Streamflation : «Disney, Warner et Universal perdent des milliards chaque trimestre», assure Philippe Bailly

  • l’année dernière

Philippe Bailly, président-fondateur de NPA Conseil, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent au phénomène de "Streamflation", l'augmentation des tarifs de toutes les plateformes audio ou vidéo.

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Transcript
00:00 Jusqu'à 7h.
00:01 Alexandre Lemaire, on bline Roche.
00:03 Soyez les bienvenus si vous nous rejoignez, il est 6h42.
00:06 De l'alimentation au carburant, des assurances à la taxe foncière, partout l'inflation grignote votre pouvoir d'achat.
00:13 Le phénomène touche aussi les plateformes de vidéos à la demande. On vous en parle ce matin sur Europe 1.
00:18 Votre invité Alexandre Lemaire, c'est Philippe Bailly, président fondateur de NPA Conseil,
00:23 cabinet d'analyse des marchés médiatiques et numériques.
00:25 Bonjour Philippe Bailly.
00:27 Bonjour.
00:28 Les plateformes de vidéos à la demande touchées par l'inflation, alors on appelle ça la streamflation, ça y est, à leur tour.
00:35 Ces plateformes augmentent elles aussi leurs tarifs, et pas qu'un peu.
00:39 Oui, elles sont en fait en train surtout de d'écarter le marché, avec d'un côté ce que vous dites, des forfaits qui augmentent en prix.
00:48 Et par exemple le 1er novembre, le forfait Disney, si on veut conserver la même offre qu'aujourd'hui,
00:55 sans publicité, 4 accès simultanés, etc., ça passera de 8,99 à 11,99, donc plus 3 euros.
01:02 Plus 33%, ça augmente d'un tiers d'un coup.
01:05 Absolument, on peut le dire en euros ou en pourcents, mais effectivement c'est une augmentation importante.
01:11 Mais dans le même temps, les plateformes ont besoin de conserver un accès à l'entrée de marché, un prix attractif.
01:18 C'est pour ça aussi que Netflix il y a un an, Disney dans quelques jours, Amazon l'an prochain,
01:23 elles créent maintenant des forfaits avec pubs, qui eux par contre sont beaucoup moins onéreux,
01:28 et dans le cas de Disney par exemple, ça sera 5,99.
01:32 Est-ce qu'on ne touche pas là la limite du modèle ?
01:34 Plus l'offre payante est chère, plus l'offre avec pubs regagne de l'intérêt.
01:38 Absolument, mais d'une certaine manière pour les studios, les entreprises qui gèrent ces services,
01:46 c'est indifférent, pas forcément, mais en tout cas, il y a un forfait avec publicité
01:51 qui permet d'ouvrir largement, y compris à ceux dont le pouvoir d'achat est limité,
01:57 avec un surcroît de rémunération tiré de la pub.
02:01 Et pour ceux qui, encore une fois, les puristes, qui ne veulent définitivement pas de pubs
02:06 et une très bonne qualité technique, on leur propose des forfaits très haut de gamme.
02:14 Mais d'une certaine manière, pour le consommateur, ça n'est pas forcément en perdant.
02:19 Ce que je veux dire, c'est que d'abord, ces forfaits avec pubs sont proposés
02:23 avec le même catalogue que ceux qui payent des forfaits plus au nez.
02:29 Si vous payez moins, vous aurez moins de programmes, c'est les mêmes.
02:34 Et puis, encore une fois, ça permet à ceux qui ont moins d'argent ou moins envie d'en mettre,
02:39 simplement, de trouver quand même une solution.
02:41 Pourquoi ça augmente ? On a envie de comprendre pourquoi ça augmente aussi sec.
02:45 Est-ce qu'on est sur un phénomène de rattrapage ? Est-ce qu'on était sur des tarifs
02:49 volontairement trop bas, peut-être, dans une logique de conquête de clientèle ?
02:53 Je pense que vous avez dit à peu près l'essentiel.
02:57 Effectivement, quand les studios se sont lancés dans le streaming,
03:01 et ils se sont lancés à la poursuite de Netflix, il y a 5 ou 6 ans,
03:05 ils ont pensé qu'avec des prix attractifs, ça serait plus facile de développer leur marché,
03:11 ce qui était un calcul payant en nombre d'abonnés, puisque aujourd'hui,
03:15 le groupe Disney, par exemple, dans le monde, c'est à peu près autant d'abonnés que Netflix,
03:20 c'est-à-dire de l'ordre de 230 millions. C'est colossal.
03:23 C'est colossal.
03:24 Mais effectivement, ils ont choisi de se positionner avec des tarifs attractifs,
03:31 tout en dépensant des tonnes d'argent, des tonnes de pognon, dirait-on,
03:37 en programme, en publicité, et à la fin, l'équilibre n'y était pas.
03:43 Disney, Warner, Universal perdent des milliards chaque trimestre,
03:50 aujourd'hui, avec leur service de streaming.
03:52 Philippe Bailly, on est dans une situation paradoxale, quand même.
03:54 On a un marché avec de plus en plus d'opérateurs, qui devient donc ultra-concurrentiel,
03:58 et les prix sont tirés vers le haut.
04:00 Encore une fois, ils sont tirés vers le haut, parce que de toute façon,
04:05 pour ces acteurs, il n'y a pas de solution.
04:08 Autre, si ce n'est de continuer à encaisser des pertes,
04:11 mais ça, on parle de groupe coté, les marchés financiers ne le supportent pas.
04:16 Et puis globalement, un boulanger n'ouvre pas sa boulangerie le matin,
04:21 en mettant la baguette à un prix qui fait que de toute façon,
04:24 il sait qu'il va perdre de l'argent aujourd'hui, qu'il en perdra encore demain, etc.
04:27 À un moment où il faut trouver un équilibre économique,
04:30 il y a une partie de cet équilibre qui se fait dans une plus grande attention à dépense,
04:34 sans doute un peu moins de production,
04:36 et très honnêtement, ni vous ni moi n'en pâtirons,
04:38 parce qu'aujourd'hui, il y a plus de programmes qu'on ne pourra en voir de notre vie entière.
04:42 - Mais c'est ça, le problème, la limite, c'est pas seulement...
04:45 Voilà, c'est exact, vous avez mis le doigt dessus,
04:46 le problème, c'est pas seulement la limite du porte-monnaie,
04:48 c'est tout simplement la limite du temps qu'on a à consacrer à ce loisir, aussi, Philippe Bailly.
04:52 - Alors absolument, je vais vous prendre, enfin, juste un calcul.
04:56 Il y a 4-5 ans, à un moment où il ne se produisait que,
05:00 et je mets des guillemets, que 500 séries par an.
05:03 J'avais fait le calcul, il vous fallait 6 mois, jours et nuits, 24/24,
05:10 pour visionner ne serait-ce que ces 500 nouvelles séries,
05:13 et donc, à condition que vous n'ayez pas envie de revoir, en plus,
05:17 à Grande Badrouille ou les Grandes Vacances.
05:19 - Éventuellement. On va rester sur ce modèle de guerre des contenus,
05:23 malgré tout, entre plateformes, de guerre des exclus ?
05:25 - Il y a de toute façon, oui, le contenu, c'est le nerf de la guerre.
05:31 Quand vous êtes chaîne de télévision, service de streaming,
05:37 ou d'ailleurs, station de radio, à un moment, on vient vous voir
05:40 pour la qualité de votre contenu.
05:42 Ce qui sûrement va se réguler un petit peu, c'est les volumes
05:46 et les quantités de contenu produit.
05:49 Et puis, l'autre aspect, c'est peut-être qu'on aura des fusions, aussi,
05:52 des rapprochements entre certains services.
05:55 Ça a commencé aux États-Unis, et à un moment ou à un autre, ça viendra chez nous.
05:58 - En tout cas, le phénomène qu'on a bien senti tous,
06:01 chacun à notre niveau, devant notre télé et nos abonnements,
06:03 c'est ce phénomène, et vous l'avez décrit, Philippe Bailly,
06:06 de rattrapage sur les offres tarifaires des plateformes de vidéos à la demande,
06:10 y compris musicales, d'ailleurs.
06:12 Merci, Philippe Bailly, président fondateur de NPA Conseil,
06:15 cabinet d'analyse des marchés médiatiques et numériques.

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