LES PIONNIERS DE L'ANIMATION FRANÇAISE _ les hommes derrière Les mystérieuses citées d'or

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00:00:00 Mais les technologies ont beaucoup évolué aussi.
00:00:02 C'est ça, si on avait eu la même technologie à l'époque des Cités d'or,
00:00:05 on aurait fait autre chose.
00:00:07 On aurait fait 200 séries par contre.
00:00:09 On avait tellement d'idées de scénarios,
00:00:14 le nombre de fois où Bernard et moi on disait "ah j'ai une idée,
00:00:17 on va faire ce truc là".
00:00:18 Les idées, on en avait tout le temps, des histoires à raconter,
00:00:21 je crois qu'on était des conteurs d'histoire avant tout.
00:00:23 [Musique]
00:00:29 Très heureux de vous accueillir pour cette séance exceptionnelle,
00:00:33 pour cette nouvelle édition de Cannes Séries.
00:00:35 C'est une séance à laquelle on tenait beaucoup,
00:00:37 il y a 40 ans, cette année, 40 ans,
00:00:41 un dessin animé qui allait révolutionner l'animation française,
00:00:44 mais bien plus que ça d'ailleurs,
00:00:45 faisait son apparition sur nos écrans de télévision,
00:00:48 ce dessin animé, c'est Ulysse 31.
00:00:50 Et on voulait prendre ce petit prétexte de cet anniversaire
00:00:53 pour pouvoir réunir les deux personnes,
00:00:56 deux des personnes à l'origine de ce dessin animé,
00:00:58 deux personnes qui ont beaucoup compté
00:01:00 et qui comptent beaucoup dans l'animation japonaise,
00:01:02 dans l'animation française, pardon, encore aujourd'hui,
00:01:06 beaucoup de gens qui reconnaissent, s'en inspirent.
00:01:09 On est très heureux de réunir en même temps pour cette séance
00:01:12 Jean Chalopin et Bernard Derriès qui sont avec nous.
00:01:15 Bonjour, merci infiniment d'être avec nous
00:01:18 pour cette séance exceptionnelle de Cannes Séries.
00:01:21 Bonjour.
00:01:22 C'est un plaisir, je le disais, 40 ans après l'arrivée
00:01:27 sur les écrans de Ulysse 31.
00:01:29 Évidemment qu'on ne peut pas mesurer ce que va devenir
00:01:32 un programme quand il arrive,
00:01:34 mais est-ce que vous aviez la sensation,
00:01:36 quand vous travaillez sur ce dessin animé,
00:01:37 que vous faisiez quelque chose qui, quand même,
00:01:40 pourrait changer quelque chose dans l'animation française ?
00:01:43 Oh, non, je ne sais pas ce que Bernard en pense.
00:01:48 Non, je pense qu'on n'avait absolument pas conscience
00:01:52 que ça allait être une étape importante dans l'animation,
00:01:56 pas seulement française, d'ailleurs, un peu partout.
00:01:59 À l'époque, il faut remettre les choses dans le contexte,
00:02:01 il y avait Hanna-Barbara aux États-Unis et c'est tout,
00:02:04 il n'y avait rien.
00:02:05 Donc, non, ça a été une étape décisive dans l'animation
00:02:10 dans le monde entier, je pense.
00:02:11 Ça a eu une influence, il y avait le Japon, bien sûr,
00:02:13 le Japon, il ne faut pas négliger le Japon,
00:02:15 qui avait une importance,
00:02:16 qui n'était pas encore devenue internationale,
00:02:18 qui était encore uniquement basée au Japon,
00:02:21 mais il y avait quelques petites choses qui sortaient du Japon,
00:02:23 Albator, je ne me rappelle plus…
00:02:26 Goldorak.
00:02:27 Goldorak, bien sûr, qui est arrivé juste avant.
00:02:29 Juste avant, oui.
00:02:30 Et donc, mais sur le plan de l'animation,
00:02:34 en Europe, en tout état de cause,
00:02:35 on était vraiment les seuls et inconscients,
00:02:39 un petit peu, de ce qu'on faisait.
00:02:40 Oui, absolument.
00:02:41 On dit souvent, aux innocents, les mains pleines.
00:02:43 Les mains pleines, exactement.
00:02:44 Et on y allait gentiment, sans douter même, quand même.
00:02:47 On ne s'attendait pas à un succès tel qu'il a été,
00:02:52 mais on y allait sûr de nous, quand même,
00:02:54 de faire des belles choses.
00:02:56 Oui, je crois qu'on avait la passion de l'histoire, je crois.
00:03:00 La passion de l'histoire.
00:03:01 Et vous avez dit, deux des principaux, bien sûr,
00:03:04 Bernard et moi avons été très, très intimement impliqués
00:03:07 dans tout ça, et passés des heures et des nuits,
00:03:11 et des nuits et des jours et des semaines,
00:03:12 et des voyages, etc.
00:03:14 Mais on n'était pas les seuls.
00:03:15 Il y a plusieurs personnes qui étaient avec nous, bien sûr.
00:03:18 L'animation, c'est un travail d'équipe.
00:03:19 L'animation, l'écriture, c'est un travail d'équipe.
00:03:21 Quand j'entends des gens qui disent,
00:03:24 "Oh, j'ai tout créé, tout fait",
00:03:25 c'est jamais vrai, on est toujours en travail d'équipe.
00:03:28 Je ne sais pas ce que Bernard en pense,
00:03:29 mais c'est l'équipe qui fait l'existence.
00:03:33 Au dessin, il y a par exemple eu Philippe Adamoff,
00:03:37 et je ne sais plus comment il s'appelait, le deuxième,
00:03:40 mais vraiment, ils ont été importants dans la production.
00:03:42 Ce qu'ils ont amené comme homme de leur monde à eux.
00:03:44 À Fola aussi.
00:03:46 Oui, au départ, mais après, il y a eu des gens,
00:03:50 puis des gens comme René qui sont venus.
00:03:53 Ah oui, René Borg, oui.
00:03:56 On va évidemment en parler,
00:03:57 parce qu'on va faire le prétexte de cet anniversaire,
00:04:00 mais on va redérouler toute cette aventure qui est la vôtre,
00:04:03 celle de ce studio mythique qui est la DIC.
00:04:06 Mais avant même de parler de la DIC,
00:04:08 je voudrais parler de l'Arche.
00:04:10 L'Arche, ça doit forcément vous parler, j'imagine.
00:04:12 Je crois que c'est votre première rencontre à tous les deux.
00:04:15 Non, ce n'est pas notre première rencontre.
00:04:16 C'est une rencontre où on a travaillé ensemble
00:04:18 pour la première fois d'une certaine façon.
00:04:20 Mais non, notre première rencontre, ça date,
00:04:23 c'est par un voisin à moi.
00:04:25 J'étais tout jeune.
00:04:27 Je crois que Bernard devait avoir 16 ans ou un truc comme ça.
00:04:30 Comme je dois avoir deux ans de moins que Bernard,
00:04:32 c'est qu'il doit avoir 14 ans.
00:04:34 Et j'avais un voisin de chambre à Tours,
00:04:38 qui s'appelle M. Paul Gimsane, qui était professeur aux beaux-arts,
00:04:41 et qui m'a dit un jour,
00:04:43 « Oh, mon petit, il faut que vous rencontriez cet étudiant que j'ai,
00:04:46 il pisse la peinture. »
00:04:50 Et cet étudiant, c'était Bernard.
00:04:52 Et on s'est rencontrés.
00:04:53 Et on s'est rencontrés, on a eu un bon contact.
00:04:59 Et à un moment, j'avais cette idée de créer un studio,
00:05:02 enfin un studio, un lieu pour les poètes, les écrivains, les peintres,
00:05:06 on s'exprimait ça, large cryptépop,
00:05:09 crypt pour une crypt, théâtre, T-H-E,
00:05:13 poésie, peinture, large cryptépop.
00:05:15 Et tous les lundis soirs, on faisait ça.
00:05:16 Et Bernard, à l'époque, curieusement, m'a dit,
00:05:19 « Moi, je n'ai pas tellement envie de venir avec mes peintures,
00:05:21 mais je vais venir avec ma guitare. »
00:05:23 Et il chantait.
00:05:26 C'est vrai, avec un ami, on avait adapté d'ailleurs vos poèmes.
00:05:29 Un de vos poèmes que vous nous aviez confiés,
00:05:32 on ne l'a jamais chanté sur scène,
00:05:34 parce qu'on n'a jamais eu l'occasion,
00:05:36 mais c'est vrai qu'on a participé à des spectacles
00:05:39 que vous organisez à travers l'Arche,
00:05:41 avec Jean-Paul Pinault.
00:05:43 Oui, absolument.
00:05:44 Curieusement, vous avez pu remarquer que Bernard et moi,
00:05:46 après, on ne s'est jamais titoyés.
00:05:48 C'est une chose extraordinaire.
00:05:50 C'est ce que j'allais dire, c'est génial, je trouve.
00:05:52 C'est extraordinaire, on ne sait pas pourquoi.
00:05:53 On se connaît depuis…
00:05:55 Depuis 14 ans, pour moi.
00:05:57 Pratiquement 60 ans.
00:06:00 Comment ça se fait ?
00:06:01 Oui, pratiquement 60 ans.
00:06:03 Comment ça se fait ?
00:06:05 Je ne sais pas, à l'époque, on se voyait,
00:06:08 peut-être pour faire un peu plus adulte,
00:06:10 parce qu'on était tous très jeunes.
00:06:12 On se voyait, et puis c'est comme ça.
00:06:15 Et puis après, d'autres collaborateurs sont arrivés,
00:06:18 on s'est tutoyés tous,
00:06:20 sauf nous deux.
00:06:21 Jean, c'est à peu près comme ça que ça s'est passé.
00:06:25 Je ne sais pas pourquoi, c'est très bizarre.
00:06:27 C'était très bizarre.
00:06:29 Bernard et moi, on était quand même très proches en plus.
00:06:31 Ce n'est pas comme si on n'était pas proches.
00:06:32 On a travaillé de façon très proche.
00:06:34 Sur le plan de l'amitié, on a une véritable amitié.
00:06:37 Jean connaît bien ma famille.
00:06:39 On fait tous les anniversaires à la maison
00:06:42 quand on était à Los Angeles, à Tokyo.
00:06:44 Enfin bon, c'était…
00:06:46 Voilà, quelqu'un de très proche,
00:06:47 on se voit toujours, toujours.
00:06:48 C'est difficile de se défaire de ça.
00:06:51 C'est dur, exactement.
00:06:52 C'est en problématique.
00:06:54 Mais ça lui rend quelque chose de très classe,
00:06:55 je pense, entre vous deux.
00:06:56 Et ça participe aussi à cette histoire-là.
00:07:00 On parle de cette époque-là,
00:07:01 mais on ne se rend pas bien compte.
00:07:02 Pour les jeunes d'aujourd'hui qui se lancent dans l'animation,
00:07:04 ils ont des points de repère partout
00:07:06 pour se dire "c'est possible, je peux faire ce métier".
00:07:08 J'imagine qu'à cette époque-là, c'était peut-être moins le cas.
00:07:11 Comment on se dit qu'on a envie de faire ce métier-là,
00:07:14 qu'on a envie d'être scénariste, réalisateur,
00:07:16 notamment pour l'animation ?
00:07:18 On a des points de repère.
00:07:19 Quels sont-ils pour vous deux ?
00:07:21 Pour moi, pour le dessin,
00:07:24 je rêvais de faire ce métier parce que j'étais…
00:07:27 À l'époque, la grande référence était Disney.
00:07:30 Il y avait ça comme grand studio,
00:07:31 qui produisait des longs-notrages.
00:07:33 Et c'est un métier qui n'existait pas.
00:07:36 Ou faire du dessin animé en France.
00:07:39 Comment ça se passait ?
00:07:41 Est-ce qu'il y avait des écoles ? Non, pas du tout.
00:07:42 Donc moi, je suis entré dans le dessin par la publicité.
00:07:46 J'ai fait une école de publicité,
00:07:48 qui s'appelle l'école Brassard à Tours, puis les Beaux-Arts.
00:07:51 C'est là que j'ai connu Jean.
00:07:52 Et ensuite, petit à petit, j'ai eu des clients.
00:07:57 Et c'est après que j'ai retrouvé Jean,
00:08:00 qui est devenu, plus tard que l'anecdote
00:08:03 que vous racontez tout à l'heure,
00:08:05 on s'est retrouvés sur un travail,
00:08:08 où lui avait une agence de publicité,
00:08:11 et moi j'étais illustrateur.
00:08:13 Et là, un jour, j'ai livré mon client,
00:08:16 et qui je vois en face de moi ? Jean Charlepin.
00:08:19 Donc je lui dis, vous savez,
00:08:22 je suis à l'école Brassard, j'enseigne,
00:08:24 et mon rêve c'est de faire du dessin animé.
00:08:26 Et lui il me dit, mais nous on fait des films publicitaires,
00:08:29 on a besoin des clients qui seraient ouverts à ça.
00:08:32 Est-ce que vous voulez qu'on fasse un studio de dessin animé ?
00:08:37 Et j'ai dû réfléchir à peu près 5 secondes,
00:08:40 et j'ai dit oui.
00:08:42 C'est comme ça que sont passées nos retrouvailles.
00:08:45 Oui, ça c'est une chose assez marrante,
00:08:48 parce que j'avais acheté un petit film.
00:08:51 Moi aussi, j'ai commencé par la publicité,
00:08:53 et je faisais des distributions de prospectus dans les boitelettes,
00:08:57 et ensuite j'ai commencé à vouloir produire ces prospectus.
00:09:00 Puis un jour, j'ai trouvé l'occasion d'acheter un petit studio
00:09:03 de films publicitaires, qui s'appelle les films Pierre Dubiau.
00:09:06 Et j'ai acheté ce petit studio, j'avais 18 ans,
00:09:10 il faut quand même être dans le cadre.
00:09:13 Et une année se passe à peu près,
00:09:16 et ça marchait très bien.
00:09:18 J'ai passé un accord avec un groupe qui s'appelait Circuia,
00:09:21 qui faisait partie de l'UGC,
00:09:23 et donc j'avais plein de films publicitaires à faire dans la province.
00:09:25 Personne ne s'intéressait aux petits films régionaux,
00:09:27 donc on faisait ces films régionaux.
00:09:29 Et un jour, j'ai un client, je crois que c'était à Lançon, c'est ça ?
00:09:32 C'est des opticiens de Lançon ?
00:09:34 Oui, oui, oui.
00:09:35 Ils me disent un jour, nous on veut faire un dessin animé,
00:09:38 et j'avais un principe à l'époque, ne jamais dire non.
00:09:41 Vous savez faire des dessins animés ?
00:09:43 Oui, pas de problème ! J'avais aucune idée.
00:09:45 Et comme j'avais rencontré Bernard justement, avec ce client,
00:09:48 juste avant, j'appelle Bernard en disant,
00:09:51 "Bernard, j'ai un client qui veut faire un dessin animé."
00:09:54 Et Bernard, "Pas de problème !"
00:09:56 Notre premier dessin animé, vous vous rappelez,
00:09:58 ça s'est fait, on avait une chaise,
00:10:00 et on avait acheté un bâton, un balai,
00:10:02 un manche de balai,
00:10:04 et accroché à ça, la caméra.
00:10:06 Et on faisait de l'image par image sur la chaise.
00:10:08 C'était très artisanal.
00:10:10 C'était notre vente-titre.
00:10:12 Vente-titre fait par Bernard.
00:10:13 Je ne suis pas sûr pour le manche à balai,
00:10:15 mais c'était très artisanal quand même.
00:10:17 Et Dominique Ferrandou exactement.
00:10:19 C'est ça, oui.
00:10:21 Non, ça c'est le premier dessin animé.
00:10:23 En plus, c'était pas mal du tout ce dessin animé.
00:10:25 Oui, à l'époque, je découvrais moi-même le métier,
00:10:29 parce que je ne connaissais que par les bouquins de Walt Disney.
00:10:31 Je rêvais de faire un jour du dessin animé.
00:10:34 Et donc, en lisant ses livres,
00:10:37 j'ai essayé d'appliquer la technique
00:10:39 qu'il enseignait à l'intérieur de ses livres.
00:10:41 Et puis, petit à petit, on a constitué le premier studio.
00:10:44 Et j'ai appelé mes élèves,
00:10:46 puisque j'étais professeur en même temps à l'école Brassard,
00:10:48 et j'ai pris mes élèves,
00:10:50 puisque je les connaissais,
00:10:52 je leur ai laissé leur talent en dessin
00:10:54 pour étoffer le studio en dessinateur.
00:10:56 C'est là qu'il y avait Jean Barbeau, par exemple ?
00:10:58 Oui, bien sûr.
00:11:00 Il faut peut-être faire "tracking",
00:11:02 comme on dit en anglais.
00:11:04 Un an plus tard, à peu près,
00:11:06 on a une société maintenant
00:11:08 qui a un nombre de personnes.
00:11:10 On commence à faire pas mal de dessins animés.
00:11:12 Des dessins animés qu'on appelait institutionnels à l'époque.
00:11:14 Et on a Jean Barbeau,
00:11:16 Afrola, Adjanaïdis,
00:11:18 Manchus,
00:11:20 Philippe Boucher-Manchus,
00:11:22 on a
00:11:24 une pléiade de gens.
00:11:26 René Borg était avec nous aussi.
00:11:28 René s'était occupé de la mise en place du studio,
00:11:30 Rachel Meyer, etc.
00:11:32 On avait vraiment...
00:11:34 On a eu plein de gens, mais tout le monde venait pratiquement de l'école Brassard,
00:11:36 à excepter René, bien sûr.
00:11:40 C'est vraiment cette espèce de foyer,
00:11:42 si vous voulez, de talents.
00:11:44 Et comme vous avez vu,
00:11:46 certains talents extraordinaires.
00:11:48 Philippe Boucher-Manchus,
00:11:50 c'est un talent extraordinaire.
00:11:52 C'est un des grands démonstrateurs de science-fiction d'aujourd'hui.
00:11:54 Et tout ça est sorti,
00:11:58 est parti de tour.
00:12:00 J'oublie des noms là-dessus,
00:12:02 il faut me pardonner d'avance, parce que c'est il y a beaucoup d'années.
00:12:04 On parle de ça en 1970.
00:12:08 Donc ça fait quoi ?
00:12:10 51 ans, ça.
00:12:12 Quelques années.
00:12:14 Et là, on commence à développer des films institutionnels.
00:12:16 Bien entendu, le problème, c'est qu'il y a
00:12:18 une espèce de situation qu'on a
00:12:20 rencontré toute notre existence ensemble,
00:12:22 Bernard et moi, c'est
00:12:24 vous avez trop de capacités et pas assez de produits,
00:12:26 ou vous avez trop de produits et pas assez de capacités.
00:12:28 C'est jamais équilibré.
00:12:30 Et on commence à développer les choses,
00:12:32 et maintenant, il faut trouver du produit à faire.
00:12:34 Et c'est là qu'on commence à se dire,
00:12:36 il faut aller à... On était à Tours,
00:12:38 il faut aller à Paris.
00:12:40 Et on a donc ouvert un
00:12:42 premier bureau à Paris.
00:12:44 Ce premier bureau, je crois que c'était rue...
00:12:46 rue Lincoln.
00:12:48 - Francklin-Roussel ?
00:12:50 - Non, rue Lincoln d'abord.
00:12:52 Pierre Chamond, Francklin-Roussel.
00:12:54 Et on passe à un accord avec
00:12:56 un truc qui s'appelait Vidéogramme de France.
00:12:58 Roland Dordain était la personne qui dirigeait ça.
00:13:00 Et il me présente une personne,
00:13:02 Jasmine Delacroix,
00:13:04 qui se passionne pour notre jeune équipe.
00:13:06 Elle était plus âgée que nous.
00:13:08 Et Jasmine devient la personne
00:13:10 qui nous ouvre les portes.
00:13:12 Elle travaillait
00:13:14 pour les ventes
00:13:16 radio de publicité institutionnelle
00:13:18 à l'époque. Elle a pris une distance
00:13:20 et elle s'est mise à travailler avec nous.
00:13:22 Et Jasmine est devenue une amie proche de Bernard et de moi.
00:13:24 Très, très proche même.
00:13:26 Elle est décédée il y a maintenant une dizaine d'années,
00:13:28 je pense, à peu près. Mais quelqu'un d'extraordinaire
00:13:30 avec qui on a partagé des moments
00:13:32 plus glorieux et des moments moins glorieux.
00:13:34 C'était vraiment quelque chose d'extraordinaire.
00:13:36 Mais on arrive à se projeter
00:13:38 sur les endroits où on peut
00:13:40 proposer ces programmes parce que
00:13:42 il faut rappeler aux gens, on parle des années 70,
00:13:44 si au Japon l'animation
00:13:46 est vraiment très développée à la télévision,
00:13:48 il y a peu de créneaux en France pour diffuser
00:13:50 ces programmes, notamment en télévision.
00:13:52 Là, il y avait un créneau sur
00:13:54 France 3,
00:13:56 le samedi matin,
00:13:58 qui nous permettait de diffuser ces films.
00:14:00 Ce qui intéressait
00:14:02 beaucoup les producteurs.
00:14:04 À l'époque, Roland Dordain nous avait présenté
00:14:08 deux personnes,
00:14:10 une personne à TF1 qui était le président
00:14:12 et une personne à Troisième chaîne
00:14:14 qui était Côte d'Amine, qui était aussi le président.
00:14:16 Et dans les deux cas, on avait obtenu
00:14:18 ce qu'on appelait des créneaux institutionnels. Il faut
00:14:20 pas oublier que la télévision à l'époque ne marchait
00:14:22 que l'après-midi ou le soir,
00:14:24 et pendant le week-end, que le matin
00:14:26 il n'y avait pas de télévision pratiquement.
00:14:28 Donc, c'était une audience
00:14:30 très intime, mais qui nous
00:14:32 permettait d'avoir des produits
00:14:34 financés par le ministère de la Santé,
00:14:36 par l'Institut français
00:14:38 du pétrole, etc.
00:14:40 - L'électricité.
00:14:42 - L'électricité de France,
00:14:44 etc. Et donc,
00:14:46 il fallait qu'on ait la garantie
00:14:48 de diffusion. Alors, bien sûr,
00:14:50 le diffuseur avait toujours l'autorité de refuser s'il n'était
00:14:52 pas d'accord, et donc, il fallait toujours faire très
00:14:54 attention au contenu, mais ça nous
00:14:56 permettait de faire. Et ça, ça a fait vivre
00:14:58 le studio, ça nous a permis de développer l'équipe.
00:15:00 On est passé de 5 personnes
00:15:02 à 500 personnes à un moment donné,
00:15:04 et ça, c'est quand on est arrivé à Boulogne.
00:15:06 Grâce à ces
00:15:08 productions de dessins animés que l'on faisait,
00:15:10 Bernard peut en citer des tas.
00:15:12 À l'époque, c'était tout
00:15:14 signé par Bernard, il n'y avait pas encore d'autres réalisateurs.
00:15:16 Si mon amour est bon, c'est tout seul.
00:15:18 Mais...
00:15:20 - Raoul Franco
00:15:22 en a signé quelques-uns, quand même,
00:15:24 si vous vous souvenez. - Oui, c'est vrai.
00:15:26 - C'est vrai, oui.
00:15:28 Mais bon, oui, c'est vrai, autrement, j'en ai
00:15:30 signé beaucoup, j'étais le seul.
00:15:32 - Est-ce qu'il y a eu un...
00:15:34 On a parlé, évidemment, de ceux qui existaient déjà,
00:15:36 il n'y en avait pas beaucoup, vous le disiez, en France,
00:15:38 mais en 1978, il y a un précédent qui arrive,
00:15:40 c'est l'arrivée de la saga "Il était
00:15:42 une fois" par Albert Barillé,
00:15:44 avec ce système, justement, de coproduction
00:15:46 pour faire de l'animé,
00:15:48 et puis on parle aussi de ce système de diffusion
00:15:50 initié par Hélène Fatou à FR3.
00:15:52 Mais est-ce que ce précédent
00:15:54 d'Albert Barillé avec "Il était une fois" a fait
00:15:56 un peu une sorte de jurisprudence,
00:15:58 pardon pour ce terme qui ne colle pas à la situation,
00:16:00 mais justement pour envisager
00:16:02 plus largement vos programmes
00:16:04 et vos projets ensemble ?
00:16:06 - Mais je crois que dans le cas d'Albert Barillé,
00:16:08 ce n'était pas une coproduction avec le Japon.
00:16:10 - C'était avec différents pays européens, je crois.
00:16:12 - Les Japonais étaient
00:16:14 fournisseurs de travail, ils fournissaient
00:16:16 la production, le travail.
00:16:18 - Albert était un distributeur avant tout,
00:16:20 qui un jour s'est rendu compte
00:16:22 qu'il avait l'habileté de faire des productions,
00:16:24 il avait organisé les shows.
00:16:26 Jean Barbeau s'est joint à lui
00:16:28 pour la deuxième série,
00:16:30 même pour la première série, je crois bien.
00:16:32 Jean Barbeau s'est joint à lui
00:16:34 là-dessus et a complètement
00:16:36 rechangé le look. D'ailleurs, le look
00:16:38 d'"Il était une fois" c'est vraiment le look
00:16:40 de Jean Barbeau, c'est vraiment le dessin,
00:16:42 c'est vraiment son...
00:16:44 - Et nous faisions
00:16:46 les storyboards de la première série à Tours,
00:16:48 si vous vous souvenez même de la deuxième.
00:16:50 On a fait les storyboards de la première série à Tours.
00:16:52 - Le studio
00:16:54 dit qu'effectivement, c'était le studio
00:16:56 qui faisait les storyboards et qui fournissait
00:16:58 pas mal de choses. Albert est un client
00:17:00 assez difficile d'ailleurs, si je me souviens bien,
00:17:02 très très très exigeant.
00:17:04 C'est un distributeur,
00:17:06 c'est un distributeur devenu producteur.
00:17:08 Je ne sais pas ce qu'il est devenu, j'ai complètement
00:17:10 perdu de vue, je ne sais pas du tout...
00:17:12 - Il est décédé.
00:17:14 - Il est décédé.
00:17:16 - Son fils s'est encore repris.
00:17:18 - Son épouse aussi qui travaille beaucoup sur les séries.
00:17:20 - Oui, c'est ça.
00:17:22 - Hélène Barillet, qui travaille beaucoup sur les projets.
00:17:24 Et puis en plus je crois qu'il n'aimait pas trop
00:17:26 l'animation japonaise, ce n'était pas trop son truc.
00:17:28 Et il s'inscrivait un petit peu
00:17:30 en opposition finalement avec
00:17:32 cette animation-là.
00:17:34 Pour vous, assez rapidement, le Japon est devenu
00:17:36 peut-être le sésame pour vous
00:17:40 permettre justement de monter ces projets,
00:17:42 monter ces grandes histoires que vous aviez envie de faire
00:17:44 passer de ces séries institutionnelles
00:17:46 à ces grandes séries, à ces grandes fresques animées ?
00:17:48 - La réponse à ce que je vous ai dit tout à l'heure,
00:17:52 c'était le problème de la capacité de production
00:17:54 c'est-à-dire que nos idées maintenant étaient devenues
00:17:58 plus grandes que notre capacité de production.
00:18:00 Même avec 500 personnes
00:18:02 entre Boulogne et Tours,
00:18:04 on était capable de produire
00:18:06 une série
00:18:08 de 26 épisodes par exemple,
00:18:10 il nous fallait trois ans, c'était pas possible.
00:18:12 Or, on ne pouvait pas être dans un marché international
00:18:14 avec un délai de production pareil.
00:18:16 Ulysse 31 a mis du temps à produire,
00:18:18 beaucoup plus de temps qu'on l'aurait fait autrement.
00:18:20 Donc, à un moment donné, la société fonctionnait bien
00:18:22 et j'ai fait
00:18:24 ce qui était ma mission à l'époque,
00:18:26 j'ai pris mon petit bâton de pèlerin,
00:18:28 je suis parti.
00:18:30 Je suis parti en chercher en Asie, un peu partout.
00:18:32 À l'époque, il n'y avait pas d'avion direct
00:18:34 puisque la Russie était encore fermée,
00:18:36 donc j'ai cherché en
00:18:38 Turquie, en Inde,
00:18:40 en Thaïlande,
00:18:42 à Hong Kong, etc.
00:18:44 Taiwan, et là Taiwan a trouvé
00:18:46 quelque chose, déjà un petit studio qui commençait
00:18:48 qui s'appelait Cocosnest,
00:18:50 il y avait à l'époque 25 animateurs
00:18:52 et ensuite...
00:18:54 - Tu travaillais pour Anna Barbera à l'époque.
00:18:56 - Exactement.
00:18:58 Et au Japon, c'était
00:19:00 la découverte d'un espèce
00:19:02 de paradis terrestre pour les animateurs
00:19:04 parce qu'il y avait une organisation en place
00:19:06 qui fonctionnait impeccablement, il y avait
00:19:08 une dizaine de sociétés très actives,
00:19:10 Tatsunoko,
00:19:12 TMS, etc.,
00:19:14 vraiment Toei,
00:19:16 etc. Mais surtout
00:19:18 un système organisé
00:19:20 avec un système de distribution parfaitement
00:19:22 huilé qui fait que les unités
00:19:24 de production, c'était contrairement à ce qu'on avait en France,
00:19:26 la grande boîte avec 500 personnes
00:19:28 aux États-Unis, là, ce n'est pas du tout ça.
00:19:30 C'était des petites structures
00:19:32 d'organisation avec ce qu'ils appelaient des "runners",
00:19:34 le producteur des "runners" qui était
00:19:36 et plein d'unités... - Les "coursiers",
00:19:38 les "coursiers", oui.
00:19:40 - Plein d'unités décentralisées.
00:19:42 Et là, c'était une espèce d'El Dorado.
00:19:44 Et donc, je me rappelle revenir à Paris
00:19:46 complètement excité en disant
00:19:48 "On va créer
00:19:50 DIC au Japon
00:19:52 et on ne va pas travailler avec les autres,
00:19:54 on va s'assurer, on va créer notre propre boîte."
00:19:56 Et tout le monde m'a regardé comme si j'étais un fou
00:19:58 total, mais
00:20:00 c'est ce qu'on a fait.
00:20:02 C'était une aventure assez extraordinaire qui a duré
00:20:04 17 ans quand même au Japon.
00:20:06 - Après avoir rencontré TMS
00:20:08 quand même au départ. - Oui, bien sûr.
00:20:10 - Vous les avez rencontrés, je crois,
00:20:12 au MIP à Cannes, c'est ça ?
00:20:14 - Je les avais rencontrés au Japon,
00:20:16 mais c'était vraiment au
00:20:18 MIP quand ils sont arrivés qu'on a...
00:20:20 avec M. Fudjoka
00:20:22 et
00:20:24 Sachiko qui était son assistante
00:20:26 qui s'occupait de ça, où on a vraiment
00:20:28 passé, et Mati Chimora, qui était
00:20:30 le directeur des ventes
00:20:32 à l'époque, qui parlait anglais, c'était le seul qui parlait
00:20:34 anglais, les autres ne parlaient pas
00:20:36 anglais, aussi Sachiko parlait anglais.
00:20:38 Mais M. Fudjoka
00:20:40 ne parlait pas un seul mot
00:20:42 et c'était un personnage assez extraordinaire,
00:20:44 Fudjoka, je veux dire.
00:20:46 Un personnage de légende.
00:20:48 Vous vous rappelez bien de lui, Bernard,
00:20:50 je pense ? - Oui, bien sûr.
00:20:52 Bien sûr.
00:20:54 - On est
00:20:56 venus relativement intégrés
00:20:58 dans le système japonais
00:21:00 et
00:21:02 voilà, Bernard, à un moment donné,
00:21:04 fallait décider, est venu vivre
00:21:06 au Japon avec sa famille.
00:21:08 - Oui, pour simplifier les choses.
00:21:10 - C'est radical.
00:21:12 - Et là, on s'est
00:21:14 démarché vraiment... - Et donc, quand j'étais au
00:21:16 Japon avec ma famille, j'étais tout le temps
00:21:18 parti aux Etats-Unis après, donc
00:21:20 on a fini bien à Los Angeles.
00:21:22 - Mais est-ce que c'est facile ?
00:21:24 Allez-y, je vous en prie. - Non, simplement,
00:21:26 parce que Bernard vient de dire quelque chose qui nous
00:21:28 a fait avancer dans le temps, mais une fois
00:21:30 qu'on a eu cette capacité de production qui nous
00:21:32 permettait de faire, ça c'était vraiment sur Ulysse 31
00:21:34 et les Cités d'or, une fois qu'on a
00:21:36 eu la capacité de production, on pouvait faire plus.
00:21:38 Donc, mon ambition a été
00:21:40 de dire, bon, maintenant, il y a un énorme marché
00:21:42 qu'on n'a jamais touché, ce sont les Etats-Unis.
00:21:44 Et tout le monde m'a dit à l'époque la même chose
00:21:46 qu'on m'a toujours dit tout le temps, "Oh là là là,
00:21:48 ça ne sert à rien, les Américains
00:21:50 sont xénophobes, personne ne peut y arriver,
00:21:52 personne n'a jamais réussi." Et vous savez,
00:21:54 l'avantage, c'est comme les jours de grève, quand on dit, "Oh là là,
00:21:56 il ne faut pas prendre sa voiture, il y aura des encombrements."
00:21:58 Il n'y a personne sur l'autoroute.
00:22:00 Je suis arrivé aux Etats-Unis, il n'y avait absolument
00:22:02 aucune concurrence, c'était le marché le plus
00:22:04 facile du monde à conquérir,
00:22:06 parce que, justement, il y avait cette idée préconçue
00:22:08 que c'est impossible.
00:22:10 Et ça, c'est formidable, parce que
00:22:12 l'être humain a tendance à résonner par groupe.
00:22:14 Quand il y a une foule qui dit, "Oh là là,
00:22:16 tout est blanc", tout le monde pense que tout est blanc.
00:22:18 Et personne ne regarde s'il y a quelque chose de l'autre côté.
00:22:20 Et là, on a fait vraiment ça, on est allés
00:22:22 envers et contre tous. Je me souviens,
00:22:24 on avait un partenaire qui était la CLT
00:22:26 à l'époque, qui nous a
00:22:28 dit, "Oh là là, mais OK, on te laisse aller,
00:22:30 mais tu dois prendre une assurance."
00:22:32 Alors, on a pris une assurance COFAS
00:22:34 à l'époque. C'était la plus belle
00:22:36 erreur qu'on ait pu faire,
00:22:38 parce qu'on a eu un tel succès tellement rapide
00:22:40 que ça nous a coûté une fortune pendant,
00:22:42 je ne sais plus combien, 6 ans ou 10 ans,
00:22:44 parce que le principe de COFAS, c'est
00:22:46 vous payez sur vos profits, etc.
00:22:48 Et on a été la première année où on a gagné.
00:22:50 C'était la...
00:22:52 Bon, ça rassurait tout le monde.
00:22:54 Excusez-moi Bernard, je vous ai interrompu.
00:22:56 Oui, oui, non, pas de problème.
00:22:58 Je vous suivais aussi,
00:23:00 comme d'habitude.
00:23:02 Mais est-ce que c'est simple, pour revenir
00:23:04 un petit peu justement à la fois sur, d'ailleurs,
00:23:06 sur Ulysse 30 et Les Cités d'or, quand on doit travailler
00:23:08 avec les Japonais qui n'ont peut-être pas
00:23:10 la même façon de faire les dessins animés,
00:23:12 en tout cas qui n'ont pas les mêmes attentes dans les chaînes,
00:23:14 chez nous, il y avait toujours ce mieux-disant culturel,
00:23:16 il fallait toujours qu'il y ait un aspect un peu
00:23:18 éducatif, qui n'était peut-être pas forcément le cas
00:23:20 dans les dessins animés au Japon. Comment on fait
00:23:22 pour arriver à faire un dessin animé qui satisfasse
00:23:24 tout le monde, à la fois le public japonais
00:23:26 et le public français, Bernard ?
00:23:28 Écoutez,
00:23:30 quand je suis... quand j'ai eu le premier épisode
00:23:32 terminé, sous le bras,
00:23:34 je pars de Tokyo,
00:23:36 les Japonais me disent
00:23:38 "C'est bien, mais ça fait quand même
00:23:40 un peu français, ça fait européen,
00:23:42 c'est... bon, c'est bien, mais...
00:23:44 Et j'arrive en France,
00:23:46 et là, France 3 me dit
00:23:48 "C'est pas mal, mais quand même, ça fait
00:23:50 drôlement japonais, donc voyez,
00:23:52 comme on arrive à satisfaire tout le monde,
00:23:54 peut-être... c'était peut-être un
00:23:56 entre-deux, voilà, c'est ça.
00:23:58 Un entre-deux à trouver et qui a plutôt
00:24:00 bien réussi ? Qu'on a à peu près trouvé,
00:24:02 parce que... à peu près, je dis bien,
00:24:04 parce que dans les premières années,
00:24:06 ça a fait un succès phénoménal en France,
00:24:08 et ça a moins bien marché au Japon,
00:24:10 par exemple.
00:24:12 À la même époque, il y a un autre studio
00:24:14 d'ailleurs qui émerge, enfin,
00:24:16 qui devait déjà exister, mais qui est en Espagne,
00:24:18 qui est BRB International, et qui produit
00:24:20 aussi des dessins animés sur ce modèle-là,
00:24:22 de la coproduction. Claudio Bianborn,
00:24:24 que j'avais eu l'occasion, avec lequel j'ai eu l'occasion
00:24:26 de discuter il y a quelques temps, qui s'occupe de
00:24:28 BRB, nous disait combien il
00:24:30 admirait le travail qui a été fait par
00:24:32 vos équipes.
00:24:34 Est-ce que vous diriez que, justement, à cette époque-là,
00:24:36 la méthode de travail, c'est un petit peu
00:24:38 à donner de l'inspiration ? Vous avez... vous êtes côtoyé
00:24:40 les uns les autres ? Comment ça se passait exactement ?
00:24:42 Pas du tout, j'ai jamais rencontré les gens
00:24:44 de BRB au Japon, mais...
00:24:46 C'est beaucoup plus tard.
00:24:48 Allô ? Oui ? Pardon ?
00:24:50 C'est beaucoup plus tard, je pense qu'ils sont arrivés...
00:24:52 Je crois que BRB, c'est plus tard, oui.
00:24:54 C'est vers 83-84, je crois.
00:24:56 Oui, là, je crois que la première
00:24:58 fois que je suis allé au Japon, c'était fin 79.
00:25:00 Oui, c'est ça, moi,
00:25:02 la première fois que je suis allé faire des
00:25:04 recherches de la production, c'était en 77.
00:25:06 En Chine, je suis allé en septembre 77.
00:25:08 Donc, on
00:25:10 était un peu en avance sur la musique.
00:25:12 Oui, c'est ça.
00:25:14 Pour travailler avec les Japonais,
00:25:16 ça a été un excellent souvenir, j'ai appris
00:25:18 beaucoup de choses. Au début,
00:25:20 ils se demandaient un petit peu, les équipes de
00:25:22 dessin se demandaient un peu qui étaient ces
00:25:24 gajins qui venaient leur apprendre le métier.
00:25:26 Donc, ils étaient un peu soupçonneux,
00:25:28 puis petit à petit, on a appris à se connaître,
00:25:30 et puis le meilleur exemple, c'est que
00:25:32 pour le générique d'Ulysse, j'ai essayé d'expliquer
00:25:34 ce que je voulais comme générique,
00:25:36 et ils ont fait un storyboard
00:25:38 qui ne me convenait absolument pas, parce que
00:25:40 c'était vraiment très bateau, c'était un générique
00:25:42 comme on avait déjà vu sur d'autres séries.
00:25:44 Ils réutilisaient des images,
00:25:46 des épisodes, ça ne me plaisait pas du tout,
00:25:48 donc ils étaient vexés.
00:25:50 Donc, ils m'ont dit, écoute, si ça ne te
00:25:52 plaît pas, fais-le toi-même. Donc, je me suis
00:25:54 assis à une table, j'ai fait le générique,
00:25:56 et c'est exactement le générique d'Ulysse
00:25:58 que vous avez aujourd'hui, qui existe aujourd'hui.
00:26:00 Et là, du coup, nos rapports ont changé.
00:26:02 J'ai vu que nos rapports ont changé après ça,
00:26:04 parce qu'ils ont vu que j'étais capable de le faire,
00:26:06 et donc, du coup, une confiance
00:26:08 plus grande s'est établie entre nous.
00:26:10 Et ça a été différent par la suite.
00:26:12 Vous parliez d'égal à égal,
00:26:14 quasiment, pour eux.
00:26:16 Voilà, ils voulaient que je fasse la preuve de ce que j'avançais.
00:26:18 Mais je crois que
00:26:20 l'expérience des studios
00:26:22 japonais était souvent
00:26:24 le producteur qui vient
00:26:26 qui n'était pas vraiment un producteur,
00:26:28 qui n'était pas vraiment un artiste. Au Bernard,
00:26:30 il sait faire du storyboard, il sait faire de l'animation,
00:26:32 il sait expliquer, il sait présenter.
00:26:34 Et donc, c'est tout à fait différent.
00:26:38 Je crois que le respect a complètement changé,
00:26:41 les relations ont changé. On a vraiment,
00:26:43 Bernard a créé, moi aussi, des relations d'amitié
00:26:45 qui durent encore aujourd'hui, pour les gens qui sont encore vivants,
00:26:47 parce que malheureusement, on n'est pas jeunes.
00:26:49 Donc, il y a plein de gens partis.
00:26:51 Mais des relations d'amitié
00:26:53 qui n'ont jamais changé.
00:26:55 La proximité de certaines personnes
00:26:57 qu'on a eues est extraordinaire.
00:26:59 Je crois aussi que peut-être,
00:27:01 on peut dire, je ne sais pas si c'est la même expérience
00:27:03 pour Bernard et moi,
00:27:05 mais les Japonais mettent du temps à s'ouvrir,
00:27:07 mais quand ils s'ouvrent,
00:27:09 et que vous avez une véritable amitié,
00:27:11 c'est très solide.
00:27:13 Oui, c'est vrai, oui. Je confirme.
00:27:15 Et ça dure.
00:27:17 Et ça dure longtemps.
00:27:19 Comme avec Terada, par exemple,
00:27:21 qui était un assistant réalisateur sur Ulysse,
00:27:23 qui était très mafiant au départ,
00:27:25 mais avec qui nous avons loué des liens
00:27:27 près d'amitié, à travers le travail
00:27:29 à Los Angeles.
00:27:31 Et même récemment, j'ai pris contact avec lui.
00:27:33 Il est devenu le numéro 2
00:27:37 avec Bruno Bianchi sur Gadget.
00:27:39 Bruno Bianchi,
00:27:41 qui a aussi évidemment été un des très grands
00:27:43 noms qui a travaillé à vos côtés,
00:27:45 et qui était là aussi dès les débuts.
00:27:47 Avant de venir effectivement à cette partie
00:27:49 américaine sur laquelle on a déjà
00:27:51 commencé un petit peu à parler,
00:27:53 revenons un petit peu sur cet autre grand dessin animé
00:27:55 qui est Les Cités d'or.
00:27:57 Là aussi, la rencontre
00:27:59 entre cette influence
00:28:01 de l'histoire européenne
00:28:03 et cette rencontre avec la façon de faire
00:28:05 et de produire au Japon.
00:28:07 C'est un dessin animé qui est fascinant,
00:28:09 qui fascine encore des générations aujourd'hui.
00:28:11 On le voit avec les trois autres saisons qui ont été faites.
00:28:13 Une comédie musicale, même,
00:28:15 à Paris, au mois d'octobre,
00:28:17 qui se monte autour des Cités d'or,
00:28:19 aux variétés, je crois.
00:28:21 Cette histoire-là des Cités d'or,
00:28:23 comment vous expliquez
00:28:27 ce succès fascinant
00:28:29 qui fait rêver encore les enfants
00:28:31 d'aujourd'hui et les grands-enfants que je suis
00:28:33 quand ils le regardent encore
00:28:35 aujourd'hui ? Vous arrivez à
00:28:37 saisir la magie de cette série ?
00:28:39 Oui, c'est difficile de répondre
00:28:41 parce qu'encore une fois, il faut se mettre dans le contexte
00:28:43 de l'époque. D'abord,
00:28:45 avant tout, c'était une rencontre
00:28:47 avec Mitsuru Kaneko,
00:28:49 qui est devenu un ami, qui est décédé
00:28:51 il n'y a pas très longtemps, mais qui était vraiment
00:28:53 un vrai ami,
00:28:55 quelqu'un que j'aimais beaucoup, qui était un homme extraordinairement
00:28:57 inventif et créatif,
00:28:59 c'était un des premiers
00:29:01 à créer l'animation par ordinateur,
00:29:03 il s'est quasiment ruiné
00:29:05 pour lancer la première animation par ordinateur
00:29:07 au Japon,
00:29:09 c'était un type assez extraordinaire.
00:29:11 Il a essayé de faire,
00:29:15 à l'époque, au même moment,
00:29:17 ce qui prouve bien que quand il y a une idée dans l'air,
00:29:19 c'est comme les ondes radio,
00:29:21 il y a plusieurs personnes qui l'ont,
00:29:23 il a essayé de faire avec NHK
00:29:25 ce que nous avons fait avec la troisième chaîne.
00:29:27 Dans la troisième chaîne, on a pris un prétexte culturel
00:29:29 et on a mis une aventure. C'est Ulysse,
00:29:31 un prétexte culturel
00:29:33 qui a très bien marché, en temps par antèbre,
00:29:35 parce qu'à l'époque, Ulysse a été remis
00:29:37 à l'étude, l'Iliade et l'Odyssée, à l'étude des enfants
00:29:39 partout, c'est la génération
00:29:41 Ulysse 31, qui connaît toute l'histoire
00:29:43 de l'Iliade et de l'Odyssée. Très bien accueilli par les enseignants, oui.
00:29:45 Mitsuru Kaneko a fait
00:29:51 la même chose avec le livre
00:29:53 de Scott O'Dell,
00:29:55 "The King's Fifth", le cinquième du roi,
00:29:57 et il a acheté les droits, et ça donnait
00:29:59 un alibi culturel pour pouvoir motiver
00:30:01 NHK, qui à l'époque ne diffusait pas d'animation,
00:30:03 de s'engager là-dessus.
00:30:05 Donc c'est un peu compliqué
00:30:07 parce qu'à l'époque, NHK avait
00:30:09 des différentes divisions qui s'étaient créées
00:30:11 pour ce genre de choses, sans rentrer trop
00:30:13 dans les détails.
00:30:15 Moi, j'avais rencontré
00:30:17 Mitsuru
00:30:19 Kaneko un nombre de fois,
00:30:21 et il y avait un vrai contact avec lui,
00:30:23 un vrai contact de qualité.
00:30:25 C'était quelqu'un
00:30:27 qui a été une inspiration pour moi
00:30:29 à beaucoup d'aspects, et qui avait cette histoire,
00:30:31 et commence à me raconter cette histoire, etc.
00:30:33 C'était absolument fascinant.
00:30:35 Et donc il est à l'origine de ça.
00:30:37 Et à un moment donné,
00:30:39 on s'est dit...
00:30:41 NHK payait presque rien,
00:30:43 très très peu, et
00:30:45 Bernard et moi, on est
00:30:47 tombés amoureux de l'idée,
00:30:49 on s'est dit "on veut travailler là-dessus".
00:30:51 Et on est rentré en France en disant "là là, on a eu un
00:30:53 grand succès, on va pouvoir le vendre sans problème,
00:30:55 le pré-vendre". Et là, personne n'en veut
00:30:57 en France. Absolument personne
00:30:59 n'en veut. C'est l'horreur
00:31:01 totale. Et moi, j'avais
00:31:03 donné ma... comment dire...
00:31:05 "give my word",
00:31:07 je ne sais pas comment dire en français.
00:31:09 J'avais donné ma parole.
00:31:11 Je suis désolé, je ne suis plus en France depuis tellement
00:31:13 d'années que je suis devenu un très amoureux de Sachs-en-Pont.
00:31:15 Et donc,
00:31:17 je ne savais pas quoi faire pour trouver ça.
00:31:21 Et vraiment, à l'époque,
00:31:23 refusé par tout le monde, y compris les gens
00:31:25 qui nous avaient soutenus jusqu'ici.
00:31:27 Et on n'arrive pas
00:31:29 à s'en sortir, on n'arrive pas.
00:31:31 Et finalement, c'est la CLT
00:31:33 qui a accepté de nous prendre,
00:31:35 de nous donner un back-up.
00:31:37 A l'époque, RTL n'avait vraiment pas les capacités
00:31:39 par rapport à ça, mais ils nous ont donné un back-up en disant
00:31:41 "ok, allez-y, nous on va l'acheter pour l'Europe,
00:31:43 on va le prendre, on va vous aider à le financer,
00:31:45 allez-y, et vous commencez à travailler".
00:31:48 Mais en France, toujours,
00:31:50 personne n'en voulait.
00:31:52 Absolument personne n'en voulait.
00:31:54 Je me rappelle avoir fait le siège
00:31:56 de Jacqueline Joubert à l'époque.
00:31:58 Non, non, non, elle n'en voulait pas, absolument pas.
00:32:00 Personne n'en voulait.
00:32:02 C'est assez très marrant, vous savez, c'est une phrase,
00:32:04 on dit que les succès ont beaucoup de parents
00:32:06 et les échecs sont orphelins.
00:32:08 Aujourd'hui, personne ne se rappelle de ça.
00:32:10 Mais je peux vous dire que c'est la vérité.
00:32:12 Et c'est un paradoxe,
00:32:14 parce que je crois que Jacqueline Joubert,
00:32:16 justement, les dessins animés japonais
00:32:18 ne devaient être qu'en attendant
00:32:20 que la France puisse produire
00:32:22 des dessins animés, et quand la France
00:32:24 arrive avec des dessins animés,
00:32:26 elle ne les prend pas, a priori, au départ.
00:32:28 C'est ça le paradoxe de l'histoire.
00:32:30 Oui, je ne peux pas me remettre dans le cadre
00:32:32 de l'époque, parce qu'il ne faut pas accuser Jacqueline
00:32:34 de ça, je pense qu'il y avait un autre contexte
00:32:36 dans son entourage qui les contagiait,
00:32:38 la presse, etc.
00:32:40 Hostile aux dessins animés japonais,
00:32:42 on est d'accord.
00:32:44 Non, mais c'était simplement très drôle
00:32:46 de voir que cette série,
00:32:48 Ulysse 31, est une série
00:32:50 qui a eu un impact énorme
00:32:52 relativement court,
00:32:54 quelques années.
00:32:56 Les Cités d'or, c'est un impact
00:32:58 qui ne s'est jamais arrêté,
00:33:00 c'est absolument effrayant.
00:33:02 Et quand je dis effrayant, c'est d'une façon positive, bien sûr.
00:33:04 Et à l'époque,
00:33:06 il faut se remettre dans le contexte,
00:33:08 personne n'en voulait. S'il n'y avait pas eu le soutien
00:33:10 de la CLT, nous aurions été,
00:33:12 on aurait été obligé de déposer le bilan, parce qu'on s'était
00:33:14 engagé vis-à-vis de Caneco,
00:33:16 on avait engagé des financements
00:33:18 vraiment à risque total.
00:33:20 J'étais tellement persuadé que cette série
00:33:22 était extraordinaire. Et vous savez la raison du refus
00:33:24 de cette série ?
00:33:26 Dans le contexte d'aujourd'hui,
00:33:28 on va dire que ce n'est pas possible. C'est parce que c'était
00:33:30 une série, c'était pas
00:33:32 un feuilleton.
00:33:34 Ça se suivait.
00:33:36 Et à l'époque, comme il y avait
00:33:38 des grèves en France en permanence,
00:33:40 les grèves de l'ORTF,
00:33:42 et donc le principe
00:33:44 s'est dit, "ah non, non, non, attention, si
00:33:46 on a une grève, il faut refaire tout
00:33:48 l'applacement des cassettes,
00:33:50 les syndicats refusent de travailler des heures
00:33:52 par rapport à ça". C'était un truc d'une complexité
00:33:54 pas possible. Donc, que l'histoire
00:33:56 soit extraordinaire, les personnages extraordinaires,
00:33:58 ça ne marchait pas, parce que
00:34:00 dans le contexte français, s'il y avait une grève,
00:34:02 on risquait de passer de l'épisode
00:34:04 3 à l'épisode 7, par exemple,
00:34:06 et personne ne comprenait l'histoire. Donc, ils ne voulaient
00:34:08 pas de feuilleton. Aujourd'hui, je dis que c'est extraordinaire
00:34:10 parce que Netflix, Hulu,
00:34:12 etc., tout ça, ce ne sont que des séries,
00:34:14 que des feuilletons.
00:34:16 Mais à l'époque,
00:34:18 personne ne voulait de feuilleton.
00:34:20 Même aux États-Unis, d'ailleurs.
00:34:22 – Cette logique-là, je vous rassure, elle existe toujours dans les chaînes.
00:34:24 Les chaînes, aujourd'hui, veulent avoir des séries
00:34:26 bouclées dans les chaînes françaises
00:34:28 pour pouvoir les diffuser dans n'importe quel ordre
00:34:30 quand ils le souhaitent et quand ils le veulent.
00:34:32 Donc, ça n'a pas tellement changé, malheureusement.
00:34:34 – Non, pas tant changé.
00:34:36 Bon, mais enfin, voilà l'histoire.
00:34:38 Mais aventure extraordinaire,
00:34:40 travail extraordinaire,
00:34:42 où les équipes ont bénéficié
00:34:44 déjà d'une expérience acquise
00:34:46 et de relation avec le Japon.
00:34:48 Donc, c'était un peu différent.
00:34:50 Et dans ce cas-là,
00:34:52 Bernard et moi, nous sommes impliqués
00:34:54 sur le plan de l'écriture, ce qui était différent.
00:34:56 Parce que généralement, par exemple, sur "Release 21",
00:34:58 la réalité des choses, Bernard était impliqué dans l'écriture aussi
00:35:00 parce que c'est très difficile de séparer
00:35:02 la réalisation de l'écriture.
00:35:04 Mais c'était quelque chose
00:35:06 d'un…
00:35:08 comment on dit ?
00:35:10 de naturel entre
00:35:12 le réalisateur et les auteurs, Nina Vollmark
00:35:14 et moi là-dessus,
00:35:16 et Bernard, c'était vraiment
00:35:18 un trio par rapport à ça.
00:35:20 C'est très difficile de dissocier l'un de l'autre.
00:35:22 Dans "L'Étudiacité d'or",
00:35:24 c'était vraiment l'écriture. Et là, avec le travail
00:35:26 de l'équipe japonaise, etc.,
00:35:28 c'était complètement différent
00:35:30 au niveau de l'approche.
00:35:32 Et pour vous, Bernard, sur "Les Cités d'or",
00:35:34 est-ce que cette expérience acquise,
00:35:36 vous me disiez tout à l'heure qu'à un moment donné,
00:35:38 au début, c'était un petit peu compliqué de les convaincre,
00:35:40 puis après, vous avez complètement
00:35:42 adopté. Mais je me souviens qu'il me semble avoir lu
00:35:44 que sur "Les Cités d'or", par exemple, sur la musique,
00:35:46 il y a une musique au Japon,
00:35:48 il y a une musique en France.
00:35:50 Ce n'était pas pareil pour tout le monde.
00:35:52 Même là, ça a été compliqué.
00:35:54 Pour nous, "Les Cités d'or", ça restait quand même une grande série d'aventures
00:35:56 avec tout ce que ça impliquait en Occident,
00:35:58 c'est-à-dire ce qu'il y avait eu avant,
00:36:00 "Star Wars", "Les aventuriers d'Arche perdue",
00:36:02 la musique symphonique
00:36:04 qui accompagne l'image, qui la souligne.
00:36:06 Les Japonais, eux, c'était
00:36:08 une musique un petit peu plus,
00:36:10 comment dire, si vous avez vu la série,
00:36:12 il y avait d'abord moins de musique,
00:36:14 et ensuite, la musique
00:36:16 moins orchestrée.
00:36:18 C'est comme ça que vous voyiez.
00:36:20 J'ai dit à Jean, écoutez,
00:36:22 ça ne va pas du tout, on ne va pas pouvoir utiliser
00:36:24 la musique japonaise.
00:36:26 On est partis voir
00:36:30 Aïm Saban et Shuki
00:36:32 qui ont fait la musique du générique
00:36:34 et la musique de la série,
00:36:36 par la même occasion. C'est pour ça que la bande-son,
00:36:38 c'est vraiment une idée de concept
00:36:40 très, très différente.
00:36:42 Avant d'en venir à la musique, parce que je voudrais quand même
00:36:44 qu'il y ait un autre aspect quand même,
00:36:46 je crois que sur "Les Cités d'or", c'est présent,
00:36:48 cette notion du télétexte
00:36:50 par lequel on fait passer
00:36:52 les dessins ou les choses qui évoluent,
00:36:54 est-ce que ça donne lieu à des complications
00:36:56 dans la communication
00:36:58 entre les deux pays ou pas du tout ?
00:37:00 Il n'y avait pas
00:37:02 beaucoup de téléfax à l'époque.
00:37:04 C'était téléfax, on pouvait communiquer
00:37:06 quelques dessins. Ça existait,
00:37:08 mais c'était très réduit.
00:37:10 En France, c'était très réduit. Sur Ulysse,
00:37:12 on envoyait quelques modèles comme ça
00:37:14 pour aller plus vite.
00:37:16 Bernard, vous vous rappelez,
00:37:18 la première machine fax qu'on a amenée,
00:37:20 je l'ai amenée du Japon, elle était toute en japonais,
00:37:22 à Los Angeles.
00:37:24 Et celle à Paris, on l'a amenée
00:37:26 probablement cinq, six mois plus tard.
00:37:28 Et c'était la première, c'était une machine.
00:37:30 Ça aussi, c'était une découverte extraordinaire,
00:37:33 comme quoi la technologie peut changer.
00:37:35 Avant ça, Bernard, vous étiez
00:37:37 entre les deux, donc vous avez vu ça,
00:37:39 avant ça, on envoyait toutes les semaines
00:37:41 un gars de Los Angeles à Tokyo
00:37:43 avec une valise pleine de...
00:37:45 de... comment dire ?
00:37:47 De dessins, des dessins clés, etc.
00:37:51 Et toutes les semaines, on avait un gars
00:37:53 qui allait à Tokyo. Et ça pouvait être moi,
00:37:55 ça pouvait être Bernard, ça dépend de la quille,
00:37:57 on profitait des voyages les uns des autres
00:37:59 pour faire ça.
00:38:00 Et un jour, j'arrive avec cette énorme
00:38:02 machine. D'ailleurs, c'était extraordinaire
00:38:05 parce que les douaniers américains
00:38:07 ne savaient pas ce que c'était,
00:38:09 donc ils m'ont laissé passer avec ma grosse machine
00:38:11 et je n'ai rien payé.
00:38:13 Et on arrive avec cette machine énorme
00:38:15 avec ces petits stickers pour traduire
00:38:17 ce que ça voulait dire du japonais,
00:38:18 et ça envoyait une page toutes les 7 minutes.
00:38:21 Mais une page toutes les 7 minutes,
00:38:23 donc on a mis 3 gars qui faisaient les 3, 8,
00:38:25 si vous voulez, 24 heures, 7 jours sur ZOE,
00:38:28 à envoyer des choses qui étaient...
00:38:30 Et c'était déjà un progrès énorme,
00:38:34 mais d'un second, on s'aperçoit que l'autre côté,
00:38:36 il n'y a pas de stabilité, donc il y avait
00:38:38 une déformation de l'image.
00:38:39 Donc on envoyait des choses,
00:38:40 et il y avait des déformations.
00:38:42 Et Bernard...
00:38:43 Bernard a inventé quelque chose,
00:38:46 c'était de faire des croix qui repéraient
00:38:49 les éléments sur le dessin,
00:38:51 qui permettaient de se recadrer là-bas à nouveau.
00:38:53 Et voilà, ça c'est l'origine des choses avec les faxes.
00:38:58 Là, on était vraiment les premiers
00:39:00 dans tout Los Angeles à avoir ça.
00:39:02 Il n'y avait personne d'autre qui l'avait.
00:39:04 Et avant ça, on utilisait ce qu'on appelait le telex,
00:39:06 mais ça qui existait depuis la dernière guerre.
00:39:08 Alors ça, c'était uniquement pour communiquer du texte.
00:39:12 Quand on voit les moyens qu'on a aujourd'hui,
00:39:15 Internet et tout ça, ça fait justement rêver.
00:39:18 Mais enfin bon, on a fait quand même des séries.
00:39:21 De la contrainte naissent souvent les grandes opportunités,
00:39:24 on le voit encore aujourd'hui.
00:39:26 On va passer à un autre aspect avec vous.
00:39:28 En 1978, il y a un disque qui sort en France,
00:39:33 qui s'appelle "Goldorak", chanté par un petit garçon
00:39:35 qui s'appelle Noam, et c'est un grand carton,
00:39:38 au point qu'assez rapidement, on a conscience
00:39:42 que la musique, les génériques peuvent être
00:39:44 un aspect important pour notamment le financement
00:39:47 des dessins animés pour rentrer dans le jeu.
00:39:50 Et je voudrais, cher Bernard, vous lire un petit mot.
00:39:53 Bernard fait partie des gens que je préfère au monde.
00:39:57 On avait un lien très fort dès notre première rencontre.
00:40:00 Il était dans le créatif, on s'est vraiment compris.
00:40:02 J'ai passé des moments formidables à travailler avec lui.
00:40:05 Et c'est Shouki Névi qui me le disait il y a quelques jours
00:40:07 en discutant avec lui.
00:40:09 Shouki Névi qui a eu effectivement, indissociable avec Rahim Saban,
00:40:14 des productions de la DIC.
00:40:16 Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu
00:40:18 de cette relation entre vous deux ?
00:40:19 C'est une relation d'amitié simple, de travail et d'amitié.
00:40:22 Donc, comme toutes les relations simples,
00:40:24 ce n'était pas non plus spectaculaire.
00:40:27 C'est-à-dire qu'on avait l'habitude de se rencontrer,
00:40:29 de se comprendre à demi-mot.
00:40:31 Moi, avant chaque série, j'établissais une liste.
00:40:34 Une liste assez exhaustive de ce que je voulais pour le montage.
00:40:37 Le montage, donc, le thème d'Estéban,
00:40:43 "Une minute triste", le thème d'Estéban, "Une minute gaie",
00:40:46 Estéban joyeux, Estéban sautillant,
00:40:49 Estéban 15 secondes découvrant tout à coup l'horrible réalité.
00:40:53 Enfin, j'en avais des pages et des pages.
00:40:55 D'ailleurs, Rahim Saban a gardé dans son bureau un telex
00:40:58 que j'avais envoyé, qui faisait au moins 4 mètres de long,
00:41:00 avec la liste de musique que je voulais déjà
00:41:03 pour démarrer "Les cités d'or".
00:41:05 Et il le montrait à tout le monde en disant
00:41:06 "Regardez ce qu'il me demande, regardez ce qu'il me demande".
00:41:09 Et donc, petit à petit, on se passait un petit coup de fil
00:41:14 en disant "Voilà, tu pourrais faire un thème dans le genre de ça".
00:41:19 C'était quelqu'un qui réagissait tout de suite très bien, très vite.
00:41:23 C'est comme tous les amis, on n'a pas besoin de parler beaucoup,
00:41:26 on se comprend à demi-mot et on sait que ça va être bien
00:41:30 de toute façon. Et là, vraiment, Shouki, c'était une personne
00:41:34 qui me comprenait. Je lui donnais des références pour "Les cités d'or".
00:41:38 Par exemple, je lui citais des musiques, il les écoutait
00:41:42 et vraiment, ce qu'il ressortait, ce n'était pas une copie, bien sûr,
00:41:46 puisque c'était personnalisé, mais c'était exactement
00:41:50 ce que je souhaitais comme couleur.
00:41:52 Et ça a été pour moi, effectivement, un ami cher.
00:41:55 Avec la fabrication de quelque chose qui, j'imagine,
00:41:58 à l'époque, n'était pas très courant. En tout cas, chez nous,
00:42:00 évidemment, en France, c'est les thèmes.
00:42:02 Des thèmes pour les personnages, des thèmes pour les personnages,
00:42:05 des thèmes pour les ambiances, des thèmes pour les lieux même,
00:42:08 des thèmes pour les... Le Grand Condor avait un thème,
00:42:11 les Maya avaient un thème, les Olmec avaient leur thème à eux.
00:42:15 Donc, déclinés dans toutes sortes de modes différents.
00:42:19 Et donc, c'était pour eux des kilomètres et des heures de musique.
00:42:25 Alors, mixer avec la batterie, sans la batterie,
00:42:27 après, on rentre dans le détail, faire quelque chose de plus soft,
00:42:31 de plus dur, de plus rapide, de plus lent.
00:42:34 Vraiment, oui, les thèmes, ça a été un grand début.
00:42:37 C'est pour ça que je faisais ces listes, avec ces thèmes,
00:42:41 les thèmes de chacun et les thèmes de chaque lieu.
00:42:44 Et alors, pour celles et ceux qui nous regardent, amusez-vous
00:42:46 de temps en temps, parce que Shouki Lévy, avant d'être
00:42:48 le grand compositeur qu'on connaît, a aussi été chanteur,
00:42:51 avec Aviva. Et c'est amusant, parce que quand on écoute
00:42:54 certains thèmes de Shouki et Aviva, on retrouve certains thèmes
00:42:57 des Cités d'or. Je pense à une chanson qui s'appelle
00:43:00 "Je t'aime un peu trop", et qu'on retrouve, on a presque l'impression
00:43:03 d'entendre le générique des mystérieuses Cités d'or.
00:43:05 C'est la couleur.
00:43:07 C'est la couleur. C'est exactement ça.
00:43:09 Il me disait qu'effectivement, il s'en était un petit peu inspiré.
00:43:11 Mais plus largement, cette notion des génériques,
00:43:14 qui a été très présente et qui marque vos œuvres à tous les deux,
00:43:17 les œuvres de la DIC, les génériques ont une importance considérable.
00:43:20 Je pense à Lionel Leroy, qui nous a quittés il n'y a pas très longtemps,
00:43:23 Yves Martin, je pense à Jacques Ardonna, je pense à Nicare même,
00:43:27 pour certains dessins animés, comme Masque ou comme Jace.
00:43:30 Est-ce que vous aviez tous les deux perçu l'importance que pouvaient
00:43:34 revêtir ces génériques, notamment dans la vente et donc dans le financement
00:43:37 de vos œuvres ?
00:43:39 Bien sûr, mais d'abord, je crois qu'on n'a jamais positionné,
00:43:44 en tout cas, je peux parler que pour Bernard et moi, et je crois qu'on se connaît
00:43:46 suffisamment bien pour pouvoir dire ça pour nous deux, l'argent n'a jamais
00:43:49 été une motivation. Si Bernard fait un telex de 4 mètres de long pour des
00:43:55 détails, il pourrait simplifier la vie en étant beaucoup plus rapide
00:43:59 et faire les choses. Non, parce qu'il y a un souci de perfection qu'on avait.
00:44:02 On était très impliqués dans notre créativité, dans nos sujets,
00:44:06 on y croyait, cette espèce de passion artistique, si vous voulez.
00:44:09 Je pense que le DIC était d'abord et avant tout un studio d'artistique,
00:44:13 et un peu comme Pixar plus tard, c'est la même chose, c'était d'abord
00:44:17 et avant tout un studio d'artiste. Et bien entendu, le fait de pouvoir
00:44:22 faire un accord avec Ryan Saban pour les disques et d'avoir une avance là-dessus
00:44:26 nous aidait sur le financement, parce que franchement, il n'y a pas une seule
00:44:29 production qu'on a eue qui a été facile sur le plan financement.
00:44:32 Ça a été toujours difficile, toujours compliqué, et il faut toujours s'en occuper.
00:44:36 Mais ça n'a jamais été… l'argent n'a jamais été une préoccupation principale
00:44:39 de pratiquement aucune des personnes qu'on a eues à l'époque avec nous.
00:44:43 C'était vraiment… on avait une espèce de passion, une espèce de fièvre créative,
00:44:48 c'est très très différent. Alors bien sûr, c'était un contribution,
00:44:51 bien sûr, on a compris l'importance. Ça n'a pas duré longtemps, entre parenthèses.
00:44:55 C'est vraiment une période de 5-6 ans où vous avez des génériques
00:45:00 où tout ce qu'on sortait par rapport à ça marchait très bien.
00:45:03 Sur Liszt 31, on a fait un petit disque, un 45 tours, ça ne signifie plus rien
00:45:09 pour les gens aujourd'hui, mais un 45 tours pour Nono, qui avait, je crois,
00:45:13 quatre chansons, dont une des chansons qui s'appelait "Moi je mange des clous".
00:45:17 On a été obligé de le retirer de la vente parce que les gosses mangeaient les clous.
00:45:21 Il y avait un impact absolument considérable de ce que faisait là-dessus.
00:45:29 Mais encore une fois, je pense que ça n'a jamais été "Oh, ça va rapporter de l'argent,
00:45:33 on va le faire". On va le faire parce qu'on en a besoin,
00:45:36 et artistiquement, ça est parti de ça. Et moi, je trouve que le succès financier,
00:45:41 c'est toujours le résultat d'une passion, le résultat de quelque chose.
00:45:44 Alors, ça peut être d'autres cas, mais en ce qui nous concerne,
00:45:48 je pense qu'on aurait pu être beaucoup plus riches.
00:45:51 Le studio à Los Angeles était très représentatif pour ça,
00:45:58 parce qu'on n'arrivait pas au début à trouver des dessinateurs américains.
00:46:01 Ils étaient tous formés à la vieille école et on voulait une main nouvelle,
00:46:06 disons "franco-japonaise". Et donc, on faisait venir des gens de toute l'Europe.
00:46:12 On a fait venir à un moment, il y avait des gens qui venaient de partout pour travailler.
00:46:15 Donc, il y avait cette espèce d'effervescence au début dans le studio américain
00:46:19 qui était une sorte de tour de babel artistique.
00:46:22 Et les gens se souciaient en premier de faire des choses bien,
00:46:25 de faire des choses bien pour le spectateur, pour nos enfants,
00:46:30 parce qu'à l'époque, il n'y avait pas de sondage.
00:46:33 Donc, les seuls retours qu'on avait, c'était nos enfants au départ et les enfants des amis.
00:46:38 Voilà, c'est donc, on avait le souci, tout le monde avait le souci
00:46:42 de faire des choses pour le bien du film.
00:46:45 Est-ce que ça a été dans la partie américaine ?
00:46:48 On en parle souvent parce qu'à cette époque-là, il y avait un producteur
00:46:52 qui existait, qui travaillait beaucoup, qui était Lou Scheimer,
00:46:55 qui avait travaillé, qui tenait une société qui s'appelait Filmation.
00:46:57 Et avec les Maîtres de l'Univers, il a initié un mode de diffusion,
00:47:00 notamment avec la syndication, avec des programmes à faire en quotidien.
00:47:04 Je crois que ça a été le modèle qui a été utilisé pour Gadget,
00:47:06 c'est-à-dire avec un très grand nombre d'épisodes à produire.
00:47:09 Jean-Charles Lepin, est-ce que c'est assez compliqué
00:47:11 quand on passe dans une espèce de phase qui est une phase
00:47:14 d'industrialisation extrêmement forte de ces programmes et de ces dessins animés ?
00:47:20 On avait, ça revient sur la discussion de la capacité,
00:47:24 on avait une capacité extraordinairement élastique au Japon.
00:47:27 Puisque le système japonais est un système de centralisation
00:47:32 de la décision, de l'origine, de la direction, etc.,
00:47:37 de la réalisation artistique et de la production,
00:47:40 et une distribution totale des studios.
00:47:43 A l'époque, on avait des studios dans Tokyo, à Osaka, etc.
00:47:46 C'était partout, il y avait des studios de 5 personnes,
00:47:49 des studios de 20 personnes, de 50 personnes,
00:47:52 complètement distribués autour, et c'était tellement bien organisé
00:47:55 que ça nous permettait de grossir les capacités de production.
00:47:57 Donc, ce qui était très particulier à l'époque,
00:48:01 c'était de pouvoir marier la créativité française,
00:48:05 qui était complètement différente quand on est arrivé à Los Angeles,
00:48:08 la capacité de production et la créativité japonaise,
00:48:11 puis c'est Marieve ce qu'on faisait, un style d'animation
00:48:14 qui était avec des mouvements de caméra complètement différents.
00:48:17 Si vous regardez par exemple les pierres à feu,
00:48:20 la caméra ne bouge pas, l'animation se fait devant la caméra,
00:48:23 la caméra ne bouge pas. Dans le système japonais,
00:48:26 il y a peu de dessins, ça se fait par trois ou par quatre,
00:48:30 mais vous avez une caméra qui bouge tout le temps.
00:48:33 Le style geek, ce qu'on a amené à l'époque aux Etats-Unis,
00:48:36 c'était le mélange d'une créativité européenne culturelle
00:48:39 beaucoup plus forte, avec des références culturelles
00:48:41 beaucoup plus fortes, sur le plan de l'histoire,
00:48:43 un style d'animation qui empruntait à la fois
00:48:46 un style d'animation des Américains plus classique,
00:48:49 c'est-à-dire plutôt vers le Disney, et des mouvements de caméra
00:48:52 à la japonaise. Donc, on avait un style d'animation
00:48:56 complètement différent des autres par rapport à ça.
00:48:58 Je ne vous ai pas répondu, pour revenir maintenant
00:49:00 sur la production, notre capacité de production
00:49:03 permettait de répondre à ça. Donc, Gadget a suivi
00:49:07 le système de syndication, qui était effectivement
00:49:10 une diffusion de 65 épisodes, et on diffuse du lundi
00:49:15 au vendredi, pendant 13 semaines, et vous recommencez
00:49:20 la fois suivante. Pourquoi ? Parce que jusqu'ici,
00:49:22 aux Etats-Unis, il y avait ce qu'on appelait
00:49:24 le Saturday morning, le samedi matin,
00:49:26 où on diffusait un épisode par semaine, 13 épisodes,
00:49:30 et on renouvelait la diffusion de ces épisodes
00:49:32 quatre fois. Donc, c'est le même principe,
00:49:36 sauf que chez le journalier. C'est effectivement
00:49:40 He-Man qui a commencé, les Maîtres de l'univers
00:49:43 qui ont commencé avec Lou Scheimer. Lou Scheimer,
00:49:45 qu'on connaissait bien, d'ailleurs, qu'on voyait souvent,
00:49:47 qui était un personnage très haut en couleur,
00:49:50 très intéressant. J'ai des tas d'histoires
00:49:52 à raconter là-dessus, mais ce ne sera pas le lieu.
00:49:55 Et effectivement, donc, c'est créé quelque chose d'autre,
00:50:02 c'était financé par Mattel. Et la raison,
00:50:04 parce que l'origine de l'histoire d'He-Man,
00:50:08 la création d'He-Man, ça vient d'un monsieur
00:50:11 qui était à Mattel. La grand-mère l'appelait
00:50:15 toujours He-Man. Donc, c'est devenu comme ça,
00:50:17 et c'est lui qui a créé ça. À l'époque, il y avait
00:50:21 deux studios, on n'existait pas, nous, encore,
00:50:23 aux États-Unis. Il y avait Hanna-Barbera
00:50:25 et Filmation. Filmation s'était brouillée
00:50:29 avec tous les networks. Donc, Lou étant
00:50:32 un personnage très haut en couleur,
00:50:34 il n'avait pas sa langue dans sa poche,
00:50:36 il s'était fâché avec tous les networks.
00:50:38 Donc, il n'avait qu'une seule avenue pour lui,
00:50:39 c'était la syndication. Le principe de la syndication,
00:50:42 c'était que Mattel garantissait la publicité
00:50:45 dans le cadre du film, dans les coupures
00:50:50 publicitaires du film. Et ça permettait de le placer
00:50:52 en syndication, c'est-à-dire les stations
00:50:54 indépendantes, si vous voulez, affiliées
00:50:56 ou non locales. Absolument. Et donc,
00:50:59 c'est comme ça. Et on a pris le même modèle
00:51:01 avec Jason. Et entre parenthèses,
00:51:03 on a fait He-Man numéro 2. Notre studio
00:51:07 a fait He-Man numéro 2. Je pense que
00:51:10 pas beaucoup de personnes le savent.
00:51:12 Mais c'est vrai, c'est vrai. En 91, c'est ça ?
00:51:14 Non ? Ou plus tard ? Un peu plus tôt ?
00:51:16 Non, plus tôt. Plus tôt, plus tôt.
00:51:18 Ah, la deuxième saison, vous voulez dire ?
00:51:20 Oui, la deuxième saison. 83, je pense.
00:51:22 C'est ça, la deuxième saison des Maîtres de l'univers.
00:51:24 Justement, vous m'avez fait ma transition,
00:51:26 vous parliez de Mattel. Et effectivement,
00:51:29 le modèle de la syndication, mais aussi
00:51:31 le modèle du jouet. Parce que ce modèle
00:51:33 du jouet qui permet de commander
00:51:35 un dessin animé, un programme pour la télévision,
00:51:38 c'est quelque chose qui va être initié, je crois,
00:51:40 avec Jace, par exemple, où finalement,
00:51:43 il y a une gamme de jouets.
00:51:45 Et puis, alors, est-ce qu'on crée un dessin animé ?
00:51:47 Parce que sur He-Man, par exemple, c'est ça.
00:51:48 Il y a une gamme de jouets, on décide,
00:51:50 il y a une dérégulation aux États-Unis qui permet
00:51:52 de faire un peu plus, de mettre un peu plus
00:51:54 en avant les programmes pour les enfants.
00:51:57 Donc, ça, c'est voulu par Reagan.
00:51:59 Vous, est-ce que c'était pareil sur Jace ?
00:52:01 Est-ce que c'était une gamme de jouets
00:52:02 qu'il fallait promouvoir et donc vous créez
00:52:03 un dessin animé ou pas ?
00:52:05 - Ça, c'est une question très intéressante.
00:52:07 - Je me rappelle, je vais vous raconter le début.
00:52:09 Je me rappelle un jour à Los Angeles,
00:52:10 Jean me dit "Venez avec moi, on va chez Mattel
00:52:14 voir une nouvelle gamme de jouets.
00:52:16 Ils ont à nous présenter pour éventuellement
00:52:19 faire un projet."
00:52:20 Donc, on va chez Mattel,
00:52:21 une société très sérieuse,
00:52:23 une grande salle de réunion
00:52:26 avec des rideaux tendus pour pas qu'on voit
00:52:28 ce qu'il y avait sur les murs.
00:52:30 La salle qui était légèrement dans la pénombre.
00:52:33 Et on nous dit, on nous fait signer un papier
00:52:37 comme quoi on ne révélera rien de ce qu'on a vu
00:52:40 à cette séance.
00:52:42 Et on signe donc ce papier.
00:52:44 Et on nous projette un film avec
00:52:46 ce qu'on peut dire aujourd'hui, Jace,
00:52:48 les monstres aux plantes, c'est tout.
00:52:50 C'est-à-dire des véhicules
00:52:51 avec un peu d'organique dessus
00:52:53 qui se battaient entre eux sur une lune.
00:52:55 Et puis, c'était tout.
00:52:56 Donc, Mattel dit "Est-ce que vous pouvez faire
00:52:59 une série avec ça ?"
00:53:01 Je vois Jean qui me lance un œil.
00:53:05 Il leur dit "Bien sûr, bien sûr,
00:53:07 c'est toujours possible avec Jean."
00:53:10 Et donc, on va réfléchir,
00:53:11 on va vous proposer quelque chose.
00:53:13 Le point de départ, je m'en souviens très bien,
00:53:16 c'était vraiment rien.
00:53:19 Des véhicules avec un peu d'organique dessus
00:53:22 qui se battaient entre eux.
00:53:24 Et c'était le résultat d'une étude,
00:53:26 une grande étude que Mattel avait lancée
00:53:28 qui avait coûté une fortune,
00:53:29 qui faisait je ne sais plus combien de pages,
00:53:31 qui était le jouet idéal pour les garçons
00:53:33 de je ne sais plus quel âge.
00:53:35 Le jouet idéal, ils étaient arrivés à ça.
00:53:37 Ce genre de choses à travers l'étude,
00:53:39 et ils avaient déjà fabriqué du prototype.
00:53:41 Donc, Jean va vous raconter la suite.
00:53:45 On a commencé à chercher des personnages.
00:53:48 Jean a écrit quelque chose.
00:53:50 On a commencé à chercher des personnages.
00:53:51 Si vous vous souvenez, c'est Jesse Santos
00:53:53 qui avait, au studio de Los Angeles,
00:53:55 qui était un dessinateur de bande dessinée
00:53:57 Philippin, qu'on avait chez nous dans le studio,
00:54:01 qui participait beaucoup à nos créations
00:54:03 de personnages comme ça,
00:54:04 qui avait fait les premiers personnages.
00:54:05 Voilà, je vous laisse la parole pour raconter la suite.
00:54:08 Non, c'est parfait.
00:54:09 Je ne me rappelle plus de cette séance,
00:54:12 mais effectivement…
00:54:13 Si, si, ça m'avait…
00:54:14 J'étais impressionné de voir cette salle
00:54:16 où tout était caché,
00:54:18 parce qu'il nous avait montré les prototypes
00:54:19 après en tirant les rideaux.
00:54:21 Non, non, c'était intéressant.
00:54:24 Entre parenthèses, savoir qu'aujourd'hui,
00:54:26 le CEO de Mattel est Enon Christ,
00:54:31 qui est un ancien de l'équipe Saban,
00:54:33 avec qui on a travaillé énormément,
00:54:35 et qui est devenu aujourd'hui le CEO de Mattel.
00:54:37 C'est intéressant.
00:54:38 Pour remettre le contexte de l'époque,
00:54:42 quand Joe Morrison,
00:54:44 qui était la personne qui s'occupait
00:54:46 de la division garçon,
00:54:47 a eu l'idée de He-Man, par exemple,
00:54:49 lui-même n'était pas dessinateur,
00:54:51 il avait cette idée,
00:54:52 il avait l'idée du principe, etc.
00:54:53 Il l'a portée à Lou Scheimer,
00:54:55 donc à Filmation.
00:54:57 De la même façon, ici,
00:54:59 c'était toujours Joe Morrison qui était derrière ça.
00:55:01 Joe commençait à prendre un peu de distance.
00:55:03 C'est quelqu'un d'exceptionnel, Joe Morrison,
00:55:05 entre parenthèses.
00:55:06 Je ne sais pas si vous vous souvenez bien de lui, Bernard.
00:55:09 C'était quelqu'un qui avait un sens artistique.
00:55:11 Bien sûr, il s'occupait du jouet, etc.,
00:55:12 mais ce n'était vraiment pas un marchand.
00:55:14 C'était un artiste aussi, si vous voulez.
00:55:15 Et donc, il y avait une communion intellectuelle,
00:55:19 je dirais, de sensibilité avec nous
00:55:21 qui se passait très bien.
00:55:22 Et donc, c'est pour ça qu'on a commencé
00:55:24 à faire beaucoup de travail avec eux
00:55:26 et avec Mattel, généralement.
00:55:28 Mais là, c'était quelque chose d'intéressant
00:55:29 parce qu'on avait appris quelque chose au Japon,
00:55:31 quand on était au Japon.
00:55:33 Au Japon, le sponsor travaille étroitement.
00:55:36 Quand Bandai travaillait dans le jouet,
00:55:38 il travaillait étroitement avec le producteur,
00:55:41 si bien qu'il y a une symbiose qui se fait
00:55:43 entre l'artiste, le producteur et le jouet.
00:55:46 Et c'est pour ça que les séries japonaises,
00:55:48 le jouet marchait tellement bien,
00:55:50 parce qu'en fait, il y avait une...
00:55:52 J'utilise mon symbiose, mais c'est vraiment ça,
00:55:54 c'est une symbiose artistique.
00:55:55 On a trouvé ça sur Masque, beaucoup.
00:55:57 Au Masque, on travaillait avec les équipes de Kenner.
00:55:59 Dans le studio, les gens étaient avec nous,
00:56:01 dans le studio.
00:56:02 Donc là, avec Jess, on trouve une plateforme
00:56:06 où on travaille avec Mattel d'une façon
00:56:08 plus symbiotique.
00:56:09 Pas autant qu'avec Masque.
00:56:10 Avec Masque, vous vous rappelez, Bernard,
00:56:12 c'était très symbiotique.
00:56:13 Vraiment, on avait des gens de Masque avec nous,
00:56:15 de Kenner avec nous, c'était tout à fait différent.
00:56:18 Mais c'est une façon de travailler différente.
00:56:21 Et on était préparés à ça,
00:56:23 puisqu'on avait eu l'expérience de ça au Japon.
00:56:25 Et on avait commencé sur Ulysse 31,
00:56:27 comment il s'appelait, Murakami, c'est ça ?
00:56:29 Je crois, Murakami,
00:56:30 le concept de dessin animé Murakami qui était là.
00:56:32 Et on avait travaillé sur le Japon,
00:56:34 mais Ulysse 31 n'était pas un programme sur les...
00:56:37 C'était un programme qui s'est retrouvé sur NHK,
00:56:40 donc n'avait pas l'aspect publicitaire des autres.
00:56:43 Mais quand même, on a appris comment Bandai travaillait.
00:56:46 Bandai, oui, nous avait demandé de créer des jouets
00:56:50 pour eux, ce qui nous avait un peu choqués au début,
00:56:53 parce qu'on était un peu les gardiens du temps.
00:56:56 On nous disait, qu'est-ce que c'est que ces marchands
00:56:58 qui viennent piétiner nos plates-bandes ?
00:57:00 Et ils étaient tellement habitués à travailler,
00:57:03 ces Japonais, avec le respect,
00:57:05 en disant, mais on fera...
00:57:07 Donnez-nous vos créations, on fera quelque chose avec.
00:57:10 On a vraiment...
00:57:12 On a fait ça pour leur faire plaisir,
00:57:14 et finalement, ça a donné les jouets que vous avez vus.
00:57:16 Et ils avaient pris quand même pas mal de risques, Bandai.
00:57:19 Ils avaient fait des jouets en die-caste extraordinaire, etc.
00:57:23 Mais pour revenir, on est arrivé préparé.
00:57:25 C'est-à-dire que si bien quand Mattel nous a parlé de ça,
00:57:28 on avait une expérience déjà, qu'on avait acquise au Japon,
00:57:32 et ça nous a permis de faire les choses.
00:57:34 Et d'ailleurs, ça a continué comme ça.
00:57:36 Alors, on a toujours essayé d'imaginer du merchandising,
00:57:39 du jouet, etc.
00:57:41 Il y a des cas de succès extraordinaires,
00:57:43 puis il y a des cas d'échecs extraordinaires.
00:57:46 Gadget n'a jamais marché au merchandising, par exemple.
00:57:48 Et là, c'est d'autant plus drôle que...
00:57:50 Je me souviens, rue Saint-Croix-la-Bretonnerie,
00:57:52 qui était notre dernier bureau à Paris,
00:57:55 où on était avec Andy Hayward là-dessus,
00:58:00 qui voulait avoir quelque chose qui était un jouet pour les enfants,
00:58:06 un jouet comédie.
00:58:07 Le jouet comédie, c'est très, très difficile à vendre, en fait.
00:58:10 C'était, comme vous savez, le jouet comédie.
00:58:12 Ça marche soit pour soit temps, pour les petits-enfants,
00:58:15 soit action.
00:58:16 Le jouet comédie marche assez mal.
00:58:18 Et on est parti sur l'idée que Gadget allait être financé par du jouet.
00:58:22 En fait, Gadget n'a pas été du tout financé par le jouet,
00:58:24 mais vraiment, pas du tout.
00:58:26 Je dirais même plus, on a pratiquement financé le jouet
00:58:28 pour arriver à en avoir quelques-uns.
00:58:30 Et ça a été complètement à l'envers.
00:58:33 C'était assez marrant.
00:58:34 Donc, ce qui prouve très bien qu'on ne sait jamais vraiment
00:58:36 ce qui va se passer.
00:58:37 On a une intuition et on ne sait jamais vraiment.
00:58:40 - Et est-ce que ça veut dire que, par exemple,
00:58:41 on sait qu'à Filmation, quand ils ont développé Shira,
00:58:44 qui est l'alter-ego féminin de Musclor,
00:58:46 la franchise ne se vend pas bien.
00:58:48 Et donc, le dessin animé s'arrête.
00:58:49 Pendant très longtemps, on a entendu que c'était le cas aussi pour Jace,
00:58:53 que comme les jouets ne se vendaient pas si bien,
00:58:55 du coup, vous avez été contraints d'arrêter.
00:58:57 Est-ce que c'est une légende qui s'est répandue au fil des années
00:59:00 ou est-ce que c'est vrai ?
00:59:01 - Je ne me rappelle pas.
00:59:03 - Non, pour Jace, on a fait les 65 épisodes prévus.
00:59:07 Ça a été premier en diffusion.
00:59:11 Par contre, en vente de jouets, ça a fait zéro.
00:59:14 Donc, comme quoi, ça a fait un peu rigoler tout le monde
00:59:18 parce que l'étude magnifique qu'ils avaient faite avant
00:59:22 pour le jouet ultime pour les garçons
00:59:24 était complètement mauvaise.
00:59:27 Ils s'étaient trompés sur toute la ligne.
00:59:29 Mais nous, on était quand même rassurés sur notre création
00:59:33 parce qu'on était quand même au top, en tête des diffusions.
00:59:39 Je ne me souviens plus à quelle heure, c'était Jace, aux États-Unis.
00:59:43 Et puis après, en France, ça a très bien marché.
00:59:45 - Ça a très bien marché ?
00:59:46 Ça fait partie des dessins animés cultes de cette génération-là ?
00:59:49 - En France, en Italie, en Espagne, toute l'Europe,
00:59:53 ça a très bien marché.
00:59:54 - Même aux États-Unis ?
00:59:56 - Même aux États-Unis, absolument.
00:59:58 - La diffusion a très bien marché,
00:59:59 mais la vente des jouets a complètement foiré.
01:00:02 - C'est difficile parfois à expliquer ce qui permet de vendre
01:00:05 ou pas un jouet.
01:00:07 - Dans les cités d'or, il y a très peu de merchandising aussi,
01:00:09 très peu de choses qui ont été faites.
01:00:12 - Oui, ce n'était pas prévu au départ, ce n'était pas prévu du tout.
01:00:16 Et pourtant, il y avait le Grand Condor, le Solaris,
01:00:22 il y avait plein de choses, des costumes, des bateaux espagnols,
01:00:26 des cartes, des jeux, des jeux à l'époque,
01:00:28 des jeux sur des cartes, vous savez, il y avait des choses à faire.
01:00:32 - Allez-y, je vous en prie, Jean.
01:00:35 - Dans le contexte de l'époque, à l'époque,
01:00:37 quand on a parlé, quand on travaillait avec Mitsuru Kaneko
01:00:40 pour les cités d'or, NHK était considérée non publicitaire,
01:00:45 c'était la chaîne sans publicité.
01:00:47 Donc, il n'y avait pas de considération jouet.
01:00:51 Le jouet allait être, s'il assurait beaucoup de succès,
01:00:53 il y aura un jouet peut-être, mais il n'y a vraiment pas ça en amont.
01:00:57 Il faut bien voir qu'il y a deux approches du jouet.
01:01:01 Il y a soit une approche en amont qui fait partie du financement,
01:01:04 et c'est ce qui se passe avec Masque,
01:01:06 c'est ce qui se passe avec les Monstroplantes,
01:01:09 avec donc Jess et Will Warrior,
01:01:11 Jess, les conquérants de la lumière, pardon,
01:01:14 et vous avez des financements dont le jouet n'est pas en amont.
01:01:17 Les cités d'or, c'est ce cas.
01:01:19 Donc, il n'y avait pas de financement en amont.
01:01:21 Il y a d'autres séries qu'on a faites dans le futur,
01:01:23 dans le passé, après, pardon, dans le passé, dans le futur,
01:01:25 dans le futur de notre passé,
01:01:28 et où on avait, où c'était purement des produits créatifs,
01:01:33 Bernard connaît bien ça aussi,
01:01:36 mais par exemple, une série comme "Les Jumeaux du bout du monde",
01:01:40 il n'y a pas du tout l'intention de faire du jouet,
01:01:42 ça n'existe pas.
01:01:44 Diffusé sur TF1, je crois, en 92, dans le club de Rotte,
01:01:48 qui a été un des dessins animés, effectivement, de l'ère AB Production.
01:01:53 D'ailleurs, avant de passer à la,
01:01:55 de se diriger tranquillement vers la conclusion,
01:01:58 le jeu où est Charlie, j'ai envie de dire, où est Jean Chalopin,
01:02:00 parce qu'on repère Jean Chalopin dans quelques-uns des dessins animés
01:02:03 que vous avez faits.
01:02:05 Il y a un petit peu de Jean Chalopin dans "Audrick",
01:02:08 on a, il me semble, un petit peu physiquement,
01:02:11 même dans "Ulysse", quelques-uns.
01:02:13 – Oui, oui, beaucoup le disent, beaucoup le disent.
01:02:16 – À l'époque, j'avais la raie au milieu et les cheveux longs.
01:02:21 – Oui, oui, tout à fait.
01:02:23 – Et la barbe plus longue, la barbe plus longue,
01:02:25 parce que j'étais très jeune,
01:02:27 donc c'était pour me donner l'air plus vieux,
01:02:29 je m'avais fait pousser la barbe.
01:02:31 – En tout cas, ça, c'était pas volontaire pour les dessinateurs.
01:02:34 – Oui, je crois que je leur cassais tellement les pieds
01:02:37 avec tout ce truc, qu'à mon avis, il y avait une influence.
01:02:41 – Et puis, je crois que le texte d'intro Jean Chalopin de "Jace", c'est vous ?
01:02:45 – Oui, je crois que c'est moi, oui.
01:02:47 – Oui, oui, tout à fait.
01:02:49 – "Va, Jace, tu te rends de demain, recherche ton père".
01:02:52 – Je crois qu'on a eu un acteur qui n'arrivait pas à délivrer son texte
01:02:57 comme on l'avait écrit, je ne me rappelle plus de la circonstance.
01:03:00 Ce n'est pas quelque chose que je faisais naturellement.
01:03:02 – Si, j'étais là, j'étais là.
01:03:04 Donc, Aïm a dit "Pourquoi tu ne le fais pas, toi Jean ?
01:03:08 Je suis sûr que tu saurais bien le faire,
01:03:10 parce que vous essayez de le dire à l'acteur,
01:03:12 mais il faudrait faire ça comme ça".
01:03:14 Et donc, c'est vous qui l'avez fait.
01:03:16 – Et ça nous a effectivement tous marqués.
01:03:19 On a évidemment… il y aurait encore beaucoup de choses à dire,
01:03:23 parce qu'il y a effectivement…
01:03:25 vous l'avez parlé, les jumeaux du bout du monde des années 90.
01:03:29 Je crois qu'à partir des années 80, fin des années 80 d'ailleurs,
01:03:33 la DIC continue aux États-Unis,
01:03:35 puis il y a une autre société qui s'appelle C&D,
01:03:38 qui arrive je crois en France, c'est ça.
01:03:41 Spontanément, j'aurais dit "chat-lopein derrière", mais non,
01:03:45 a priori, ce n'est pas ça.
01:03:47 – Créativité et développement.
01:03:49 – Voilà, cette société, c'est l'après,
01:03:52 c'est la deuxième étape de l'aventure DIC,
01:03:54 enfin troisième étape de l'aventure DIC,
01:03:56 c'est comme ça qu'on peut la voir ?
01:03:58 – C'est un peu plus compliqué que ça.
01:04:00 Mais DIC est devenue une société complètement internationale.
01:04:04 On avait des studios au Japon, Kaka DIC,
01:04:07 on avait DIC en France, qui était la société maire,
01:04:10 et on avait DIC à Los Angeles, DIC Enterprise.
01:04:13 Et la CLT et moi, puisque nous étions les deux actionnaires,
01:04:19 avons vendu la société américaine.
01:04:22 Et on a gardé la société japonaise.
01:04:27 En fait, on a donné le choix aux Japonais d'aller avec les Américains
01:04:31 et de venir avec nous, ils n'ont pas voulu aller avec les Américains,
01:04:33 ils ont voulu venir avec nous.
01:04:34 Donc, je pense que Bernard se rappelle ça très très bien,
01:04:37 ce qui était un sacrifice pour eux,
01:04:39 parce que c'était beaucoup plus solide pour eux d'aller avec les Américains,
01:04:42 il y avait une production quand même beaucoup plus importante.
01:04:44 Donc, en fait, on n'avait pas le droit de garder le nom DIC
01:04:47 que les Américains voulaient garder,
01:04:50 et donc on a dû rebaptiser la société japonaise et la société française.
01:04:55 Mais en fait, c'est une continuité.
01:04:57 C'est une continuité avec un des maillons le plus important à l'époque,
01:05:03 parce que le maillon américain était devenu le plus important,
01:05:05 il n'y a pas de discussion là-dessus, qui avait été vendu.
01:05:08 Et donc, on a continué et c'est aidé à continuer pendant 10 ans là-dessus,
01:05:13 puisque ça a été vendu en 96.
01:05:16 10 ans plus tard exactement, 86 la vente de DIC Enterprise et 96 la vente de Cédric.
01:05:22 Bernard pendant ce temps-là avait commencé à partir sur d'autres aventures,
01:05:28 vers de nouvelles aventures, ça vous rappelle quelque chose ?
01:05:31 Absolument, ça me rappelle, oui.
01:05:33 C'était un peu un leitmotiv que j'avais à un moment.
01:05:36 Mais oui, j'étais parti, d'abord il y a eu Planète Magique et ensuite Story.
01:05:43 Et parmi les dessins animés qui sont venus, on a parlé des Jumeaux du Beau du Monde,
01:05:47 on pourrait citer Sophie et Virginie par exemple aussi,
01:05:49 qui ont fait partie de ces grands programmes.
01:05:52 Et on sent quand même que, quand on voit ces programmes,
01:05:55 que l'ADN de la DIC est toujours présent, c'est-à-dire qu'il est là,
01:06:00 cette volonté de raconter, ce sera peut-être un peu une forme de direct à la conclusion,
01:06:05 mais raconter des histoires en prenant le spectateur pour quelqu'un,
01:06:08 pour un public intelligent.
01:06:10 C'est toujours la sensation que j'ai eue en regardant vos dessins animés.
01:06:13 J'ai toujours eu l'impression de ne pas être pris pour un imbécile
01:06:15 quand j'étais gamin devant ma télé et je regardais vos dessins animés.
01:06:18 Et c'est vrai que c'est quelque chose que me disait Shouky Lévy sur la musique,
01:06:21 il me dit "moi je ne fais pas de la musique pour les enfants,
01:06:22 je fais de la musique pour des programmes".
01:06:24 Et j'ai eu la sensation que c'était pareil pour vous.
01:06:26 Est-ce que vous partagez ce point de vue-là ?
01:06:28 Oui, c'est vrai.
01:06:29 On travaille, moi je travaillais pour tous, pour la famille on va dire,
01:06:34 pour donner une définition un peu plus large.
01:06:36 Moi je faisais des films pour d'abord la musique, le montage,
01:06:39 l'ambition de l'image, une mise en scène plus dramatique,
01:06:43 plus qui corresponde à quelque chose de… pas d'enfantin.
01:06:47 Surtout pas faire quelque chose d'enfantin.
01:06:50 Vous avez d'ailleurs aujourd'hui…
01:06:53 parce que c'est tout à fait important de dire ça,
01:06:55 à l'époque il y avait les dessins animés pour les enfants
01:06:58 et il y avait les choses pour les adultes.
01:07:00 Aujourd'hui tout est mêlé, regardez Game of Thrones par exemple,
01:07:05 ou toutes les séries qui se passent aujourd'hui,
01:07:08 il y a toujours un mélange des deux.
01:07:10 Or je crois qu'à l'époque, nous on écrivait presque pour nous quelque part.
01:07:14 C'était vraiment des histoires qu'on aimait, moi je rêvais de ces histoires.
01:07:19 Les Cités d'or, on était complètement dans le monde d'Esteban,
01:07:22 et ces personnages… c'est pour ça qu'il y a des fois des choses tellement intuitives.
01:07:27 Quand la nouvelle série a été produite,
01:07:29 je me rappelle avoir une réunion avec le producteur et avec les écrivains.
01:07:33 Je n'ai pas écrit du tout la deuxième série ni la troisième série,
01:07:36 et Bernard a été impliqué pour assurer la coordination artistique.
01:07:41 Et j'ai essayé d'expliquer,
01:07:43 les Cités d'or c'est sur le point de vue des enfants,
01:07:45 c'est écrit du point de vue des enfants,
01:07:47 ce sont les enfants qui voient ce monde de guerre, etc.
01:07:50 du point de vue des enfants.
01:07:52 C'est très difficile de se mettre dans ce temps,
01:07:55 parce qu'un adulte régionne toujours un adulte,
01:07:57 et là c'était important, on était des enfants,
01:07:59 Bernard et moi étions des enfants, étions Esteban.
01:08:02 Je n'allais pas dire étions Zia, c'est un peu difficile,
01:08:06 mais on était des enfants, on était dans la position d'enfant.
01:08:09 À aucun moment on est devenu Mendoza, aucun moment.
01:08:12 C'était toujours du point de vue des enfants.
01:08:14 Je ne sais pas comment vous expliquez ça sans réfléchir.
01:08:16 Je crois que c'est vraiment ce qui changeait tout pour nous.
01:08:22 Je ne me suis jamais posé la question de savoir si c'était pour des enfants.
01:08:25 On faisait des histoires qui nous rendaient heureux nous-mêmes à raconter.
01:08:28 Oui, absolument.
01:08:30 Ce qui est fascinant, c'est que vous étiez du côté des enfants,
01:08:33 sans produire des dessins animés qui étaient enfantins.
01:08:36 Je trouve que c'est ça, cette magie aussi qui est la vôtre.
01:08:39 On pourrait très bien, et aujourd'hui on le voit,
01:08:41 beaucoup de dessins animés tendent un peu vers ça,
01:08:43 c'est la nouvelle façon de faire de l'animation.
01:08:45 Oui, il y a des catégories aujourd'hui.
01:08:47 Il y a des tranches d'âge,
01:08:49 donc on fait ce qui correspond aux tranches d'âge,
01:08:51 ou ce qu'on pense qui correspond aux tranches d'âge.
01:08:54 Mais quand je vois que les petits frères veulent regarder
01:08:56 ce que regarde le grand frère, et toujours derrière,
01:08:58 c'est quand même bien plus intéressant que les dessins animés
01:09:00 qui leur sont destinés.
01:09:02 Je pense qu'on infantilise un peu trop, quelquefois, la production.
01:09:08 Y compris même dans les dessins où les enfants,
01:09:10 les personnages d'enfants sont souvent attribués,
01:09:13 font facilement des grimaces, des choses comme ça,
01:09:16 qui les renvoient effectivement à ce côté enfant qu'ils sont,
01:09:19 qu'on n'avait jamais l'impression d'avoir
01:09:21 quand on voyait Esteban ou Télémaque, même, dans Ulysse 31.
01:09:25 Mais il faut aussi se rendre compte qu'à l'époque,
01:09:29 quand on travaillait avec Hélène Fatou, par exemple,
01:09:31 on avait quelqu'un qui était vraiment une personne cultivée,
01:09:35 intelligente, sensible, qui comprenait ce qu'on faisait,
01:09:39 et on avait un dialogue intelligent.
01:09:41 On n'était pas toujours à vous coincer un mot comme anxiolytique, etc.
01:09:46 Aujourd'hui, c'est très difficile pour les producteurs.
01:09:48 Moi, je ne produis plus aujourd'hui, mais je travaille avec quelques producteurs
01:09:51 qui sont restés des contacts ou des amis,
01:09:54 et ils m'ont raconté leurs aventures.
01:09:56 C'est assez étonnant.
01:09:58 On avait ça à Los Angeles beaucoup, mais en France, à l'époque,
01:10:00 on avait un dialogue vraiment intelligent avec Hélène Fatou spécialement,
01:10:04 et Mireille Chalvant, où on travaillait vraiment en bonne intelligence.
01:10:09 Si vous regardez le niveau anxiolytique,
01:10:13 comme on le dit aujourd'hui, de Ulysse 31, c'est effrayant.
01:10:16 Or, on avait découvert quelque chose qui est très important.
01:10:19 C'est que le conte de fées, ça fait très peur, le conte de fées.
01:10:22 C'est très effrayant, le conte de fées,
01:10:24 mais il y a toujours une solution qui vous rend heureux.
01:10:26 C'est l'histoire du gars qui a des chaussures trop petites,
01:10:28 il dit "ça me fait tellement bien quand j'enlève mes chaussures".
01:10:31 C'est ça. Pour nous, c'était un peu le principe.
01:10:33 On montait le niveau, par exemple, dans Ulysse 31,
01:10:35 on a des séquences où on monte le niveau de peur et d'angoisse,
01:10:38 et d'un seul coup, Nono arrive et fait une galipette,
01:10:40 et dit une bêtise.
01:10:42 Et tous les gosses rient, parce que l'anxiété et l'angoisse montent
01:10:45 par rapport à ça, et c'est bien que ça monte.
01:10:48 C'est bien d'avoir ces sentiments.
01:10:50 Aujourd'hui, on édulcore, tout est plat.
01:10:52 Mais on monte en sentiments, et d'un seul coup,
01:10:54 vous avez une galipette qui est faite par Nono, qui décharge.
01:10:57 C'est pour ça que Nono était tellement aimé par les enfants,
01:10:59 parce qu'il arrivait pour rendre les gens heureux,
01:11:03 au moment où il y avait quelque chose de dramatique pour Ulysse,
01:11:05 ou Télémaque, ou...
01:11:09 quel que soit les personnages là-dessus, les circonstances,
01:11:12 il y a des épisodes très dramatiques dans Ulysse 31.
01:11:15 Et il y a Nono qui arrive par rapport à ça.
01:11:17 Donc, je crois qu'on osait raconter des histoires
01:11:20 qui nous faisaient peur à nous aussi,
01:11:22 qui nous faisaient vibrer nous aussi.
01:11:24 Vous vous souvenez, pour la rediffusion des Cités d'or,
01:11:27 la série numéro 1, la chaîne nous a demandé de couper
01:11:31 quelques plans qui étaient un peu trop anxiolytiques
01:11:33 justement pour les enfants.
01:11:35 Donc, ils m'avaient envoyé une liste de, je ne sais pas,
01:11:37 une trentaine de plans à couper dedans.
01:11:40 Donc, j'ai dit, ok, à trois plans.
01:11:45 Comme ça, on était tranquille.
01:11:47 Pour faire plaisir.
01:11:48 On était tranquille pour ne pas tout refuser.
01:11:51 Mais voilà, c'était des noyés qui flottaient
01:11:53 à la surface de la mer, c'était un Inca
01:11:56 qui fouettait une Inca, voilà, c'était ça.
01:11:59 Donc, les enfants connaissent beaucoup plus
01:12:02 dans certains dessins animés, certains films aujourd'hui.
01:12:05 Reste qu'aujourd'hui, la France qui avait tout à faire
01:12:10 à l'époque où vous fondez la DIC,
01:12:12 est devenue un acteur majeur dans l'animation.
01:12:14 Il y a quelques jours, le président directeur général
01:12:18 de XILAM, dans une interview que je lisais
01:12:20 chez nos confrères de France Info, disait,
01:12:22 il y a encore quatre ans, il y avait à peu près
01:12:24 5500 personnes qui travaillaient dans l'industrie de l'animation.
01:12:26 On est passé à 7500.
01:12:28 Et je pense que d'ici 2025, on sera près de 10 000
01:12:30 à travailler dans cette industrie.
01:12:32 L'animation française à la pointe aujourd'hui,
01:12:36 en partie aussi grâce à tout ce que vous avez initié,
01:12:41 défriché à l'époque de la DIC quand même.
01:12:44 Moi, quand je discute, j'ai eu l'occasion
01:12:46 de discuter avec des écoles d'animation il y a quelque temps,
01:12:48 et ils me disaient, mais oui, Jean-Charles Lopin,
01:12:50 Bernard Derriès, l'époque de la DIC,
01:12:52 c'est des choses qui nous ont influencé,
01:12:53 alors qu'a priori, ils ne sont pas de cette génération-là.
01:12:56 Vous avez eu un rôle important.
01:12:58 Les technologies ont beaucoup évolué aussi.
01:13:00 C'est ça. Si on avait eu la même technologie
01:13:03 à l'époque des Cités d'or, on aurait fait autre chose.
01:13:05 On aurait fait 200 séries par an.
01:13:08 On avait tellement d'idées de scénarios.
01:13:13 Le nombre de fois où Bernard et moi, on disait,
01:13:15 j'ai une idée, on va faire ce truc-là.
01:13:17 Les idées, on en avait tout le temps,
01:13:19 des histoires à raconter.
01:13:20 Je crois qu'on était des conteurs d'histoire avant tout.
01:13:22 Et c'était l'alliance de l'image et du son,
01:13:27 la musique et du texte qui donnait cette histoire,
01:13:32 qui donnait cette couleur.
01:13:33 Bernard a utilisé cette expression couleur.
01:13:35 Je parlais de l'expression qu'avait dite Paul Gimsane
01:13:37 à son propos en disant qu'il pisse la couleur.
01:13:39 Mais c'est Bernard quelqu'un qui a la couleur,
01:13:41 qui donne de la couleur, qui donne de la forme,
01:13:43 qui donne de la substance.
01:13:44 Et c'était vraiment un mariage extraordinaire entre nous,
01:13:48 où ça nous a permis de voir…
01:13:50 Bernard est le personnage le plus obstiné du monde.
01:13:54 Quand il a une idée, il ne lâche pas.
01:13:56 Vous savez, il y avait un dessin animé
01:14:00 qui s'appelait Bernard et Bianca.
01:14:02 Un peu têtu, Bernard, oui.
01:14:05 Et on disait, "Bianca dit, vous ne connaissez pas Bernard,
01:14:08 il ne renonce jamais."
01:14:10 Ça, c'est Bernard.
01:14:11 On va arriver malheureusement à la fin de cet échange,
01:14:17 mais il y a un aspect dont on n'a pas parlé,
01:14:19 mais je veux juste les mentionner,
01:14:21 parce que ça a fait partie de la signature des séries de la DIC.
01:14:24 C'est les grands comédiens qui sont venus
01:14:26 pour prêter leur voix à ces personnages.
01:14:29 Je pense évidemment à Claude Giraud,
01:14:31 qui nous a quittés il n'y a pas longtemps,
01:14:32 qui était la voix d'Ulysse 31.
01:14:33 Je pense à Jean Topard, qui a été Zeus dans Ulysse 31.
01:14:39 Je pense à Jackie Berger, à Isabelle Gans,
01:14:42 à Odile Schmidt, qui nous a quittés l'année dernière.
01:14:46 Enfin, voilà, tous ces grands comédiens,
01:14:48 sans qui ces dessins animés.
01:14:49 Thierry Ragnot, qu'on connaît bien aujourd'hui,
01:14:51 qui a été Mac Tracker.
01:14:52 Voilà, et on a tant d'autres à citer,
01:14:54 mais je voulais vraiment les mentionner,
01:14:55 parce que ça a fait partie de la signature de la DIC.
01:14:58 Oui, et c'est vrai qu'il y avait un homme
01:15:00 qui était un peu à la sourde de tout ça,
01:15:02 c'était Jacques Barclay de Start, de la société Start,
01:15:04 avec qui on pouvait faire des castings en toute confiance
01:15:07 et qui nous proposait des voix extraordinaires,
01:15:09 ou à qui on demandait certaines voix.
01:15:11 J'avais demandé pour Ulysse Jean Topard,
01:15:13 parce que je le connaissais à travers
01:15:14 les séries dramatiques de la télé de l'époque,
01:15:16 les cathares, tous ces trucs anciens,
01:15:19 tous ces vieux trucs en noir et blanc.
01:15:21 Moi, c'était un acteur que j'aimais beaucoup,
01:15:23 donc je l'avais demandé,
01:15:24 et Jacques Barclay l'avait obtenu.
01:15:26 C'était quelqu'un de très facile à travailler,
01:15:29 très gentil.
01:15:30 "Si ça ne vous plaît pas, je peux refaire tout de suite,
01:15:33 vous inquiétez pas."
01:15:34 C'était vraiment un délice de travailler ça.
01:15:36 C'était la société Start, Jacques Barclay.
01:15:38 À l'époque, il y avait un directeur de production
01:15:40 chez nous qui s'appelait Max Albinger,
01:15:42 et qui faisait tout ça.
01:15:44 Max a été très proche de Jacques.
01:15:48 Max a commencé à travailler avec nous en 75,
01:15:56 quelque chose comme ça,
01:15:57 je crois en 74, 75, très tôt.
01:16:00 On était à Tours, on était en Chalmelles.
01:16:03 C'était notre premier directeur de production,
01:16:06 et on a travaillé ensemble sans arrêt.
01:16:10 C'est pareil, on devrait avoir Max avec nous.
01:16:13 C'est un délire, parce que Max était une personne
01:16:15 qui a été fondamentale pour nous.
01:16:18 En guise de conclusion, ça nous intéresserait
01:16:20 quand même un petit peu de prolonger cette aventure
01:16:23 qui est la vôtre aujourd'hui.
01:16:25 Vous n'êtes pas forcément tous les deux restés
01:16:28 dans l'aventure de l'animation et de la production.
01:16:30 Est-ce que vous pouvez nous dire en quelques mots
01:16:32 justement comment s'est déroulée la suite de votre carrière,
01:16:35 cette suite notamment pour vous Jean-Charles Lopin,
01:16:37 puisque finalement, on a dit que la production
01:16:39 ça représente une petite partie
01:16:41 de votre carrière professionnelle.
01:16:43 Bernard et moi, on était victimes d'un trauma commun
01:16:49 qui s'appelle la phénomène magique.
01:16:51 Peut-être probablement le plus beau projet
01:16:54 qu'on ait fait ensemble.
01:16:55 C'était vraiment un enfant commun
01:16:58 et qui a échoué pour des raisons multiples,
01:17:03 mais pas pour des raisons,
01:17:04 pas un manque d'intérêt ni d'aspect créatif,
01:17:06 ni de concept, qui a échoué pour des tas de raisons.
01:17:09 On peut en débattre pendant des heures,
01:17:11 donc je ne vais pas rentrer dedans.
01:17:12 Mais je pense qu'on a été,
01:17:13 et après ça on est partis un peu chacun de notre côté.
01:17:16 Je pense que ça n'a pas affecté notre amitié,
01:17:19 mais qu'il y avait une blessure et ça n'a pas changé.
01:17:23 Donc moi, à un moment donné, je me suis dit
01:17:26 il faut savoir dans la vie, reconnaître quand on…
01:17:29 il faut tourner la page.
01:17:30 J'ai donc décidé de tourner la page,
01:17:32 j'ai décidé de ne plus continuer dans cette direction.
01:17:36 Je me suis impliqué encore un peu
01:17:40 pendant quelques années dans CD en animation.
01:17:43 La dernière production que j'ai faite
01:17:44 qui s'appelle Le Maître des Bottes,
01:17:46 que je considère que c'est peut-être
01:17:48 une de mes meilleures productions.
01:17:50 Bien, oui, ça c'était une série
01:17:52 qui faudrait sortir aujourd'hui.
01:17:53 C'est des robots vus d'une façon très différente.
01:17:56 Et vous parliez du respect du truc,
01:17:59 c'est très adulte en fait.
01:18:01 On était les premiers à utiliser une musique de rap
01:18:03 dans un dessin animé, etc.
01:18:07 C'est tout à fait différent.
01:18:09 C'est à peu près ma dernière production,
01:18:11 vraiment…
01:18:13 Et après ça, je me suis dit, il faut…
01:18:17 Jasmine Delacroix avait une expression
01:18:20 qui était "has been".
01:18:22 Je ne veux pas être une "has been".
01:18:24 Et je me suis dit à un moment donné,
01:18:26 il faut savoir changer.
01:18:28 Et c'est une petite histoire que je raconte,
01:18:30 mais qui n'a peut-être aucune référence pour vous,
01:18:33 parce que vous êtes tous les deux trop jeunes.
01:18:35 Il y avait, quand j'ai commencé dans l'animation,
01:18:37 il y avait un monsieur qui s'appelait Jean Images.
01:18:39 Et Jean Images avait été le grand personnage
01:18:43 de l'animation française dans les années 50.
01:18:46 D'accord, oui.
01:18:48 Et à l'époque où on a commencé,
01:18:50 dans les 20 ans plus tard,
01:18:52 dans les années 70,
01:18:54 il faisait du porte-à-porte
01:18:56 pour essayer de vendre quelques dessins animés
01:18:58 aux chaînes de télévision, etc.
01:19:00 Ça me tordait le cœur.
01:19:01 C'est un type absolument adorable
01:19:03 et personne ne voulait le voir.
01:19:05 Les gens prétendaient ne pas être là.
01:19:07 C'était vraiment assez horrible.
01:19:09 Je me suis dit, je ne veux pas finir ma vie
01:19:11 à faire du porte-à-porte pour essayer de placer
01:19:13 mes cartoons et mes histoires comme ça.
01:19:15 Donc, à un moment donné, je me suis décidé
01:19:17 de changer complètement d'orbite.
01:19:19 Après avoir vendu ma société,
01:19:21 j'ai appris un petit intérêt dans une petite banque,
01:19:24 petite banque d'affaires et banque privée.
01:19:26 Et je me suis réimpliqué là-dessus
01:19:29 très fortement et je suis devenu curieusement banquier,
01:19:33 ce qui est très rare de passer du créatif à la banque.
01:19:36 En général, c'est la banque au créatif.
01:19:38 Et je me suis aperçu qu'en fait,
01:19:40 la créativité, on peut l'avoir dans n'importe quelle activité
01:19:42 qu'on puisse faire.
01:19:44 Et donc, aujourd'hui, je suis l'actionnaire principal
01:19:50 et l'animateur principal d'un groupe financier
01:19:54 et d'assurance qui a bien grossi.
01:19:56 C'est un groupe qui est international aujourd'hui,
01:20:00 qui a deux banques, qui a des cités d'assurance,
01:20:03 un certain nombre de choses.
01:20:05 Et on se focalise, le personnage que j'ai derrière moi,
01:20:08 ici, s'appelle Jenny.
01:20:10 C'est un personnage qu'on a créé,
01:20:12 qui est un lien, qui est un peu un chatbot,
01:20:14 si vous voulez, mais tout à fait particulier.
01:20:16 Et j'ai essayé de réintégrer dans le domaine bancaire
01:20:21 et financier et assurance le plus de créativité possible.
01:20:25 Donc, je reviens à mes amours.
01:20:28 Moi, j'ai continué en travaillant pour Jean au début,
01:20:32 dans les dernières productions qu'il a faites.
01:20:35 Et puis, j'ai continué un peu pour différents producteurs
01:20:39 et j'ai racheté une école de dessin.
01:20:43 Donc, à Tours, j'étais ancien élève de l'école Brassard,
01:20:48 ancien professeur de l'école Brassard.
01:20:50 Et du coup, j'ai racheté une école de dessin,
01:20:52 sept écoles de dessin.
01:20:53 Donc, on a fait prospérer.
01:20:55 J'ai racheté une école et je l'ai revendu à mon associé.
01:20:58 Il y avait trois écoles.
01:20:59 Donc, maintenant, c'est une école qui a 13 succursales en France.
01:21:02 Et puis, je me suis lancé, moi, dans la bande dessinée.
01:21:06 C'était un projet que j'avais depuis longtemps.
01:21:08 Aux éditions Belcourt.
01:21:09 Donc, j'ai signé un contrat pour livrer 150 pages en début 2024.
01:21:15 Voilà.
01:21:16 Merci beaucoup.
01:21:18 Je pense que tous ceux qui ont grandi avec ces dessins animés
01:21:21 et qui ont vu cette générosité des dessins animés,
01:21:23 mesure que cette générosité, on l'a eu avec vous
01:21:26 pendant cette presque une heure et demie où on a échangé avec vous.
01:21:30 On aurait évidemment encore des dizaines et des dizaines de questions
01:21:33 à vous poser, mais merci beaucoup d'avoir pris ce temps.
01:21:36 Merci beaucoup d'avoir fait vibrer et rêver autant d'enfants
01:21:40 pendant toutes ces années.
01:21:41 Et puis, maintenant, l'aventure continue vers de nouveaux horizons,
01:21:44 puisque, on le dit, les Cités d'or arrivent au Théâtre des variétés
01:21:47 dans une comédie musicale.
01:21:49 Donc, l'inspiration ne s'arrête jamais.
01:21:52 Et au fait, tiens, petite question pour Ulysse.
01:21:55 Avez-vous été contacté ou pas, pour finir et pour faire une suite à Ulysse 31 ?
01:21:59 C'est quelque chose qu'on a souvent entendu.
01:22:01 Oui, on est contacté en permanence par des gens qui ont des projets
01:22:11 de films, de séries, de nouvelles séries, de Surilive, etc.
01:22:15 De tas de choses.
01:22:16 C'est très compliqué à cause des droits.
01:22:19 Et c'est vraiment pas dans mon domaine.
01:22:21 On a plusieurs personnes, entre Bernard et moi, qui s'occupent de ça.
01:22:26 Mais c'est compliqué.
01:22:29 Il y a beaucoup de projets actuellement en latence qui sont soumis
01:22:34 à des décisions plus ou moins légales.
01:22:38 Il y a des stades différents.
01:22:41 On vous remercie vraiment d'avoir pris ce temps.
01:22:44 Merci beaucoup, Jean-Charles Lepin, d'avoir répondu présent.
01:22:47 Et surtout, c'était un vrai bonheur, je pense, parler aussi au nom des équipes
01:22:50 du Festival de Cannes-Série, des gens qui nous regardent.
01:22:53 C'est un vrai bonheur de vous avoir ensemble, en même temps,
01:22:56 pour parler de cette grande aventure qui a été celle de la DIC
01:23:00 et de ces dessins animés qui, évidemment, nous ont beaucoup marqués.
01:23:03 Merci beaucoup à tous, en tout cas, qui nous avez suivis
01:23:05 pendant cette grande rencontre.
01:23:07 Et on espère que vous n'aurez qu'une envie, si vous précipitez,
01:23:10 de découvrir ces dessins animés que peut-être, pour certains,
01:23:13 vous ne connaissez pas, mais qui sont aujourd'hui accessibles
01:23:16 un petit peu partout, sous des formes de DVD, dans des belles collections.
01:23:20 Merci, en tout cas, de nous avoir suivis.
01:23:22 Merci, Jean-Charles Lepin.
01:23:23 Merci, Bernard Derriès d'avoir été avec nous.
01:23:25 Au revoir. Merci.
01:23:26 [Musique]

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