TF1 - 10 Mai 1991 - Pubs, teaser, extrait spéciale "Mitterrand 10 Ans Après" (Gérard Carreyrou, Michèle Cotta)

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TF1, 10/05/1991 :
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- Bande annonce "Reportages"
- Extrait "Mitterrand, 10 ans après" (Gérard Carreyrou, Michèle Cotta)

A noter :
- A l'occasion des 10 ans de l'accession au pouvoir de François Mitterrand, TF1 a organisé un grand débat pour tirer le bilan de cette décennie avec les grandes personnalités politiques de l'époque : Pierre Bérégovoy, Jack Lang, Edith Cresson, Dominique Strauss-Kahn pour la gauche, Antoine Waechter pour les Ecologistes, Dominique Baudis, Gérard Longuet, François Léotard, Alain Carignon pour la droite.
- Le débat politique est animé par Michèle Cotta, directrice de l'information de TF1 depuis le 6 Mai 1987, et Gérard Carreyrou, son futur remplaçant à ce poste en Décembre 1992.
Transcript
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00:00:06 - La réussite de toute entreprise, quelle qu'elle soit,
00:00:09 repose sur deux éléments, la cohésion
00:00:12 et la compétence des hommes.
00:00:14 - Et la patrouille rassemblée.
00:00:17 Éclatement.
00:00:20 Topé, topé, topé, top!
00:00:23 ♪ ♪ ♪
00:00:26 - Laisse descendre pour la boucle.
00:00:29 On y est là.
00:00:31 Câble!
00:00:33 - Ici la tour de contrôle.
00:00:36 Y a-t-il un pilote de chez Éco parmi vous?
00:00:38 - Yves, nous.
00:00:40 - Peut-être est sa force de réussir chaque jour
00:00:42 à trouver des gens compétents
00:00:43 que nous sommes devenus numéro un du travail temporaire
00:00:45 et qu'on peut se demander qui peut remplacer Éco.
00:00:48 ♪ ♪ ♪
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00:00:54 - Blanc de blanc de Valentine,
00:00:58 l'espace est maintenant vendu en pot.
00:01:00 - Imaginez.
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00:01:05 - S'il te plaît, imagine.
00:01:07 - Hein?
00:01:08 - Imagine-moi les hauts de scène.
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00:01:22 ...
00:01:51 -Nous avons dessiné Léodzène de l'an 2000.
00:01:54 C'est la charte 92.
00:01:55 Jusqu'au 6 juin, elle est exposée dans votre ville.
00:01:59 -Léodzène, c'est moi.
00:02:00 ...
00:02:05 -J'ai toujours crié mon innocence et...
00:02:07 On m'a condamnée.
00:02:09 -Des erreurs judiciaires, des vies brisées,
00:02:12 reportage à enquêter.
00:02:14 -Je valide bien ma vie.
00:02:16 Du jour au lendemain, tout ça, ça se détruit.
00:02:18 -J'ai perdu ma femme, j'ai perdu mon enfant.
00:02:21 -Quand la justice fait des injustices.
00:02:24 -Il n'y a aucun système qui puisse nous mettre à l'abri
00:02:27 des bavures.
00:02:29 -Les injustices de la justice,
00:02:31 reportage samedi 13h15 sur TF1.
00:02:35 ...
00:02:40 -Voici comment François Mitterrand a été perçu
00:02:43 par ses 4 premiers ministres successifs
00:02:46 au cours des 10 dernières années.
00:02:48 Messieurs, je ne vous demanderai pas de commenter
00:02:51 les propos de ces 4 premiers ministres.
00:02:53 Je vous demanderai, par contre, plutôt,
00:02:56 à votre avis, la marque de la personnalité
00:02:58 de François Mitterrand au cours des 10 dernières années.
00:03:02 Peut-être, en commençant par vous, M. Bérégovoy,
00:03:04 qui l'avait approché beaucoup à l'Elysée et au gouvernement.
00:03:08 -Je voudrais dire que j'éprouve pour François Mitterrand
00:03:11 un sentiment profond d'affection et de gratitude.
00:03:15 Gratitude parce qu'il a permis aux socialistes,
00:03:21 à ce que j'appellerais le courant progressiste,
00:03:24 d'arriver au pouvoir, d'exercer le pouvoir
00:03:29 et de pouvoir revendiquer désormais
00:03:33 la légitimité de l'exercice du pouvoir.
00:03:37 François Mitterrand a su rassembler les socialistes,
00:03:43 rassembler la gauche et rassembler le pays
00:03:47 chaque fois que les circonstances sont exigées.
00:03:50 On l'a encore vu récemment dans la crise du Golfe.
00:03:53 Je dirais que c'est un homme de grande culture,
00:03:56 chacun le sait, qui s'est identifié
00:03:59 avec l'histoire de son pays
00:04:02 et qui a su voir loin et voir juste.
00:04:06 -Gérard Longuet, vous avez une image contrastée, je suppose.
00:04:09 -En bien et en mal.
00:04:11 En bien, je crois que c'est un homme qui connaît bien la France
00:04:14 et qui connaît bien les Français,
00:04:16 peut-être d'ailleurs avec une image du passé de la France,
00:04:19 mais une image en profondeur.
00:04:21 En mal, il est trop lié à son parti, trop lié à ses amis.
00:04:26 En 10 ans de pouvoir, il n'a pas su s'en détacher.
00:04:29 -Dominique Baudis ?
00:04:31 -Moi, je salue un formidable talent
00:04:36 pour créer et entretenir l'illusion.
00:04:41 Euh...
00:04:42 10 mai '91, 10 mai '81.
00:04:46 Le 10 mai 1981, François Mitterrand a été élu
00:04:49 principalement sur trois choses.
00:04:51 Je vais faire reculer le chômage,
00:04:54 je vais réduire les inégalités
00:04:57 et nous allons changer la vie.
00:04:59 10 ans plus tard,
00:05:01 un million de plus de chômeurs en France,
00:05:05 des inégalités qui se sont creusées,
00:05:08 changer la vie,
00:05:10 on le voit dans nos villes, notamment,
00:05:14 une propagation des phénomènes de pauvreté et de précarité.
00:05:17 Et malgré tout, au bout de 10 ans,
00:05:20 il parvient toujours à tenir un discours
00:05:23 comme tous ceux qui avaient été promis étaient encore à faire
00:05:26 et que l'espoir était là devant nous.
00:05:27 Un formidable talent pour l'illusion.
00:05:29 -On va rentrer dans le vif du sujet,
00:05:30 dans le contenu même de la politique.
00:05:32 -Carré-Rose, vous me permettez un mot ?
00:05:34 -Vous voulez commenter ? -Allez-y, commencez sans nous.
00:05:37 -Une illusion qui dure.
00:05:39 -Oui.
00:05:40 -Je vois les sondages.
00:05:42 57 % des Français jugent, à la différence de M. Baudis,
00:05:47 que le bilan est positif.
00:05:49 Et s'il y avait aujourd'hui une élection
00:05:52 qui opposerait par hypothèse M. Giscard d'Estaing
00:05:57 et M. François Mitterrand,
00:05:59 M. François Mitterrand gagnerait plus largement qu'en 1981.
00:06:03 Alors, voyons les choses telles qu'elles sont.
00:06:07 C'est-à-dire que la France a un peuple majeur
00:06:11 et qui a bien su mesurer à la fois les difficultés rencontrées
00:06:16 et les progrès accomplis.
00:06:18 Et je voudrais reprendre la formule de M. Longuet.
00:06:22 "Tout ne va pas bien, mais tout ne va pas mal."
00:06:25 Et ayons ensemble, aujourd'hui, le courage de dire aux Français
00:06:29 que notre pays est plus fort en 1991 qu'en 1981
00:06:35 sur le plan économique, personne ne le conteste.
00:06:38 Sur le plan social, nous avons subi le chômage,
00:06:42 c'est incontestable, c'était plus difficile qu'on le croyait,
00:06:46 mais nous avons créé 1 million d'emplois depuis 1984.
00:06:49 -Vous entrez dans le vif du sujet. M. Biré Gauvois,
00:06:52 vous avez comparé avec M. Giscard d'Estaing
00:06:53 dans une hypothèse d'élection présidentielle.
00:06:56 -Je suis au sondage.
00:06:57 -Est-ce que vous diriez avec assurance qu'aujourd'hui,
00:07:00 la France pèse plus lourd économiquement
00:07:04 que la France au sortir du septénal Valéry Giscard d'Estaing ?
00:07:08 Elle est plus forte dans le monde, plus forte en Europe ?
00:07:10 -Tout à fait.
00:07:12 Quand nous sommes arrivés au pouvoir,
00:07:13 nous avions 14 % d'inflation.
00:07:16 On en a un petit peu plus de 3 %.
00:07:19 Nous avons, en effet, je viens de le dire,
00:07:22 plus de chômeurs qu'à cette époque.
00:07:24 Permettez-moi de rappeler que lorsque M. Giscard d'Estaing
00:07:27 était arrivé au pouvoir, il y avait 400 000 chômeurs.
00:07:30 Quand il est sorti, 1,8 million.
00:07:33 -Deux chocs pétroliers, M. Bertrand.
00:07:34 -Deux chocs pétroliers.
00:07:36 Nous avons eu un autre choc pétrolier et le choc du dollar.
00:07:40 Mais ce qui est surtout très important à savoir,
00:07:42 c'est que la France, qui était 5e exportateur mondial,
00:07:45 est aujourd'hui 4e exportateur mondial.
00:07:48 Que le franc est reconnu en Europe comme une monnaie
00:07:52 pour laquelle on a autant de considération
00:07:54 que pour le Deutschmark,
00:07:55 et que nous avons augmenté notre production,
00:07:59 augmenté notre production de 25 % depuis 1980,
00:08:03 autant que la République fédérale d'Alsace.
00:08:05 -Voilà le constat positif.
00:08:06 Constat négatif ?
00:08:07 -C'est une aimable plaisanterie
00:08:08 que M. Bérégovoy fasse au mieux depuis 2 ans.
00:08:11 C'est sans doute vraisemblable
00:08:13 au mieux de ce qu'un socialiste peut faire.
00:08:15 Mais le franc n'a pas rattrapé sa position de 80 par rapport au marque.
00:08:19 Le franc s'est dévalué de 45 % par rapport au marque.
00:08:22 Le déficit du commerce extérieur s'est amplifié.
00:08:25 Nous avons une pénétration de l'industrie étrangère en France
00:08:28 qui est considérable.
00:08:29 Nous avons une situation économique...
00:08:31 La France, la seule chose de positive
00:08:34 que l'on puisse retenir de ces 10 ans sur le plan économique,
00:08:35 c'est que vous avez fait la démonstration
00:08:37 que la socialisation de l'économie
00:08:39 que vous aviez engagée en 1981-1984 ne fonctionne pas
00:08:42 et que seule l'économie de marché peut apporter un peu de richesse.
00:08:45 C'est votre ami Jean Boissonnaz qui le dit.
00:08:47 Il a du talent, il a du mérite pour le reconnaître.
00:08:50 -On peut résoudre... -M. le ministre.
00:08:54 -On peut résoudre ainsi.
00:08:55 -M. le ministre, attention.
00:08:56 -M. le ministre, il se pourrait pas répéter.
00:08:58 -Régé, je voudrais simplement rappeler
00:09:01 ce que le franc a perdu par rapport au "Dutchmark"
00:09:05 de 1974 à 1981,
00:09:07 mais peu importe le passé.
00:09:09 -Vous voulez parler de Poincaré et de Léon Blum ?
00:09:11 -Peu importe le passé.
00:09:12 -Parlons de l'actualité qui intéresse les Français d'aujourd'hui.
00:09:14 -M. le ministre, rappelons-nous le 10 mai 1981.
00:09:19 J'ai employé tout à l'heure l'expression d'illusionnisme.
00:09:23 Parce que vous dites maintenant, les gens, au fond,
00:09:25 ils considèrent que tout ça a été bien, ils sont prêts.
00:09:27 D'accord.
00:09:29 Mais rappelez-vous vos engagements.
00:09:31 Nous ferons reculer le chômage.
00:09:33 C'était bien un engagement majeur.
00:09:35 -C'est vrai. -Le chômage...
00:09:36 -La France ne connaîtra jamais 2 millions de chômeurs.
00:09:39 Je m'y engage. -Jamais autant de chômeurs.
00:09:41 -1 million de chômeurs de plus pendant la décennie.
00:09:44 Ca signifie, vous savez mieux compter que moi,
00:09:47 vous êtes ministre des Finances,
00:09:48 plus de 100 000 chômeurs nouveaux chaque année.
00:09:52 Ca fait 250 femmes et hommes
00:09:56 chaque jour que Dieu a fait depuis le 10 mai 1981
00:10:01 qui sont allés rejoindre la cohorte des chômeurs.
00:10:04 Bien. 2e chose, les inégalités.
00:10:07 Vous aviez dit, nous ferons reculer les inégalités.
00:10:10 Je ne vais pas vous lire les notes qui émanent de services
00:10:13 dépendant de votre propre ministère.
00:10:15 Vous connaissez les rapports du Centre d'études des revenus et des coûts.
00:10:19 Durant toute la décennie 80,
00:10:21 les inégalités se sont creusées.
00:10:23 C'est-à-dire que les revenus du capital
00:10:27 ont beaucoup plus progressé que les revenus du travail,
00:10:29 qui ont stagné.
00:10:31 Dans les revenus du travail,
00:10:33 ce sont les revenus des salaires
00:10:36 qui ont progressé moins vite que l'inflation,
00:10:38 c'est-à-dire qui ont perdu du pouvoir d'achat.
00:10:40 -Ce n'est pas exact, M. Brunis. -C'est le cercle.
00:10:42 -Le pouvoir d'achat des salaires de 80 à 90
00:10:47 a augmenté de 10,5 %.
00:10:50 Le pouvoir d'achat du SMIC, 25 %.
00:10:53 Mais n'entendons pas dans cette discussion...
00:10:55 -Ce sont des notes de vos propres services,
00:10:56 Centre d'études des revenus et des coûts.
00:10:59 Il est écrit,
00:11:01 "La masse totale des salaires nets perçus par l'ensemble des salariés
00:11:04 a légèrement baissé en francs constants
00:11:06 pour la 1re fois depuis la guerre."
00:11:08 -Et vous savez pourquoi ? Parlons clair.
00:11:10 C'est parce qu'il y a en effet davantage de chômeurs.
00:11:13 -Je voudrais terminer. -Saule raison.
00:11:14 -Et davantage de chômeurs.
00:11:16 -Personne ne le conteste.
00:11:17 -Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes,
00:11:20 elles avaient tendance à se réduire.
00:11:23 Cette réduction a fait place, au contraire,
00:11:25 à une aggravation de l'inégalité.
00:11:28 Les jeunes sont ceux qui pâtissent le plus
00:11:31 en matière de chômage, en matière de salaire.
00:11:35 L'écart des salaires entre Paris et la province
00:11:38 avait tendance à se réduire.
00:11:39 A nouveau, il s'est creusé.
00:11:42 Pour la 1re fois depuis la guerre,
00:11:44 les bas salaires et le SMIC ont progressé moins
00:11:46 que le salaire moyen.
00:11:47 C'est-à-dire que les inégalités n'ont pas régressé,
00:11:50 elles ont progressé.
00:11:52 Et enfin, dernière chose, vous êtes maire, je suis maire,
00:11:55 nous le voyons dans nos villes.
00:11:57 Un phénomène s'est propagé depuis le début de cette décennie 80,
00:12:02 c'est celui de la pauvreté et de la précarité.
00:12:05 Donc, tout ce qui avait été annoncé,
00:12:09 combattre le chômage, c'est un échec.
00:12:12 Réduire les inégalités, c'est un échec.
00:12:15 Changer la vie, on a vu l'apparition
00:12:18 des phénomènes de pauvreté et de précarité.
00:12:19 -Laissez la parole à la Défense, Dominique Baudis.
00:12:21 -Oui, que dire devant cette accumulation de vérités
00:12:26 qui ne sont pas absolues, M. Baudis ?
00:12:29 J'ai également les chiffres,
00:12:31 mais je ne souhaite pas une bataille de chiffres.
00:12:34 Le SMIC a augmenté de 21 % en pouvoir d'achat réel depuis 1980.
00:12:39 Le minimum vieillesse de 25 %,
00:12:42 les salaires de plus de 10 % en pouvoir d'achat.
00:12:47 Vous parliez des jeunes.
00:12:49 Savez-vous combien il y avait de bacheliers par génération en 81 ?
00:12:54 26 %, aujourd'hui, 45 %.
00:12:57 Et permettez-moi de vous dire
00:12:59 que je ne vais pas m'en attribuer le mérite.
00:13:02 Et je ne vais pas non plus en attribuer le mérite
00:13:05 à François Mitterrand.
00:13:06 Je vais en attribuer le mérite à la France
00:13:09 dans toutes ses composantes.
00:13:12 Le chômage a partout fait des ravages.
00:13:14 Partout, vous le savez bien.
00:13:16 Regardez la situation de la Grande-Bretagne,
00:13:18 qui avait amélioré la situation de l'emploi.
00:13:21 -6 % de chômeurs, nous en avons 10.
00:13:23 -Permettez, M. Longuet, je ne souhaite pas
00:13:26 vous interrompre plus que de raison.
00:13:28 Et aujourd'hui, le chômage redérape.
00:13:30 Dans l'Allemagne, aujourd'hui, l'Allemagne unifiée,
00:13:33 on compte nettement plus de chômeurs qu'en France.
00:13:36 Et pourquoi le chômage ?
00:13:38 Vous êtes-vous interrogé pour savoir pourquoi le chômage...
00:13:41 -Le chômage est inférieur en France.
00:13:43 -Mais M. Longuet...
00:13:44 -T'es inférieur aux Français.
00:13:46 -Vous prenez compte de l'Allemagne dans son unité.
00:13:49 Voyez l'Italie, voyez l'Espagne.
00:13:51 Mais écoutez, moi, je n'ai pas pour habitude
00:13:53 de décrier mon pays,
00:13:54 mais je suis prêt à accepter la critique quand elle est objective.
00:13:58 Alors, regardons les choses.
00:14:00 -On aimerait qu'il gagne, qu'il réussisse,
00:14:02 qu'il soit récompensé de leurs efforts.
00:14:05 -Mais tous les experts internationaux
00:14:07 reconnaissent que la France
00:14:11 est aujourd'hui en meilleur état qu'en 1980,
00:14:14 et je crois que l'on le doit au pays
00:14:17 et à la politique que nous avons menée.
00:14:19 -Sur le plan social, la France est en meilleur état.
00:14:22 -Oui, sur le plan social.
00:14:24 Car nous avons créé le revenu minimum d'insertion
00:14:27 et l'impôt de solidarité sur la fortune
00:14:30 pour réduire les inégalités.
00:14:31 Mais je voudrais revenir à un des arguments forts,
00:14:34 M. Baudis,
00:14:35 qui est celui qui consiste à dire
00:14:38 que les revenus du capital
00:14:40 ont augmenté plus vite que les revenus du travail.
00:14:42 Bon, savez-vous ce qu'est le capital ?
00:14:45 C'est l'épargne.
00:14:46 Dans l'épargne, vous avez les livrets de caisse d'épargne,
00:14:49 les actions, vous avez assez vanté les privatisations,
00:14:53 vous avez l'épargne de six caves.
00:14:54 Et quand on a des taux d'intérêt réels positifs,
00:14:57 et aujourd'hui, un épargnant ne perd plus d'argent en France,
00:14:59 les revenus de toute l'épargne augmentent, en effet,
00:15:03 un peu plus vite que les revenus du travail
00:15:05 parce que les taux d'intérêt sont très élevés dans le monde.
00:15:09 Et si les taux d'intérêt sont très élevés dans le monde,
00:15:11 on le doit à des mécanismes de l'économie capitaliste
00:15:14 qui ne marchent pas bien.
00:15:16 Le pape l'a d'ailleurs rappelé l'autre jour,
00:15:17 rendant en quelque sorte un hommage
00:15:20 au rôle de l'État dans l'économie,
00:15:21 ce qui me permet de vous dire que telle est notre conception.
00:15:24 Alors, voilà une des explications.
00:15:26 Il faut donc être très lucide quand on regarde ces choses-là.
00:15:29 Maintenant, vous nous dites l'économie de marché.
00:15:32 Mais moi, je suis socialiste et j'ai toujours été favorable...
00:15:36 J'ai toujours été favorable à l'économie de marché.
00:15:39 Je crois en effet à l'économie de liberté.
00:15:43 Liberté des consommateurs, liberté des prix,
00:15:46 liberté des entrepreneurs.
00:15:48 Mais je ne crois pas que cela...
00:15:50 Je ne crois pas... Non, non, monsieur Longuet.
00:15:52 Je ne crois pas que cela fonctionne sans règles,
00:15:55 sans règles du jeu.
00:15:57 Et c'est l'État qui doit en être le garant.
00:15:59 Et c'est au fond ce que nous avons essayé de faire.
00:16:02 Et je crois qu'aujourd'hui,
00:16:04 les entrepreneurs se sentent plus libres qu'avant 1980
00:16:09 et les consommateurs ont plus de pouvoir qu'en 1980.
00:16:13 Il nous reste un progrès à faire.
00:16:15 Et peut-être allez-vous nous y aider.
00:16:16 C'est que dans l'entreprise, les rapports changent.
00:16:20 Que ce ne soit pas toujours l'espèce de système monarchique
00:16:23 de patrons de droits divins que vous avez souvent approuvés
00:16:27 qui continuent à prévaloir.
00:16:28 -M. le ministre, on est là pour juger l'arbre à ses fruits,
00:16:32 c'est-à-dire les résultats au bout de 10 ans.
00:16:34 -Les fruits sont bons.
00:16:35 -Alors, écoutez, moi, je lis ce qu'a dit M. Popren,
00:16:38 c'est dans le journal, sur une radio.
00:16:39 -Ce qui est bon n'est pas dû au socialisme.
00:16:41 Ce qui est bon est dû au travail des Français et des entreprises.
00:16:43 L'État socialiste a appauvri et affaibli
00:16:46 le travail des Français et des entreprises.
00:16:47 -M. le ministre, voilà ce que dit votre collègue, M. Popren.
00:16:49 -Vous savez bien que l'échelle entreprise que vous rencontrez
00:16:52 ne le pense pas comme vous.
00:16:53 -Ils sont contents de ne pas avoir un ministre
00:16:55 complètement irresponsable, tant mieux pour eux.
00:16:58 Car ils ont connu par le passé des ministres qui l'étaient.
00:17:01 -Je préfère qu'ils se contredisent qu'ils nous contredisent.
00:17:04 -Non, non, pas du tout, tout à fait solidaire.
00:17:05 -M. Popren déclare,
00:17:06 "Les socialistes n'ont pas pu empêcher
00:17:08 "que les inégalités se creusent."
00:17:10 -Je viens de vous expliquer pourquoi.
00:17:12 -Il dit, "Il y a en effet, au-delà des plus riches,
00:17:15 "dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils ont plutôt accentué
00:17:17 "leur enrichissement,
00:17:19 "les plus pauvres, qui sont plus nombreux,
00:17:22 "et puis tout le secteur intermédiaire
00:17:23 "de ces petites classes moyennes,
00:17:25 "qui a plutôt tendance à voir ces conditions de vie se dégrader."
00:17:30 Donc, davantage d'inégalités.
00:17:32 Et M. Popren dit, "Les socialistes ont rendu
00:17:34 "ces inégalités plus acceptables."
00:17:36 Pourquoi ? Parce qu'elles résultent
00:17:37 de la politique du Parti socialiste.
00:17:40 Il y a davantage d'inégalités.
00:17:41 -Nous avons corrigé... -Attendez, attendez.
00:17:43 -Nous avons... -Elles se sont aggravées,
00:17:45 dit M. Popren. -Elles se sont aggravées
00:17:47 du fait des mécanismes de l'économie du marché.
00:17:50 Et nous avons corrigé cela avec le revenu minimum d'injection
00:17:54 et l'impôt sur les grandes fortunes,
00:17:56 que vous avez supprimé, M. Longuet.
00:17:58 Vous vous en souvenez, en 1986.
00:18:00 Et que nous avons rétabli en 1988.
00:18:03 Depuis, vous le regrettez, je crois.
00:18:05 -M. Berrigauvoir, en 10 ans,
00:18:06 l'épargne des ménages français a chuté d'un tiers.
00:18:09 Et si nous n'encourageons pas l'épargne,
00:18:11 si nous n'encourageons pas ceux qui font l'effort d'économiser,
00:18:14 l'effort d'investir,
00:18:15 l'effort de se constituer un patrimoine,
00:18:17 nous n'aurons plus les moyens de financer notre développement.
00:18:19 Et vous savez parfaitement que le problème, aujourd'hui,
00:18:21 de la France, c'est qu'il n'y a pas assez d'épargne.
00:18:23 -Puis-je vous poser une question ?
00:18:25 Si vous revenez, par hypothèse,
00:18:27 je ne le crois pas, mais par hypothèse,
00:18:29 au gouvernement,
00:18:30 supprimerez-vous l'impôt de solidarité sur la fortune ?
00:18:34 -Personnellement, je ne le souhaite pas,
00:18:36 dès lors qu'il s'agit d'investissements
00:18:39 qui ne sont pas productifs.
00:18:41 En revanche, allégeons la fiscalité immobilière des Français,
00:18:46 allégeons la fiscalité de l'outil de travail,
00:18:47 allégeons la fiscalité de tout ce qui permet de créer des emplois.
00:18:51 Il y a encore beaucoup à faire en la matière.
00:18:52 -Non, mais merci beaucoup.
00:18:53 L'impôt de solidarité sur la fortune
00:18:56 ne sera pas supprimé.
00:18:57 La leçon de 1986-1988 ne sera pas supprimée par nous.
00:19:03 Et si, par hypothèse, nous n'étions pas
00:19:05 reconduits au pouvoir,
00:19:06 il ne le serait pas par M. Longuet.
00:19:08 Je trouve que la sagesse vient avec l'âge.
00:19:10 -M. Bérigovor, en conclusion de cette partie économique,
00:19:13 est-ce que vous n'êtes pas un peu gêné,
00:19:14 en tant que socialiste,
00:19:16 qui parliez de rupture avec le capitalisme en 81,
00:19:18 de lire dans le monde,
00:19:20 l'économie française n'aura jamais été,
00:19:23 depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
00:19:25 aussi libérale qu'après 10 années de socialisme ?
00:19:27 Est-ce que c'était ça, le but des socialistes au pouvoir ?
00:19:30 De rendre l'économie plus libérale que jamais ?
00:19:33 -M. Carré-Roux,
00:19:35 je viens de m'exprimer d'un mot.
00:19:38 Les socialistes ont toujours été pour l'économie de marché.
00:19:41 Sauf, je le répète, que le marché...
00:19:44 Il n'est pas débridé.
00:19:46 Il n'est pas débridé...
00:19:48 Laissez-moi terminer, si vous le voulez bien.
00:19:50 Il doit fonctionner suivant des règles.
00:19:52 Au plan national, au plan européen, au plan international.
00:19:56 Voilà pourquoi nous demandons, depuis des années,
00:19:59 avec d'ailleurs M. Balladur,
00:20:00 une réforme du système monétaire international.
00:20:03 Mais je vais vous dire pourquoi je suis partisan
00:20:05 de la liberté en économie,
00:20:06 dès lors qu'elle est encadrée par des règles.
00:20:08 Parce que je suis socialiste.
00:20:10 Et pour moi, le socialiste a toujours été
00:20:12 inséparable de la liberté.
00:20:14 Liberté du consommateur,
00:20:16 liberté du travailleur et liberté de l'entrepreneur.
00:20:19 -Mais M. le ministre,
00:20:20 votre grand objectif en 1981,
00:20:23 celui qui a mobilisé les Français,
00:20:25 c'était "terrasser le chômage", comme disait Pierre Morin.
00:20:27 -Mais ça reste ce que c'est. -Oui, ça reste.
00:20:29 Mais un million de plus de chômeurs.
00:20:31 Et c'est étrange parce qu'on a l'impression
00:20:33 que vous ne voulez plus parler de ce problème.
00:20:35 Avant 1981, le chômage était pour vous...
00:20:37 -J'accepte de en parler, M. Guerriereau.
00:20:39 -Un échec politique, un gâchis économique,
00:20:42 un désastre social.
00:20:43 Et maintenant, dans le discours socialiste,
00:20:45 on dit "c'est un cancer qui ronge la société".
00:20:48 Comme si c'était une sorte de mal auquel on ne pouvait rien.
00:20:51 C'est pour ça que je parlais tout à l'heure
00:20:52 de ce formidable talent d'illusion que vous avez.
00:20:55 -Au bout de 10 ans, M. Guerriereau...
00:20:57 -Vous me parlez... -Une obsession.
00:21:00 -Quel résultat ? -Un jeune sur 5
00:21:03 de 15 à 24 ans est au chômage après 10 ans de socialisme.
00:21:06 -Et vous nous dites, M. le ministre,
00:21:08 "Je serai à votre place, j'utiliserai sans doute..."
00:21:12 -Vous avez fait des choses, mais le résultat est mauvais.
00:21:16 "Je serai à votre place, peut-être utiliserai sans doute
00:21:19 "cet argument." -Sans aucun doute.
00:21:21 -Mais je voudrais que vous ayez l'objectivité
00:21:24 de reconnaître quelques données.
00:21:27 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire
00:21:29 que la démographie en France,
00:21:31 ça veut dire le nombre de jeunes qui sont nés depuis 30 ans,
00:21:35 était meilleure que dans d'autres pays ?
00:21:37 Et que nous avons eu... -En 80...
00:21:38 -Et que nous avons eu un afflux de jeunes
00:21:41 chaque année sur le marché du travail considérable.
00:21:43 Je vous disais tout à l'heure...
00:21:45 -Vous avez raison. -Que nous avons créé
00:21:46 un million d'emplois dans notre pays depuis 1984.
00:21:51 Et qu'en réalité, sur la décennie, le chômage a augmenté,
00:21:56 parce que le nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail
00:21:59 était plus important.
00:22:01 -Vous pouviez le prévoir. -Voilà une donnée.
00:22:02 Peut-être aurions-nous dû tempérer notre discours de l'époque
00:22:07 par cette réalité.
00:22:08 -Un petit peu de neocritique. -Je vous demande donc...
00:22:10 Pourquoi pas ? -Mais oui, mais il faut...
00:22:12 Personne n'est parfait. -Personne n'est parfait,
00:22:14 ni vous ni moi. -Mais c'est que je vois vous...
00:22:15 -Mais je crois qu'il serait bon que vous reconnaissiez
00:22:18 ce facteur-là.
00:22:19 Alors que l'Allemagne n'était pas dans cette situation.
00:22:21 Elle le sera, après l'unité. -Vous le saviez.
00:22:23 -L'Espagne n'était pas dans cette situation.
00:22:25 -Je ne savais pas prendre... -Et l'Italie non plus.
00:22:27 Et la Grande-Bretagne non plus.
00:22:28 Bon, nous étions dans une situation particulière.
00:22:30 D'ailleurs, nous comptons aujourd'hui
00:22:32 58 500 000 habitants,
00:22:34 ce qui veut dire que la population de la France
00:22:36 a continué à croître. Et c'est un grand défi.
00:22:39 Et permettez-moi de vous dire que je souhaiterais
00:22:41 que sur un sujet comme celui-ci,
00:22:43 au lieu de céder à la facilité...
00:22:45 -Quand on parle du chômage, c'est de la démagogie et de la facilité.
00:22:48 C'est une réalité humaine, monsieur le ministre.
00:22:51 -Au lieu de céder à la facilité de la polémique,
00:22:52 que nous soyons capables de reconnaître ce qui a été fait.
00:22:55 Depuis 3 ans, 840 000 emplois ont été créés.
00:22:59 Ce n'est pas suffisant.
00:23:01 Il va falloir faire davantage dans cette direction.
00:23:04 Et la question principale est celle de la formation.
00:23:08 Je vous disais, le nombre de bacheliers par génération
00:23:11 a presque doublé depuis 10 ans.
00:23:13 C'est en effet dans cette direction-là qu'il faut tendre...
00:23:17 -Messieurs, si vous voulez bien, nous allons faire intervenir,
00:23:21 nous allons faire maintenant intervenir
00:23:22 des invités qui sont à d'autres tables.
00:23:24 Jacques Lang, j'avais une question tout de même à vous poser.
00:23:27 Est-ce qu'il y a, au fond, dans la démarche socialiste,
00:23:29 ce qu'on a appelé un grand écart entre le rêve et la réalité ?
00:23:33 Est-ce que vous vouliez changer la vie ?
00:23:35 Est-ce qu'au fond, ce n'est pas un peu la vie qui vous a changé ?
00:23:39 -Oui, si vous permettez, d'un mot tout de même,
00:23:41 m'accrochant à ce qui a été dit à l'instant,
00:23:45 les représentants de l'opposition
00:23:47 n'ont pas perdu le goût de la caricature.
00:23:49 Et tout de même, ce serait important de replacer le débat d'aujourd'hui
00:23:53 dans un cadre international.
00:23:55 Au fond, en Europe, en Occident, disons,
00:23:57 il y a 2 grandes politiques, économiques et sociales.
00:24:01 La politique d'inspiration rygagnienne et tachérienne
00:24:05 et malheureusement, l'opposition française.
00:24:08 Lorsqu'elle fut au gouvernement pendant 2 ans,
00:24:10 a choisi le modèle tachérien ou rygagnien
00:24:15 qui, on le voit sur le terrain, sur place, c'est pas des mots,
00:24:19 allait dans une partie de l'Angleterre,
00:24:22 allait à New York, à Washington, dans ces grandes agglomérations,
00:24:26 le délabrement des villes, l'abandon des services publics.
00:24:29 Vous parlez de la non-qualification,
00:24:32 l'enseignement aux États-Unis,
00:24:34 aujourd'hui, dans une situation épouvantable
00:24:37 et qui oblige M. Bush à concevoir un plan de relance,
00:24:41 d'ailleurs, fort modeste.
00:24:43 Face à cela, il y a une autre politique,
00:24:46 une politique qui s'efforce de concilier
00:24:49 l'initiative privée que nous avons libérée
00:24:51 et puis un État, un État volontariste, actif,
00:24:56 qui, dans beaucoup de domaines, l'éducation, la formation
00:25:00 et, en particulier, M. Bouddhiste,
00:25:03 la politique vers les quartiers populaires.
00:25:05 Je crois que ce qui est engagé depuis quelques années
00:25:07 pour réhabiliter ces quartiers est sans exemple en Europe
00:25:11 et commence à porter ses fruits.
00:25:13 Naturellement, on est sensible, et c'est normal,
00:25:15 grâce aux télévisions, à telle ou telle explosion.
00:25:17 Il y en aura d'autres.
00:25:18 Et en même temps, combien d'expériences originales,
00:25:21 de changements et de transformations
00:25:23 j'imagine dans notre région.
00:25:24 D'ailleurs, d'ici quelques jours, avec M. Delebar,
00:25:29 nous allons organiser un événement qui durera un mois et demi
00:25:32 sous le nom de "Quartier Lumière"
00:25:34 pour mettre en vedette des expériences positives
00:25:38 qui sont l'oeuvre, je dirais, commune de la puissance publique.
00:25:41 - Je connais. On y participe. - Bravo.
00:25:44 Et je crois qu'il faut mettre aussi l'accent
00:25:46 sur des choses positives entreprises dans ces quartiers.
00:25:49 - Mais vous savez ce qui se passe dans ces quartiers ?
00:25:51 Quand on va dans ces quartiers et qu'on parle avec des jeunes,
00:25:54 ils disent "C'est bien, on va rénover les immeubles,
00:25:57 il faut le faire, on va créer des espaces culturels,
00:26:00 des fêtes, des animations."
00:26:02 - Parfait. Mais M. le maire, nous, ce qu'on veut, c'est du travail.
00:26:07 - Mais certainement. - C'est un emploi.
00:26:09 Et quand tout à l'heure M. Bérigouvois disait
00:26:12 "Voyez comme nous avons le sens de la justice sociale,
00:26:14 nous avons créé l'ERMI",
00:26:15 je trouve que cet informidable effet de dialectique...
00:26:20 - Non mais il n'avait rien !
00:26:23 - Bien sûr, ils n'ont rien, les chômeurs, en fin de droit,
00:26:27 qui sont à Paris au cours de la décennie.
00:26:30 Ce qu'on appelait les nouveaux pauvres,
00:26:31 c'était bien un phénomène nouveau à Paris au cours de cette décennie.
00:26:34 Vous dites "On leur a jeté une bourrée de sauvetage",
00:26:37 ce n'est pas une allocation qu'ils veulent, c'est un travail.
00:26:41 Vous savez, je vais vous dire une chose,
00:26:43 on parlait tout à l'heure de l'image qui avait frappé,
00:26:46 on a interrogé les Premiers ministres sur l'image de la décennie
00:26:48 qui les avait frappés.
00:26:49 Moi, il y a une image qui m'a frappé.
00:26:52 C'est une émission de télévision,
00:26:54 où on voyait sur un plateau de télévision, en direct,
00:26:57 un membre du gouvernement, le ministre du Budget, M. Charras,
00:27:01 vendant ses bretelles aux enchères,
00:27:05 pour apporter une petite contribution au restaurant du cœur,
00:27:09 et tout ça dans la bonne humeur et dans la rigolade.
00:27:11 Je dis que c'était une version cathodique et gauloise
00:27:15 des dames de charité du 19e siècle,
00:27:18 où est la dignité de l'homme ou de la femme.
00:27:22 Imaginez quelle était la réaction
00:27:25 de ceux qui sont chômeurs de longue durée, sans ressources,
00:27:29 voyant une émission où le ministre du Budget
00:27:31 vend ses bretelles aux enchères pour alimenter
00:27:34 les nouvelles soupes populaires que sont les restaurants du cœur.
00:27:36 -Avant de parler de la politique étrangère de la France,
00:27:38 je crois que François Léotard voudrait lui aussi
00:27:40 avoir un commentaire, disons, plus général
00:27:42 sur la société économique et sociale.
00:27:46 -Non, j'ai entendu le débat avec beaucoup d'attention,
00:27:49 bien entendu, comme tout le monde.
00:27:51 Je suis très étonné que cette dégradation sociale
00:27:54 que les caméras, que les télévisions,
00:27:57 que les journalistes décrivent dans les quartiers français,
00:27:59 des grandes villes françaises,
00:28:01 vous ne la preniez pas en compte, monsieur le ministre.
00:28:02 Vous avez évoqué, bien entendu, certains aspects
00:28:05 que j'ai écoutés avec attention, et malheureusement,
00:28:08 pour ce que vous dites et malheureusement pour ces 10 années,
00:28:10 je partage totalement le jugement de Gérard Languet et Dominique Baudis.
00:28:13 Et comme maire, je peux vous dire que je rencontre ces jeunes,
00:28:17 bien entendu, je rencontre leur désarroi, leur désespoir.
00:28:20 Et je me disais, en regardant les images de tout à l'heure
00:28:22 du 10 mai 80, on a menti à tous ces gens.
00:28:25 Et il y avait un instituteur, je crois, sur la place de la Bastille
00:28:27 qui a dit ce soir-là, maintenant, je ne conjuguerai plus
00:28:29 le mot "chômage" ou "être chômeur" avec mes enfants.
00:28:34 Malheureusement, on a menti, on a beaucoup menti.
00:28:36 Et je crois qu'aujourd'hui, c'est beaucoup plus difficile,
00:28:38 bien sûr, de prendre ces problèmes en face,
00:28:40 parce que ceux qui nous écoutent se disent,
00:28:41 "Si eux ont menti, ils espéraient beaucoup de vous, c'est vrai.
00:28:44 "Peut-être aussi les autres mentent-ils."
00:28:46 Et je voudrais qu'ils comprennent qu'il y a des pays
00:28:48 dans lesquels il y a moins de chômeurs,
00:28:49 ça dure moins longtemps, c'est moins les jeunes,
00:28:50 c'est moins les femmes.
00:28:52 Et donc, on peut résoudre ces questions,
00:28:53 on peut les traiter à bras-le-corps
00:28:56 si on en a la volonté politique.
00:28:58 Et ce n'est pas votre faute en tant qu'homme,
00:29:00 c'est la faute d'un système que vous aviez mis en place
00:29:02 qui est un système dans lequel l'État intervient beaucoup trop
00:29:04 et trop mal, et mal.
00:29:05 Et je crois que, bien entendu, les gens se disent,
00:29:07 "Mais M. Birgauvois est un homme sympathique,
00:29:09 "il est honnête, il a l'air droit et certainement généreux."
00:29:13 Ce n'est pas ça, le problème. M. Mitterrand, peut-être.
00:29:15 Ce n'est pas du tout ça, la question,
00:29:16 c'est que le système socialiste qui a été mis en place
00:29:19 au début de ce septennat, de ces deux septennats,
00:29:21 et qui, alas, se prolonge encore d'une certaine manière,
00:29:23 est un système qui, d'ailleurs, l'un des derniers à être utilisé
00:29:26 en Europe de l'Ouest,
00:29:28 est un système qui a fait preuve de son échec, de sa faillite.
00:29:31 -Si vous voulez bien, nous parlons maintenant
00:29:33 de politique étrangère.
00:29:35 -Est-ce que je peux dire un mot ?
00:29:36 -Allez-y, M. le ministre, pour conclure,
00:29:38 et puis nous parlons de politique étrangère.
00:29:40 -Je voudrais dire un mot, simplement.
00:29:42 D'abord, je suis sensible à la manière
00:29:44 dont M. Léotard pose le problème.
00:29:46 En effet, je crois qu'on ne doit pas douter
00:29:48 de notre bonne foi réciproque.
00:29:50 Mais voyez-vous, je trouve qu'il y a une contradiction
00:29:54 entre ce que vous avez dit et ce qu'a dit M. Baudis.
00:29:57 Moi, en effet, je préfère la solidarité organisée par l'Etat
00:30:04 à la solidarité spontanée.
00:30:07 Je pense que les deux peuvent se conjuguer.
00:30:10 Mais en effet, vous semblez regretter que l'Etat intervienne.
00:30:15 Moi, je crois cela nécessaire.
00:30:18 Et pour le reste, je voudrais dire que face à ce défi,
00:30:21 nous ne serons jamais trop nombreux pour le relever ensemble,
00:30:26 pour peu que l'on veuille bien ne pas caricaturer
00:30:29 la position des uns ou des autres.
00:30:33 -M. Léotard, vous n'avez pas de...
00:30:35 Juste une courte réplique ?
00:30:36 -Si vous le permettez, de politique extérieure,
00:30:37 parce que c'est un des éléments importants de notre rencontre.
00:30:40 -Nous y arrivons.
00:30:42 Alors, sur le fond, c'est un peu la même question
00:30:44 que vous avez posée tout à l'heure
00:30:45 dans le domaine économique et social.
00:30:46 Mais sur le fond, est-ce que vous diriez
00:30:48 que la France est aujourd'hui plus écoutée,
00:30:51 plus forte qu'elle ne l'était en 81 ?
00:30:54 Est-ce qu'il y a une récession de son rôle ?
00:30:56 Au contraire, est-ce qu'il y a une amélioration
00:30:58 de ses conditions d'écoute, de réception
00:31:00 par rapport aux concerts des autres pays ?
00:31:02 Edith, Cresson ?
00:31:04 -Vous savez, je voyage beaucoup.
00:31:05 J'ai beaucoup voyagé quand j'étais au gouvernement.
00:31:08 Je continue à le faire.
00:31:09 Et ce que je peux dire, c'est qu'indiscutablement,
00:31:12 l'image de la France est beaucoup plus vivace,
00:31:15 beaucoup plus présente à l'étranger
00:31:17 qu'elle ne l'était il y a quelques années.
00:31:19 Il y a quelques années, nous étions perçus
00:31:21 comme un pays sympathique, avec une histoire, une culture,
00:31:24 ce qui est conforme à l'image traditionnelle de la France.
00:31:27 Et aujourd'hui, l'image, je dirais, internationale,
00:31:30 l'autorité politique de François Mitterrand,
00:31:33 les positions qui ont été prises par lui
00:31:36 dans des contextes tout à fait nouveaux
00:31:38 et tout à fait difficiles,
00:31:40 tout cela a augmenté, je dirais,
00:31:43 et amélioré considérablement la présence de la France
00:31:45 dans le monde.
00:31:47 -Je pense que vous n'êtes pas d'accord avec ce bilan.
00:31:49 -Je crois que tout le monde ne peut être que d'accord.
00:31:50 -Sans passion, si vous voulez, mais avec gravité,
00:31:52 parce que c'est un sujet important pour tous ceux qui nous écoutent.
00:31:56 On a la politique de sa géographie.
00:31:57 La France avait deux enjeux forts, l'Est et le Sud.
00:32:01 Elle a raté la réunification allemande.
00:32:03 On l'a raté, on est passé à côté,
00:32:05 et c'est un vrai problème pour la France.
00:32:07 Et le Sud, on était, il y a quelques semaines,
00:32:09 en train de brûler de rapports français
00:32:11 dans les rues de Tunis ou d'Alger.
00:32:13 Je crains beaucoup que sur ces deux enjeux forts
00:32:15 de la diplomatie française,
00:32:16 nous n'ayons pas la même voie qu'il y a 10 ans.
00:32:19 Et que la construction européenne,
00:32:23 devant laquelle on a agité le mot de confédération,
00:32:24 je ne sais toujours pas ce qu'il y a dedans.
00:32:26 -On va essayer de détailler un peu tout ça.
00:32:27 -Et les rapports avec le Maghreb,
00:32:28 les rapports avec l'autre rive, la Méditerranée,
00:32:30 ça a été deux échecs lourds de la politique extérieure française.
00:32:33 -Alors, vous avez posé le problème de l'Est
00:32:35 et de la réussite ou de l'échec de la politique française
00:32:37 vis-à-vis de l'Est.
00:32:39 Dominique Strauss-Kahn,
00:32:40 vous êtes la commissaire des Finances de l'Assemblée à l'avant-garde.
00:32:43 Vous pouvez voir où vont les investissements,
00:32:46 de quel pays se détournent.
00:32:48 Est-ce que vous diriez que la France a raté
00:32:50 sa reconquête de l'Est ?
00:32:52 -Non, je crois que l'Est, c'est un bon exemple,
00:32:54 mais on pourra revenir tout à l'heure
00:32:55 sur ce que disait François Léotard à propos du Sud.
00:32:58 L'Est, c'est un bon exemple du rôle nouveau
00:33:00 que la France a joué depuis 10 ans dans le concert des nations.
00:33:03 En effet, c'est à l'initiative de François Mitterrand
00:33:06 qu'a été créée cette fameuse banque
00:33:07 qui a été mise en place il y a quelques semaines,
00:33:09 la Börde, et qui a vocation à soutenir les investissements à l'Est.
00:33:13 Et au travers de cette initiative,
00:33:14 qui est une illustration, on pourrait en trouver d'autres,
00:33:16 mais je crois qu'elle est assez frappante,
00:33:18 la France a retrouvé une manière de montrer la voie.
00:33:21 Il est vrai que pendant une dizaine d'années,
00:33:24 notre pays n'était pas très présent dans ce domaine-là,
00:33:26 et il est vrai que les Allemands, par exemple,
00:33:28 étaient beaucoup plus offensifs sur les marchés de l'Est.
00:33:31 Maintenant qu'ils se sont ouverts à nouveau,
00:33:33 la France a saisi une opportunité que je crois très bonne,
00:33:37 et nous sommes tout à fait en flèche dans ce secteur
00:33:41 de l'aide aux pays de l'Est.
00:33:43 -Si vous le permettez,
00:33:44 ce n'est pas du tout pour le plaisir de vous interrompre.
00:33:47 Quand on regarde les chiffres des investissements français,
00:33:49 que vous connaissez bien, et discrétion,
00:33:50 que vous, vous connaissez bien également à l'étranger,
00:33:52 entre la France et l'Allemagne,
00:33:53 la différence est en général entre 1 à 10
00:33:56 pour les pays européens d'Europe centrale,
00:33:57 et quelquefois de 1 à 20 ou à 30.
00:33:59 Pour la Pologne, c'est de l'ordre de 1 à 10.
00:34:01 Je veux dire que ce n'est pas la différence
00:34:02 qui existe entre les 2 économies françaises et allemandes.
00:34:04 -M. Lutter, vous avez raison.
00:34:06 -C'est probablement ancien. Je veux bien vous accorder
00:34:08 que ce n'est pas récent.
00:34:09 Est-ce qu'on a corrigé cela dans le bon sens ?
00:34:11 Je ne suis pas du tout certain.
00:34:13 -On va discuter du point que vous évoquez,
00:34:15 c'est est-ce qu'on l'a corrigé.
00:34:16 Mais celui sur lequel j'étais n'était pas de savoir
00:34:18 si la France, aujourd'hui, avait plus ou moins d'investissements
00:34:20 à l'Est qu'en Allemagne. Vous avez raison.
00:34:21 Pour des raisons historiques, elle en a beaucoup moins.
00:34:23 Mais c'était de voir dans quelle mesure,
00:34:24 au cours de ces 10 ans,
00:34:26 la France avait été capable de prendre l'initiative
00:34:28 en matière de politique étrangère.
00:34:29 Et on prenait cet exemple de l'Est,
00:34:31 on pourrait en prendre tout un tas d'autres.
00:34:32 On voit bien, avec la création de cette banque
00:34:34 que François Mitterrand a pour le premier appelé "CV",
00:34:36 et qui, finalement, prend place aujourd'hui
00:34:38 avec un capital extrêmement important,
00:34:40 comment, sur cet exemple précis, et il y en a des tas d'autres,
00:34:42 la France a parfaitement bien joué son rôle.
00:34:44 Ca n'implique pas, vous avez raison,
00:34:46 que la présence française en matière d'investissement
00:34:48 est bien en dessous de ce qu'elle pourrait être,
00:34:49 encore que ça se corrige.
00:34:51 Et je crois qu'Édouard Cachon voulait dire quelque chose là-dessus.
00:34:52 -Mais d'ailleurs, ce n'est pas l'Etat, simplement.
00:34:53 -Absolument.
00:34:54 -Personne ne dit que c'est seulement l'Etat.
00:34:56 -Personne ne dit que l'Etat n'est jamais tout seul
00:34:58 en train de faire quelque chose.
00:34:59 -Bien sûr, il y a un accord entre vous.
00:35:00 -Bien sûr. L'Etat doit imprimer un mouvement,
00:35:03 une direction, etc., encourager,
00:35:04 éventuellement mettre en place des modalités.
00:35:06 Bon, la Börde en est une.
00:35:08 Mais aujourd'hui, par exemple,
00:35:09 dans la partie orientale de l'Allemagne,
00:35:10 où c'est vrai que tout est à reconstruire,
00:35:12 la France est le pays étranger le plus présent.
00:35:16 Le plus présent, c'est évidemment les Ouest allemands.
00:35:18 C'est normal.
00:35:19 Mais nous sommes les 1ers investisseurs
00:35:21 aussitôt après les Allemands.
00:35:22 Et ça, c'est parce que les Français,
00:35:23 depuis quelques années, ont compris qu'il fallait...
00:35:26 C'est le cas, par exemple, aujourd'hui, aux Etats-Unis.
00:35:28 Aux Etats-Unis, les 1ers investisseurs,
00:35:30 aujourd'hui, ce sont les Français,
00:35:31 les 1ers investisseurs étrangers.
00:35:33 Donc l'effort qui a été fait,
00:35:36 depuis quelque temps,
00:35:37 par les sociétés françaises à l'étranger,
00:35:39 après un très long retard culturel
00:35:41 qui date de bien avant, en 81,
00:35:44 cet effort est tout à fait considérable.
00:35:47 Et on peut...
00:35:48 Il y a beaucoup de sujets dans la politique étrangère.
00:35:50 Mais en ce qui concerne l'Est,
00:35:51 je crois que nous n'avons pas du tout raté
00:35:53 l'unification allemande,
00:35:54 et ça ne nous a pas fait plaisir,
00:35:56 tout à fait, sur le plan personnel.
00:35:58 -C'est vrai, ça n'a fait plaisir à personne.
00:36:01 -A partir du moment où cette réunification s'est faite,
00:36:05 parce qu'elle était inscrite dans les faits,
00:36:07 dans l'histoire, etc.,
00:36:08 eh bien, il faut en tirer les leçons.
00:36:11 Et les leçons, c'est que la France, aujourd'hui,
00:36:13 doit être plus musclée sur le plan industriel
00:36:17 de sa recherche, de sa technologie, de son innovation.
00:36:20 -Vous dites ça comme si vous veniez d'arriver au pouvoir.
00:36:22 -Je le dis parce que je le dis très librement,
00:36:24 j'ai l'habitude de parler librement.
00:36:26 Et quand le président de la République...
00:36:29 Quand le président de la République dit
00:36:31 qu'il faut un nouvel élan, ce nouvel élan,
00:36:33 il doit être pris dans ce domaine également.
00:36:35 Beaucoup n'a pas été fait, car nous partions de très loin.
00:36:38 Moi, j'ai eu sur les bras la sidérurgie en ruine,
00:36:42 en ruine depuis 18 ou 20 ans.
00:36:45 On a reconstruit, on a reconstruit,
00:36:48 et maintenant, il faut aller plus loin.
00:36:51 -Je suis toujours méfiant quand quelqu'un qui est là depuis 10 ans
00:36:54 me dit "je vais donner un nouvel élan".
00:36:56 Il fallait le prendre il y a 10 ans.
00:36:57 -C'est tout le temps qu'on doit donner un nouvel élan.
00:36:59 -Deuxième réflexion, quand je dis "on est passé à côté
00:37:01 de la réunification allemande", c'est que le problème de la France,
00:37:04 c'est de participer à la construction européenne.
00:37:06 C'est sa vocation.
00:37:08 C'était le fait du général de Gaulle,
00:37:09 le fait de Georges Pompidou, le fait de Valéry Giscard d'Estaing.
00:37:12 Je ne dis pas que M. Mitterrand n'a rien fait, ce serait ridicule.
00:37:15 Ce serait ridicule.
00:37:16 Je vous rappelle que nous avons signé l'acte unique,
00:37:18 nous aussi, et que nous étions dans cette disposition de l'acte unique.
00:37:20 Je dis simplement que la réunification allemande,
00:37:22 si on veut éviter une logique 1913-1914,
00:37:25 c'est pas une logique de puissance.
00:37:27 Il fallait l'encadrer dans un processus communautaire.
00:37:29 Il fallait faire en sorte que les Allemands se sentent
00:37:31 d'abord communautaires, d'abord européens,
00:37:32 j'allais dire avant même d'être allemand.
00:37:34 Et ça, c'était d'abord la tâche de la France.
00:37:37 C'était d'abord la mission de la France.
00:37:39 Et malheureusement, nous ne l'avons pas fait.
00:37:40 Et donc, je dis sur l'Est, nous nous sommes beaucoup égarés.
00:37:43 Le dernier voyage de M. Mitterrand,
00:37:45 pour soutenir M. Gorbatchev,
00:37:47 l'humiliation qu'on a fait subir à M. Eltsine
00:37:48 quand il est venu en France, ce sont des erreurs de parcours.
00:37:51 -M. Eltsine n'a pas été humilié, il a été reçu à l'Elysée.
00:37:54 -Je ne veux pas parler de M. Jean-Pierre Cotte au Parlement.
00:37:57 -Et la façon dont la France, le gouvernement français,
00:37:59 a traité M. Eltsine, qui est le patron d'un pays
00:38:00 de 150 millions d'habitants, excusez-moi du peu,
00:38:03 qui est le président des Russes.
00:38:05 Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas.
00:38:06 -M. Léotard, la façon dont a évolué la place de la France
00:38:08 dans le monde au cours des dernières années
00:38:10 ne peut pas se ramener à la visite de M. Eltsine il y a 15 jours.
00:38:12 -Bien entendu. Je cite quelques exemples.
00:38:14 -Vis-à-vis de l'Est. -J'ai dit l'Est et le Sud.
00:38:16 -Vis-à-vis de l'Est. -Sur l'Est, je ne crois pas
00:38:17 que nous ayons eu la bonne politique.
00:38:18 -Nous divergeons sur ce point. -C'est normal qu'on ne dise
00:38:20 pas la même chose. -C'est pas absolument normal.
00:38:22 On peut être d'accord sur un certain nombre de questions.
00:38:23 -Je l'ai été pour le Golfe. Je l'ai été pour la guerre du Golfe.
00:38:25 -On va peut-être donner tout à l'heure une seconde de golf.
00:38:27 Vous avez évoqué le Sud. Moi, je crois que c'est un sujet important.
00:38:29 Parce que vous avez dit, il y a les drapeaux français
00:38:30 qui ont été brûlés à Tunis. Bon, certes.
00:38:32 Le Sud, moi, je... -Je ne vous en rejois pas du tout.
00:38:34 -Moi non plus. Le Sud, ça ne se limite pas.
00:38:35 Le Maghreb, il y a bien au-delà.
00:38:37 Ce que je voudrais vous dire, c'est que, d'une part,
00:38:40 vous étiez, vous le rappelez, d'accord sur le Golfe.
00:38:42 -Sur la guerre elle-même, sur la participation de la France.
00:38:44 -C'est pour cette raison-là, pour la position prise par la France
00:38:47 dans la guerre du Golfe, que vous avez soutenu,
00:38:49 que les drapeaux ont été brûlés.
00:38:50 Donc vous ne pouvez pas à la fois dire...
00:38:51 -C'est la politique qui a précédé. C'est surtout ça.
00:38:52 -Vous ne pouvez pas à la fois dire "j'étais d'accord
00:38:54 avec la position de la France et de François Mitterrand
00:38:55 sur la guerre du Golfe" et regretter,
00:38:57 on peut tous le regretter, mais servir comme argument
00:38:59 que ça a conduit à des drapeaux brûlés.
00:39:01 -Parce que cette petite partie, 14 janvier, il y a un mois,
00:39:03 jusqu'à la libération du Koweït, était en contradiction
00:39:05 de tout ce que nous avons fait avant.
00:39:06 -Maintenant, parlons du Sud. C'est le avant que vous critiquez.
00:39:08 C'est la politique arabe de la France depuis 30 ans.
00:39:10 -Non, je parle des 10 dernières années.
00:39:11 C'est vous qui... C'est le président de la République
00:39:13 qui gère la politique extérieure de la France.
00:39:14 -Le Sud ne se limite pas au Maghreb.
00:39:16 Et puisqu'il s'agit de la place de la France
00:39:18 et ce que la France a fait.
00:39:19 Je voudrais par exemple évoquer une question
00:39:20 à laquelle je suis sûr que vous souscrivez
00:39:22 et qui prend ses racines à Dakar en 89
00:39:24 et qui a fini à la boule et qui est la remise par la France
00:39:26 l'abandon de dettes pues que les pays du Tiers-Monde avaient
00:39:30 à l'égard de la France.
00:39:31 Ca, c'est un acte dont on parlera...
00:39:33 J'ai envie d'attendre plus que vous me laissez finir.
00:39:36 -J'approuve ce que vous dites.
00:39:37 Donc c'est pour aller dans votre sens, sauf avec une réserve.
00:39:39 Quelle est la diplomatie ?
00:39:40 Quel est l'espace diplomatique que cela nous a donné ?
00:39:42 En d'autres termes, depuis le contrat de gaz algérien
00:39:44 jusqu'à ces mesures de remise de dettes,
00:39:46 de quelle manière ces mécanismes-là ont été
00:39:51 dans le sens d'une voie plus forte de la France ?
00:39:52 Ont permis à la France d'avoir un rayonnement plus important ?
00:39:54 Je crains que non. C'est ça, la question.
00:39:56 -Je ne vous ferai pas l'injure de penser
00:39:57 que nous ne devions faire des remises de dettes
00:39:59 à condition que ça nous donne un espace diplomatique plus large.
00:40:01 Nous faisons la remise de dettes parce que ça nous aide
00:40:03 au développement des pays du Tiers-Monde.
00:40:06 Mais de fait, non.
00:40:08 On ne fait rien gratuitement, mais on le fait quand même pas
00:40:10 uniquement pour son bénéfice.
00:40:11 Mais de fait, ça aura des résultats.
00:40:14 Car les pays que nous aidons ainsi à se développer
00:40:17 en abandonnant les créances que nous avons sur eux
00:40:19 sont des pays qui savent que la France les a aidés.
00:40:21 Et je crois que le rôle de la France dans le monde,
00:40:23 ce n'est pas simplement d'avoir une comptabilité d'épiciers
00:40:25 et de se dire "je vous aide si ça me revient",
00:40:27 c'est d'aider au fait que ces pays du Sud...
00:40:29 -C'est de faire en sorte qu'elles soient plus puissantes elles-mêmes
00:40:30 comme pays.
00:40:31 -En effet. Et bien, je crois que la France s'est grandi.
00:40:33 La France s'est grandi en abandonnant ses dettes.
00:40:35 Oh, j'en suis sûr.
00:40:36 -Dans l'ensemble de ces 10 années, il y a un moment,
00:40:38 moi, que j'ai approuvé à son époque et qui a été assez fort,
00:40:41 c'était le discours de François Mitterrand, boule de stingue.
00:40:42 Vous le souvenez, les fusées sont à l'est,
00:40:44 les pacifistes sont à l'ouest.
00:40:46 J'ai trouvé que c'était une position forte, je l'ai dit,
00:40:48 donc je suis très à l'aise pour contester et critiquer
00:40:50 d'autres aspects de cette politique.
00:40:52 J'ai peur que les amis de M. Mitterrand,
00:40:53 qui sont un peu vos amis, international socialistes,
00:40:56 ce monde socialiste, ne soient pas les vrais amis de la France.
00:40:58 On est allé soutenir M. Lafontaine en Allemagne
00:41:00 contre M. Kohl.
00:41:01 On est allé soutenir M. Papandréou en Grèce,
00:41:03 M. Papandréou a été battu.
00:41:04 On est allé soutenir M. Dukakis aux Etats-Unis
00:41:06 contre M. Blanchet.
00:41:07 Non, je fais la litanie volontairement.
00:41:10 On est allé soutenir M. Ortega contre Mme Chamorro.
00:41:13 Je veux dire que...
00:41:14 -On a été soutenir M. Bourgelet, ce qui a quand même gagné les élections.
00:41:16 -Hélas, M. Mitterrand a gardé des fidélités socialistes
00:41:19 qui ne sont pas nécessairement les fidélités de la France.
00:41:22 Et je le regrette, parce que je crois pas
00:41:23 que c'était l'intérêt de la France.
00:41:24 -Ecoutez, si vous voulez, vous avez parlé de la guerre du Golfe.
00:41:27 On va essayer de clarifier un peu le débat.
00:41:29 Sur la guerre du Golfe, vous avez souligné le consensus à peu près,
00:41:31 qu'on a constaté, d'ailleurs, on a fait des débats à TF1,
00:41:33 qu'ils l'ont montré avec vous, M. Léotard.
00:41:35 Mais il y a quand même quelque chose qui doit troubler les Français.
00:41:37 Vous passiez pour être l'élu, le président d'un parti,
00:41:42 disons, plutôt pro-américain, atlantiste,
00:41:44 enfin, avec une certaine dose d'atlantisme.
00:41:47 Les socialistes passaient pour ne pas être atlantistes.
00:41:49 Qui a évolué sur ce point ?
00:41:52 -Peut-être les deux.
00:41:53 -Je pense que c'est les Français ont évolué, globalement.
00:41:56 Je pense que les Français ont évolué.
00:41:57 Il y a eu toujours un sentiment un petit peu de méfiance,
00:42:01 voire presque un tout petit peu d'hostilité vis-à-vis des Américains,
00:42:05 et qui ne se limite pas au camp socialiste,
00:42:08 qui est comme ça, dans l'opinion,
00:42:09 parce qu'on n'aime pas les gens qui sont plus gros, plus forts, plus riches.
00:42:11 Bon, c'est un sentiment naturel.
00:42:13 Et puis, dans l'affaire de la guerre du Golfe,
00:42:17 les Français ont réfléchi,
00:42:19 ont quelquefois, pour certains d'entre eux, eu des réticences,
00:42:22 voire des refus.
00:42:23 Ils se sont rendus compte de quel côté était le droit,
00:42:26 et tout naturellement,
00:42:29 ils ont suivi, avec une écrasante majorité,
00:42:32 l'orientation qui a été...
00:42:34 Mais écoutez, quand quelqu'un a raison,
00:42:36 et que vous partagez son avis,
00:42:38 vous n'êtes pas forcément alignés.
00:42:40 On est de l'avis de quelqu'un.
00:42:41 -M. Chevènement ne dit pas tout à fait la même chose.
00:42:45 -C'est vrai, M. Chevènement ne dit pas la même chose.
00:42:47 -Il y a plus de contradictions.
00:42:48 -M. Chevènement, il dit la même chose,
00:42:49 mais il y a des opinions différentes.
00:42:51 -Personne ne prétend que M. Léotard se soit aligné
00:42:54 sur M. Mitterrand, sous Bredesqui.
00:42:55 Ils étaient d'accord. -Pas du tout.
00:42:56 -Ils étaient d'accord.
00:42:57 Dans ces conditions, il n'y a pas plus de raison de considérer
00:42:59 que la France s'est alignée sur les Etats-Unis.
00:43:01 D'ailleurs, sur la suite des événements,
00:43:03 et notamment ce qui s'est passé au travers du drame kurde,
00:43:05 on a bien vu que loin d'être aligné sur les Etats-Unis,
00:43:07 la France était au contraire leader.
00:43:09 Et c'est bien par l'intermédiaire du gouvernement français,
00:43:11 notamment de Scafé et Bernard Kouchner,
00:43:12 que le problème kurde est arrivé sur le devant de la scène,
00:43:16 fort heureusement.
00:43:17 -Il y a une chose très importante qui est en train de se produire,
00:43:19 mais qui, comme d'habitude, dans les grands phénomènes internationaux,
00:43:22 dans une période de grands bouleversements,
00:43:24 on ne voit pas tout de suite les lignes de force,
00:43:26 et surtout, on ne voit pas exactement ce qui va suivre.
00:43:29 Ce fameux nouvel ordre mondial dont on parle,
00:43:32 et auquel tout le monde aspire,
00:43:33 à la suite des bouleversements à l'Est,
00:43:35 à la suite de ce qui s'est passé avec la guerre du Golfe,
00:43:38 on se rend bien compte qu'on ne peut pas laisser les choses aller comme ça,
00:43:41 qu'on ne peut pas laisser des peuples entiers
00:43:42 être opprimés par des tyrans,
00:43:44 qu'on ne peut pas laisser la faim, la maladie se propager, etc.
00:43:47 D'un autre côté, est-ce qu'on peut, comme on dit,
00:43:49 s'ingérer, un mot horrible, mais enfin, bon, qu'on utilise,
00:43:52 est-ce qu'on peut... Jusqu'où peut-on aller ?
00:43:54 C'est un grand débat.
00:43:55 A mon avis, ce sera le débat des années qui s'ouvrent.
00:43:57 Et qui a initié ce débat le premier ?
00:43:59 Si ce n'est François Mitterrand,
00:44:01 en disant, justement, comme vous le rappeliez tout à l'heure,
00:44:03 il faut remettre la dette aux pays les plus pauvres.
00:44:05 C'était le début, c'était l'amorce de ce nouvel ordre mondial.
00:44:08 Et c'est la France qui l'a lancé.
00:44:09 Et quand je dis que l'image de la France
00:44:10 est avivée à l'international, elle est avivée
00:44:12 par les prises de position de ces dernières années.
00:44:15 -Il y a une grande absente dans tout ce qu'on vient de dire,
00:44:18 c'est l'Europe.
00:44:20 Vous, madame, qui avez été ministre des Affaires européennes,
00:44:23 est-ce que vous pensez que l'Europe est plutôt en déclin
00:44:27 que le rôle de la France dans l'Europe ?
00:44:28 Que le rôle de la France dans l'Europe a changé
00:44:30 avec le poids de l'Allemagne ?
00:44:32 Madame Cresson, M. Léotard.
00:44:33 -Oui.
00:44:34 Le rôle de la France a été absolument déterminant
00:44:37 dans la construction européenne de ces dernières années.
00:44:39 -Il y a un masse taux d'ontes.
00:44:40 Un masse taux d'ontes, c'est un pays qui, subitement,
00:44:42 évidemment, a acquis 17 millions d'individus supplémentaires.
00:44:46 Alors, évidemment, ça pèse plus, d'autant que, depuis des années,
00:44:49 la puissance économique industrielle de l'Allemagne
00:44:51 est plus considérable que celle de la France.
00:44:54 On peut penser que d'ici 4-5 ans,
00:44:56 quand cette affaire de l'Allemagne de l'Est sera digérée,
00:44:59 c'est vrai, nous aurons à côté de nous
00:45:01 un voisin extrêmement puissant.
00:45:02 Et quand je dis qu'un nouvel élan est indispensable,
00:45:04 ça veut dire que, compte tenu de ce rapport de force,
00:45:08 nous devons donner un coup d'accélérateur.
00:45:10 -Je suis juste un mot.
00:45:11 Je crois que, là, c'est pour nos grands partenaires commerciaux,
00:45:13 Amérique, Japon.
00:45:14 La vraie capitale européenne, aujourd'hui, c'est plus Paris,
00:45:16 c'est Londres.
00:45:17 Aujourd'hui, demain, ce sera Berlin.
00:45:19 -C'est la capitale financière de l'Europe.
00:45:20 -Et que, malheureusement, nous avons perdu en force.
00:45:23 Et que le mot qui a été utilisé par le président Mitterrand
00:45:25 il y a maintenant un an, un peu plus d'un an,
00:45:27 le mot "confédération", je suis toujours incapable
00:45:28 de dire ce qu'il y a dedans, et d'ailleurs, de nos partenaires aussi.
00:45:30 C'est-à-dire qu'on a agité un mot comme ça,
00:45:33 personne ne sait ce que ça veut dire.
00:45:34 Et alors, ce que je crois,
00:45:35 c'est qu'il fallait terminer,
00:45:36 achever la construction de la communauté à 12,
00:45:39 et ça, il faut le faire très fortement et très rapidement,
00:45:41 mais la France ne s'est pas donné les moyens de cela.
00:45:42 Je veux notamment sur sa fiscalité.
00:45:44 Elle devrait faire un effort beaucoup plus rapide
00:45:45 et beaucoup plus fort.
00:45:46 Ca n'a pas été évoqué par M. Berrigault-Voix tout à l'heure,
00:45:48 mais c'est très important.
00:45:49 C'est très important, il faut aller plus vite.
00:45:51 Et il faut qu'on achève le marché unique en 1993.
00:45:54 Je ne suis pas sûr que la France l'affronte, aujourd'hui,
00:45:56 dans de bonnes conditions psychologiques et économiques.
00:45:59 - Justement, M. Strauss-Kahn, vous pensez que la date de 1993
00:46:01 est encore une date charnière,
00:46:03 une date qui veut dire quelque chose ?
00:46:04 Est-ce que tout changera en 1993 ?
00:46:05 - Oui, ça a été plutôt un symbole.
00:46:07 Quand on trouve entre le 31 décembre 1992
00:46:09 et le 1er juin 1993, il n'y a pas eu la révolution.
00:46:11 Simplement, c'est une étape extrêmement importante.
00:46:13 Et je crois que sur la plupart des points
00:46:14 qui ont conduit à la construction européenne,
00:46:16 et notamment les avancées importantes récentes
00:46:19 sur l'union monétaire et la conférence sur l'union politique,
00:46:22 qui, elles aussi, ont été initiées par François Mitterrand,
00:46:23 par parenthèse, il faut quand même le dire,
00:46:26 François Lothar ne doit pas être en grand désaccord.
00:46:28 Et si vous voulez, je voudrais souligner un point quand même
00:46:29 qui me paraît très important, c'est que dans un pays
00:46:31 comme le Japon, il y a 10 ans, quand on parlait des Français
00:46:34 avec des hommes d'affaires japonais, l'image,
00:46:36 c'était le beret basque et la baguette de pain.
00:46:38 Et quand aujourd'hui, vous parlez à des industriels japonais,
00:46:40 ce n'est plus du tout l'image que nous avons.
00:46:42 Et quand on dit "l'Allemagne est un mastodonte",
00:46:44 et quand François Lothar disait tout à l'heure
00:46:46 "le pôle économique central, c'était Londres et ce sera Berlin",
00:46:50 je ne crois pas du tout que ce soit vrai,
00:46:51 car la puissance politique d'un pays à l'extérieur,
00:46:54 ça ne se réfère pas uniquement au poids économique.
00:46:56 Et le rôle, par exemple, que nous avons joué dans la guerre du Golfe
00:46:58 et que n'a joué certainement pas ni l'Allemagne
00:47:01 ni aucun autre pays européen en dehors des Anglais,
00:47:03 joue un rôle majeur dans la place que nous allons occuper dans le monde.
00:47:06 -Un dernier mot de 30 secondes, parce que ce serait dommage
00:47:07 que dans ce débat, nous n'en aillons pas évoquer,
00:47:09 c'est le substrat "défense".
00:47:10 C'est-à-dire qu'il n'y a pas de politique extérieure
00:47:12 sans une défense forte.
00:47:13 Nous avons affaibli notre effort de défense.
00:47:15 Je dis juste un mot, on n'a pas le temps de développer là cette thèse,
00:47:17 mais l'opposition actuelle, et j'en suis, est très critique
00:47:20 sur la façon dont la France a géré son effort de défense.
00:47:21 Il ne peut pas y avoir de diplomatie forte sans une défense forte.
00:47:24 Nous avons baissé notre effort,
00:47:26 nous avons frôlé de près la difficulté au moment de la crise du Golfe.
00:47:29 Je souhaite que le débat sur la défense qui doit avoir lieu cette année
00:47:32 nous permette de comprendre qu'il ne peut pas y avoir
00:47:34 de voix de la France sans épée de la France.
00:47:36 C'est le général de Gaulle qui le disait,
00:47:37 mais il avait parfaitement raison de le dire.
00:47:38 -Vous êtes une dernière question.
00:47:39 -Dans ce cas-là, vous ne devez pas beaucoup craindre les Allemands.
00:47:41 -Une dernière question pour ce débat.
00:47:42 -C'est important pour nous, la France.
00:47:44 -Alors, Edith Cresson, vous avez abandonné le gouvernement de M. Macron,
00:47:47 vous avez démissionné, ce qui est très rare comme attitude politique.
00:47:49 Alors pourquoi, finalement ?
00:47:51 Parce que le nouvel élan n'était pas assez musclé ?
00:47:54 -Voilà, j'attendais un peu, effectivement, le nouvel élan.
00:47:57 -Donc vous êtes aussi déçue.
00:47:58 -Je l'attends à l'extérieur du gouvernement
00:48:00 au lieu de l'attendre à l'intérieur,
00:48:02 en faisant des choses qui sont utiles.
00:48:04 Je voudrais y revenir d'un mot sur ce que vous avez dit tout à l'heure
00:48:07 sur la puissance économique par rapport à la puissance militaire.
00:48:10 La puissance militaire est très importante, c'est vrai.
00:48:13 La puissance économique d'un pays est très importante aussi,
00:48:15 et d'ailleurs, les deux sont liées,
00:48:16 car si on n'a pas d'électronique, on n'aura pas d'armée.
00:48:20 Bien.
00:48:21 Et je voudrais dire que si je jette un regard rétrospectif,
00:48:25 rapide, sur ces 10 ans,
00:48:26 les progrès dans les mentalités ont été extraordinaires.
00:48:31 Ils ne sont pas imputables seulement au gouvernement ni au président.
00:48:34 Mais je me souviens d'avoir assisté à l'université de Stanford,
00:48:37 en Californie, au voyage de François Mitterrand,
00:48:41 devant les grands de l'informatique européenne.
00:48:46 Pour lui, c'était un univers un peu nouveau.
00:48:51 Il les a fait discuter avec beaucoup d'attention,
00:48:53 il a animé le débat,
00:48:55 et le président de Hewlett-Packard, M. Jung,
00:49:01 est venu me voir après, il m'a dit "mais c'est extraordinaire".
00:49:04 Nous ne pensions pas que le président de la République française
00:49:08 pouvait entrer dans un débat aussi technique, aussi complexe,
00:49:11 aussi important, aussi vital sur le plan industriel,
00:49:16 et apporter autant dans ce débat.
00:49:18 Et nous avions l'intention de nous installer en France,
00:49:22 et de développer notre installation,
00:49:24 et de développer, avec d'autant plus de liberté,
00:49:26 qu'ayant quitté le gouvernement, je pouvais parler plus librement.
00:49:29 Et aujourd'hui, Hewlett-Packard, qui exporte pour 3 milliards de francs,
00:49:32 qui a 4 500 salariés, etc.
00:49:35 Bon, effectivement, cette rencontre montre,
00:49:39 si vous voulez, incarne à mes yeux,
00:49:41 les progrès qui ont été accomplis sur le plan des mentalités
00:49:45 des Français, et aussi, je dirais, des socialistes.
00:49:47 - Un mot pour finir, Dominique Strauss-Kahn,
00:49:49 et puis peut-être on laissera le mot de la fin à François Léotard,
00:49:51 juste pour finir ce débat-là.
00:49:53 - Nous avons entendu tout à l'heure le débat sur l'économie.
00:49:55 François Léotard disait son accord avec les contradicteurs de Pierre Berrigauvoir,
00:49:58 c'est bien normal, et j'ai eu le sentiment qu'il était donc
00:50:00 très largement en désaccord avec la politique économique et sociale.
00:50:03 Je le savais, mais j'en ai eu confirmation.
00:50:05 J'ai l'impression, sur ce débat, que, pas sur tout,
00:50:07 mais sur de nombreux aspects, c'est la guerre du Golfe, c'est évident,
00:50:10 beaucoup d'aspects de la construction européenne,
00:50:12 la remise des dettes africaines, etc.,
00:50:13 François Léotard est relativement d'accord.
00:50:15 - C'est votre côté consensuel, ça ?
00:50:16 - Non, ce que je voudrais souligner, c'est pas tellement le consensus,
00:50:18 j'en suis heureux, mais c'est que c'est sur le domaine
00:50:20 de la politique étrangère, qui relève expressément
00:50:22 du président de la République, et seulement du président de la République
00:50:25 au cours de ses 10 ans, que François Léotard est le plus d'accord.
00:50:27 - François Léotard, vous répondez là-dessus en un mot.
00:50:29 - Quand l'opposition manifeste ce genre d'attitude, c'est par civisme.
00:50:32 Je veux dire, j'aurais souhaité que jadis, le PS ait la même attitude.
00:50:35 Nous le faisons par civisme parce qu'il s'agit du pays,
00:50:36 et quelquefois de l'armée.
00:50:37 Eh bien, 2e réflexion, et qui me semble tout à fait importante
00:50:41 dans le débat dans son ensemble,
00:50:43 la France a été une grande puissance, une très grande puissance,
00:50:45 membre permanent du Conseil de sécurité, puissance nucléaire,
00:50:48 département d'outre-mer, langue universellement parlée,
00:50:51 le sommes-nous encore ?
00:50:52 Ce n'est pas du tout le fait uniquement de ces 10 années, non.
00:50:55 Et nous sommes encore une grande puissance européenne,
00:50:58 nous ne sommes plus une grande puissance mondiale,
00:50:59 nous sommes devenus une puissance moyenne.
00:51:01 Et je crois que...
00:51:02 - C'est le ministre Cardestin qui disait ça, c'est pas nous.
00:51:04 - Non, mais malheureusement, c'est vrai.
00:51:05 - Le ministre Cardestin disait "nous sommes une puissance moyenne".
00:51:07 - Malheureusement, c'est vrai.
00:51:08 - Carstens ne nous sommes pas devenus,
00:51:09 c'était vrai quand il le disait lui-même.
00:51:10 - Non, mais j'ai pris la précaution de dire
00:51:12 que ce n'est pas le fait uniquement de ces 10 années.
00:51:14 Je crois que ça regarde chacun de nos auditeurs et de nos téléspectateurs.
00:51:18 Ce que nous devons essayer, c'est de valoriser nos atouts.
00:51:20 La langue, c'est vrai, la culture, c'est tout à fait vrai,
00:51:22 nos produits en qualité, c'est tout à fait vrai également,
00:51:25 mais nous ne sommes plus une puissance universelle
00:51:27 comme nous l'avons été.
00:51:28 Et je crois que ça veut dire que pour chaque Français,
00:51:29 on se regarde autrement
00:51:30 et que l'échéance européenne est pour nous certainement
00:51:32 la priorité des priorités.
00:51:34 - Nous sommes...
00:51:35 - Voilà un point sur lequel nous pouvons...
00:51:36 - D'accord, absolument.
00:51:37 - On commence cette partie-là du débat.
00:51:38 - Sur ce sujet.
00:51:40 - Gérard Carréau.
00:51:41 - Oui, alors dernier volet de ce survol des 10 années 1980-1991,
00:51:45 l'évolution de la société française.
00:51:47 Songeons à tout ce qui a changé au cours des 10 dernières années,
00:51:50 l'apparition de ces objets qui font notre vie,
00:51:53 la télécommande qui permet de zapper les ordinateurs perfectionnés,
00:51:57 le disque laser, les fax, on pourrait citer les fours à micro-ondes,
00:52:02 tous ces objets qui révolutionnent la vie.
00:52:04 Et puis aussi tous ces changements,
00:52:06 l'abolition de la peine de mort,
00:52:08 l'apparition d'une nouvelle plaie pour l'humanité
00:52:10 avec cette terrible maladie du sida,
00:52:12 l'apparition du problème de l'immigration
00:52:15 avec son cortège de racisme, d'intolérance,
00:52:18 le souci de plus en plus grand du cadre de vie
00:52:21 avec la revendication écologique.
00:52:24 Alors, on va essayer de survoler tous ces problèmes,
00:52:26 il faudrait, je pense, effectivement une émission pour chacun d'entre eux,
00:52:28 mais Jacques Lang, sans parler de...
00:52:31 Je vais vous brocarder un peu, sans parler de passage de la nuit à la lumière,
00:52:34 est-ce que vous diriez sérieusement que depuis 10 ans,
00:52:37 la France est un pays où il y a davantage de liberté,
00:52:41 où il fait globalement mieux vivre que dans la France d'il y a 10 ans ?
00:52:46 -Je crois qu'on peut dire... Alors, le mérite en revient au pouvoir public,
00:52:50 mais aussi à l'évolution internationale,
00:52:53 à la transformation des sensibilités.
00:52:55 On peut dire que, et c'est tant mieux, et c'est normal,
00:52:58 le pays a pris, d'une certaine manière, un coup de jeune.
00:53:01 Le paradoxe, c'est qu'au moment où un certain vieillissement se produit
00:53:05 grâce à la durée de la vie, qui est en même temps un atout,
00:53:10 ce pays, je pense, a beaucoup rajeuni, et dans beaucoup de domaines.
00:53:15 On a évoqué tout à l'heure les restructurations industrielles.
00:53:18 On est passé d'une époque à une autre.
00:53:21 Prenez une région comme le Nord-Pas-de-Caen et l'île.
00:53:24 Quand on y va aujourd'hui, je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes,
00:53:28 il y a des problèmes, mais quand on pense qu'on est passé,
00:53:30 en quelques années, de l'époque de l'industrie lourde,
00:53:34 à l'époque du TGV, la construction du tunnel sous la Manche,
00:53:39 et toutes sortes de réalisations qui font de l'île, par exemple,
00:53:42 une grande capitale moderne et industrielle.
00:53:46 Vous avez évoqué à l'instant vous-même
00:53:48 l'introduction des nouvelles technologies,
00:53:51 le fait que dans notre pays, les initiatives de création d'entreprises,
00:53:55 d'expérience sociale se multiplient.
00:53:58 Vous me demandiez quelles mesures concrètes ont été prises.
00:54:01 -C'est ce qui fait mieux, ce qui fait meilleur vivre en France aujourd'hui.
00:54:05 Pour tout le monde, y compris quand on est arabe,
00:54:08 travailleur immigré, quand on est chômeur.
00:54:11 Malgré ce qu'on dit ici ou là, j'ai le sentiment que
00:54:14 l'art de vivre en France est plutôt plus ouvert,
00:54:21 plus convivial, plus respectueux des libertés qu'il ne peut l'être ailleurs.
00:54:25 Alors, des mesures concrètes y ont contribué.
00:54:28 Nous sommes ici à la télévision.
00:54:31 D'un mot, tout de même, la liberté audiovisuelle.
00:54:34 Rappelons-le à des jeunes qui étaient petits
00:54:37 lorsque François Mitterrand a été élu.
00:54:39 Avant 81, lorsque l'on voulait créer une radio,
00:54:43 on était inculpé, c'était interdit par la loi.
00:54:46 Depuis lors, 2 000 radios libres se sont créées.
00:54:49 Le pluralisme, aujourd'hui, je pense,
00:54:53 règne de manière incontestée à la radio et à la télévision.
00:54:57 Nous avons en face de nous un maire d'une importante ville,
00:55:01 M. Carignan, qui est maire de Grenoble,
00:55:03 et président du conseil général de l'ISER.
00:55:06 Quelles que soient ses imperfections,
00:55:08 la liberté des communes et la liberté des départements,
00:55:11 donc le pouvoir d'initiative locale, a augmenté.
00:55:15 On essaie de l'améliorer encore, et ainsi de suite.
00:55:18 - Si vous vous en prenez, vous êtes mieux encore.
00:55:21 - Je crois que, d'abord, cette date de 10 ans,
00:55:24 il y a quelque chose de superficiel là-dedans.
00:55:28 - Oui, bien sûr, mais c'est anniversaire.
00:55:31 - L'évolution de la société, c'est-à-dire la France
00:55:34 qui est passée d'une France hexagonale
00:55:37 à une France ouverte sur l'Europe et sur le monde.
00:55:40 Une France dichotomique, les blancs, les noirs,
00:55:44 les ouvriers, les patrons, à une France complexe.
00:55:47 Une France autorité pyramidale avec une autorité plus partagée.
00:55:51 - Moins hiérarchisée. - Moins hiérarchisée.
00:55:54 Une France sous-informée à une France sur-informée.
00:55:57 Ça, c'est une évolution, permettez-moi de le dire,
00:56:01 des 20 dernières années, des 30 dernières années.
00:56:04 Les deux sociétés, aujourd'hui, sont deux Frances différentes.
00:56:07 Je dirais que la part des politiques est assez relative.
00:56:10 Le débat tout à l'heure, d'ailleurs, entre libéraux et socialistes,
00:56:13 avait quelque chose de... enfin, un petit peu suranné.
00:56:17 - De dépassé. - Parce que je pense que la décennie
00:56:20 des années 70 à 80 sera plutôt une décennie social-démocrate
00:56:23 et que la décennie des années 80 sera plutôt une décennie libérale,
00:56:26 en termes de bilan.
00:56:28 Mais par contre, je pense que si la société, disons,
00:56:32 la société va globalement pas mal, je veux dire,
00:56:35 il me semble que la France de l'individu, elle,
00:56:38 ne va pas très bien. Je veux dire que les valeurs
00:56:41 qui sont actuellement, comment dire, dominantes,
00:56:44 cet esprit de compétition, cette performance,
00:56:48 cette excellence, ce sont des valeurs nécessaires,
00:56:51 mais pas suffisantes pour donner la cohésion sociale,
00:56:54 pour permettre une ambition collective.
00:56:57 Et je dirais qu'aujourd'hui, on sent bien
00:57:01 que cette difficulté, que la France, au fond,
00:57:04 est passée d'une société un peu immuable, un peu figée,
00:57:07 à l'excès contraire, comme elle le fait souvent.
00:57:10 C'est la culture de l'immédiat, c'est la culture de l'actualité.
00:57:13 - Vous diriez l'argent-roi. - C'est la culture de la jouissance.
00:57:16 Et alors que, disons, le futur,
00:57:20 le devoir, les grands horizons,
00:57:23 disons qu'on voit bien que ça fait défaut.
00:57:26 Alors, moi, je ne l'imprime pas au tel ou tel pouvoir,
00:57:29 mais on sent bien que ça fait défaut,
00:57:32 parce qu'on est dans un monde qui s'est terminé
00:57:36 et qui est en train de naître et qui n'est pas fait.
00:57:39 Et dans ce monde-là, on voit bien qu'il faudrait
00:57:42 et qu'il manque des points de repère,
00:57:45 qu'il nous faudrait créer aujourd'hui pour essayer
00:57:48 de redonner cohésion, grands horizons.
00:57:52 Et cela, je pense que c'est tout de même un vrai problème
00:57:55 qui est ressenti au niveau des citoyens.
00:57:58 - Le problème, c'est que le 10 mai 1981,
00:58:01 un peu plus d'une moitié de Français
00:58:04 a finalement sauté de joie lorsque François Mitterrand a été élu,
00:58:08 parce que cette élection était chargée d'énormément de promesses.
00:58:12 Et que le constat, qui a été finalement encore plus nettement marqué
00:58:16 en 1983, avec le revirement de la politique économique en particulier,
00:58:20 c'est que ces promesses, pour beaucoup, n'ont pas été tenues,
00:58:23 en tout cas, le promesse, effectivement, de changer les choses.
00:58:27 Et ceci a été à l'origine d'une démonstration.
00:58:30 La démonstration, c'est que peut-être la classe politique française,
00:58:33 et ce n'est pas seulement à ce moment-là le Parti Socialiste,
00:58:36 mais que la classe politique française se montre incapable
00:58:39 de maîtriser les mécanismes qui conduisent l'évolution
00:58:43 de la société humaine d'une manière générale.
00:58:46 Et que peut-être même cette classe politique a abandonné le pouvoir
00:58:49 de conduire cette évolution.
00:58:52 Chaque langue a évoqué deux aspects, par exemple,
00:58:56 il n'y a pas eu, effectivement, la libération des ondes
00:58:59 avec la possibilité pour les radios libres de se créer.
00:59:02 Mais je rappelle tout de même que les premiers radios libres
00:59:05 furent des radios associatives, et que faute d'avoir maîtrisé
00:59:08 le mécanisme de sélection de ces radios, toutes les radios associatives,
00:59:11 en tout cas pour grande partie, ont été éliminées par les radios commerciales.
00:59:15 - On ne peut pas demander à la fois la liberté,
00:59:18 et s'étonner qu'il y en ait.
00:59:21 - Oui, mais les mécanismes... - La liberté qui est relative,
00:59:24 c'est bien qu'il faut pour le faire.
00:59:27 - Exactement, et lorsqu'on laisse les mécanismes simplement se dérouler,
00:59:31 ça veut dire d'abord qu'il n'y a plus de générosité dans la démarche,
00:59:34 mais ces mécanismes-là, effectivement, ils réduisent la liberté
00:59:37 parce qu'ils déterminent tout ce que pourrait avoir
00:59:40 comme volonté, comme choix.
00:59:43 - Soit-il n'y aurait plus d'intervention de l'État, tous les deux ?
00:59:47 - Dans le domaine, certainement, par exemple, dans le cas des radios locales,
00:59:50 sans doute, mais l'autre élément qui est celui de la décentralisation,
00:59:53 c'est effectivement de supprimer la tutelle sur les communes,
00:59:56 sur les conseils généraux, d'élever le conseil régional,
00:59:59 le conseil général en collectivité territoriale,
01:00:03 mais il n'en reste pas moins que cette décentralisation
01:00:06 n'ait pas allé suffisamment loin, et que la grande promesse
01:00:09 de démocratisation de la société française n'a pas été conduite,
01:00:12 celle qui introduisait le citoyen dans le processus de décision,
01:00:15 que ce soit par la voie référendaire,
01:00:19 référendum d'initiative populaire, ou que ce soit simplement
01:00:22 par la gestion des choses quotidiennes.
01:00:25 - Jacques Lange, là, vous êtes accusé des deux côtés.
01:00:28 - Non, je ne me sens pas du tout accusé.
01:00:31 Je crois que M. Carignan, M. Deschter posent un certain nombre
01:00:35 de questions intéressantes. Paradoxalement, je les sens eux-mêmes
01:00:38 très sociodémocrates, presque assez interventionnistes.
01:00:41 D'ailleurs, moi-même aussi.
01:00:44 Pour vous dire la vérité, je suis plutôt du tempérament volontariste,
01:00:47 et je pense que, à mon avis,
01:00:51 on le sentira de plus en plus,
01:00:54 l'État, je veux dire, non pas l'État d'antan,
01:00:57 mais l'État imaginatif, éveilleur d'idées,
01:01:00 défricheur d'horizons nouveaux,
01:01:03 deviendra ou redeviendra une idée neuve en Europe.
01:01:07 Et les excès de ce qu'on a appelé le libéralisme sauvage,
01:01:10 le culte de la réussite individuelle, vous l'avez très bien dit à l'instant,
01:01:13 tout cela a fait beaucoup de ravages, continue à en faire,
01:01:16 beaucoup plus, d'ailleurs, je le répète, en Angleterre,
01:01:20 dans le sud de l'Italie, dans le sud de l'Espagne, aux États-Unis,
01:01:23 qu'en France même, où par bonheur, précisément,
01:01:26 a été maintenue une volonté, une volonté sociale,
01:01:29 une volonté industrielle, une volonté éducative et culturelle.
01:01:32 Alors, comme vous le disiez vous-même,
01:01:35 les choses ne commencent pas à une heure dite
01:01:39 et ne se terminent pas, Dieu merci, à une autre heure dite.
01:01:42 Nous sommes en pleine transformation.
01:01:45 L'œuvre qui a été engagée, naturellement,
01:01:48 beaucoup de promesses, M. Wester, ont été tenues.
01:01:51 Elles émerveillent moins précisément parce qu'elles ont été réalisées.
01:01:55 Nous avons évoqué la liberté audiovisuelle,
01:01:58 mais on pourrait évoquer les lois qui ont permis aux travailleurs
01:02:01 dans les entreprises de participer de manière plus directe
01:02:04 et de pouvoir dire leur mot dans la gestion des entreprises,
01:02:07 sans compter toutes sortes de lois d'exception
01:02:11 qui ont été supprimées.
01:02:14 Tout récemment encore, M. Jospin a introduit dans les lycées,
01:02:17 je pensais que c'était fait depuis longtemps en réalité,
01:02:20 il a fallu attendre ces quelques derniers mois,
01:02:23 - Il faut attendre que les lycéens descendent dans la rue.
01:02:27 - Pourquoi pas d'ailleurs, c'est une bonne chose,
01:02:30 c'est la démocratie ça aussi, ne nous en plaignons pas,
01:02:33 quand il y a eu ce mouvement lycéen, je me suis dit
01:02:36 que c'était quand même mieux que les lycéens bougent
01:02:39 pour dire "on a envie de dire quelque chose"
01:02:43 plutôt que, je reprends mon exemple américain,
01:02:46 de penser un droit d'association, des activités nouvelles,
01:02:49 et je crois que c'est un point important.
01:02:52 Et en même temps, ne disons pas que les pouvoirs publics,
01:02:55 ce serait alors sombrer à nouveau dans une sorte de jeannovisme,
01:02:59 doivent tout imaginer, tout prévoir, tout dessiner,
01:03:02 tout façonner, des choses nous échappent,
01:03:05 ils doivent ouvrir de grands chantiers de réflexion,
01:03:08 quelles vont être les grandes découvertes scientifiques
01:03:11 des années à venir,
01:03:15 parmi les points, une des questions,
01:03:18 que j'évoque à l'instant, qui pour l'avenir,
01:03:21 va être une question déterminante, économiquement et socialement,
01:03:24 mais aussi culturellement, c'est cette chance extraordinaire
01:03:27 qui est vécue pour l'instant comme une catastrophe,
01:03:31 l'allongement de la durée de la vie,
01:03:34 des millions et des millions de gens qui quitteront
01:03:37 leur métier de plus en plus tôt, en pleine force de l'âge,
01:03:40 riches d'une expérience,
01:03:44 et que la société risque de mettre au placard,
01:03:47 alors qu'il constitue un gisement d'idées,
01:03:50 un gisement d'expériences extraordinaires.
01:03:53 Je crois qu'une des questions des années qui viennent
01:03:56 est précisément celle-là.
01:03:59 - Vous avez dit plusieurs choses, mais ce n'est pas
01:04:03 dans un tempérament polémique.
01:04:06 Vous avez cité les Etats-Unis et l'évolution.
01:04:09 On connaît en matière de France à deux vitesses,
01:04:12 et en matière de difficulté des villes,
01:04:15 une évolution à l'américaine.
01:04:19 On est dans les années 60 américaines.
01:04:22 Quand l'Etat fédéral américain fait ce que vous faites,

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