Le 6 juin 1944 débute l'invasion alliée de l'Europe. Les armées américaine, britannique et canadienne constituent la force d'invasion la plus puissante jamais rassemblée dans l'histoire. Le projet est d'établir une tête de pont en Normandie et de prendre d'assaut les plages sur un front de plus de 80 kilomètres, permettant ainsi aux troupes aéroportées de sécuriser l'intérieur des terres. Face à eux, des Allemands déterminés et protégés par des bunkers, des barrages et des champs de mine.
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00:00 1944, la seconde guerre mondiale déchire la planète.
00:07 Les bombes volaient de tous côtés.
00:11 Les alliés se livrent à une guerre sans merci pour libérer l'Europe, occupée par les nazis.
00:17 C'est une guerre au cours de laquelle les deux camps vont jouer une véritable partie d'échec.
00:22 Depuis les plages de Normandie...
00:24 L'eau de la mer était couleur rouge sang.
00:27 Aux forêts allemandes...
00:30 Des milliers de cadavres gisaient devant moi.
00:33 Chaque camp déploiera des armements de plus en plus puissants et sophistiqués.
00:39 Ces tanks donneront un avantage de taille aux américains. C'est une arme très efficace.
00:45 Voici l'histoire de l'ultime campagne des alliés, comptée par les hommes qui l'ont directement vécue.
00:52 On tirait, et ensuite on manœuvrait.
00:58 Il était comme un frère pour moi.
01:01 En septembre 1944, alors que les troupes américaines atteignent la frontière allemande,
01:14 elles tombent sur un impressionnant dispositif défensif,
01:17 s'étirant des Pays-Bas au nord jusqu'en Suisse au sud.
01:22 Les alliés l'ont baptisé la ligne Siegfried.
01:26 On s'est dit qu'on allait bâtir une ligne de défense à cet endroit,
01:32 parce que les américains étaient aux portes de notre pays.
01:36 Ce sera la bataille continue la plus longue menée par les américains pendant la seconde guerre mondiale,
01:42 causant des dommages physiques et psychologiques dévastateurs sur leurs troupes.
01:47 Voici l'histoire de la bataille pour la ligne Siegfried.
01:52 A l'automne 1944, l'Allemagne d'Hitler est directement attaquée sur deux fronts.
02:04 A l'est, l'armée rouge de Staline a avancé jusqu'en Pologne et en Roumanie.
02:12 A l'ouest, les forces britanniques et américaines approchent de la frontière allemande
02:17 et se préparent à attaquer sur un large front pour pénétrer les terres allemandes.
02:22 Sur la route des alliés se trouve la ligne Siegfried, le Westwall pour les Allemands,
02:32 une ceinture fortifiée qui s'étend sur près de 650 km,
02:36 depuis les Pays-Bas jusqu'à la frontière suisse.
02:40 Le Westwall, ou la ligne Siegfried pour les Alliés,
02:44 était une structure défensive allemande érigée pendant l'entre-deux-guerres,
02:48 en particulier pendant les années 30, à la frontière franco-allemande
02:52 afin de protéger le territoire allemand contre les Français.
02:56 Ce n'est qu'en 1944 que les Allemands réalisent, ou se souviennent,
03:03 qu'ils possèdent cette structure défensive.
03:07 Le problème c'est que ces défenses étaient inadaptées et n'avaient pas été entretenues.
03:12 Le Westwall offrait donc un léger rempart aux Allemands,
03:16 mais n'était pas la ligne défensive et menaçante que les Alliés imaginaient.
03:21 À l'instar du mur de l'Atlantique, certaines zones étaient plus ou moins solides,
03:28 mais elles avaient le mérite d'offrir aux Allemands des fortifications
03:31 sur lesquelles ils pouvaient se reposer pendant l'hiver 1944-45.
03:37 À l'approche des Alliés, les Allemands s'empressent de renforcer les défenses de la ligne Siegfried.
03:43 Ils tiennent l'opportunité de dresser un formidable rempart,
03:51 une zone fortifiée composée de bunkers en béton et de casemates,
03:55 de champs de mines, de barbelés et d'obstacles en béton appelés « dents de dragon »,
04:00 infranchissables avec un char.
04:04 Je me souviens bien de la ligne Siegfried.
04:08 Quand on est arrivé, il y avait déjà un tas de bunkers en béton qui attendaient une offensive.
04:16 Ils étaient reliés par des passages souterrains.
04:20 À partir de ces points défensifs, ils nous mitraillaient avec leur artillerie.
04:25 Les Alliés doivent franchir cette ligne défensive pour atteindre le bassin industriel allemand,
04:32 la Ruhr.
04:34 Mais à la surprise générale, le 11 septembre 1944,
04:42 lorsqu'une patrouille américaine atteint une section de la ligne Siegfried,
04:46 près de la frontière entre l'Allemagne et le Luxembourg,
04:49 elle est inoccupée.
04:51 Quelques heures plus tard, elle devient la première patrouille américaine à pénétrer en Allemagne,
04:57 sans tirer le moindre coup de feu.
05:01 Le commandant du 7e corps y voit une opportunité.
05:05 Il élabore un plan pour pénétrer la ligne Siegfried,
05:09 avant que les Allemands ne puissent la renforcer.
05:12 Ce commandant s'appelle Joseph Collins, alias « La Foudre ».
05:17 Joseph Lawton Collins est un des rares généraux à avoir participé au combat en Europe et dans le Pacifique.
05:27 Il a commandé une division d'infanterie pendant la bataille de Guadalcanal,
05:31 dans les îles Salomon, en 1943.
05:34 Surnommé « La Foudre Tropicale », sa division lui vaut le nom de « Joe et la Foudre ».
05:39 À la veille du débarquement en Normandie, le général Eisenhower a confié à Collins,
05:44 alors âgé de 47 ans, le commandement du 7e corps d'armée,
05:48 faisant de lui le plus jeune commandant de l'armée des États-Unis.
05:54 Il était à la fois très offensif et très intelligent,
05:57 largement influencé par George Patton.
06:00 Il faisait partie d'une nouvelle génération de généraux américains,
06:05 beaucoup moins méthodiques et précautionneux, apparus à cette période de la guerre.
06:10 Le 7e corps d'armée de Collins fait partie des trois corps
06:16 formant la première armée des États-Unis de Courtney Hodge.
06:20 Le 7e corps possède deux divisions d'infanterie chevronnées,
06:24 la première et la neuvième, qui ont combattu en Afrique du Nord, en Sicile et en Normandie.
06:29 La 3e division blindée, quant à elle, est sur le front depuis le mois de juin,
06:34 avec à sa tête le belliqueux général Maurice Rose.
06:38 Collins se tourne vers la 3e division blindée du général Rose
06:42 pour mener l'attaque à travers la ligne Siegfried.
06:45 La division sera scindée en deux combat command à Idbé.
06:49 Le système des combats de command américains est apparu entre les années 30 et les années 40,
06:55 en partie pour répondre aux nouveaux besoins de l'industrialisation de la guerre.
07:00 Les Américains se sont rendus compte que des divisions entières
07:07 n'étaient pas systématiquement nécessaires pour mener leurs actions
07:11 et qu'elles n'étaient pas toujours totalement opérationnelles.
07:15 Ils ont donc eu l'idée des combats de command,
07:18 en piochant dans les divisions blindées l'infanterie, l'artillerie et le génie
07:23 pour former une large force de combat et ainsi répondre au mieux à toutes sortes de situations.
07:31 La première percée américaine de la ligne Siegfried a eu lieu juste au sud d'Aix-la-Chapelle.
07:38 Les combats de command de la 3e division blindée s'apprêtent désormais à attaquer par le nord-est,
07:44 près de la ville allemande de Rüttgen.
07:47 Après avoir pénétré la ligne, les chars progressent vers Stolberg
07:52 pendant que la 1ère division d'infanterie vire à gauche pour s'emparer des hauteurs à l'est d'Aix-la-Chapelle
07:58 et que la 9e d'infanterie pénètre la forêt de Hürtgen pour sécuriser le flanc droit du 7e corps d'armée.
08:04 Le 12 septembre, les combats de command A et B commencent à avancer sur la ligne Siegfried.
08:12 Avec des chars de combat à l'appui, l'infanterie progresse à travers les bunkers et les casemates
08:17 tandis que le génie civil élimine les obstacles
08:20 permettant aux américains de se frayer un passage à travers la zone fortifiée.
08:24 En 4 jours de combat, la 3e division blindée parcourt une moyenne de 3 km par jour,
08:35 avançant méthodiquement à travers la ceinture défensive.
08:39 Mais alors que les troupes américaines approchent de Stolberg,
08:42 elles tombent sur une 2e chaîne défensive de la ligne Siegfried
08:46 et essuient une série de contre-attaques allemandes.
08:49 La Luftwaffe allemande fait même une apparition.
08:56 C'est là que je me suis fait bombarder.
09:00 Des bombes de 100 à 200 kg, du pareil au même à ce niveau-là.
09:05 Qui sont tombées juste devant l'immeuble, à 5 ou 10 mètres à peine du bâtiment.
09:11 J'avais descendu à peu près la moitié des escaliers quand les bombes sont tombées
09:20 et la force de la déflagration m'a balancé au pied des marches.
09:24 J'ai tapé contre un mur et j'ai fait quelques tonneaux tellement c'était fort.
09:31 J'ai rampé à 4 pattes au ras du sol.
09:35 Et là, une femme allemande qui habitait l'immeuble,
09:40 après les bombes quand l'avion était parti bien sûr,
09:45 m'a regardé et s'est mise à rire en me montrant du doigt.
09:49 Elle trouvait ça drôle que j'aie descendu les escaliers à 4 pattes comme ça,
09:57 enroulés-boulés.
10:01 Le général Joe Lafoudre Collins voit une opportunité en or pour ses troupes
10:07 de traverser la ligne Siegfried, pendant que ses défenses ne sont qu'à moitié occupées.
10:12 Mais au lieu de ça, on informe que le ravitaillement dont ces hommes ont grand besoin
10:17 pour poursuivre leur offensive a été acheminé ailleurs.
10:23 Après 4 jours de combat, le général Collins est contraint de suspendre son attaque sur la ligne Siegfried.
10:31 En effet, les alliés souffrent d'une grave pénurie de matériel,
10:37 que même leur ingénieuse improvisation logistique ne parvient à résoudre.
10:41 Face au manque de chemin de fer, à la fin du mois d'août,
10:47 les américains mettent en place ce qu'on appelle le Red Bull Express.
10:51 Les routes françaises sont utilisées comme des voies ferrées.
10:54 Ils les rendent à sens unique et établissent un circuit pour les camions
10:58 qui défilent au rythme soutenu d'un toutes les 15 à 30 secondes.
11:02 Au bout de la route, ils déposent leur chargement, puis reviennent aussi vite que possible.
11:07 Ils font cela jusqu'en octobre.
11:11 Au bout d'un moment, les alliés ne peuvent plus approvisionner leurs hommes
11:16 avec tout le carburant, le matériel et les munitions dont ils ont besoin
11:21 pour maintenir la ligne de front à un rythme aussi soutenu.
11:25 Les alliés ne sont capables d'approvisionner qu'une seule offensive majeure à la fois.
11:30 Et la priorité revient désormais au Field Marshal britannique Bernard Montgomery
11:34 et son opération Market Garden.
11:37 L'objectif est de contourner la ligne Siegfried par le nord,
11:42 en passant par les Pays-Bas, par-dessus le Rhin, pour pénétrer en Allemagne en frappant un grand coup.
11:48 Le plan repose sur l'attaque par les airs de différents points clés le long de la rivière,
11:54 mais Montgomery a bon espoir qu'en cas de succès, la guerre sera gagnée d'ici la fin de l'année.
12:00 En contrepartie, le 7e corps d'armée de Joe Lafaudre et d'autres unités dans la région
12:05 sont privés du carburant et des munitions dont ils ont besoin pour mener leur attaque.
12:12 Les alliés offrent alors aux forces allemandes exténuées un répit inespéré
12:17 qu'un de leurs nouveaux commandants ne tarde pas à utiliser pour réorganiser les défenses allemandes.
12:23 Ce nouveau commandant est le General Feldmarshal Walter Model,
12:30 celui qu'on surnomme le "Pompier du Führer".
12:33 Considéré comme le meilleur général défensif allemand,
12:36 il est aussi connu pour sa loyauté envers Adolf Hitler et son pragmatisme froid envers ses troupes.
12:42 Il a fait énormément en très peu de temps pour réorganiser les unités et préparer la défense.
12:53 Son expérience lui a beaucoup servi,
12:55 parce qu'il avait mené de nombreuses batailles défensives sur le front de l'Est.
12:59 C'est sans doute parce qu'il était à la fois chevronné et très engagé
13:05 qu'il se montrait si dur et inflexible avec ses propres troupes.
13:08 Il voulait des résultats et il était aussi très dur avec lui-même,
13:12 ce qui lui valait l'admiration et le respect de tous.
13:15 Le groupe d'armée B de Model a pour mission de défendre la frontière allemande avec la Belgique et le Luxembourg.
13:26 La zone autour d'Aix-la-Chapelle est tenue par le 81e corps de la 7e armée du général Brandenberger.
13:34 Plusieurs de ses unités ont été complètement détruites pendant les combats en France
13:39 et demeurent en sous-effectif.
13:41 Avec deux tanks par division, le corps compte à peine une vingtaine de chars.
13:47 Mais en septembre, les renforts arrivent enfin avec de nouveaux chars
13:51 et de nouvelles divisions de Volksgrenadiers.
13:57 À l'automne 1944, les Allemands créent un nouveau type de force, les divisions de Volksgrenadiers.
14:05 Le problème c'est que les Allemands rencontrent une importante pénurie d'effectifs en 1944.
14:12 Les divisions de Volksgrenadiers comptent donc moins de bataillons d'infanterie et moins d'hommes.
14:18 Pour compenser, ils essaient d'augmenter leur équipement avec des armes d'infanterie en particulier.
14:25 Parallèlement à cela, ils prennent des officiers et des sous-officiers expérimentés
14:30 autour desquels ils forment un corps d'effectifs,
14:33 composé par exemple d'hommes du Reich qui n'ont pas encore été enrôlés
14:37 ou de soldats de l'armée de l'air et de la marine qui ne sont plus utilisés.
14:42 Ça c'est pour la théorie, la réalité est tout autre.
14:48 Sur le papier, ces formations ont l'air redoutables,
14:51 mais dans les faits elles ne sont pas aussi impressionnantes, fortes et efficaces
14:55 que les unités standards qu'on trouve habituellement dans l'armée.
14:59 On nous a jetés ensemble.
15:03 On avait tous des uniformes différents.
15:06 Certains portaient des tenues de l'armée de l'air et d'autres de la marine.
15:11 Alors que les forces américaines interrompent leur attaque sur la ligne Siegfried,
15:18 les officiels nazis commencent à évacuer les civils de la ville d'Aix-la-Chapelle,
15:23 menacés par l'avancée des alliés.
15:26 En Allemagne, Aix-la-Chapelle n'a qu'un faible intérêt militaire,
15:30 mais une grande importance symbolique.
15:33 Les racines historiques allemandes d'Aix-la-Chapelle
15:38 remontent à des centaines, voire des milliers d'années.
15:42 Charlemagne en avait fait sa capitale,
15:45 pendant l'Empire carolingien,
15:48 et les Allemands considéraient cette ville
15:51 comme un véritable trésor national et historique.
15:55 Et comme Aix-la-Chapelle a été la première ville allemande attaquée par les alliés,
16:02 l'Allemagne tout entière s'est sentie menacée.
16:06 Gerhard von Schwerin, commandant de la 116e Panzer Division,
16:14 rédige alors un télégramme soumettant la ville aux Américains.
16:18 Il ne l'enverra jamais parce que des renforts allemands
16:23 arrivent rapidement dans la région
16:25 et mènent une contre-attaque qui stabilise le front pendant un moment.
16:28 Les combats sont assez violents dans cette zone.
16:31 On sait que ce télégramme n'est jamais arrivé à destination,
16:35 mais il a fini par remonter jusque dans les mains d'Hitler,
16:38 qui a alors voulu faire arrêter Schwerin,
16:41 sans doute pour l'exécuter.
16:44 Heureusement pour lui, il a échappé de justesse à ce triste sort.
16:48 Pendant ce temps, au nord, au terme d'une semaine de combats intenses,
16:53 l'opération Market Garden de Montgomery se solde par un échec.
16:57 Les troupes britanniques ne parviennent pas à rejoindre
17:00 les unités aéroportées qui tiennent le pont d'Arnhem.
17:03 Le 7e corps de Joe Lafoudre peut désormais obtenir le ravitaillement
17:07 dont il a besoin pour reprendre l'attaque de la ligne Siegfried
17:11 autour d'Aix-la-Chapelle.
17:13 Il est rejoint par le 19e corps d'armée des États-Unis.
17:16 L'avancée en septembre du 7e corps de Collins leur a permis
17:22 de prendre le corridor de Stolberg, au sud-est d'Aix-la-Chapelle.
17:26 Au nord de la ville, le 19e corps lance une attaque à travers la rivière Wurm,
17:31 près du Bac, pour rejoindre au sud la 1ère division d'infanterie américaine,
17:36 à l'est d'Aix-la-Chapelle, et isoler la ville.
17:40 L'offensive du 19e corps est précédée par de lourdes attaques aériennes,
17:48 mais les chasseurs-bombardiers n'atteignent pas la moindre casemate.
17:52 Les obus chargés d'explosifs de l'artillerie ne sont pas assez puissants
17:58 pour briser les bunkers en béton.
18:01 L'assaut doit donc être mené par l'infanterie.
18:05 Les ingénieurs militaires américains ont préparé les unités d'infanterie
18:09 à ce type d'opération.
18:11 On envoyait un peloton d'infanterie chercher un mouton
18:16 et le mettre dans une casemate.
18:19 Après, ils devaient sortir et simuler un assaut par la porte de derrière
18:24 avec des lances-flammes, et puis avec des bazookas,
18:28 avant d'y mettre une charge d'explosifs de 3 à 9 kilos.
18:31 Dès que la charge explosait, l'infanterie se précipitait à l'intérieur
18:35 et avait pour ordre de ramener le mouton.
18:37 Quand ils sortaient l'animal, il saignait des oreilles et des yeux
18:41 à cause de la déflagration.
18:43 Ça a dissuadé les hommes de l'infanterie de redescendre dans une casemate.
18:48 Grâce à des tactiques comme celle-ci, la 30e division d'infanterie
18:53 prend 50 casemates dès le premier jour.
18:56 Mais les combats sont longs et difficiles.
18:59 Et au bout de 3 jours, le 19e corps compte 1800 morts ou blessés.
19:03 Le 8 octobre, la 1re division d'infanterie du 7e corps rejoint l'attaque
19:12 et s'empare de Crucifix Hill, à l'est d'Aix-la-Chapelle.
19:16 Mais alors que l'étau se resserre autour de la ville,
19:20 les Allemands ne montrent toujours aucun signe de reddition.
19:23 Aix-la-Chapelle était la 1re ville allemande attaquée,
19:27 avec des Allemands à l'intérieur, bien sûr.
19:29 C'était la 1re fois que les troupes allemandes défendaient non seulement leur pays,
19:34 mais aussi leurs propres civils.
19:36 C'est ce qui a motivé les soldats allemands à résister avec force pendant aussi longtemps.
19:41 Le 11 octobre, les forces américaines encerclent la ville.
19:47 Le commandant de la 1re division d'infanterie menace de détruire la ville si elle ne se rend pas.
19:54 Son ultimatum est rejeté.
19:57 Les avions et l'artillerie américaines commencent donc à pulvériser les positions allemandes
20:02 à l'intérieur et autour d'Aix-la-Chapelle.
20:05 La plupart des civils sont évacués, mais 20 000 habitants demeurent dans la ville,
20:10 prises au piège d'âpres combats.
20:13 L'infanterie américaine développe de nouvelles tactiques pour progresser dans la ville.
20:20 Ils font usage de leurs puissantes forces de frappe pour démolir des maisons entières si besoin,
20:25 et anéantir les points de résistance.
20:28 Les derniers défenseurs allemands pris au piège,
20:32 5 000 hommes issus de différentes unités, se battent avec acharnement.
20:36 Mais sans aide de l'extérieur, ils n'ont aucune chance.
20:40 Alors à l'est d'Aix-la-Chapelle, les forces allemandes lancent une contre-attaque
20:45 pour tenter de reprendre la ville aux Américains.
20:49 Un régiment de la 1ère Infanterie des États-Unis se retrouve face au tout dernier char lourd allemand,
20:54 plus puissant encore que le légendaire Tiger.
20:57 Malgré l'impressionnante nature du Tiger I,
21:01 l'armée allemande cesse sa fabrication en été 1944
21:05 pour produire un monstre encore plus imposant, le King Tiger, ou Royal Tiger, Tiger II.
21:12 Hitler les fait construire parce qu'il veut intégrer le nouveau canon de 88 mm,
21:17 encore plus long et plus puissant, sur le châssis d'un tank.
21:21 Hitler tient à ce que chaque année, l'armée allemande ait des véhicules supérieurs,
21:27 quel que soit l'équipement de l'ennemi.
21:30 Quand Frank Cahm arrive sur le front,
21:33 ses camarades ont déjà vu débarquer les redoutables Tiger.
21:36 Les ingénieurs là-haut m'ont raconté qu'un Tiger pouvait rouler sur nos propres tanks et sur nos mines.
21:45 Ils descendaient la rue et s'arrêtaient devant chaque immeuble pour tirer dans le sous-sol
21:50 avant de reprendre leur course,
21:52 et de faire demi-tour au bout de l'allée
21:55 pour faire la même chose aux immeubles du trottoir d'en face.
21:59 Ils étaient trop puissants pour qu'on les arrête.
22:04 Ils faisaient vraiment peur.
22:06 Les Allemands n'ont qu'une poignée de ces chars surpuissants,
22:10 pas assez pour renverser le cours de la bataille.
22:14 Onze jours après l'ultimatum américain,
22:17 alors que la ville est en ruine,
22:19 les derniers défenseurs d'Aix-la-Chapelle rendent les armes.
22:22 Jamais les alliés ne se seront battus aussi longtemps pour une ville de tout le conflit.
22:27 Les deux camps comptent environ 5000 morts ou blessés,
22:33 et 3500 soldats allemands sont faits prisonniers.
22:37 Mais la bataille pour la ligne Siegfried n'est pas terminée,
22:40 et la phase suivante se déroule dans un environnement plus difficile encore.
22:44 À 16 km au sud-ouest d'Aix-la-Chapelle,
22:49 la ligne Siegfried traverse les pins et les vallées escarpées de la forêt de Hürtgen.
22:54 Attaquer la ligne à cet endroit se soldera par l'affrontement le plus difficile
22:58 et meurtrier de tout le front ouest.
23:01 Alors que la première infanterie du 7e corps se bat à Aix-la-Chapelle,
23:09 la 9e plonge dans la forêt de Hürtgen,
23:12 une zone d'environ 80 km² au sud de la ville.
23:16 Aux commandes du corps, le Major-Général Jolafudre Collins craint que la forêt reste aux mains des Allemands.
23:23 Dans ce cas, l'ennemi serait idéalement placé pour menacer son flanc ouest,
23:28 lorsque ses hommes avanceront vers l'est depuis Aix-la-Chapelle.
23:32 La décision des Américains de progresser à travers ce terrain quasi infranchissable
23:37 laisse les Allemands perplexes.
23:40 Dans le camp allemand, on se demandait pourquoi les Américains essayaient d'avancer dans la forêt de Hürtgen.
23:47 Ils nous dominaient en nombre de chars. Ils en avaient 20 fois plus que nous, au bas mot.
23:53 Depuis Aix-la-Chapelle, avec leurs tanks, ils auraient pu traverser la plaine du Rhin en quelques jours à peine.
23:59 Mais non, ils étaient déterminés à traverser cette forêt infranchissable.
24:05 Dans l'épaisse forêt de pin se cachent des casemates en béton,
24:09 des champs de mines, des tranchées et des bunkers en bois.
24:14 Les rares chemins assez larges pour le passage d'un char sont jonchés de mines.
24:19 Sur 5 kilomètres, une unité américaine relève une mine anti-tank allemande tous les 8 pas.
24:33 Grâce à de telles défenses, la 9e Infanterie met 10 jours à avancer de 2500 mètres à peine,
24:38 au prix de 4500 morts ou blessés.
24:42 S'en suivent des semaines de combats acharnés,
24:51 alors que de plus en plus d'unités sont envoyées sur la zone pour tenter de percer la forêt.
25:00 A la fin du mois d'octobre, à bout de souffle,
25:02 la 9e Division est relevée par de nouvelles troupes de la 28e Infanterie de Pennsylvanie,
25:07 envoyées pour préparer une nouvelle phase dans la bataille pour la ligne Siegfried.
25:12 La 28e Division est arrivée en France quelques semaines après le débarquement.
25:20 Ces trois régiments d'infanterie ont mené de rudes combats en Normandie
25:23 avant de descendre les Champs-Elysées, lors de la parade pour célébrer la libération de Paris.
25:30 Mais la division est loin d'imaginer ce qui l'attend dans la forêt de Hürtgen.
25:35 La 28e Division joue un rôle clé dans l'avancée des alliés vers leur prochain objectif,
25:43 la rivière Rour.
25:46 Elle lance une offensive préliminaire à travers la forêt de Hürtgen
25:51 pour s'emparer de la ville charnière de Schmitt et sécuriser le flanc de l'avancée principale.
25:58 S'ensuit l'attaque principale baptisée Opération Queen,
26:02 pendant laquelle le 7e Corps et le 19e Corps avancent vers l'Est,
26:06 en direction de leur objectif, la ville de Düren, sur la Rour.
26:11 Mais l'avancée des Américains dans la forêt de Hürtgen contrarie une offensive secrète allemande,
26:20 prévue pour l'hiver dans la forêt des Ardennes.
26:24 Sans le savoir, lorsqu'ils avancent sur Schmitt,
26:27 les Américains menacent stratégiquement les Allemands.
26:31 S'ils s'étaient emparés de Schmitt,
26:33 ils auraient mis en péril la zone de préparation allemande pour la contre-attaque des Ardennes.
26:38 Les Allemands se sont rendus compte qu'ils devaient défendre à la fois la forêt de Hürtgen
26:42 et la ville de Schmitt des attaques américaines
26:45 sous peine de compromettre leur contre-offensive, voire de la rendre impossible.
26:52 La 28e Division américaine rencontre une résistance inattendue,
26:56 alors que son commandant doute déjà du bien fondé de cette mission.
27:00 La division est menée par le général Norman "Dutch" Cotta,
27:06 un militaire de carrière diplômé de West Point,
27:08 élevé au rang de légende lors de la deuxième vague du débarquement sur Omaha Beach,
27:13 pour avoir personnellement mené une charge à travers les barbelés ennemis.
27:19 Aureolais de la Distinguished Service Cross, pour son rôle ce jour-là,
27:23 on lui confie deux mois plus tard le commandement de la 28e Division d'infanterie
27:27 pour remplacer le commandant précédent, tué par un sniper allemand.
27:31 Pour Cotta, la division manque d'expérience et de force pour booter les Allemands hors de la forêt.
27:38 Mais ces protestations ne sont pas entendues,
27:43 et le 2 novembre, la 28e Division commence son attaque.
27:48 Nombre de G.I. avancent dans la forêt la peur au ventre.
27:52 On ne savait ni où on était, ni dans quoi on s'était fourrés.
27:59 On se demandait tous la même chose.
28:02 Qui allait se faire tuer en premier ?
28:05 Qui aurait la chance d'être blessé et rapatrié à la maison ?
28:10 Est-ce qu'on va se faire arracher un bras ?
28:16 On part au combat, et l'ennemi tire à balles réelles.
28:19 L'un des régiments pénètre d'emblée dans un vaste champ de mines surprise.
28:25 Un autre est pris sous le feu de casemates allemandes parfaitement camouflés dans la forêt.
28:31 Il est contraint à l'arrêt.
28:34 Les Américains nous attaquaient, mais ils ne nous voyaient pas.
28:38 On était parfaitement camouflés, et on tirait sur l'infanterie de la 28e Division.
28:45 On tirait sur l'infanterie dans le noir ou dans le brouillard, alors qu'ils attendaient d'en détrancher.
28:49 C'était l'enfer pour eux.
28:52 Le 3 novembre, l'infanterie américaine s'empare de la ville de Schmitt.
28:58 Model, craignant que cette avancée ne compromette l'offensive allemande prévue cet hiver dans les Ardennes,
29:05 ordonne immédiatement de puissantes contre-attaques.
29:10 Le lendemain à l'aube, l'infanterie allemande lance l'attaque soutenue par les chars de la 116e Panzer Division.
29:16 L'unique bataillon américain qui contrôle Schmitt n'a ni chars ni canons anti-chars pour faire face aux Panzer, juste des bazookas.
29:27 La 28e Division risque clairement de perdre toute son avancée si des chars ne viennent pas immédiatement en renfort.
29:37 Mais jusqu'ici, aucun de leurs chars de 35 tonnes n'a pu pénétrer la forêt.
29:41 Les ingénieurs de l'armée doivent trouver en quelques heures comment aménager un chemin dégagé jusqu'à Schmitt,
29:51 avec des outils à main et un seul bulldozer.
29:54 Trois Sherman parviennent enfin à remonter la piste, juste à temps pour la contre-attaque des Panzer allemands.
30:06 Le principal régiment américain essuie alors les tirs fournis de deux divisions allemandes.
30:10 Les allemands reprennent Schmitt, tandis que les américains sont contraints de battre en retraite dans la ville voisine de Kommerscheidt.
30:21 La forêt est si dense qu'une ligne de front est impossible à maintenir.
30:27 Les attaques de toutes parts menées par de petits escadrons d'infanterie menacent en permanence.
30:34 Le général Cotta, malgré son courage légendaire, peine à unifier ses troupes.
30:38 Certaines des contre-attaques qu'il ordonne sont vouées à l'échec et ses lieutenants refusent de lui obéir.
30:44 Nos officiers supérieurs nous laissaient tomber.
30:49 Ils étaient dépassés.
30:52 Ils envoyaient une compagnie aux casse-pipes, puis une autre pour mener la même attaque qui venait d'échouer.
31:02 Ils n'apprenaient pas de leurs erreurs.
31:04 Ces erreurs tactiques font des milliers de victimes.
31:09 Un tiers sont classés hors combat.
31:12 Blessures aux pieds, enjelures, dysenterie.
31:15 Les combats ont d'autres conséquences.
31:20 Les batailles prolongées provoquent des troubles psychologiques.
31:28 26% des troupes américaines ayant servi dans des unités de combat entre juin et novembre 1944 se font soigner pour fatigue de combat.
31:37 De plus en plus d'hommes souffraient de la fatigue due au combat.
31:45 Et plutôt que de les punir, on les retirait de la ligne de front, on les soignait,
31:50 certains étaient définitivement renvoyés chez eux et on leur donnait généralement le temps de se remettre.
31:57 L'armée les a plutôt bien pris en charge sur le long terme,
32:00 parce qu'elle savait que tous les soldats passeraient par là un jour ou l'autre.
32:05 Les soldats qui étaient épargnés comprenaient parfaitement les conséquences de la fatigue due au combat
32:14 et n'étaient donc pas méprisants ou dédaigneux envers les hommes qui en souffraient.
32:19 En fait, ils devaient se dire que ça pouvait leur arriver,
32:24 alors ils avaient tendance à soutenir ceux qui craquaient au combat et à se serrer les coudes.
32:29 Dans les cas extrêmes, la crainte d'aller sur la ligne de front est telle que certains soldats manquent à la pelle.
32:38 La désertion est devenue un grave problème.
32:42 Le seul américain à se faire fusiller pour désertion pendant la guerre sera le soldat Eddie Slovik,
32:49 à cause de cette campagne.
32:53 La décision d'exécuter Eddie Slovik est approuvée par Eisenhower,
32:57 le commandant suprême des forces alliées, très inquiet de la baisse de morale de ses troupes au cours de cet hiver.
33:03 Slovik faisait partie de la 28e division au destin tragique,
33:08 qui continue de se battre à travers la forêt de Hürtgen.
33:12 Le général Jola Fudre Collins veut envoyer le 7e corps renforcer la division lors d'une attaque majeure,
33:21 l'opération Queen, prévue le 5 novembre.
33:23 Mais le mauvais temps repousse chaque jour les bombardements aériens censés les précéder.
33:29 La 28e division se retrouve seule dans la forêt, sous la contre-attaque des allemands.
33:36 C'est alors qu'au milieu des combats pour une ligne de ravitaillement, baptisée la Kall-Trail,
33:45 se produit un rare moment de courage et de grâce.
33:48 On est allé voir les américains avec un drapeau blanc de l'autre côté.
33:57 Ils se trouvaient sur la berge opposée de la rivière Kall.
34:02 Trois fois par jour pendant cinq jours, les deux camps cessent de s'affronter et s'unissent pour évacuer les soldats blessés.
34:15 Le Dr. Günther Stuttgen était médecin au sein de la 89e division d'infanterie allemande.
34:20 Dans mon bunker, j'avais souvent des ambulanciers américains qui m'aidaient à m'occuper des soldats de leur camp qu'on m'apportait.
34:30 Je le leur disais toujours clairement, ils n'étaient pas prisonniers.
34:39 Ils étaient libres de partir.
34:42 Ils pouvaient retourner.
34:44 Il trouve même un moyen de partager l'eau de la rivière sans avoir peur de se faire attaquer.
34:50 Je suis allé voir les officiers ennemis pour leur proposer que les allemands se lavent entre 8h et 9h, et eux entre 9h et 10h.
35:08 On a fini par trouver un accord, et on s'y est tenu.
35:13 En y repensant aujourd'hui, je crois que c'était comme un jeu au milieu de la guerre.
35:26 Mais la trêve est de courte durée.
35:33 Le 16 novembre, alors que le mauvais temps s'installe, le général Hodge ordonne le lancement de l'opération Queen, avec ou sans bombardier.
35:43 Miraculeusement, après 13 jours de pluie ininterrompue, le temps se lève au dernier moment.
35:50 Plus de 1500 bombardiers lourds larguent leurs explosifs sur les défenses de la ligne Siegfried, le long de la vallée de la rivière Rour.
36:01 L'attaque a été dévastatrice.
36:04 Les villes touchées par les bombes ont été quasiment rayées de la carte, les lignes de communication interrompues, et le moral des troupes allemandes, en particulier celui des jeunes recrues, est descendu au plus bas.
36:16 Mais dans la zone de combat elle-même, où il y avait davantage de soldats allemands chevronnés, les effets ont été moins forts.
36:27 Avec davantage de soldats allemands chevronnés, les effets ont été moindres pour diverses raisons.
36:31 Pour commencer, dans cette zone les tirs étaient moins précis. Les allemands aguerris en ont donc moins souffert.
36:38 En fait, après le raid aérien, même le commandant des alliés s'est dit déçu par les bombardements.
36:45 Suite au raid aérien, le 7e corps de Collins lance son attaque au nord et à travers la forêt de Hürtgen.
36:57 Sur leur route, ils doivent franchir des villages farouchement défendus pour sécuriser leur nouvel objectif prioritaire, les barrages de la rivière Rour, dont ils viennent de saisir l'importance.
37:07 Pendant les combats, les allemands ont envisagé de faire sauter les barrages sur la Rour.
37:17 Cela aurait non seulement permis de créer un mur d'eau qui aurait débordé sur les alliés, et probablement éliminé une partie de leur troupe.
37:26 Mais surtout, il en aurait résulté une sorte de zone marécageuse étendant la rivière sur environ 1,5 km de large, la rendant très difficile à franchir pour les alliés.
37:38 Cet obstacle aquatique aurait sévèrement freiné leur progression.
37:44 Les américains savaient qu'il y avait des barrages sur la Rour, mais ils les avaient un peu oubliés pendant qu'ils sécurisaient leur flanc en prenant la forêt de Hürtgen.
37:55 Le général Hodges de l'armée américaine n'était pas le commandant le plus intelligent ou le plus agressif, et il avait du mal à jongler avec les événements.
38:04 Du coup, il en a oublié les barrages.
38:07 Les commandants américains finissent par comprendre qu'ils ne pourront pas traverser la Rour en toute sécurité tant que ces barrages seront aux mains des allemands.
38:19 Mais la 28e division, à bout de souffle, ne participera pas à cette attaque.
38:24 Les hommes de Cota sont enfin retirés de la ligne.
38:27 Je me suis dit "merci mon dieu, on sort enfin de cette boucherie".
38:34 Le lendemain, on est montés dans les 4x4 et on est partis.
38:40 À travers les montagnes, les rivières, la forêt.
38:43 C'était le grand luxe.
38:48 Pour les vétérans de la première division d'infanterie américaine en revanche, le calvaire de la forêt de Hürtgen ne fait que commencer.
38:56 Le premier jour de l'opération Queen, ils attaquent le village de Amisch, où Harley Reynolds et son unité tombent sur la nouvelle arme fatale de l'infanterie allemande.
39:08 Les allemands avaient développé un pistolet qui tirait des grenades.
39:16 Un nouveau pistolet.
39:19 On savait que ça finirait par arriver, mais c'était la première fois qu'on tombait dessus ce soir-là.
39:26 Donc, ils avaient développé ce pistolet qui lançait des fusées, un peu comme quand vous tirez un signal de détresse sur un bateau.
39:36 Sauf qu'il ne tirait pas des fusées, mais des grenades.
39:43 Sur de courtes distances bien sûr, 20 à 30 mètres, mais c'était terrible et on n'avait jamais vu ça.
39:50 Ils nous ont massacrés.
39:56 On n'était plus que 23 dans la compagnie.
40:00 La première division met quatre jours à prendre Amisch, au prix de mille morts ou blessés.
40:09 Luttant aussi bien contre le terrain que contre ses habiles ennemis retranchés, l'infanterie américaine avance au ralenti.
40:16 À peine 2,5 km en cinq jours.
40:19 Les blindés américains avancent péniblement sur les chemins boueux et minés de la forêt.
40:28 De plus, ils sont traqués par l'infanterie allemande, équipée de fusils anti-chars.
40:35 Le Panzerfaust est utilisé par des unités comme les Volksgrenadiers dans la forêt de Hürtgen.
40:41 Ils peuvent s'approcher des chars dans la forêt ou tout simplement percer le blindage d'un char Sherman par l'avant ou les côtés.
40:49 Donc, une arme qui coûte trois fois rien a permis de démolir des équipements hors de prix.
40:55 Les unités dans la forêt de Hürtgen sont en train de se déployer.
41:03 Les unités dans la forêt de Hürtgen souffrent toutes de pertes sans précédent.
41:07 Et sur la ligne de front, le cauchemar continue.
41:11 Les américains donnent à la forêt un surnom macabre, l'usine de mort.
41:18 Et tandis que l'hiver s'installe, les conditions de vie deviennent encore plus déplorables.
41:26 Comment vous dire ? Au début de l'hiver en Virginie où j'ai grandi, on a d'abord un vent glacial, puis quelques flocons de neige ici et là.
41:37 Mais les flocons ressemblent plutôt à des petites billes ou à de la grêle.
41:44 Et c'est le genre de neige que j'ai vu quand j'étais dans la forêt de Hürtgen.
41:49 On a compris que l'hiver arrivait.
41:54 Novembre 1944.
41:57 Les 1ère et 9ème armées américaines mènent une difficile offensive hivernale sur un front de 25 km...
42:04 ...pour tenter de percer la ligne Siegfried jusqu'à la rivière Roure avant d'atteindre le Rhin.
42:10 Sur le flanc ouest de l'avancée, l'infanterie américaine est coincée dans la forêt de Hürtgen...
42:19 ...incapable de se frayer un chemin parmi le dédale de ravines, de champs de mines et de bunkers.
42:25 Comme tout était éparpillé sur le sol, il y avait toujours quelque chose qui faisait du bruit et il ne pouvait pas progresser en silence.
42:36 Il suffisait qu'ils fassent craquer une branche pour que toute la forêt l'entende et qu'on se mette à tirer les uns sur les autres.
42:45 Un des régiments américains perd 200 hommes en une seule journée et ses 3 chefs de bataillon.
42:51 Les pertes sont telles que certaines compagnies changent de commandant 3 ou 4 fois en l'espace d'un mois.
42:59 La plupart tombent bien en dessous des 190 hommes habituels.
43:04 La relève est plus urgente que jamais.
43:11 Mais lorsque les nouvelles recrues sont envoyées dans les unités sur le front pour remplacer les pertes, elles ont souvent du mal à s'intégrer avec les vétérans.
43:18 La gestion des effectifs a été l'une des grandes failles dans l'organisation américaine pendant la seconde guerre mondiale.
43:28 Plutôt que de retirer des unités de la ligne de front lorsqu'elles enregistraient de lourdes pertes et de les reconstruire, l'armée envoyait juste des soldats en remplacement.
43:40 Ce système de remplacement individuel n'est pas franchement un succès.
43:45 En fait, ils envoyaient des bleus dans des unités de vétérans qui ne les connaissaient ni d'Eve ni d'Adam et qui n'avaient pas le temps de les former sur place.
43:55 Autant dire donc que l'accueil était tout sauf chaleureux.
43:59 Les vétérans n'ont rien contre les nouvelles recrues, mais ils doivent les protéger.
44:09 Lorsque les remplaçants arrivaient, ils étaient très vulnérables les deux premières semaines dans leur nouvelle unité.
44:15 Ils n'y connaissaient rien.
44:17 Ils ne connaissaient pas le son d'une mitrailleuse allemande comparée à une arme américaine.
44:23 Ils ne savaient pas marcher dans la forêt en silence.
44:26 Donc, non seulement leur vie était en danger, mais aussi celle de leurs camarades.
44:33 Par conséquent, et c'est terrible, beaucoup de vétérans ne voulaient même pas connaître le nom des remplaçants avant qu'ils aient passé assez de temps dans leur unité pour qu'on puisse décréter qu'ils avaient une chance de survivre.
44:45 Pourquoi faire connaissance avec un petit nouveau qui risquait de se faire tuer le lendemain ?
44:50 Les hommes ne pleurent pas.
44:59 Et on n'est pas censé s'attacher.
45:01 Alors on essayait d'éviter parce que dès qu'on sympathisait avec un remplaçant, deux jours plus tard, il se faisait tuer.
45:11 Et on avait 70% de turnover en permanence.
45:15 Si on était huit dans un peloton de douze, on s'estimait heureux.
45:20 Dans mes souvenirs, on n'a jamais été une seule fois au complet.
45:25 Et ils nous tuaient en permanence.
45:29 La dernière semaine de novembre, le 5e corps lance une nouvelle attaque sur Grossau, à l'est de la forêt et la ville de Hürtgen.
45:42 L'infanterie américaine rencontre tous les problèmes qu'elle connaît déjà dans la forêt de Hürtgen.
45:52 A Grossau, seuls deux chars Sherman parviennent à venir renforcer l'attaque.
45:56 Ils sont immédiatement détruits par les canons d'assaut allemands.
46:01 A Hürtgen, les tanks américains tombent sur des cratères et des mines anti-chars.
46:07 Les premiers blindés se retrouvent coincés, ainsi que tous ceux derrière eux.
46:12 Mais grâce à une météo, les tanks américains arrivent à la sortie.
46:20 Mais grâce à une météo clémente, les chasseurs alliés parviennent à bombarder les positions allemandes.
46:25 Et l'infanterie américaine prend enfin les deux villages.
46:30 Les américains avancent lentement et subissent de lourdes pertes.
46:38 Mais les barrages de la Ruhr ne sont toujours pas en vue.
46:42 Les commandants alliés décident donc de faire appel aux forces aériennes pour les détruire.
46:50 Début décembre, des bombardiers de la Royal Air Force attaquent les barrages à trois reprises.
46:55 Mais ils sont loin de réitérer le succès de l'opération Chastise.
46:59 Les barrages sont constitués de terre compactée et presque impossibles à viser à travers la couverture nuageuse hivernale.
47:06 Des troupes au sol devront finalement s'en charger.
47:09 L'unité de Frank Kamm arrive sur le front le 13 décembre et constate rapidement le désordre qui règne dans la forêt glaciale.
47:18 Plusieurs pelotons d'infanterie nous ont attaqués la nuit de notre arrivée, le 13 décembre.
47:25 Certains de nos soldats sont restés coincés derrière les lignes allemandes.
47:32 Dans la pénombre, ils ont essayé d'en sortir.
47:35 Et c'est en traversant une tranchée allemande qu'ils sont tombés nez à nez avec des soldats allemands.
47:40 Les allemands leur ont dit quelque chose et nos gars ont marmonné une réponse.
47:45 En continuant leur route.
47:47 C'est comme ça qu'ils ont pu traverser les lignes ennemies.
47:50 Parfois il suffisait de leur répondre pour s'en sortir, ni vu ni connu.
47:54 Les soldats aussi sont sous pression et font face à la puissance-force de frappe des alliés.
48:02 Une nuit, j'étais seul.
48:07 Les communications étaient coupées.
48:10 Et on n'entendait plus que le bruit des tirs.
48:14 Disons pour résumer que c'est pendant cette nuit que j'ai appris à prier.
48:18 Les troupes américaines, plus nombreuses et puissantes que les allemandes, progressent vers la Rour.
48:31 La colline 400, un point crucial, est remportée par un bataillon de Rangers d'élite lors d'une charge frontale.
48:39 Après des mois de combats acharnés, les 1ère et 9ème armées américaines atteignent enfin la rivière Rour.
48:46 Les défenses de la ligne Siegfried, les horreurs de la forêt de Hürtgen et la pugnacité des allemands leur ont déjà fait payer un très lourd tribut.
48:57 Et leur objectif n'est toujours pas atteint.
49:04 Mais alors que les commandants américains préparent un nouvel assaut contre les barrages de la Rour, le 16 décembre, à 40 km au sud, Hitler lance une offensive surprise dans la forêt des Ardennes.
49:17 Débute alors la bataille des Ardennes, la dernière grande offensive allemande à l'ouest.
49:29 Les troupes situées dans la forêt de Hürtgen se retrouvent bloquées sur leur position jusqu'à la fin de l'hiver.
49:36 C'est ce qui a déclenché la bataille des Ardennes.
49:42 De décembre 1944 à janvier 1945.
49:48 On nous a retiré tous nos renforts en artillerie et nos renforts aériens, le temps qu'on patiente au bord de la rivière Rour.
49:59 Il faisait froid et humide.
50:02 Et lutter contre les éléments, c'était déjà un combat pour nous.
50:07 La campagne alliée, semée d'erreurs, se solde par un résultat plus que mitigé.
50:14 La bataille de la forêt de Hürtgen est peut-être l'échec le plus retentissant des alliés sur le front ouest.
50:24 Elle aurait dû permettre de percer la ligne de Siegfried, mais n'y est pas parvenue.
50:29 Les alliés ont même subi d'importantes pertes rien qu'en essayant de la traverser.
50:37 Donc non seulement l'objectif n'a pas été atteint, mais en plus de ça, il leur a coûté plus de 30 000 morts ou blessés.
50:47 On peut considérer la défense de la forêt de Hürtgen comme une victoire allemande.
50:53 Il y a eu plus de victimes chez les alliés que dans leur rang.
50:56 Les allemands ont enregistré environ 28 000 morts ou blessés, contre 33 000 pour les américains, plus 9 000 hors de combat.
51:05 Mais certaines unités ont un taux de perte de 25%, ce qui est très élevé pour des unités américaines.
51:13 Donc à ce niveau, on peut dire que c'était une victoire.
51:18 Elle a aussi ralenti l'avancée des alliés, ce qui a permis aux allemands de tenir plus longtemps leur territoire.
51:23 D'un point de vue opérationnel et stratégique, on ne peut pas en dire autant.
51:29 Opérationnellement, les allemands n'ont pas vraiment gagné grand chose, et ça ne leur a rien apporté stratégiquement.
51:35 Ils ont quand même perdu la guerre.
51:37 La durée et l'intensité des combats dans la forêt de Hürtgen laissent les survivants traumatisés des deux côtés.
51:48 Je revois encore tous ces cadavres.
51:50 Des soldats américains et des soldats allemands, tous mélangés.
51:55 Des chantiers de cadavres.
51:57 La 28ème division du général Deutsch-Kotta, blessée pour morte dans la forêt de Hürtgen, est affectée au sud, dans un lieu plus calme, le temps de se remettre.
52:12 Mais par un coup du sort, ils se retrouvent sur la route de l'offensive hivernale surprise d'Hitler dans les Ardennes.
52:19 Ce n'est qu'après avoir remporté la bataille des Ardennes, que les forces alliées reprennent leur offensive le long de la ligne Siegfried,
52:28 et entament leur progression finale jusqu'au cœur de l'Allemagne nazie.
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