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Michel Barnier, ancien ministre et commissaire européen à deux reprises (Politique régionale puis Marché intérieur et Services financiers) est l'invité de L'Interview à la une, l'émission vidéo de Nice-Matin et Radio-Émotion.

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00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans notre studio vidéo pour l'interview à la une d'une émission de la rédaction du groupe Nismata en partenariat avec nos confrères de Radio-émotion, une émission que j'ai le plaisir de présenter aujourd'hui avec Frédéric Maurice, le chef de l'édition Métropole, Nismata et Frédéric.
00:23 Bonjour Frédéric. Bonjour Christian. Et notre invité exceptionnel aujourd'hui c'est Michel Barnier. Bonjour Michel Barnier. Bonjour. On ne vous présente plus ancien ministre à l'environnement, aux affaires européennes, aux affaires étrangères, à l'agriculture et à l'alimentation.
00:38 Pas tout en même temps. Heureusement pour vous. Et bien sûr commissaire européen à deux reprises à la politique régionale puis au marché intérieur et services financiers. Et vous êtes aussi monsieur Brexit. On aura l'occasion d'en reparler. Michel Barnier bonjour encore et merci d'être parmi nous aujourd'hui.
00:55 C'est moi qui vous remercie pour votre invitation et je salue les auditeurs et les lecteurs du groupe Nismata de Radio-émotion. Frédéric une première question.
01:04 Oui Michel Barnier. Vous êtes venu cette semaine à Nice jeudi précisément pour participer au Nice Climate Summit, le sommet sur le climat. Le public connaît évidemment votre expertise sur les questions internationales, sur la construction européenne.
01:17 On connaît moins votre sensibilité à l'environnement même si vous avez été le ministre entre 1993 et 1995. Est-ce que c'est une sensibilité qui remonte à loin chez vous ? Est-ce que c'est quelque chose auquel vous êtes sensible depuis toujours ?
01:33 Ou c'est quelque chose qui s'est affiné avec le temps ? Non c'est un engagement très ancien, très précoce qui date d'ailleurs de l'époque où j'étais militant gaulliste à l'époque et aussi où j'ai eu la chance de travailler avec le premier ministre français de l'environnement Robert Poujade qui était le maire de Dijon et à qui Georges Pompidou avait confié ce tout premier ministère qu'il a créé de toutes pièces en prenant des bouts de l'équipement, de l'agriculture, des transports et en créant ce ministère en 71 où j'étais son collaborateur.
02:02 En 73, il y avait une vraie morale de l'action dans ce ministère que lui-même Robert Poujade avait qualifié de ministère de l'impossible. Et après quand je suis venu député plus tard en 78-80, j'ai eu la chance de devenir rapporteur du budget de l'environnement à l'Assemblée nationale et de spécialiser sur ces questions.
02:22 Donc c'est un engagement ancien parce que je pense que tous les défis qu'on va affronter, qu'on affronte et celui-ci depuis longtemps, c'est le plus grave parce que c'est lui qui va changer tout. Toutes nos habitudes de transporter, de cultiver, de faire du tourisme, de produire.
02:40 J'ai présidé la Savoie pendant 17 ans, lié d'ailleurs à Nice dans l'histoire jusqu'en 1860. La Savoie, c'est un tiers de son économie sur la neige. Qu'est-ce qui se passe quand il y a 1,5° à 2° de plus ? J'ai été ministre d'agriculture, le temps des vendanges a été accéléré de plusieurs semaines depuis 20 ans.
03:00 Donc c'est une réalité que ce changement climatique et il faut se préparer, anticiper.
03:05 Quel diagnostic vous faites du dérèglement climatique aujourd'hui ? Est-ce que vous avez des exemples concrets à nous donner ?
03:11 Est-ce que vous partagez le point de vue du GIEC sur la question par exemple ? Parce qu'effectivement, là on voit sur l'enneigement, mais est-ce que d'une manière générale, les préoccupations alarmistes du GIEC, ce sont aussi vos préoccupations ?
03:22 Bien sûr, je me souviens avant même que le GIEC existe, d'une visite que j'avais faite comme ministre des Affaires européennes.
03:27 A l'époque, on m'avait envoyé à un sommet entre l'Amérique latine et l'Europe en Bolivie.
03:33 J'avais rencontré des chercheurs de l'Orstom, à l'époque c'était l'Institut français de recherche, qui m'avaient dit une chose qui m'a beaucoup marqué.
03:39 Dès cette époque, selon l'observation qu'ils faisaient de la fonte des glaciers tropicaux en Bolivie, en Afrique, en Indonésie,
03:48 ils avaient la certitude, dont ils disaient à cette époque, ce sont leurs propres mots, que le climat désertique aura gagné le sud de la France, où nous sommes, au milieu du siècle prochain, 2050.
03:59 Nous sommes presque là. Donc il faut écouter les scientifiques. Vous savez, en matière d'environnement ou d'écologie, on dit "penser globalement, agir localement".
04:09 La pensée globale, elle est nécessaire et il faut que ceux qui ont le devoir d'une pensée globale, au niveau européen, au niveau mondial, au niveau national, écoutent les scientifiques.
04:18 Après, il faut aussi décliner, il faut tenir compte localement des gens, des citoyens, qu'on n'écoute pas suffisamment, qui sont plus intelligents que les hommes politiques ne le croient quelquefois,
04:28 des entreprises, sans lesquelles rien n'est possible, et puis des collectivités locales, naturellement.
04:34 Est-ce que vous pensez raisonnable de croire aujourd'hui qu'on peut gagner la bataille du climat ? Vous avez participé jeudi au Nice Climate Summit à une table ronde public-privé,
04:40 qui portait un peu cette thématique, l'intelligence collective pour réussir la bataille du climat. On peut la gagner ou pas, cette bataille ?
04:45 Il est très tard, mais il n'est pas trop tard. Et si un homme politique comme moi vous dit qu'il est trop tard, il faut qu'il aille faire autre chose,
04:51 parce que la politique, c'est de montrer qu'on est capable de changer les choses et d'agir, de créer du progrès. C'est un progrès qui doit être plus sobre, plus économe,
04:59 et plus des ressources des espaces naturels, parce que ces ressources et ces espaces, ici, dans cette grande région du Sud, comme chez moi,
05:06 ou dans le nord de la France, ces ressources et ces espaces ne sont ni gratuits, ni inépuisables. Donc il faut que la croissance soit différente.
05:13 J'avais parlé à une époque d'éco-croissance. Oui, je pense qu'on doit lutter. Il n'y a pas de fatalité, mais qu'il est très tard.
05:20 Le gros de l'engagement de la droite, jusqu'ici, puisque vous êtes un élu, vous appartenez au Parti des Républicains,
05:26 le gros de l'engagement de la droite sur l'environnement, c'est surtout proscrire ce qu'ils appellent l'écologie punitive,
05:33 c'est-à-dire tout ce qui peut paraître défavorable à la vie des habitants au quotidien. Est-ce que vous pensez vraiment qu'on peut atteindre la neutralité carbone
05:42 en affichant comme objectif, surtout éviter l'écologie punitive ?
05:48 Avec beaucoup de respect pour vous. Ce n'est pas vraiment la ligne qui est la nôtre, aux Républicains. D'abord, nous n'avons pas de complexe.
05:56 Très franchement, j'ai parlé de Georges Pompidou, qui a été le premier président français. Il était de droite, d'une droite humaniste,
06:02 à créer le ministère de l'Environnement. Et toutes les grandes étapes en matière d'environnement, j'en ai franchi quelques-unes avec la loi Barnier,
06:09 la création de la Commission nationale du débat public et le Grand-Ail de l'environnement, c'était sous Sarkozy.
06:14 Donc on n'a pas de complexe à avoir d'une écologie humaniste et concrète, pas d'une écologie punitive.
06:20 Et aujourd'hui, nous relevons ce flambeau, nous le gardons droit devant nous. Éric Ciotti organise le 10 octobre avec Antoine Vermorel,
06:28 le jeune député de la Loire, la nuit de l'écologie à Paris. Nous sommes très engagés sur ces questions.
06:36 Et en effet, à un moment donné, à partir d'une pensée globale qui doit être éclairée par la science, qui ne doit pas être dominée par la technocratie,
06:44 il faut que les gens soient dans le coup. Il faut faire attention aux gens, aux agriculteurs à qui on dit "vous devez produire moins pour polluer moins".
06:53 Moi, je pense qu'on doit produire plus et polluer moins. C'est possible grâce à du temps, grâce à de la compréhension, des aides,
06:59 et puis aussi grâce à la science et à la technologie. Donc oui, nous opposons à cette forme d'idéologie de certaines parties de la gauche extrême
07:10 et puis des verts qui sont très idéologues et qui ne font pas attention suffisamment aux gens. Il faut que les objectifs qu'on veut atteindre soient acceptables et acceptés.
07:18 Mais vous misez beaucoup quand même sur les progrès de la science, de la technique. Est-ce que ça sera la panacée ? Est-ce que ça sera suffisant ?
07:24 Non, il faut des règles. Les objectifs européens sont d'ailleurs de bons objectifs. Neutralité carbone en 2050, réduction des chaudières à fioul ou à gaz,
07:36 réduction des voitures thermiques. Mais il faut accompagner ce mouvement. Si vous l'imposez d'en haut, avec de la bureaucratie, avec des textes qui tombent d'en haut,
07:46 comme depuis une dizaine d'années, très franchement, la gestion de notre pays a été très verticale. Ça a conduit à de graves erreurs.
07:53 Regardez ce qui s'est passé sur le nucléaire. Le nucléaire, c'est typiquement le sujet... Moi, je ne suis pas partisan du tout nucléaire, mais on a besoin du nucléaire.
08:00 Le gouvernement actuel, M. Macron, les compagnies sectionnaires, M. Hollande, ont abandonné Fessenheim, ont abandonné une grande partie du nucléaire,
08:06 pour aujourd'hui dire "il faut reprendre, il faut relancer". C'est 10 ans de perdus. Ça, c'est de la théorie ou c'est de l'idéologie qui n'est pas positive.
08:15 — Il vaut mieux du nucléaire qu'une éolienne ? — Non, il faut les deux. Il faut du nucléaire. On voit bien que dans notre mixte énergétique, sans le nucléaire,
08:21 on n'a pas d'électricité aussi bon marché. Mais on a besoin de développer des énergies renouvelables. Et moi, je crois d'ailleurs davantage au solaire.
08:28 J'ai d'ailleurs créé en Savoie l'Institut national du solaire, à Technolac. Je crois davantage dans le solaire que les éoliennes.
08:34 Et les éoliennes, il faut faire attention où on les met, quoi. — Quand vous êtes venu à Nice, M. Barnier, en avion ou en train ?
08:40 — Je suis venu en avion. — Quand vous prenez un avion, est-ce que vous avez... — Mais je prends très souvent le train.
08:44 — Quand vous prenez un avion, est-ce que vous avez un sentiment de culpabilité ? — Je pense qu'il faut pas prendre l'avion ou faire attention quand on le prend à y être obligé,
08:53 parce qu'il y a des endroits où on ne peut aller qu'en avion. J'aurais pu prendre le train. Je prends toujours le train pour venir dans le midi.
08:59 Mais j'ai pas de culpabilité. Mais je fais attention parce que je fais attention. — Et d'ailleurs, quelles sont vos bonnes pratiques personnelles
09:05 en termes de protection de l'environnement ? Est-ce qu'il y a des choses comme ça auxquelles vous exprimiez ?
09:10 — Oui, j'ai fait un bouquin il y a une trentaine d'années, au moment où je publiais un rapport sur l'environnement avec une centaine de mesures.
09:18 Et ce rapport, je l'avais appelé « Chacun pour tous ». Chacun pour tous. C'est-à-dire chacun a un rôle pour tout le monde. C'est pas le chacun pour soi.
09:26 — C'est l'effet Colibri. — C'est pas non plus le un pour tous fédéral. C'est chacun pour tous.
09:31 Et oui, très modestement, mais de manière très tenace, je fais attention au tri des déchets, je fais attention à la consommation d'eau,
09:39 plus de douches que de bains. Je circule en vélo à Paris, un vélo non électrique. Mais ça, c'est une question de sport aussi.
09:46 Parce que je reste très engagé sur la question sportive. C'est une nécessité vitale pour tout le monde, je pense.
09:52 — Alors Michel Barnier, nous sommes toujours très très dépendants des énergies fossiles. Et on voit que la hausse des carburants
09:56 est un vrai casse-tête pour le gouvernement, au-delà d'être un casse-tête aussi pour les Français qui payent ce carburant de plus en plus cher.
10:00 Nous vous avions reçu en mars 2022 dans Face au territoire sur TV5Monde. Et vous aviez évoqué la question. On va vous écouter.
10:06 — S'agissant de l'essence, puisque c'est une partie du sujet aujourd'hui, dans l'urgence, je pense qu'il faudrait plafonner le revenu des taxes que touche l'État.
10:17 Il n'y a aucune raison que l'État s'enrégisse quand les Français s'enrégissent. — Que ça, le gouvernement s'y refuse. Il a tort ?
10:23 — Je viens de vous dire qu'il s'agit pas de supprimer les taxes. Il s'agit de constater qu'en raison de l'augmentation du prix du baril,
10:31 et donc chez nous, pour chaque Français, du prix du litre de fioul ou d'essence, les taxes augmentent et que l'État s'enrichit mécaniquement
10:39 quand les Français s'impouvrissent. — Michel Barnier, vous êtes toujours favorable à un plafonnement des taxes sur les carburants ?
10:44 — Oui. Je pense qu'il faut faire un effort structurel sur le prix de l'essence et du carburant en baissant certaines taxes, oui,
10:52 plutôt que de multiplier des mesures. Une fois, on dit qu'on va plus aider les Français. Un autre jour, le président de la République annonce
10:58 un peu contre l'avis de sa première ministre ou de son ministre des Finances une nouvelle aide. Tout ça, c'est un peu du bricolage.
11:06 Même si c'est utile, je pense que l'État devrait faire lui-même l'effort. Et tout ça, ça exige aussi une autre gestion des finances de l'État.
11:13 Je suis très inquiet d'une chose. Nous portons ce message avec Éric Ciotti et notre formation politique, qui est celle du sérieux,
11:20 de la responsabilité dans les finances publiques. Vous savez, la charge de la dette est devenue le premier budget de l'État
11:25 bien avant l'éducation nationale. Et il y a une vraie inquiétude sur ce qu'on va laisser aux générations futures.
11:31 On parlait d'écologie tout à l'heure, messieurs. La dette, elle est écologique. Elle est aussi financière.
11:36 Et ça, je trouve que c'est assez irresponsable. — Alors vous parliez justement du gouvernement du président Macron.
11:40 Il a été très critiqué par les écologistes après les annonces qu'il a faites. Est-ce que, d'après vous, il en fait assez, pas assez, trop ?
11:47 — Ça dépend des moments, parce que d'abord, il parle beaucoup et souvent, peut-être trop. Et non, je dirais pas qu'il en fait trop sur les questions d'écologie.
11:58 Il n'en a pas fait au bon moment, à certaines occasions. Je vais parler du nucléaire qu'on a laissé tomber pour le relancer.
12:06 Je trouve d'une manière générale qu'on n'a pas toujours fait les bons diagnostics au début du premier quinquennat.
12:11 Mais ce qui se fait sur l'écologie, la planification qui est annoncée, le fait qu'elle soit placée sous la responsabilité de Mme Borne,
12:17 le Premier ministre, qui est une femme tenace, c'est une bonne orientation, parce que moi, j'ai été ministre de l'Environnement.
12:23 J'ai souffert, malgré la confiance du Premier ministre, M. Balladur, qui était très solide à mon égard. J'ai souffert d'être un peu isolé dans le gouvernement.
12:31 Ces sujets sont tellement graves, tellement transversaux qu'il faut que ce soit le Premier ministre qui les gère.
12:36 Alors, de la France à l'Europe, il n'y a qu'un pas que vous avez régulièrement franchi dans votre carrière. Parlons un peu d'Europe, mais continuons à parler d'écologie.
12:42 L'Union européenne en fait-elle assez pour la protection de l'environnement et contre le dérèglement climatique ?
12:47 Qu'est-ce que vous pouvez nous dire là-dessus ? Ça a été évoqué aussi lors du Nice climate summit, cet engagement européen sur l'environnement.
12:53 Oui, j'ai été interrogé dans ce sommet de Nice sur la dimension européenne, qui est la bonne dimension. Ces sujets sont globaux.
12:59 J'ai dit « penser globalement, agir localement ». La pensée globale doit être au niveau mondial. C'est le sommet de Rio, il y a 30 ans, le sommet de Paris et d'autres conventions qui ont lieu sur le désert, sur l'eau, sur la biodiversité.
13:13 Et puis il y a le gouvernement au niveau national, parce qu'il faut mobiliser toute la France. Donc, au niveau européen, c'est le bon cadre aussi,
13:23 parce que nous sommes dans un grand marché qui est bien davantage qu'une zone de libre-échange, qui est un écosystème avec 22 millions d'entreprises, petites et grandes,
13:31 450 millions de citoyens consommateurs. C'est notre espace de vie économique et social. C'est là où on peut tenter d'éviter la concurrence déloyale, la concurrence sauvage, la guerre,
13:40 parce qu'on a des règles, des normes, des standards communs. Donc c'est le bon niveau. Et l'Europe a pris de bonnes décisions avec ce qu'on appelle le « green deal ».
13:49 C'est-à-dire qu'on a 7 réserves près, qu'après de bonnes décisions, utiles, la taxe carbone et autres, parfois plus modestes qu'il ne faudrait,
13:57 je vois une tendance technocratique, une sorte d'emballement à faire des normes, des règles, de la fiscalité, alors que les Américains, qui sont nos concurrents,
14:07 eux agissent davantage par des subventions et des aides. Je trouve qu'il y a une naïveté européenne à se méfier du protectionnisme, des protections,
14:18 les Chinois et les Américains se protègent, et à s'y méfier des aides d'État, des aides publiques qu'on apporte pour, comme les Américains le font, soutenir certains secteurs.
14:26 – Est-ce que ce n'est pas contradictoire quand on est de droite, de fustiger ce libéralisme, finalement, puisque vous prenez aujourd'hui plutôt le protectionnisme,
14:33 vous prenez plutôt les subventions aux entreprises, comme le modèle américain, effectivement.
14:37 Ce n'est pas contradictoire par rapport à votre logiciel de base ?
14:39 – Non, moi, je n'ai pas de contradiction dans la tête, croyez-moi, et je ne dis pas ça d'aujourd'hui.
14:44 Je suis libéral, mais je ne suis pas un ultra-libéral, et l'Europe, Bruxelles, sous l'effet d'ailleurs du gouvernement de gauche et de droite en Europe et en France,
14:53 a été trop ultra-libérale à tant qu'on pouvait les portes et les fenêtres.
14:57 Quand j'étais commissaire européen, de 2010 à 2014, j'ai dit exactement ça.
15:01 La crise financière qui a détruit des millions d'emplois venus des États-Unis, de banquiers qui se sont cru tout permis,
15:09 parce qu'on leur a tout permis, à force de dérégulation, de ne pas les superviser, de ne pas les contrôler.
15:15 Cette crise est arrivée chez nous, on était désarmés parce qu'on avait dérégulé.
15:19 Et j'ai dû reconstruire toute la régulation européenne.
15:22 En 5 ans, j'ai fait 41 lois de régulation sur chaque marché, chaque produit, chaque secteur,
15:28 pour remettre de l'ordre, de la transparence, un peu de morale ou d'éthique, là où elles avaient disparu.
15:32 Je suis libéral, mais le libéralisme, quand vous regardez les pères fondateurs du libéralisme, Adam Smith,
15:37 il parlait d'éthique et de morale, et c'est ça qu'il faut rétablir.
15:41 – À propos de lignes politiques, quel serait le meilleur candidat pour les Républicains aux européennes ?
15:47 On sait qu'elles auront lieu au mois de juin.
15:49 Est-ce que c'est la modèle conservateur comme celui de François-Xavier Bellamy ?
15:54 Est-ce que c'est un modèle social comme celui d'Aurélien Pradié ?
15:58 Est-ce que c'est un modèle régalien comme Éric Ciotti ?
16:00 Populaire comme Danilo Morano ? Libéral comme David Lysnard ?
16:03 À moins que ce ne soit le vôtre modèle.
16:06 – Oui, vous avez cité des personnalités qui ont tous et toutes des différences,
16:10 des sensibilités complémentaires, une valeur ajoutée,
16:13 et donc il faut mettre tout ce monde ensemble.
16:15 – Vous étiez prêt à la synthèse de tout ça ?
16:16 – Comme d'ailleurs Sarkozy l'avait fait en 2009 quand il m'a demandé de mener la liste,
16:19 j'étais ministre d'agriculture et de la pêche,
16:21 il m'a demandé de mener la liste nationale, de coordonner la liste nationale,
16:24 et on a fait 30% des voix, 30% !
16:26 En parlant aux Français qui avaient voté non, il y en a beaucoup qui nous écoutent,
16:30 à ceux qui ont voté oui, aujourd'hui il faut parler à la fois à des gens
16:33 qui ont une sensibilité souverainiste, qui ont tendance devant les crises à se replier,
16:37 et puis ceux qui savent qu'il faut être ensemble, pas n'importe comment,
16:40 pour exister, pour ne pas être dépendant.
16:43 Si on n'est pas ensemble on est foutu.
16:44 Par rapport aux Chinois américains, on est foutu,
16:46 on devient sous-traitant et sous-influence des Chinois et des Américains.
16:49 Moi je ne me suis pas engagé en politique quand j'avais 15 ans,
16:52 derrière de Gaulle, pour qu'on soit sous-traitant.
16:54 Donc je pense qu'il faut parler à tout le monde.
16:56 Vous avez prononcé deux mots dans la même phrase,
16:59 qui comme candidat et quelle ligne ?
17:02 Nous avons avec Éric Ciotti décidé de privilégier la ligne politique.
17:05 Et nous travaillons ensemble avec François-Xavier Bellamy,
17:08 et ceux que vous avez cités, nous travaillons à une ligne politique
17:11 qui soit précisément singulière, originale,
17:14 entre le bloc d'extrême droite, dans ces deux listes,
17:18 celle de Mme Marion Maréchal-LePel et celle de M.Barnéla,
17:21 et puis le bloc plutôt fédéraliste du gouvernement actuel.
17:25 Je pense qu'il y a un chemin, il doit y avoir un chemin,
17:27 qui s'adresse à ce souci d'être ensemble pour exister,
17:31 d'être européen, comme nous le sommes depuis 1958,
17:34 fidèle à notre histoire, pas n'importe comment,
17:36 et de corriger ce qui doit être au niveau européen.
17:38 Et qui est Michel Barnier ? Est-ce que vous pourriez être
17:40 celui qui porterait le message de ce domaine ?
17:42 Mais moi je serais utile, je participerais à ce débat,
17:45 on peut le faire de différentes manières,
17:47 j'ai déjà été candidat, je vous l'ai dit,
17:49 et je n'ai pas de fébrilité sur cette question,
17:51 j'ai passé l'âge de la fébrilité, si je puis dire.
17:54 Donc je participerais à ce débat avec la même capacité
17:57 d'indignation et d'enthousiasme que celle qui m'anime
18:00 depuis que j'ai été élu au suffrage universel.
18:03 En tout cas, il faut que ce soit un candidat qui soit capable
18:05 de réunir les deux.
18:06 Oui, de parler, parce que l'Europe, vous savez,
18:08 et le fédéralisme.
18:09 L'Europe, elle inquiète et elle intéresse à la fois les gens.
18:12 Elle inquiète, c'est inquiétant l'Europe,
18:15 est-ce qu'on ne va pas perdre notre identité ?
18:17 Moi j'observe qu'on n'a pas perdu notre identité,
18:19 même s'il y a eu des excès de bureaucratie,
18:22 et puis elle intéresse parce que les gens voient bien
18:24 la guerre en Ukraine, le protectionnisme américain,
18:29 les avancées chinoises, que si on n'est pas ensemble
18:31 avec cette masse critique qu'est l'Europe,
18:34 le marché unique, on n'existe plus, on est dominé.
18:38 Donc on ne doit pas être dominé, il faut être à la table,
18:41 vous savez, la table autour de laquelle se déricide le monde,
18:44 l'ordre ou le désordre du monde.
18:46 Si on n'est pas là en tant qu'Européens, on n'y est plus.
18:48 Vous avez cité plusieurs fois son nom.
18:50 Comment vous jugez la première année quasiment
18:52 de présidence d'Éric Ciotti à la tête des Républicains ?
18:55 Je la juge de manière positive parce que je suis à ses côtés
18:57 pour m'occuper des questions internationales et européennes,
19:01 et le conseiller quand il en a besoin.
19:03 Mais je le juge très positivement, il fait preuve de beaucoup
19:06 d'humanité, d'écoute, de tolérance.
19:10 On n'a pas toujours eu les mêmes idées,
19:12 on a même été en concurrence à une époque,
19:14 mais je le juge très positivement.
19:17 Quelle erreur a-t-il commis sur la gestion de la réforme des retraites ?
19:20 Je ne crois pas qu'il ait commis d'erreur.
19:22 Il y a eu cette scission quand même très forte au sein des Républicains.
19:24 Oui, mais ce n'est pas lui qui a fait l'erreur.
19:26 Lui a eu une attitude responsable.
19:28 Dès l'instant où on constatait que le gouvernement allait dans notre sens,
19:31 nous allions nous-mêmes demander cette réforme
19:33 pour sauvegarder notre régime de retraite par répartition.
19:36 On a demandé cet effort nous-mêmes,
19:38 le gouvernement était dans ce sens-là,
19:40 il nous a écoutés sur beaucoup d'amendements,
19:42 et à ce moment-là, Éric Ciotti, comme d'ailleurs Olivier Marlex,
19:44 le président du groupe des députés LR,
19:47 et également le président du groupe au Sénat,
19:52 qui vient d'ailleurs d'être conforté, Bruno Retailleau,
19:56 ont décidé de dire "nous, nous allons adopter ce texte en responsabilité".
20:00 Il y a eu une bataille de frondeurs malgré tout.
20:02 Oui, bien sûr.
20:03 Ceux qui ont commis l'erreur, ce n'est pas Éric Ciotti.
20:05 Ce n'est pas Éric Ciotti.
20:06 Nous, nous continuons d'avoir une attitude à l'égard du gouvernement
20:09 indépendante et libre.
20:11 Les projets sont positifs, quand on peut les rendre positifs
20:14 par des amendements, nous les soutiendrons.
20:17 Alors, vous avez été majoritairement plutôt derrière le gouvernement
20:19 sur cette affaire des retraites.
20:20 En revanche, vous êtes assez dur aux républicains
20:22 avec la politique du gouvernement, et Emmanuel Macron en particulier.
20:24 Et parfois, vous êtes beaucoup plus "tendre", entre guillemets, bien sûr,
20:27 avec Marine Le Pen ou Éric Zemmour, sur des questions régaliennes et identitaires.
20:30 Qu'est-ce que vous dites à ceux qui considèrent que du coup,
20:32 vous pourriez faire une alliance sur au moins ces questions-là
20:35 avec ce parti de l'extrême droite ?
20:36 Je vous dis qu'il n'en est pas question.
20:38 Voilà. Il n'y aura aucun compromis, aucune faiblesse
20:42 à l'égard de l'extrême droite.
20:44 Vous dites que vous avez été "tendre", non.
20:47 Ils font le constat...
20:49 Pas vous, personnellement, on sait, mais...
20:51 Moi-même, quand j'étais engagé dans la primaire,
20:53 je me perds de vous le rappeler, j'ai fait des propositions très fortes
20:55 sur un moratoire.
20:56 Je crois avoir été le premier à prononcer ce mot de moratoire.
20:59 Ça ne veut pas dire une interdiction de l'immigration.
21:01 On se tente pour mettre à plat.
21:03 Et regardez les procédures, les détournements, les abus.
21:06 J'ai proposé une révision constitutionnelle avec un référendum.
21:09 On n'a pas attendu Mme Le Pen, on ne l'attendra pas,
21:11 pour traiter les problèmes qui intéressent les Français.
21:14 Et je recommande de faire attention aux préoccupations des Français
21:18 qui sont sur ce sujet-là, et comme sur d'autres, très inquiets.
21:22 Et ça peut conduire à des situations improbables.
21:24 Vous savez, j'ai géré pendant 5 ans, vous l'avez rappelé tout à l'heure,
21:29 un événement qui était improbable en Angleterre,
21:32 absolument improbable, qui était le Brexit,
21:35 et qui s'est produit.
21:36 Donc je dis qu'on doit traiter les problèmes qui inquiètent les Français.
21:39 Et une immigration que plus personne ne contrôle,
21:42 des abus, des détournements de procédure,
21:44 parfois des abus liés à la jurisprudence européenne
21:47 qui domine la volonté nationale, ça doit être traité.
21:50 Il faut traiter cette question.
21:51 Il faut que le président de la République traite cette question.
21:53 Justement, c'est une question fondamentale,
21:55 parce que les Européennes approchent,
21:57 et puis c'est une question qui revient régulièrement.
21:59 Est-ce qu'on doit réviser la constitution
22:01 pour déroger la primauté des traités européens
22:04 sur des questions comme l'immigration, par exemple ?
22:06 Et est-ce que ce n'est pas un désaveu du travail
22:08 de commissaires européens que vous avez zétés ?
22:10 Non, non, pas du tout.
22:11 Je ne suis très...
22:12 Je n'ai pas de leçons sur cette question à recevoir.
22:14 Je suis européen avant beaucoup d'entre eux,
22:18 et je le resterai après eux.
22:19 Je dis simplement que quand on observe
22:21 qu'une jurisprudence européenne,
22:23 de la Cour de justice européenne,
22:24 de la Convention européenne des droits de l'homme
22:26 et de la Cour européenne des droits de l'homme,
22:27 parfois du Conseil constitutionnel français
22:29 ou du Conseil d'État, dont j'ai été membre,
22:31 remplit un vide.
22:34 Parce qu'il n'y a rien dans la Constitution française
22:36 sur l'immigration, il n'y a pas grand-chose
22:37 dans les traités européens.
22:38 Il y a un vide qui se remplit par une jurisprudence
22:40 qui nous empêche quelquefois d'expulser des gens
22:43 qui doivent l'être pour la sécurité nationale,
22:45 de prendre des mesures dont on a besoin
22:47 pour la sécurité et la stabilité de notre pays.
22:50 Je pense qu'il y a un problème.
22:52 Donc nous devons provoquer...
22:53 C'est que sur la jurisprudence.
22:54 Nous devons, sur cette question-là,
22:56 et pas en général, surtout pas en général,
22:58 nous devons dire qu'il y a un problème
23:00 lié à la jurisprudence européenne
23:01 et provoquer un débat européen,
23:03 y compris pour peut-être réécrire
23:05 certaines parties de cette convention européenne
23:07 des droits de l'homme.
23:08 Cette précision sur la jurisprudence,
23:09 elle n'a jamais été prononcée jusqu'ici
23:10 par les responsables des Républicains ?
23:12 Mais si, c'est exactement ce que nous disons.
23:13 On entendait les traités européens
23:14 d'une manière générale, non ?
23:15 Non, non, c'est pas du tout une question générale.
23:16 C'est uniquement sur cette question-là.
23:18 C'est la profession que j'avais faite
23:19 pendant la primaire et que nous avons faite
23:21 avec les deux groupes du Sénat et de l'Assemblée
23:23 il y a quelques mois pour dire au président de la République
23:25 c'est une question sérieuse.
23:27 Cette question nous empêche de prendre des mesures
23:29 de sécurité nationale
23:31 et il faut pouvoir poser cette question au niveau européen.
23:34 Après ça, c'est pas la seule question
23:36 liée à l'immigration.
23:37 On voit bien quand on regarde ce qui se passe à Lampedusa,
23:39 ce qui se passe à l'Est,
23:41 qu'on a besoin d'une vraie réponse européenne
23:43 qui n'est pas encore construite.
23:45 Alors, on va reparler du Brexit.
23:47 Vous avez été négociateur en chef
23:48 pour la Commission européenne
23:49 et puis vous nous avez raconté dans un livre,
23:51 La Grande Illusion,
23:52 journal secret du Brexit 2016-2020.
23:54 C'est un vrai journal, vous savez, je l'ai écrit tous les jours,
23:56 toutes les nuits, pendant 4 ans et demi.
23:58 Vous racontez chaque événement.
24:00 Alors, rétrospectivement, Michel Barnier,
24:02 une question un peu provocatrice volontairement,
24:04 qui a le mieux négocié, est-ce que c'est vous
24:06 ou est-ce que c'est Boris Johnson ?
24:08 Je crois que nous n'avons pas fait d'erreur,
24:11 mais on a négocié,
24:13 peut-être puis-je dire qu'on a bien négocié
24:15 en respectant les Britanniques,
24:17 parce que moi j'ai du respect pour ce grand pays.
24:19 Je n'ai pas beaucoup de respect pour M. Johnson,
24:21 qui ne tient pas ses engagements,
24:23 on l'a vu, il est d'ailleurs parti.
24:25 J'en ai beaucoup plus pour des hommes comme Winston Churchill,
24:28 que j'ai admiré,
24:30 pour la reine, décédée aujourd'hui.
24:32 J'ai du respect pour ce grand pays,
24:35 pour sa culture, pour son économie,
24:37 pour sa capacité d'exportation,
24:39 son rôle dans le monde.
24:41 Et nous avons besoin de coopérer avec lui.
24:43 Mais j'ai négocié sans agressivité,
24:45 sans émotion,
24:47 avec du respect pour défendre tous les jours,
24:49 pied à pied, les intérêts de l'Union Européenne.
24:51 Et c'est ce que j'ai fait.
24:53 C'est ce qui se place aujourd'hui.
24:55 Aujourd'hui j'observe qu'il y a un mouvement au Royaume-Uni,
24:57 qui vient contredire le Brexit.
25:01 Est-ce que ces tentatives de rapprochement du Président Macron,
25:03 récemment avec la visite de Charles III en France,
25:05 et puis les plutôt bonnes relations entretenues
25:07 avec Richie Sunak, le nouveau Premier ministre anglais,
25:09 vont dans le bon sens ?
25:11 Oui, oui, à coup sûr.
25:13 Parce que les Britanniques sont dehors.
25:15 C'est eux qui décideront, peut-être un jour,
25:17 de se rapprocher de nous,
25:19 on aurait dû rester dans le marché unique.
25:21 Je pense qu'ils auraient dû rester dans notre union douanière.
25:23 Ils ont tout quitté, ce qui est un non-sens,
25:25 et ce qui n'a aucune valeur ajoutée pour leur intérêt national.
25:29 C'est eux qui décideront, et la porte reste ouverte.
25:31 Et en attendant, on a plein de choses à faire ensemble.
25:33 On gardera les mêmes relations commerciales,
25:35 il n'y aura pas de, on dit en anglais,
25:37 de "cherry picking".
25:39 Ils ne vont pas avoir le beurre et l'argent du beurre, jamais.
25:41 Mais en revanche, on peut faire plein de choses ensemble,
25:43 contre le changement climatique,
25:45 pour la paix en Europe,
25:47 pour la lutte contre le terrorisme,
25:49 pour la coopération en Afrique,
25:51 qui est tellement importante du point de vue des migrations
25:53 que la pauvreté peut provoquer.
25:55 Donc il y a plein de choses à faire avec les Britanniques,
25:57 et nous avons besoin de nouvelles relations avec les Britanniques.
25:59 Dans les crises que l'on connaît aujourd'hui, climatiques, internationales,
26:01 on serait encore plus fort, nous les Européens,
26:03 avec les Anglais ?
26:05 Oui, c'est pour ça que je pense que le Brexit,
26:07 c'est un "lose-lose game",
26:09 c'est un "perdant-perdant", c'est un divorce.
26:11 Je ne connais pas beaucoup de divorces,
26:13 je n'ai pas d'expérience personnelle,
26:15 mais je suis pas positif.
26:17 Donc c'est un divorce, et on est plus faible,
26:19 parce qu'on a perdu le Royaume-Uni,
26:21 qui est un très grand pays,
26:23 et eux sont plus faibles, parce qu'ils sont tous seuls,
26:25 au grand large.
26:27 À l'occasion de la sortie de son nouvel ouvrage,
26:29 Nicolas Sarkozy,
26:31 l'ex-président de la République,
26:33 a pris concernant l'Ukraine une position
26:35 à rebours de celle de la France.
26:37 On l'écoute, si vous voulez bien.
26:39 Mais il y a deux façons de gagner une guerre.
26:41 Soit vous anéantissez l'adversaire,
26:43 soit
26:45 vous discutez avec lui,
26:47 et vous trouvez un compromis.
26:49 En France, aujourd'hui, on ne peut parler de rien.
26:51 Vous prononcez le mot "immigration",
26:53 vous êtes un raciste.
26:55 Vous dites "il y a un problème dans les banlieues",
26:57 oh là là, vous êtes d'extrême droite.
26:59 Et vous dites
27:01 "attention, c'est grave,
27:03 on est en guerre aujourd'hui,
27:05 avec une puissance nucléaire,
27:07 et là vous êtes accusé d'être un suppôt de Poutine."
27:09 - Donc votre solution c'est ?
27:11 - Je ne suis pas d'accord de ça.
27:13 Je dis, oui, arrêtez de parler
27:15 d'acheter des avions,
27:17 des munitions, des chars.
27:19 Il faut trouver une solution
27:21 qui préserve les intérêts
27:23 naturellement de l'Ukraine.
27:25 Personne, et surtout pas moi, ne veut laisser tomber l'Ukraine,
27:27 comme je n'ai pas laissé tomber la Géorgie.
27:29 Mais qui fait comprendre
27:31 aux gens que la Russie
27:33 ne déménagera pas.
27:35 - Est-ce que, comme Vladimir Poutine,
27:37 vous applaudissez ses propos ?
27:39 - J'ai naturellement
27:41 beaucoup de respect pour Nicolas Sarkozy,
27:43 dont j'ai été le ministre.
27:45 Mais je ne suis pas d'accord avec cette analyse.
27:47 Nicolas Sarkozy
27:49 passe un peu vite
27:51 sur le fait que c'est
27:53 M. Poutine et la Russie qui a déclenché
27:55 cette guerre, contre un pays souverain.
27:57 Bien sûr, cette souveraineté
27:59 ne plaît pas à la Russie,
28:01 l'Ukraine étant à la marge de la Russie.
28:03 L'idée même que
28:05 l'Ukraine puisse
28:07 faire partie de l'OTAN est
28:09 impensable, inacceptable pour la Russie.
28:11 Nous savons tout cela.
28:13 Mais l'Ukraine est un pays souverain.
28:15 Et si M. Poutine s'est trompé, au-delà de
28:17 l'état de ses propres armées,
28:19 il s'est trompé sur le sentiment national,
28:21 sur la force du sentiment national ukrainien.
28:23 Et les Ukrainiens qui se battent et qui meurent
28:25 par milliers en ce moment,
28:27 ils se battent pour des valeurs qui sont les nôtres.
28:29 La liberté, l'intégrité
28:31 territoriale, les valeurs européennes,
28:33 la démocratie.
28:35 Je pense que nous avons un devoir de solidarité avec l'Ukraine.
28:37 C'est M. Zelensky
28:39 qui doit dire à un moment donné
28:41 nous pouvons demander
28:43 ou provoquer un cessez-le-feu.
28:45 Et à ce moment-là, bien sûr,
28:47 on devra discuter. Et les Russes, comme le dit
28:49 Nicolas Sarkozy, sont toujours là.
28:51 Je ne sais pas avec qui, mais ils sont toujours là.
28:53 Et on devra imaginer, ce que j'ai appelé
28:55 moi-même, du temps d'élection présidentielle
28:57 aux côtés de Valérie Pécresse, nous avions évoqué
28:59 l'idée d'une conférence internationale
29:01 sur la nouvelle architecture de stabilité
29:03 en Europe, dans laquelle
29:05 les Russes, naturellement, ont leur part.
29:07 Et l'Union Européenne aussi, et puis d'autres
29:09 partenaires comme la Turquie. Mais
29:11 ce moment-là n'est pas venu. Il faut que
29:13 les Ukrainiens qui se battent
29:15 pour nos valeurs et qui perdent la vie
29:17 pour nos valeurs, nous disent
29:19 à quel moment ils souhaiteront provoquer
29:21 cette situation.
29:23 Est-ce que globalement, quand même, la France qui aime bien se mêler un peu de tout
29:25 n'y va pas un peu trop fort
29:27 parfois, et sur l'Ukraine et sur l'Afrique ?
29:29 Est-ce que ça ne donne pas ce sentiment un petit peu omniprésent
29:31 d'une France donneuse de leçons ?
29:33 Oui, vous avez raison d'évoquer
29:35 ce sentiment. Je pense aussi que
29:37 nous sommes dans notre rôle en Ukraine
29:39 au sein de l'Union Européenne, en soutenant
29:41 ce pays qui se bat pour nos valeurs
29:43 et pour sa propre liberté.
29:45 Je pense qu'en Afrique, c'est une autre question
29:47 que celle d'une politique
29:49 qui est parfois un peu nostalgique
29:51 d'un passé qui n'existe plus, avec
29:53 de nouvelles générations africaines qui arrivent
29:55 à l'âge de voter.
29:57 La France-Afrique, c'est vraiment fini pour vous ?
29:59 Je ne souhaite que ce soit fini, parce que
30:01 on voit bien que si ce n'est pas fini, on est mis dehors.
30:03 Donc, je pense qu'il faut
30:05 avoir une présence qui ne soit plus
30:07 militaire en Afrique
30:09 et qu'elle soit davantage dans une coopération
30:11 civile, axée sur l'éducation,
30:13 sur la santé, sur les transports,
30:15 sur le développement agricole, et que
30:17 d'une manière générale, à l'égard de cet immense continent
30:19 qui va avoir 2 milliards d'habitants
30:21 dans quelques années, 2 milliards d'habitants
30:23 dont la moitié auront moins de 18 ans,
30:25 qui n'ont pas d'électricité,
30:27 à l'égard de ce continent immense
30:29 qui est juste là, à 14 kilomètres de nos côtes,
30:31 nous allions une réponse davantage
30:33 européenne. Je suis partisan
30:35 d'un nouveau contrat entre l'Union Européenne
30:37 et l'Afrique. Alors, sans transition,
30:39 mais toujours dans l'international, on passe
30:41 de la réelle politique au sport.
30:43 Nous aurons les Jeux Olympiques 2024 à Paris
30:45 bientôt. Vous avez été la cheville ouvrière
30:47 avec Jean-Claude Kélly, de ces magnifiques
30:49 Jeux Olympiques d'Alberville en 1992, et puis
30:51 la France, candidate. Les régions
30:53 Auvergne, Rhône-Alpes et Sud
30:55 à l'organisation de ceux de 2030,
30:57 Jeux d'hiver, je précise. J'ai envie
30:59 de vous demander si c'est écologique et raisonnable.
31:01 Je pense qu'on a toujours
31:03 raison, nous Français,
31:05 d'avoir l'ambition d'accueillir
31:07 de grands événements, qu'il s'agisse de la Coupe du
31:09 Monde de rugby, actuellement, des Jeux Olympiques,
31:11 qui vont être une réussite à Paris, sous l'autorité
31:13 de Tony Estanguet. Et puis
31:15 cette idée nouvelle, que je crois
31:17 bonne, d'avoir une candidature
31:19 pour 2030, où il n'y a pas beaucoup de candidats,
31:21 où il y a donc une ouverture possible,
31:23 une candidature des Alpes françaises, du sud et du nord.
31:25 Et écologiquement...
31:27 - Mais quel gage vous pourrez donner de ce point de vue-là ?
31:29 - Le gage, c'est qu'on peut
31:31 organiser les Jeux demain matin.
31:33 Il y a tous les équipements. - Tout est là ?
31:35 - Tout est là. - L'héritage de 92 ?
31:37 - Le stade de Nice, peut-être,
31:39 les pistes de ski,
31:41 les stades de ski de fond en Haute-Savoie et en Savoie,
31:43 nos pistes de ski de fond,
31:45 de ski alpin, où on a organisé les Chamblias du Monde,
31:47 de Méribel et de Courchevel.
31:49 30 ans après les Jeux d'Alberville, que j'ai
31:51 présidé avec Jean-Claude Killy,
31:53 tout fonctionne. Toutes les patinoires fonctionnent,
31:55 les pistes de bobsleigh, la piste de bobsleigh,
31:57 équipement improbable,
31:59 et les tremplins de Courchevel,
32:01 tout fonctionne, tout est utilisable. Donc demain matin,
32:03 avec quelques mois de préparation,
32:05 on peut organiser les Jeux d'hiver.
32:07 Entre les Alpes du sud et les Alpes du nord,
32:09 je pense que c'est pas gagné.
32:11 - La proximité de ceux de 2024 organisées déjà en France,
32:13 ce n'est pas un handicap ? - Je crois pas.
32:15 Je crois pas. On a vu déjà dans l'histoire,
32:17 aux Etats-Unis ou ailleurs, en Chine même,
32:19 une proximité forte entre les Jeux d'été et les Jeux d'hiver.
32:21 Je pense qu'on a des qualités pour cela,
32:23 on a les équipements pour cela,
32:25 on a les forces. Il faut aussi que les deux régions s'entendent bien,
32:27 qu'on laisse de côté les querelles.
32:29 Il faut aussi convaincre les gens
32:31 qui sont soucieux légitimement d'écologie
32:33 que ces Jeux peuvent être des Jeux
32:35 encore plus qu'avant.
32:37 Des Jeux durables, écologiques,
32:39 sans équipement nouveau,
32:41 avec des Jeux décarbonés. Je pense qu'on peut
32:43 le démontrer. Il faut que tout le monde soit à bord
32:45 pour les Jeux. - Et riche de votre expérience,
32:47 bien sûr, si on vous le demande, est-ce que vous souhaiteriez
32:49 vous impliquer dans cette candidature ?
32:51 - Ecoutez, moi je ne veux pas...
32:53 Je ne prends pas que l'expérience que j'ai pu construire
32:55 avec d'autres me donne le droit d'aider le son,
32:57 mais je peux partager cette expérience et être utile.
32:59 Je suis toujours prêt à être utile, oui.
33:01 - On finit avec la question personnelle, si vous voulez bien.
33:03 [Musique]
33:05 [Musique]
33:07 [Musique]
33:09 [Musique]
33:11 On se souvient que vous aviez salué le discours
33:13 de la Sorbonne du président Macron
33:15 sur l'Union européenne.
33:17 On sentait alors une volonté de chez vous
33:19 de vous ouvrir à ce président, pourquoi pas de se rapprocher
33:21 de lui. Qu'est-ce qui fait qu'avec le temps,
33:23 vous êtes tant éloigné de lui ?
33:25 - Euh...
33:27 Ou lui de moi, enfin...
33:29 - Bien sûr, mais là c'est vous qui êtes en plateau.
33:31 - Oui.
33:33 J'ai été
33:35 attentif et intéressé par le fait
33:37 que ce jeune président
33:39 tienne un discours
33:41 à la Sorbonne, dans lequel d'ailleurs j'ai retrouvé
33:43 une idée que j'avais moi-même défendue ou écrite
33:45 auparavant et j'en étais très heureux.
33:47 Après j'ai trouvé que la gestion du pays
33:49 a été pendant ces 5 premières années
33:51 de son quinquennat très solitaire.
33:53 Parfois un peu arrogante.
33:55 Et on ne peut pas gérer la France
33:57 de manière solitaire. Le président de la République,
33:59 il doit présider.
34:01 Le gouvernement doit gouverner. Là on a un président
34:03 qui a présidé et gouverné à la fois.
34:05 On a besoin...
34:07 - Vous étiez le ministre d'un hyper-président.
34:09 - Oui, c'était déjà
34:11 en marche pour le président
34:13 de gouverner à la fois.
34:15 Mais le général De Gaulle
34:17 laissait M. Pompidou gouverner.
34:19 Et donc je pense que
34:21 ce n'est pas bien gérer la France que de la gérer
34:23 de manière trop solitaire. Parce qu'on a besoin du Parlement
34:25 et de le respecter.
34:27 On a besoin des collectivités locales que le président
34:29 a maintenues au bout de la canne pendant trop longtemps.
34:31 On a besoin des syndicats.
34:33 On a besoin des églises, des associations.
34:35 - Intermédiaires.
34:37 - On a besoin de tous les bénévoles.
34:39 On a tellement de problèmes.
34:41 Il y a tellement de sentiments d'injustice ou d'exclusion
34:43 avec les Gilets jaunes.
34:45 Il y a beaucoup de pauvreté dans ce pays.
34:47 Il faut remettre les gens ensemble, qu'ils soient fiers.
34:49 C'est pour ça que je suis favorable aux grands événements
34:51 qui sont des moments d'unité, de fierté nationale.
34:53 Mais on a besoin aussi d'associer tout le monde.
34:55 D'avantage de respect.
34:57 Vous savez que pendant la primaire, j'ai pas de nostalgie
34:59 et je ne regrette pas de m'être engagé.
35:01 - Vous êtes arrivé 3e.
35:03 - J'avais dit "respecter les Français fait respecter la France".
35:05 "Respecter les Français fait respecter la France".
35:07 Je reste sur cette idée que
35:09 notre pays a besoin de respect à tous les niveaux.
35:11 - Merci infiniment Michel Barnier d'avoir accepté notre invitation.
35:13 Merci beaucoup à Sophie Doncet et Philippe Bertigny
35:15 pour la réalisation de cette émission
35:17 et à Christelle Benjamin pour sa préparation.
35:19 Merci Fred de nous avoir accompagnés.
35:21 - Avec plaisir.
35:23 - C'est une émission que vous pourrez revoir sur les sites internet
35:25 du groupe Nismata ainsi que sur celui de Radio-Emotions.
35:27 Nous vous souhaitons à tous une excellente journée.
35:29 - Merci.
35:31 (Générique)
35:33 ---
35:35 Sous-titrage Société Radio-Canada
35:37 Merci à tous !

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