récemment.
01:51 Netflix a une antériorité que n'ont pas Disney+, Max et, dans une moindre mesure, Prime Vidéo.
01:57 Donc, je dirais qu'il faut distinguer vraiment deux choses.
02:00 Il y a les augmentations de Netflix qui sont intervenues en deux, trois vagues successives
02:06 au cours des dix dernières années et qui reflètent le développement de l'entreprise.
02:09 Tout simplement, une entreprise qui a dû extrêmement investir,
02:13 se financer par de la dette qu'il faut rembourser.
02:16 Et donc, c'est le schéma classique d'une entreprise qui s'est développée.
02:20 Et puis après, il y a du plus conjoncturel où là, c'est les nouvelles hausses d'abonnement
02:27 des concurrents qui sont intervenues sur les six derniers mois.
02:30 - C'est ça. Est-ce qu'on peut dire, en fait, Guillaume Boutin,
02:32 que jusque-là, on ne payait pas le vrai prix ?
02:34 - Oui et non, en fait. Parce qu'il faut voir que dans cette décennie,
02:38 il y a eu un total changement du marché.
02:40 Au début, Netflix était tout seul sur son marché.
02:42 Donc, acheter des programmes, ça coûtait beaucoup moins cher.
02:44 C'était le seul guichet.
02:45 Et surtout, il pouvait acheter des programmes auprès des studios, etc.
02:49 Et quand les concurrences sont arrivées, forcément, phénomène de concurrence.
02:52 Déjà, ils n'avaient plus accès à tous les programmes
02:54 puisque maintenant, quasiment tous les studios ont leurs propres plateformes.
02:57 Donc, ils ne les vendent pas toujours à Netflix.
02:59 Donc, Netflix a dû investir eux-mêmes dans des programmes
03:01 parce qu'ils n'avaient pas de catalogue en propre.
03:03 Donc, ils ont dû énormément investir.
03:05 Et l'arrivée, en plus de cette concurrence, a fait que tout a augmenté, en fait, globalement.
03:09 Et pour aujourd'hui, avoir une belle offre de programmes,
03:11 ça coûte aujourd'hui beaucoup plus cher qu'il y a dix ans, quand ils étaient tout seuls.
03:14 - Et nous, c'est vrai qu'on a l'impression, en tant que consommateurs,
03:17 qu'il fallait faire des prix très attractifs, au départ,
03:20 pour engranger un maximum d'abonnés.
03:22 Et puis, pour nous donner cette accoutumance, aussi, à ce nouvel usage que sont ces plateformes.
03:27 - Tout à fait.
03:28 Là, l'exemple le plus frappant, c'est sans doute celui de Disney+,
03:31 qui s'est lancé avec un prix dérisoire sur le marché
03:33 par rapport à la qualité du contenu qu'il y avait sur la plateforme.
03:36 6,99 €, c'était vraiment très, très, très, très peu cher.
03:41 Et là, c'est exactement le schéma que vous décrivez,
03:43 c'est-à-dire que l'enjeu était d'engranger le plus rapidement possible
03:46 un volume d'abonnés suffisant pour se lancer dans la guerre du streaming.
03:51 Et aujourd'hui, ils sont déjà à 8,99 €,
03:54 et ça va continuer à monter avec la prochaine offre avec publicité
03:58 qui sera lancée sur l'Europe en 2024.
04:01 - Et ça a fonctionné, cette stratégie, puisque les Français se sont abonnés en masse,
04:05 et souvent à plusieurs plateformes.
04:07 On est en moyenne abonné à 2,2 plateformes de streaming,
04:09 et c'est même 4,2 si on ne s'intéresse qu'aux jeunes entre 18 et 34 ans.
04:13 Donc ça va être compliqué de revenir en arrière.
04:16 Alors comment les plateformes comptent faire passer la pilule
04:18 de l'augmentation des prix de l'abonnement ?
04:20 On en parle dans un instant, à toute part.
04:22 - Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 avec la suite de la question Média du jour.
04:25 Thomas Hille, vous recevez Guillaume Boutin, cofondateur de SensCritique,
04:28 et Gilles Peset, expert en économie des médias audiovisuels chez NPA Conseil.
04:32 Et on se demande aujourd'hui comment les plateformes vont nous faire passer
04:36 la pilule de toutes ces augmentations de prix.
04:38 - Oui, et notre journaliste Alexandre Omar est allé sonder des passants
04:41 pour savoir s'ils étaient prêts à payer plus cher pour toutes ces plateformes.
04:44 Écoutez leur réponse.
04:46 - Payer plus pour un service que j'utilise moins depuis le Covid,
04:49 non je ne serais pas prête à payer plus franchement.
04:51 - Non, je ne conserve pas mon abonnement si les prix augmentent de manière considérable.
04:57 - C'est vrai que je trouve que la qualité de ce qu'on voit en ce moment est en baisse,
05:02 et si les prix augmentent, je trouve que ça ne vaut pas forcément la peine.
05:05 - Je ne prendrai pas d'abonnement parce que je trouve ça excessif.
05:08 - C'est déjà assez cher, après peut-être que j'aurais plus tendance à partager les abonnements
05:12 avec des amis pour pouvoir continuer à avoir accès aux séries,
05:14 mais tout en payant un peu moins cher.
05:16 Et puis c'est quand même un peu une perte de temps de regarder plein de séries, etc.
05:20 - Il faut voir de combien ça augmente, mais je ne me vois pas aujourd'hui me passer de Netflix.
05:24 Donc même si ça augmente de quelques euros, je pense que je ferai le sacrifice.
05:28 - Alors ils sont partagés évidemment dans la rue, mais est-ce que finalement ces hausses de tarifs
05:34 ont fait perdre des abonnements à Netflix, Amazon, etc.?
05:38 - Eh bien non, pas pour l'instant.
05:40 - Non ? - Pas pour l'instant.
05:42 Netflix a gagné 6 millions d'abonnés au deuxième trimestre 2023.
05:46 Disney+ est un cas particulier, puisque Disney+ a perdu à peu près 12,5 millions d'abonnés,
05:52 mais ce sont exclusivement des abonnés indiens en fait.
05:54 - Pourquoi ?
05:56 - Parce que Disney+ a un produit en Inde qui s'appelle Disney+ Hotstar,
06:01 et il a perdu les droits du cricket, qui est le sport national.
06:07 Donc il y a eu une vague de désabonnements massifs,
06:09 et en fait si on creuse les chiffres zone géographique par zone géographique,
06:13 Disney+ est à l'étale aux Etats-Unis, il a perdu 300 000 abonnés,
06:17 donc il est quasiment flat, mais il continue à en engranger à l'international hors Inde.
06:21 - Donc même quand Netflix oblige les utilisateurs de plus de 100 pays,
06:25 ils l'ont fait en mai, à payer pour ajouter des profils à leurs comptes au lieu de les partager,
06:29 on se disait un peu tous, on se partageait les codes de ces plateformes, on l'avoue,
06:33 on se disait que beaucoup de gens allaient résilier leur abonnement à Netflix,
06:36 mais il s'est passé l'inverse en fait, ils ont engrangé des abonnés.
06:40 - Alors dans les comptes de Netflix, l'option supplémentaire que vous payez pour inviter quelqu'un
06:46 n'est pas comptée dans les abonnés supplémentaires.
06:48 C'est une ligne à part, ils s'en servent uniquement pour calculer le revenu moyen par utilisateur,
06:53 mais tout ça pour dire que sur ce que disent les dirigeants de Netflix,
06:57 c'est que quand ils ont mis en place le partage des comptes,
07:01 il y a un premier mouvement qui est celui d'une certaine forme de colère et de désabonnement,
07:08 mais qui se transforme très très vite en fait à de la prise d'abonnement.
07:11 - Oui c'est ça, parce qu'on s'est habitués malgré tout, encore une fois.
07:14 Il y a plusieurs plateformes qui ont trouvé une parade aussi à l'augmentation des coûts pour eux,
07:19 parce qu'il faut dire aussi qu'il y a une inflation des coûts pour eux,
07:21 ça coûte de plus en plus cher de produire toutes ces docs, toutes ces séries.
07:24 C'est de proposer des abonnements moins chers mais avec des pubs,
07:28 est-ce que ça permet d'arriver à un équilibre économique ?
07:31 - Oui en tout cas, Netflix pour l'instant reste une société rentable,
07:34 donc ça a dû marcher.
07:36 Et après c'est pareil, ils ont ouvert un nouveau marché en fait,
07:38 puisque la différence entre un 6,99 ou un 14,99,
07:41 on ne s'adresse pas à la même type de population.
07:44 - Ce n'est pas la même cible.
07:45 - Ce n'est pas la même cible exactement.
07:46 Et donc là, ils se sont allés chercher une population qui n'avait pas forcément les moyens de mettre 14,99
07:51 ou qui utilisait les comptes partagés.
07:53 Et donc ça leur permet d'adresser tout simplement un nouveau segment
07:56 qui n'avait pas ces moyens.
07:58 Et c'est marrant d'ailleurs, parce que comme souvent,
08:00 c'est quand même Netflix qui donne la tendance sur ce marché.
08:03 C'est les premiers à être passés sur la pub.
08:05 Disney va y passer là dans très peu de temps.
08:08 - Il est déjà aux États-Unis.
08:09 - Déjà aux États-Unis.
08:10 Et voilà, une fois de plus, c'est toujours Netflix qui fait la tendance de ce marché de toute façon.
08:14 - Vous pensez que ça va marcher ces formules avec pub, Gilles Peset ?
08:18 C'est une bonne solution ?
08:19 - Alors l'objectif de Netflix à terme,
08:22 et il avoue lui-même que c'est du long terme,
08:24 c'est 10% de ses revenus.
08:26 - Ah oui ?
08:27 - 10% de ses revenus.
08:28 On en est très très très très loin.
08:30 C'est vraiment naissant aujourd'hui.
08:32 Ils le reconnaissent eux-mêmes.
08:33 Ils sont en train d'apprendre, tout simplement.
08:35 De tâtonner, d'essayer de convaincre les annonceurs
08:38 ce qui n'était pas gagné, ce qui n'est toujours pas gagné.
08:41 Donc est-ce que ça marchera ?
08:44 Je pense que ça marchera, oui.
08:45 Est-ce qu'ils atteindront les 10% ?
08:47 Ça je ne sais pas, et surtout je ne sais pas à quelle échéance.
08:49 Mais peut-être juste une précision quand on parle des prix de Netflix.
08:53 Là on a tendance vraiment à ce qui est logique,
08:55 à se focaliser sur notre marché.
08:57 Mais Netflix a une politique tarifaire
08:59 qui est très variable selon les zones géographiques.
09:01 C'est-à-dire qu'il ne va pas du tout facturer le même prix en Inde qu'aux Etats-Unis.
09:06 Et même si on resserre la focale en Europe,
09:08 depuis son lancement, il a toujours pratiqué des prix plus élevés
09:11 en Scandinavie qu'en Europe du Sud, Italie, Espagne,
09:13 pour s'adapter au pouvoir d'achat.
09:15 - S'adapter au pouvoir d'achat, oui.
09:16 C'est comme pour le Big Mac de Jean-Magnol.
09:17 - Donc il y a une politique tarifaire de Netflix
09:20 qui est très finement pilotée,
09:22 ce que ne font pas forcément ses concurrents.
09:24 - Anissa, on a reçu une question sur Twitter.
09:26 - Oui, une question de Xavier avec le hashtag #Europe1.
09:29 Quand vous parlez de pub sur les plateformes,
09:31 est-ce que cela veut dire que les films seront coupés
09:34 par la pub comme à la télévision ?
09:36 - Oui, je crois que c'est toutes les 30 minutes,
09:39 si je ne dis pas de bêtises.
09:41 Mais oui, tout à fait.
09:43 - Comme à la télé.
09:44 - Exactement.
09:45 Et une fois de plus, c'est une autre manière de financer.
09:48 La pub vient financer ce que les utilisateurs
09:50 ne mettent pas dans leur abonnement.
09:52 - Autre petite parade pour essayer de garder les utilisateurs,
09:55 c'est de diffuser les épisodes au compte-gouttes chaque semaine.
09:58 C'est pour forcer les abonnés à rester.
10:00 - Quel enfer !
10:02 - C'est parce qu'ils ont une politique,
10:05 toutes ces plateformes de désabonnement,
10:07 qui est extrêmement facile,
10:08 que faisaient les utilisateurs.
10:09 Leur série préférée arrivait,
10:11 ils s'abonnaient pendant une semaine,
10:13 pendant un mois, le temps de voir leur série, la binger,
10:16 et après ils se désabonnaient,
10:17 repassaient sur une autre plateforme.
10:18 Revenir, parce qu'au départ c'était ça,
10:20 les séries c'était épisode par épisode.
10:22 Il y a ça, et puis un autre phénomène surtout,
10:24 c'est que ça leur permet de garder du bruit,
10:26 du bruit média et social,
10:27 pendant peut-être deux mois.
10:29 Alors que s'ils balancent une série en binge,
10:31 on en parle pendant deux semaines,
10:33 et après on n'en parle plus.
10:34 Et donc là, ça leur garantit
10:36 une puissance sur les réseaux sociaux,
10:38 des commentaires à chaque épisode, etc.
10:39 - Pour eux c'est bien,
10:40 mais pour le spectateur c'est quand même hyper frustrant,
10:42 surtout quand c'est une fois par semaine,
10:44 c'est compliqué de suivre une série.
10:45 - C'était quand même un des gros avantages de ces plateformes aussi.
10:47 - Vous attendez un mois et vous regardez tout d'un coup.
10:49 - Oui, mais en attendant, oui, c'est le but.
10:51 - Ah voilà, il faut brusher les oreilles.
10:53 - Ah oui, les spoils sur Internet.
10:54 - Est-ce que vous pensez que les abonnements vont encore augmenter,
10:56 d'année en année ?
10:57 On est parti pour quelque chose de crescendo comme ça ?
10:59 - Alors Netflix, je pense qu'il a atteint
11:04 une certaine forme de plafond, tout de même.
11:07 Après, Disney+, on en a parlé,
11:10 augmentera prochainement.
11:12 Paramount+ a clairement dit
11:15 qu'il prévoyait une prochaine vague d'augmentation,
11:17 alors il ne sait pas trop si c'est 2024, 2025,
11:19 il va voir,
11:20 mais le PDG est très clair, Bob Bakish,
11:23 il dit "écoutez, on a augmenté cette année,
11:26 c'est passé comme crème,
11:28 pas de désabonnement, on en a même gagné,
11:30 donc pour l'instant c'est nous qui fixons les prix
11:32 et tant que ça passe, j'augmente".
11:34 - On y va, très bien.
11:35 Merci beaucoup tous les deux d'être venus ce matin,
11:37 Guillaume Boutin, confédérateur de SensCritique
11:40 et Gilles Pezet, expert en économie des médias audiovisuels
11:42 chez NPA Conseil.
11:43 Merci beaucoup.
11:44 - Merci à vous.
11:45 Et Culture Média, ça continue après les infos de Deezer Thomas.

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