"Je pleure tous les jours depuis samedi": l'intégralité de l'interview de l'acteur franco-israélien Tomer Sisley
L'acteur franco-israélien Tomer Sisley était l'invité de BFMTV ce mercredi 11 octobre 2023.
Transcript
00:00 Moi je pleure tous les jours depuis samedi.
00:03 J'ai du mal à m'exprimer, j'ai du mal à travailler,
00:08 j'ai du mal à passer mes journées normalement.
00:12 Si je suis là aujourd'hui,
00:17 c'est parce que je vois bien
00:23 que tout le monde n'est pas forcément d'accord
00:28 avec ce qui se passe et j'entends certaines personnes
00:31 qui essayent de justifier ou qui essayent de...
00:34 Donc je voudrais qu'on cesse de faire des amalgames.
00:38 Je suis franco-israélien, je ne suis pas politisé.
00:41 Vous ne me voyez jamais intervenir quand il s'agit d'Israël.
00:46 Je ne le fais pas.
00:48 Mais je voudrais rappeler qu'Israël est une démocratie multiculturelle
00:53 dans laquelle il y a environ 20% d'Arabes qui vivent avec les mêmes droits,
00:59 qui bénéficient des mêmes infrastructures,
01:04 ont le même droit de vote.
01:07 C'est un pays qui n'est pas parfait,
01:10 mais aucune démocratie ne l'est.
01:13 Et c'est avant tout un pays dans lequel les gens votent
01:18 pour leur gouvernement,
01:20 mais comme dans n'importe quelle démocratie où on vote,
01:23 il y a environ la moitié de la population
01:26 qui n'est pas d'accord avec son propre gouvernement.
01:32 On peut critiquer Israël,
01:35 mais il ne faut pas faire d'amalgame entre Juifs, Israéliens
01:41 et gouvernement israélien et l'État d'Israël.
01:45 De la même manière qu'en France,
01:47 on peut avoir des Gilets jaunes qui manifestent
01:49 parce qu'ils ne sont pas d'accord avec leur propre gouvernement,
01:52 en Israël, la grande majorité des Israéliens sont pour la paix
01:59 et sont pour un gouvernement palestinien.
02:02 Je viens d'une famille...
02:06 J'ai rarement vu pleurer mon père.
02:08 Une des rares fois où j'ai vu pleurer mon père,
02:10 c'est le jour où il a vu Rabin et Yasser Arafat se serrer la main.
02:15 Il pleurait d'émotion, il était heureux.
02:19 Mon frère habite dans un kibbutz
02:23 et a dans son salon un drapeau palestinien.
02:28 Pourquoi ? Parce qu'il est pour, il veut un gouvernement.
02:31 Il pense que les Palestiniens ont le droit à un pays, un gouvernement.
02:36 Je voudrais juste rappeler qu'aujourd'hui,
02:40 être pro-palestinien, c'est condamner le Hamas
02:46 parce que ça ne fait pas du bien aux Palestiniens.
02:49 Le Hamas ne peut pas représenter aujourd'hui la voix des Palestiniens.
02:55 On ne va pas revenir sur les horreurs qu'on a vues
02:59 et beaucoup qu'on n'a pas vues à la télé.
03:05 Mais ne mélangeons pas tout ça.
03:09 Et surtout, je voudrais juste rappeler
03:13 qu'aujourd'hui, se planquer derrière une envie
03:18 de défendre les Palestiniens et de descendre dans les rues pour manifester,
03:24 venez, on appelle ça comme ça doit être appelé.
03:26 C'est de l'antisémitisme et rien d'autre.
03:30 Et bon, voilà, pardon, je me perds un petit peu.
03:33 - Vous pensez aussi à la France insoumise, aux prises de position ?
03:36 - Évidemment que je pense à la France insoumise,
03:39 mais encore une fois, la France insoumise,
03:41 on parle de Jean-Luc Mélenchon, on ne parle pas de toute la France insoumise.
03:44 J'ai vu que Ruffin déjà, voilà.
03:47 Je voudrais juste qu'on évite d'importer cette haine en France.
03:54 Elle est déjà existante là-bas.
03:57 Elle existe depuis tant d'années et on lutte contre ça.
04:01 On lutte en Israël, on lutte contre ça.
04:05 Donc, ne faisons pas d'amalgame.
04:07 Ne pensons pas que tous les Israéliens pensent la même chose
04:11 ou que tous les Palestiniens pensent la même chose.
04:15 On fait, on va trop vite, on met trop de choses dans le même sac.
04:20 Encore une fois, le Hamas ne représente pas les Palestiniens.
04:27 Ce n'est pas tous les Palestiniens de la bande de Gaza qui ont attaqué.
04:31 - Arthur s'est étonné du silence des artistes.
04:34 Est-ce que vous êtes sur la même ligne qu'il a dit, Arthur ?
04:38 Votre silence en évoquant les artistes tue une seconde fois.
04:42 Vous partagez son sentiment ?
04:44 - Je pense que c'est compliqué de s'exprimer sur ce sujet.
04:48 - Vous pouvez être courageux, oui.
04:50 - Je pense que c'est compliqué.
04:52 Je pense que quand on mène une carrière d'artiste en France,
05:01 c'est difficile de prendre position
05:05 parce qu'effectivement, on risque de le payer cher.
05:10 - Vraiment ?
05:13 - Il semblerait.
05:14 Sinon, pourquoi est-ce qu'il n'y en a pas plus ?
05:18 Pourquoi n'y a-t-il pas plus de gens qui militent,
05:23 qui descendent dans les rues ?
05:25 Pourquoi, quand j'ai été à la manifestation de la marche
05:30 en soutien à Israël, qu'on associe à la marche du CRIF,
05:34 je ne suis pas allé à cette manifestation pour le CRIF.
05:37 Je m'en fous du CRIF.
05:38 Je suis allé à cette manifestation pour soutenir Israël,
05:43 pour montrer que c'était juste insoutenable, ça.
05:49 Mais ce n'est pas pour montrer une allégeance à telle ou telle partie.
05:54 - Il n'y avait que 16 000 personnes ?
05:55 - Il n'y avait que 16 000 personnes, oui.
05:58 - La mobilisation pour les victimes du séisme au Maroc,
06:01 on ne l'a pas forcément retrouvée pour les victimes
06:05 du crime du terroriste du Hamas ?
06:06 - Ne m'emmenez pas sur ce terrain-là.
06:08 Je ne vais pas rentrer dans des comparaisons.
06:13 Je dis juste que je suis là parce que je pense que c'est le moment
06:19 d'ouvrir sa gueule et dire que là, ça, ce n'est juste pas admissible
06:24 et tenter de le justifier d'une manière ou d'une autre,
06:28 c'est tenter de justifier de l'antisémitisme.