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Maud Descamps reçoit aujourd'hui Philippe Rio, maire communiste de Grigny, la ville la plus pauvre de France et très touchée par les émeutes de 2005 et de 2023. 

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Transcription
00:00 Bonjour Philippe Riau, merci beaucoup d'être avec nous ce matin.
00:03 Grigny, c'est la ville la plus pauvre de France, un peu plus de 27 500 habitants,
00:08 un symbole des banlieues.
00:09 C'est une ville aussi qui a été beaucoup touchée par les émeutes de 2005,
00:12 mais aussi par les émeutes de juin dernier.
00:15 Comment ça va déjà à Grigny depuis les émeutes de cet été ?
00:19 Ça va mieux et en même temps la situation en France s'est dégradée
00:23 et donc la pauvreté s'accélère, le pouvoir d'achat,
00:27 la crise du logement, la crise de l'emploi commence à se faire sentir de manière très très très forte
00:32 et à Grigny comme ailleurs, chez l'ensemble de mes collègues,
00:36 la fracture continue de se faire.
00:39 Alors il devait y avoir la semaine prochaine un comité interministériel des villes,
00:42 finalement ça a été reporté, vous avez été prévenu un peu au dernier moment,
00:47 c'est quoi ? C'est le signe que les élus de terrain ne sont pas vraiment la priorité de l'exécutif aujourd'hui ?
00:52 C'est effectivement une incompréhension, un nouveau rendez-vous manqué
00:55 puisque ce comité interministériel à la ville est prévu depuis novembre 2022,
00:59 ça va faire un an que nous travaillons, qu'il y a de report en report
01:03 et puis mardi, nouvelle incompréhension…
01:08 De quoi ? De calendrier ?
01:09 … post-émeute de calendrier, le CIV est de nouveau reporté…
01:14 Le CIV, comité interministériel des villes.
01:16 Le comité interministériel à la ville est de nouveau reporté,
01:18 il était prévu le 9 octobre et en lieu et place,
01:21 il y a le Conseil national de la refondation post-émeute qui s'est réuni hier soir.
01:25 Qui s'est réuni hier, alors vous n'y étiez pas, mais vous savez ce qui s'y est dit ?
01:28 Oui, bien sûr, puisque avec l'ensemble des collègues,
01:32 de manière d'ailleurs transpartisane, nous travaillons étroitement,
01:35 nous vivons les mêmes choses, on a bien évidemment des sensibilités différentes.
01:40 Donc oui, c'était un engagement d'ailleurs du président de la République
01:43 lorsqu'il nous avait reçus au mois de juillet,
01:46 il avait dit "il va falloir qu'on se pose" et j'ai saisi l'inspection générale
01:50 et des sociologues pour faire un point sur c'est quoi la nature de ces émeutes.
01:55 Et alors, il s'y est dit quoi à cette réunion ?
01:56 Alors d'abord, la grande nouveauté, c'est 500 villes touchées,
02:00 66 départements touchés, c'est-à-dire une nouvelle géographie des émeutes,
02:04 très différente de celle de 2005,
02:06 un profil des jeunes adultes qui ont été condamnés,
02:09 puisque la base de cette étude, c'est les jeunes, plus de 300 personnes cas étudiées,
02:14 60% sont sans antécédent judiciaire, majoritairement bien évidemment des hommes,
02:21 de nationalité française, peu ou pas diplômés,
02:24 même si à peu près 10% d'entre eux sont de diplôme de l'enseignement supérieur.
02:28 Donc voilà, on a fait un constat, quelques pistes,
02:32 et puis attention, comme l'a dit hier Patrick Jarry, le maire de Nanterre,
02:37 attention à ne pas gommer, ce qui a conduit à ces émeutes,
02:41 c'est-à-dire la mort en direct d'un jeune homme.
02:43 Donc, la question de la police, le ministre de l'Intérieur
02:47 a posé clairement un ensemble d'enjeux, de réformes de la police.
02:52 – Vous êtes d'accord avec lui là-dessus ?
02:55 – On va attendre d'avoir les mesures très précises,
02:57 mais effectivement, il faut que très tranquillement,
02:59 on se pose la question de la doctrine policière,
03:01 mais aussi de la formation, des moyens de la police, des salaires des policiers.
03:06 Mais en matière de doctrine policière,
03:08 l'abrogation de la loi 2017 doit être posée calmement dans notre pays.
03:14 Une IGPN, une inspection générale de la police nationale indépendante
03:18 se pose comme dans toutes les démocraties qui ont ce nom,
03:21 donc il y a des choses bien évidemment à faire.
03:23 La question des parents a été posée, la question de la prévention,
03:26 rendez-vous compte, dans 17 départements
03:29 qui ont été touchés par les émeutes, il n'y a plus d'éducateurs de rue.
03:32 Ils étaient 11 000 il y a quelques années, ils sont aujourd'hui 4 000,
03:35 et on se dit que ces professionnels-là sont importants.
03:38 Donc je crois que nous sommes sur le bon chemin,
03:41 la sécurité c'est de la prévention, de la sanction et de la cohésion sociale,
03:46 et donc j'espère que ce comité interministériel des villes…
03:49 – Débauchera sur du concret.
03:50 – Débauchera sur des choses puissantes, il va prendre du temps,
03:53 mais dans un débat qui est apaisé,
03:55 parce qu'on a besoin de retrouver de la concorde.
03:57 – L'INSEE a adressé mercredi un tableau de la pauvreté en France
04:01 et a souligné la pluralité des situations,
04:04 les retraités, les familles nombreuses, mais aussi des travailleurs pauvres.
04:07 Est-ce que ça correspond à ce que vous, vous vivez dans votre ville ?
04:10 – Oui, vous l'avez dit, Grigny c'est 50% de la population
04:13 qui vit sous le seuil de pauvreté.
04:15 50% des travailleurs à Grigny sont des travailleurs pauvres,
04:17 on ne vit plus de son salaire en France.
04:19 Les familles monoparentales sont au cœur de cette pauvreté,
04:22 raison pour laquelle nous avons un plan local de lutte contre la pauvreté
04:26 avec le gouvernement à titre expérimental.
04:28 Donc oui, elle est multiforme et elle ne s'arrête pas.
04:33 Le phénomène n'est que croissant et c'est ça aujourd'hui
04:37 qui nous fait tirer la sonnette d'alarme.
04:39 Le Resto du cœur, le secours populaire,
04:41 les associations respectables n'en peuvent plus aujourd'hui.
04:45 – Est-ce que ça va avoir un impact pour vous ?
04:47 Ce que les Restos du cœur ont prévenu qu'au mois de novembre
04:49 ils vont devoir refuser des bénéficiaires pour la première fois de leur histoire,
04:52 ça veut dire quoi pour vous ?
04:54 – Ça veut dire que la crise aujourd'hui, la pauvreté touche l'alimentation.
04:59 Nous n'arrivons plus dans certains endroits de France,
05:03 métropolitaines et d'outre-mer, à manger juste à sa faim.
05:08 Il faut qu'on se rende compte de ça, ça fait très longtemps que l'on a…
05:11 moi je n'ai jamais connu ça, c'est extrêmement grave
05:16 et il faut un choc extrêmement puissant pour dire "stop,
05:19 il y a des enfants qui doivent manger, il y a des parents qui doivent manger".
05:23 Aujourd'hui nous en sommes là et ce n'est pas du misérabilisme de dire ça,
05:27 c'est la réalité de ces associations et c'est ce que nous vivons aujourd'hui.
05:31 Écoutons aussi les enseignants qui vous disent "mais les enfants n'ont pas assez mangé",
05:36 on entend des enfants qui disent "je n'ai pas mangé hier soir".
05:39 Donc nous on a la chance d'avoir, parce qu'on s'est un peu battus,
05:42 d'avoir des petits-déjeuners gratuits dans les maternelles
05:45 qui se développent dans les écoles élémentaires,
05:48 on entend aujourd'hui des principaux de collèges qui nous disent
05:50 "mais pourquoi ce n'est pas dans nos collèges ?
05:51 Parce qu'il y a des collégiens qui ont faim".
05:53 – Est-ce que vous, élu, vous avez aussi votre part de responsabilité
05:57 dans le creusement justement de cette fracture ?
06:00 – Peut-être.
06:02 En tout cas, nous on est au front et on fait face.
06:05 On essaye de tenir notre tranchée, comme on a l'habitude de dire,
06:07 on soutient les associations des Restos du Coeur,
06:11 il y a eu un appel national, beaucoup de villes ont répondu
06:14 à l'appel national des Restos du Coeur, on a remis de l'argent,
06:17 comme on l'a fait pendant le Covid, là où il y a eu,
06:20 on ne va pas parler des meutes de la faim, mais il y a eu un petit problème quand même.
06:23 Donc nous nous intervenons là, dans les cantines on essaye de faire
06:25 les tarifs les plus petits possibles pour que les familles puissent avoir accès
06:32 à ce service public de l'alimentation.
06:34 Donc nous voilà, on réagit, est-ce que nous sommes coupables de ça ?
06:39 En tout cas, nous on est dans l'action, on fait avec les associations locales
06:43 et bien évidemment avec les partenaires.
06:45 – On parle beaucoup des points de deal, on en parlait à Marseille,
06:47 mais vous êtes aussi touché, vous à Grigny,
06:49 comment on gère ça quand on est un élu de terrain ?
06:53 – On subit, on subit comme les habitants qui ont à souffrir de ça,
06:59 comme les parents qui ont peur que leurs petits-enfants,
07:01 leurs enfants passent le cap du business, deviennent des gens qui regardent,
07:07 on appelle ça des "chouffeurs" dans le milieu,
07:10 on entend les professionnels voir des dérives, donc on est…
07:14 – Vous vous sentez impuissant, ça veut dire qu'on ne vous aide pas assez,
07:17 que l'exécutif ne vous aide pas assez là-dessus ?
07:20 – Il va falloir qu'on se pose des bonnes questions et qu'on change de stratégie,
07:23 force est de constater qu'aujourd'hui la stratégie développée,
07:27 je ne veux pas dire qu'elle est totalement en échec,
07:29 mais aujourd'hui ça se développe de manière exponentielle,
07:34 c'est un trafic international,
07:36 on a affaire à un trafic international en bande organisée,
07:39 et j'ai l'habitude de dire que dans nos cages d'escalier,
07:42 c'est la supérette de quartier qui est là,
07:44 et donc il y a des grossistes, il y a des supermarchés,
07:46 il y a des hypermarchés, il y a des bateaux qui transportent
07:49 et qu'il faut taper à la source le problème,
07:53 mais il y a beaucoup de gens qui résistent à ça,
07:55 coup de chapeau à toutes celles et ceux qui font en sorte
07:57 qu'une partie de notre jeunesse ne bascule pas entièrement
08:00 dans le côté obscur de la force.
08:01 – Merci beaucoup Philippe Riaud d'être venu nous voir sur le plateau de Télémathins.

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