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00:00 plus loin tout de suite avec notre invitée du jour c'est vous le divine Jilly, bonjour.
00:02 - Bonjour. - Merci d'avoir accepté l'invitation, vous êtes directrice de l'Observatoire Amérique
00:06 du Nord à la Fondation Jean Jaurès, auteur par ailleurs d'un livre "La Révolution conservatrice
00:10 aux Etats-Unis aux éditions de l'Aube". On a commencé avec ce reportage au Texas avec
00:18 le cas de cette femme, Lorraine, qui tombe enceinte de jumeaux et il y a l'un des fœtus
00:22 qui n'est pas viable qui la met en danger elle et l'autre enfant, ça on aurait tendance
00:27 à dire, à croire que c'est un cas qui met d'accord absolument tout le monde, ce n'est
00:31 pas le cas. - Non, ce n'est pas le cas, c'est un sujet
00:35 extrême mais certaines personnes aux Etats-Unis, en particulier les évangéliques protestants,
00:42 en font une question de principe et donc quelle que soit la situation, rien ne peut justifier
00:48 à leurs yeux. - Y compris avec la preuve de la vie en danger
00:52 d'une femme, d'un autre enfant. - Tout à fait. Sachant que tous les états
00:57 dans lesquels, et il y en a un certain nombre dans lesquels l'avortement est quasiment interdit
01:02 sauf dans ce cas précis, en fait l'exception est tellement floue, elle est décrite de
01:07 manière tellement floue que les médecins ont peur de la mettre en œuvre et dans les
01:12 faits cette exception n'existe pas. - Ça donne lieu à des interprétations personnelles,
01:16 on le comprend bien et on le voit d'ailleurs dans ce reportage. On est près d'un an et
01:18 demi après cette interdiction dans ces 14 états. C'est quoi le bilan ou le début
01:23 de bilan, j'ose même pas le dire, qui est fait ?
01:25 - Alors on peut faire un bilan à plusieurs échelles. Le premier bilan c'est que l'accès
01:31 à l'avortement a été fortement réduit aux Etats-Unis. Si on veut nuancer ce bilan,
01:39 on peut dire que parallèlement à des restrictions qui ont été adoptées dans toute une série
01:45 d'états, d'autres états ont pris des mesures pour protéger ce droit. Mais la réalité
01:52 immédiate c'est une baisse drastique de l'accès à l'avortement pour des millions de femmes
01:58 aux Etats-Unis. - Avec des conséquences immédiates, je parlais
02:02 tout à l'heure de ces femmes qui voyagent, l'amplification des déplacements en tout
02:06 cas pour celles qui en ont les moyens, c'est évidemment loin d'être le cas pour tout
02:08 le monde. J'ai trouvé quelques chiffres tout à l'heure, alors je crois qu'il y a des
02:12 états qui sont limitrophes des autres états où l'interdiction a été adoptée. Le cas
02:17 du Nouveau-Mexique notamment, qui a enregistré une hausse de 220% des avortements comparé
02:22 à 2020. L'explosion est nette et franche. - Oui, tout à fait. J'ai d'autres chiffres
02:27 aussi. Dans l'Illinois, c'est +70%. Dans le Colorado, c'est +89%. Dans l'Etat de Washington,
02:33 c'est +36%. On a eu dans le reportage l'Etat de New York, vous mentionnez le Nouveau-Mexique.
02:38 Le nombre d'états dans lesquels la procédure est pratiquée, dans des délais qui permettent
02:45 de la mettre en oeuvre, c'est-à-dire au-delà de six semaines, ce nombre d'états a réduit.
02:53 Et donc, ce sont ces états-là qui se retrouvent submergés par les demandes, vous l'avez
03:00 signalé, de personnes qui ont les moyens de se déplacer. Parce que le principal problème,
03:05 c'est que la restriction de l'accès à l'avortement touche principalement les personnes qui n'ont
03:11 pas les moyens de se déplacer pour aller dans les états où la procédure est pratiquée.
03:15 - Il y a ce mouvement, cette résistance qui s'organise, qui était aussi couverte dans
03:20 ce reportage, avec des associations qui témoignent un visage découvert, parce que dans des états
03:24 où ils se sentent protégés. Est-ce qu'on a une idée de l'ampleur de ce mouvement,
03:29 de cette organisation ? - Non. Non, non, non. Ça n'est jamais
03:33 évident de mettre des chiffres sur ce type d'organisation, puisque par définition, c'est
03:40 partiellement souterrain. Mais ce qu'on sait, c'est que des mesures sont prises par des
03:47 réseaux féministes en particulier, dans l'ensemble des états dans lesquels les procédures
03:52 ne sont plus disponibles. - On parlait de politique. Tout à l'heure,
03:55 il y a eu ce second débat côté républicain. Les conservateurs qui regardaient la télévision
04:01 hier soir, Donald Trump sur le terrain, Joe Biden lui aussi, sur les piquets de grève
04:05 auprès des grévistes du secteur de l'automobile. On n'a aucun doute sur le fait que l'avortement
04:11 aura toute sa place dans la prochaine campagne. - Tout à fait. Quand on pose la question
04:17 aux électeurs du sujet qui va le plus déterminer leur vote, ce n'est pas la question de l'avortement
04:24 qui arrive en tête. C'est d'abord l'économie, c'est l'inflation, c'est aussi l'immigration.
04:28 Mais ce qu'on constate tout de même, depuis le début de l'année, par exemple, 2023,
04:33 il y a eu 30 élections spéciales qui ont eu lieu sur ces 30 élections-là. Dans 24
04:39 d'entre elles, les démocrates ont eu des résultats bien meilleurs, très largement
04:45 meilleurs parfois, que ceux auxquels on s'attendait. Bien que la cote de popularité du président
04:52 Biden ne soit pas au beau fixe, et bien que de nombreuses critiques frappent les démocrates.
04:58 Et donc la question de l'avortement et du recul de l'accès à l'avortement est le principal
05:05 facteur qui permettrait d'expliquer cette résistance, voire cette très bonne performance
05:10 des démocrates dans toutes ces élections-là. - C'est un sujet, donc, si je vous souviens,
05:14 sur lequel il a tout intérêt à surfer, Joe Biden. - Tout à fait. Les démocrates ont
05:18 tout à fait intérêt à s'en saisir. Certains s'en sont saisis pour essayer de rétablir
05:25 le droit d'accès à l'avortement dans certains États où il a été abrogé en signant des
05:31 pétitions pour faire inscrire au moment des élections une disposition qui inscrive le
05:41 droit à l'avortement dans les constitutions. Et le fait d'avoir une question posée directement
05:46 sur le droit à l'avortement au moment des élections permettrait potentiellement aux
05:51 démocrates de mobiliser un électorat qui, sinon, pourrait rester chez lui.
05:55 - Elizabeth Martichoux, merci. Merci beaucoup, Ludivine Gilly, d'avoir été avec nous en cette journée. C'est l'un de nos fils rouges, aujourd'hui, Jourdain International pour le droit à l'avortement. On aura l'occasion d'y revenir dans la suite de ce pari direct avec un reportage tourné. Vous le verrez en Tunisie, cette fois.