Projet "Normandie Memory" à Colombelles : "les historiens doivent rentrer dans l'arène"

  • l’année dernière
Stéphane Simonnet, référent historique du projet Normandie Memory à Colombelles (anciennement Hommage aux Héros), s'est exprimé pour la première fois sur France Bleu Normandie ce mardi 10 octobre 2023.
Transcript
00:00 Le 6/9 France Bleu Normandie
00:02 C'est l'heure de notre invité à 8h15 sur France Bleu France 3 Normandie
00:08 Élu Fontaine ce matin, notre invité est Stéphane Simonnet.
00:11 Exactement, bonjour Stéphane Simonnet.
00:13 Bonjour.
00:13 Bonjour, vous êtes historien, référent historique du projet Normandie Mémorie,
00:17 anciennement hommage aux héros à Colombel.
00:20 Normandie Mémorie, hommage aux héros, dites-nous à quoi ça va ressembler, que souhaitez-vous mettre en place ?
00:25 Alors le nom a changé effectivement, le projet reste le même.
00:29 On souhaite en fait présenter une vision un peu différente de ce que l'on a dans les musées actuellement
00:35 sur cette période du D-Day de la bataille de Normandie,
00:37 avec le recours au spectacle vivant, avec du théâtre.
00:40 Avec une manière très dynamique d'aborder les choses et très vivante et très immédiate.
00:43 Donc le projet tel que je le conçois avec les scénaristes et les auteurs,
00:46 va s'appuyer sur ce fil conducteur qui est le théâtre.
00:50 Spectacle vivant avec des acteurs ?
00:52 Il n'y aura pas franchement des acteurs, ce sera plutôt des figurants,
00:55 et donc il y aura forcément une force narratrice,
00:57 il y aura des discours, il y aura de l'immersion,
00:59 il y aura aussi un contenu historique, et c'est ça dont je voudrais parler aujourd'hui.
01:02 Il y aura vraiment un contenu, une histoire qu'on va raconter à toutes les générations.
01:05 Donc raconter la réalité, c'est ça l'objectif ?
01:08 On va raconter ce qui s'est passé à l'époque ?
01:11 On va raconter ce qui s'est passé.
01:13 Moi mon rôle c'est d'être le garant de la vérité historique de ce projet,
01:17 et donc on va faire en sorte que tout ce qu'on va proposer au spectateur sera vérifiable,
01:22 sera vrai, sera sourçable comme on dit dans le jargon des historiens.
01:26 On va s'adosser à des documents, à des vraies histoires, on ne va rien inventer.
01:30 Alors l'invention, elle ne se fera pas sur le plan historique mais sur le plan de la mise en scène.
01:34 Donc pas d'artifice particulier, il faut être dans la justesse, c'est ça ?
01:37 On sera dans la justesse, dans l'exigence, parce qu'effectivement c'est là qu'on nous attend,
01:40 c'est dans l'exigence historique, scientifique, dans la justesse,
01:43 et après je leur dis, la liberté elle sera prise dans la mise en scène,
01:47 comme lorsqu'on va dans un musée, la liberté elle est prise par le scénographe,
01:50 il y aura toujours le discours historique, mais comme on le montre,
01:52 c'est là où l'inventivité du metteur en scène sera attendue.
01:55 Il y a aussi une volonté de transmettre aux jeunes un des enjeux du 80e anniversaire du débarquement,
01:59 vous y avez pensé ?
02:01 Alors l'objet de ce spectacle, c'est quand même la transmission de la mémoire,
02:04 la transmission d'une histoire qui est de plus en plus lointaine pour les jeunes générations,
02:07 d'autant plus qu'il n'y a quasiment plus de vétérans,
02:10 donc c'est à nous, historiens, de porter cette nouvelle histoire,
02:12 et donc on va effectivement mettre en avant des valeurs qui ont un peu aujourd'hui disparu,
02:17 qui sont le sens de l'engagement, le sacrifice, l'esprit de résistance,
02:21 c'est ça qu'on veut mettre en avant à travers ces différents tableaux.
02:24 Vous venez défendre ce projet pour la première fois ce matin,
02:26 un projet contesté par un collectif d'opposants,
02:28 ils se sont réunis vendredi dernier et dénoncent la dignité du tourisme mémoriel,
02:33 qu'est-ce que vous avez à leur répondre ce matin Stéphane Simonnet ?
02:36 Que c'est un peu prétentieux de nous accuser de vouloir créer quelque chose d'indigne,
02:40 quel serait l'intérêt pour nous de montrer des choses indignes sur ce sujet-là, de la mémoire,
02:45 donc je ne viens pas pour leur poser un argument,
02:48 simplement leur dire qu'à un moment donné, il faut qu'on se retrouve tous les manches,
02:52 historiens, parce qu'il y a beaucoup d'historiens dans ce collectif,
02:54 pour aider des concepteurs d'un projet qui a, à mon sens, tout intérêt à se mettre à jour ici,
03:01 parce qu'à nos historiens aussi, c'est d'aller un peu dans l'arène.
03:04 Il faut vulgariser cette histoire, on peut la vulgariser de très belles manières,
03:07 sans être indigne, sans salir la mémoire de qui que ce soit.
03:10 Elle est vulgarisée déjà chez nous dans des musées, on pense au mémorial de Caen,
03:13 là vous voulez apporter autre chose ?
03:15 Exactement, on la vulgarise dans les musées avec des salis merci,
03:18 avec des hologrammes, des décors en carton pâte,
03:21 donc on va très loin déjà dans ce qu'on fait.
03:23 Là on va montrer quelque chose de différent, quelque chose de novateur,
03:26 notamment avec le théâtre, quelque chose de très court, 50 minutes c'est très très court,
03:30 et le projet sera construit comme une espèce de porte d'entrée,
03:33 pouvant susciter l'envie aux spectateurs d'aller voir un musée, un site, un cimetière.
03:37 C'est ça aussi l'idée du projet.
03:39 Ça fait deux ans que vous travaillez dessus, pourquoi vous ne vous exprimez que maintenant ?
03:43 Ça fait deux ans, ça fait même trois ans, par un coup bien évidemment, pas en continu,
03:47 mais aujourd'hui j'ai estimé qu'il fallait que les historiens sortent un peu de l'ombre,
03:50 parce qu'effectivement on parle de projet, de localisation, de business ou pas business,
03:54 à un moment donné le projet va s'adosser à un discours, à du contenu historique,
03:59 et j'ai estimé qu'il était temps maintenant de montrer qu'il y avait des historiens qui travaillaient à ce projet-là
04:03 et qu'on ne faisait pas n'importe quoi.
04:04 Vous apportez ce contenu historique, alors vous dites ne pas faire n'importe quoi,
04:07 alors avec qui vous travaillez pour être dans la justesse la plus totale ?
04:11 C'est un va-et-vient permanent avec le scénographe, avec le metteur en scène,
04:15 avec un comité d'éthique aussi qu'on réunit régulièrement,
04:17 et puis aussi avec un autre historien qui est un général de l'armée française,
04:20 qui a lui un regard un peu différent, parce que lui ça va être le regard du stratège, du soldat,
04:24 et donc il va apporter d'autres compétences dans ce projet-là.
04:27 Donc voilà, je ne suis pas tout seul, on a une équipe,
04:29 et donc on travaille vraiment en ayant ça en tête, ce devoir d'exigence.
04:34 Votre rôle est historique, vous êtes historien aussi,
04:38 votre rôle sur ce projet, quel est ce rôle ?
04:42 Mon rôle c'est d'être le garant historique, et puis surtout d'aller chercher des histoires,
04:46 des anecdotes que l'on ne trouve pas forcément dans les livres,
04:48 ou dans les musées, ou dans les vitrines ici en Normandie,
04:50 donc c'est d'apporter quelque chose de novateur,
04:52 parce que l'idée ce n'est pas de faire de la redite,
04:54 ce n'est pas d'être dans la concurrence, c'est d'être complémentaire,
04:56 donc d'apporter quelque chose de nouveau, des histoires et des parcours différents.
04:59 Le projet est ficelé ou il peut encore évoluer ?
05:01 Oh non, rien n'est ficelé, il évolue tout le temps,
05:03 et c'est bien d'ailleurs, dès le départ, je me suis retrouvé face à une page blanche,
05:07 et donc c'était aussi le défi que je me suis lancé,
05:09 c'était de construire, de co-construire ce projet qui évolue bien évidemment,
05:13 en fonction des idées des uns et des autres.
05:15 Désormais, qu'est-ce que vous attendez Stéphane Simonnet ?
05:17 On attend un feu vert à Colombel, comment vous y imaginez la suite ?
05:20 On attend que les élus se positionnent,
05:22 parce que c'est quand même une décision politique au bout du compte,
05:24 qui va acter ou pas ce projet,
05:26 ce qui ne nous empêche pas de travailler,
05:28 on travaille depuis des mois et des mois,
05:30 on a toujours cet épée de Damoclès, c'est effectivement celui de la tête,
05:32 mais on avance quand même avec ça.
05:34 Merci beaucoup Stéphane Simonnet,
05:35 merci d'avoir été avec nous ce matin sur France Bleu et France Froid en Normandie,
05:38 référent historique du projet Normandie Mémorie à Colombel.
05:41 Merci d'avoir été avec nous ce matin.

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