Des Algériens Kabyles dans un bidonville à Marseille (1976)
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00:00 Vous voyez ceci, ce petit village méditerranéen?
00:05 En réalité c'est un bidonville que des cabiles ont construit sur la pente d'une banlieue de Marseille.
00:10 -Vous avez de la famille? -Oui.
00:11 -Vous avez de la famille en cabili? -Oui, j'en ai.
00:14 -Je ne vais pas sortir, mes collègues vont me voir.
00:18 -Allez-y, allez-y, on va juste aller, allez-y.
00:21 -Mais ici, dans tout le bidonville, il n'y a que des cabiles.
00:25 -Que des cabiles, tout ça.
00:27 -Mais vous voudrez aller dans des autres logements ou pas?
00:30 -Si, je voudrais.
00:31 -Est-ce que vous voudriez retourner en Algérie, habiter là-bas, travailler là-bas en Algérie?
00:36 -Non, non, non.
00:37 -Hein?
00:38 -Ce n'est pas que ça nous déplairait, pour essayer de dire, mais disons que s'il n'y a pas de travail,
00:41 que nous ne sommes pas remis dans un autre genre de vie plus misérable que celui-là,
00:45 c'est pas grave, on va plutôt mieux rester là.
00:47 -Oui, mais là...
00:48 -Vous préférez rester ici alors?
00:49 -Mais si ça se développe là-bas, les industries, si les industries se développent, avec le pétrole,
00:54 il va y avoir une série d'industries nouvelles.
00:56 -Mais tant qu'une génération ne sera pas encore changée,
00:59 c'est pour essayer de dire, ça va, ça va, on peut pas toujours travailler,
01:02 parce que c'est un genre de vie à part, la mentalité et tout.
01:06 -Finalement, voici des gens, des déracinés, qui ne se reconnaissent plus dans leur propre culture,
01:13 sans pour autant être parvenus à une seconde identité.
01:16 C'est un phénomène propre à ceux qui sont soumis à une forme de civilisation qui leur est extérieure,
01:22 donc propre aux émigrés, et pour laquelle on pourrait utiliser le mot "savant d'acculturation".
01:30 Ici, dans cette cité d'Algériens en Provence, on en a un exemple frappant.
01:37 Il y a d'une part ces femmes du Maghreb, elles sont restées des femmes du Maghreb,
01:47 mais d'autre part, il y a leurs enfants, et eux, ils sont devenus des petits Européens,
01:53 au point qu'il faut leur réapprendre, comme une autre langue, leur langue maternelle,
01:58 d'où ils viennent, qui ils sont.
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02:41 À la donnée que tous les jeunes que nous avons ici ne savent pas lire l'arabe,
02:53 alors nous sommes obligés d'écrire en arabe avec les lettres françaises.
02:57 Donc vous voyez ici, "yabiladi", qui veut dire "mon pays", "yadjazay", "Malgérie".
03:04 "Mon pays", "Malgérie".
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03:10 À la donnée que tous ces petits sont nés en France,
03:23 ils ont besoin qu'ils soient bien rassignés de leur culture, de leur religion,
03:28 et c'est pour cela qu'on fait un peu ces danses, ce folklore, ces chants, et tout ça,
03:34 pour que les petits connaissent un peu ce qui se passe au pays,
03:40 qu'ils ne soient pas trop rejetés, ils sont beaucoup dépaysés.
03:45 C'est simple, le dernier rapport, on est allé en Algérie pour un festival asiatique,
03:50 et pour vous le prouver, il y a eu des problèmes de langage.
03:54 Pourquoi, parce que vous ne parlez pas l'arabe ?
03:56 Non, les petits ne savent pas.
03:58 Mais vous parlez l'arabe aussi ?
04:00 Non, on a aussi des problèmes. On le parle, mais...
04:04 Et toutes les familles qui sont ici, il y a des membres de leur famille en Algérie ?
04:09 Oui, pratiquement tous.
04:11 (Chant)
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04:45 C'est une chanson qui veut dire qu'un jour, nous retournerons tous en Algérie.
04:49 Nous sommes fatigués de cette immigration.
04:51 L'immigration algérienne est trop importante en France.
04:55 Nous voulons retourner dans notre pays.
04:58 Cette maison n'est pas la nôtre.
05:01 Notre maison, c'est près de nos parents et près de nos amis, en Algérie.
05:07 Il y a en fait l'élément affectif.
05:10 Ça, c'est probablement le plus important dans l'immigration.
05:14 C'est tout ce qu'on laisse derrière soi.
05:16 C'est son passé.
05:18 Ce sont les cartes postales.
05:20 Ce sont les larmes de la Méditerranée.
05:23 (Chant)
05:26 Mais à travers ces émotions,
05:33 se constituent, par une sorte de pluralité d'apports,
05:38 toute une série de couches culturelles
05:43 qui déterminent l'histoire même de la Méditerranée.
05:46 Et ça, c'est l'aspect positif de cette immigration.
05:49 (Chant)
05:52 L'Eurasie méditerranéenne, c'est l'un des vers de la pureté.
06:05 Et c'est cette complexité même qui fait l'attrait du bassin méditerranéen.