François Durovray, Président de l'Essonne, invité de France Bleu Paris
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00:00 Le président du département de l'Essonne avec nous. Bonjour François Durouvray.
00:03 Bonjour.
00:04 L'Essonne malheureusement le département qui détient le record du nombre de rixes entre jeunes.
00:09 Encore un mort en septembre à Corbeil-Essonne, deux coups de couteau, Toumani avait 15 ans.
00:15 Pour désamorcer cette violence depuis cette rentrée, vous avez mis en place cinq médiateurs scolaires dans dix collèges de votre département.
00:26 C'est eux la solution ?
00:28 C'est j'espère une partie de la solution.
00:31 Il est clair que ce phénomène de rixes qui n'est pas propre à l'Essonne et qui nous interroge sur l'évolution de notre jeunesse,
00:39 doit aussi poser la question de l'ensemble des services publics et avant tout des services publics de l'Etat.
00:45 Rien ne justifie qu'en Essonne par exemple, il y ait moins d'enseignants par élève que sur Paris,
00:50 qu'il y ait 42% de magistrats en moins que la moyenne nationale ou qu'il y ait moins de policiers que dans le reste du pays.
00:57 Mais face à une situation telle que vous venez de la décrire, nous estimons que le département de l'Essonne a aussi son rôle à jouer.
01:03 Et c'est la raison pour laquelle nous avons mis en place des médiateurs au sein des établissements scolaires,
01:08 en complément de la prévention spécialisée et des éducateurs de rue.
01:12 Il y en a déjà 140 dans le département que nous finançons.
01:15 Alors ces médiateurs, ils s'appellent Arona, Noemi, Emma, Océane, Audrey, ils sont donc cinq.
01:21 Ce sont quoi, des grands frères ou en l'occurrence des grandes sœurs ?
01:24 Surtout pas ! Nous avons sélectionné à Antwerp des médiateurs avec des profils très différents,
01:32 qui sont formés, qui sont Bac +2, Bac +3, qui bénéficient d'une formation spécifique de la part du conseil départemental,
01:40 qui ont une immersion dans plusieurs services de l'État et qui viennent ensuite dans l'établissement.
01:44 J'ai eu l'occasion de les rencontrer et je peux vous assurer qu'ils ont la tête sur les épaules d'une part
01:49 et qu'ils sont déjà très bien intégrés dans les équipes éducatives.
01:52 Alors ça fait un mois qu'ils tentent d'accomplir leur mission concrètement.
01:57 Comment ça se passe ? Un collégien vient voir un de ses médiateurs et lui dit "j'ai un problème, je suis harcelé ou menacé"
02:06 ou "j'ai entendu qu'il pourrait y avoir un règlement de compte".
02:09 Qu'est-ce qu'il se passe ? Déjà, qu'est-ce qu'il vient leur dire et qu'est-ce qui se passe ensuite ?
02:13 D'abord, je pense que les médiateurs n'attendent pas forcément que le jeune vienne voir. Ils observent aussi.
02:17 Certains médiateurs m'ont expliqué par exemple qu'ils repéraient certains élèves qui arrivaient systématiquement en retard
02:22 ce qui peut se justifier par une situation familiale complexe ou par des obligations familiales.
02:28 Ce sont des indices qui alertent les médiateurs et qui les incitent à prendre les devants.
02:33 Après, il y a forcément des jeunes qui viennent les rencontrer parce qu'ils ont une parole et la capacité d'écouter
02:40 peut-être plus que d'autres adultes dans l'établissement scolaire.
02:43 Sur la base de ces paroles, les médiateurs se mettent en contact avec le principal, avec le conseiller principal d'éducation.
02:51 Ce sont les interlocuteurs de proximité, mais aussi avec les services jeunesse des villes, avec la police, la justice,
02:56 avec l'ensemble des acteurs qui soient dans l'établissement scolaire ou à l'extérieur pour déminer des conflits, pour trouver des solutions individuelles.
03:03 Des conflits déminés ? Vous avez des premiers succès ?
03:06 Oui, j'ai eu le témoignage de médiateurs qui m'expliquaient sur certains établissements qu'ils avaient pu prendre les devants
03:13 et éviter des situations qui auraient pu dégénérer.
03:15 Et pourtant, on me disait cet ado de 15 ans qui est mort encore le mois dernier à Corbeil-Essonne.
03:23 Alors, on ne peut pas dire que vous ne tentez pas des choses, François Durevray, vous expérimentez, vous vous battez.
03:29 Mais il y a eu ce plan anti-Rix aussi lancé il y a deux ans avec tous les acteurs, préfets, parquets, associations, police, vous les élus.
03:39 Maintenant, ces médiateurs, dites-nous qu'il y a des résultats quand même, après tout ça.
03:45 Je pense qu'il y a des résultats, ne serait-ce qu'au nombre de Rix qui sont déjoués.
03:50 Dans ce plan anti-Rix, il y avait notamment une mesure qui est toute simple et qui ne coûte absolument rien,
03:54 qui était de mettre en place des boucles WhatsApp des maires, des acteurs de la sécurité au niveau local
04:00 pour identifier les mouvements qui pouvaient se dérouler sur le terrain.
04:04 Et donc agir très rapidement avant même que les Rix ne puissent se dérouler.
04:07 Et ces boucles ont permis de régler quantité de situations sans drame.
04:11 - Combien ? - Je n'ai pas de chiffre.
04:14 Et de toute façon, je le reconnais bien volontiers, la situation est forcément fragile.
04:18 Et évidemment, nous ne sommes jamais à l'abri d'un drame comme celui que nous avons connu le mois dernier à Corbeil-Essane.
04:24 Mais ma responsabilité d'élu, c'est de mettre en place les moyens, de mobiliser tous les acteurs
04:30 pour faire en sorte que l'ensemble de la communauté, mais aussi les jeunes,
04:33 parce que ce sont les jeunes qui sont les premiers concernés,
04:36 mettent les moyens pour éviter des situations qui pourraient être dramatiques.
04:42 - Vous êtes découragé parfois, François Durevray ?
04:44 - Je suis optimiste combattant.
04:46 Optimiste combattant parce que je crois fondamentalement en la richesse de ce département,
04:51 la richesse des femmes et des hommes qui le composent.
04:54 On a la chance d'avoir à la fois de très belles réussites, mais aussi des situations compliquées.
04:58 Et mon boulot, c'est de donner la chance à tout le monde.
05:01 Et de permettre notamment à l'école, parce que l'école c'est le sanctuaire de la République,
05:05 c'est là où tous les jeunes doivent pouvoir réussir, de leur donner les moyens de réussir.
05:09 On le fait à l'école avec ses médiateurs, on le fait avant l'école avec nos PMI.
05:12 On a énormément de dispositifs qui sont mis en place en appui des communes
05:16 pour justement permettre à tous nos jeunes de réussir et de grandir bien dans ce département.
05:20 - Le département de l'Essonne, vous êtes donc le président, François Durevray, avec nous aussi.
05:24 Régis, qui nous appelle. Régis ?
05:28 - Alors on va passer chez le petit sien pour Mélodie. C'est Palaiso.
05:32 - Palaiso ? - Oui, c'est Palaiso. Régis de Palaiso, bonjour.
05:35 - Bonjour Régis. Désolée l'écran est un peu loin.
05:38 - Régis, 0 à 40, 2,30, 10, 10, 7 violences chez les jeunes.
05:42 Est-ce que vous constatez que c'est de plus en plus violent ou ça a toujours existé ?
05:46 - Il y a toujours un peu de violence mais je pense qu'elle est de plus en plus présente
05:51 pour des problèmes de drogue. Moi qui habite Palaiso, une commune plutôt tranquille,
05:54 vraiment tranquille. On a des points de ville et ça dégénère, je vais vous dire, assez fréquemment.
06:00 C'est la drogue, c'est le contexte, je pense, les familles monoparentales,
06:06 l'autorité parentale qui s'en va, c'est très compliqué pour les familles.
06:11 Les jeunes, c'est plus facile de gagner 200 euros par jour à ce qu'ils se roulent chez eux
06:16 et de regarder ce qui se passe plutôt que d'aller à l'école et travailler.
06:19 C'est un ensemble et je ne suis pas sûr que... Bonjour M. le Président.
06:23 Je ne suis pas sûr que vous puissiez faire grand-chose uniquement au niveau départemental.
06:27 Point d'interrogation à la question de Régis. Vous pouvez faire quelque chose ?
06:32 Je pense évidemment qu'on peut faire quelque chose. Régis a parfaitement raison.
06:35 Il y a plein de motifs, d'explications de CRX qui ne les justifient évidemment pas.
06:42 Mais j'en retiens deux principales. On peut bien vivre et très bien vivre en Essonne,
06:47 notamment parce qu'on a un cadre de vie exceptionnel et notamment lorsqu'on peut travailler à côté de chez soi.
06:51 Mais la vie peut être plus difficile lorsqu'on travaille en horaires décalés,
06:55 lorsqu'on travaille loin de son domicile. Et donc, c'est ce que m'expliquent les spécialistes,
07:00 il peut y avoir de la violence liée à une vie quotidienne qui est plus complexe qu'ailleurs dans le pays.
07:06 Est-ce que pointe Régis, c'est cette question de l'autorité parentale qui revient assez souvent ?
07:12 Familles monoparentales, évidemment.
07:13 Dans ces débats, certains vont dire "Où sont les parents ? Que font-ils ? C'est la faute aux parents."
07:18 Évidemment les parents ont cette responsabilité, mais on doit aussi agir notamment
07:23 pour que ce que j'appelle les métiers de la main et du cœur, ceux qui étaient en première ligne pendant le Covid,
07:28 les femmes de ménage, les aides-soignants, etc., qui travaillent souvent en horaires décalés,
07:32 qu'on essaie d'organiser avec des conditions de vie qui soient meilleures
07:35 pour qu'ils puissent davantage s'occuper de leurs enfants.
07:38 Donc il y a cette responsabilité parentale, ces situations de violence intrafamiliale.
07:42 Et puis il y a aussi, ça a été dit par Régis lorsqu'il évoque les trafics de drogue,
07:46 l'absence de réponse dans ce département de l'État régalien.
07:51 Il y a des forces de l'ordre qui interviennent et qui, heureusement, déjouent des situations,
07:57 enfin des trafics, mais pas de réponse judiciaire ou trop tardive.
08:01 Et ça, ce n'est pas acceptable, parce que j'estime que la justice doit être la même partout dans notre pays.
08:06 – Vous avez des avancées sur ce point ? – Malheureusement pas suffisantes.
08:11 Nous avions, avec tous les maires du département, écrit une tribune dans Le Monde l'an dernier,
08:17 demandant un plan pour les SON.
08:19 J'avais rencontré le Premier ministre Jean Castex, ça fait d'ailleurs un peu plus d'un an,
08:22 pour lui expliquer, il m'avait dit prendre acte et vouloir prendre des mesures.
08:28 Je crois que nous avons enrayé la chute des effectifs,
08:31 mais aujourd'hui, force est de constater, notamment dans le domaine de la justice,
08:34 que les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins du département.
08:38 Et quand je dis ça, je ne demande pas de traitement de faveur,
08:40 je demande simplement le chiffre, 42% de magistrats en moins que la moyenne nationale
08:45 par rapport au nombre d'habitants, je demande à ce que nous ayons des effectifs de justice.
08:48 Et c'est quoi ces 20-30 fonctionnaires qui permettent d'avoir des réponses judiciaires lorsqu'il y a des problèmes.
08:54 - Et pour le moment, vous n'avez pas de réponse sur cette question-là ?
08:57 - Malheureusement non, et on s'est un peu fritté avec le garde des Sceaux la dernière fois qu'il est venu en Essonne,
09:01 parce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas de problème.
09:03 Je l'ai invité à venir un peu plus tôt.
09:04 - Et vous lui avez dit quoi ?
09:05 - Je lui ai indiqué que ce n'était pas la réalité, il ne s'est pas très bien comporté.
09:09 Mais il y a eu quelques témoins sur ce dossier.
09:12 - François Durouvre est avec nous, le président de l'Essonne, et maintenant nous sommes avec Mehdi.
09:16 - Il est là, dans les starting blocks à Attis-Mons.
09:19 Bonjour Mehdi.
09:20 - Bonjour à tous.
09:21 - Vous, Mehdi, vous trouvez que les jeunes sont de plus en plus violents,
09:25 ils n'ont pas de repères, ils sont livrés à eux-mêmes, et on rajoute à ça les jeux vidéo.
09:29 - Absolument, oui.
09:31 Donc il y a l'absence de grands frères.
09:33 Quand on était un petit peu sur le chemin en zigzag, il y avait toujours un grand frère qui disait
09:41 "Non, fais pas ci, fais pas ça".
09:43 Aujourd'hui, le grand frère est marié, il ne s'occupe plus des petits frères, les petits sont voués à eux-mêmes.
09:50 À une époque, ce n'était pas comme ça.
09:53 Donc ça, ça joue beaucoup.
09:55 C'est un facteur à prendre en compte.
09:58 Et aussi, une autre époque où Marino Hellienemann, que vous connaissez très bien,
10:02 avait investi de 1987 à 1997 dans le quartier.
10:07 Avant, c'était un quartier qui était très difficile, mais l'État a mis les moyens.
10:12 Donc on faisait quoi ? La motocross, du karting, du cheval, on allait au ski, on allait au cinéma.
10:18 On avait même le prix du Mister Cool.
10:21 En fait, le prix du Mister Cool, c'est celui qui avait un très bon bulletin,
10:25 l'animateur payait par la mairie, nous payait des paires d'ermacs, des ensembles.
10:31 Donc moi, je pense que l'État devrait investir aussi, et revenir à la source.
10:38 Si on n'investit pas sur les jeunes, quand on parle de justice, punir, punir,
10:44 mais la punition, ça ne mène nulle part.
10:46 Après, on va punir ces enfants-là, et ça va devenir pour eux une médaille.
10:52 Les autres vont vouloir aussi cette médaille, c'est un cercle vicieux.
10:55 La justice, la punition, moi, je suis contre.
10:58 – Donc pas de punition, mais plus d'éducation, plus de moyens et d'activité.
11:02 – Plus de moyens, justement.
11:05 – Merci Mehdi. Il y a un problème de moyens, François Durauvray,
11:09 quand on voit par exemple là que vous mettez en place 5 médiateurs.
11:13 Ça paraît peu quand même, 5 médiateurs, 1 million d'euros.
11:16 – C'est 5 parce qu'on met en place progressivement,
11:19 et nous avons l'ambition d'avoir d'ici la fin de l'année prochaine,
11:21 25 médiateurs pour couvrir 50 collèges sur les 100 du département.
11:25 Donc il y a un plan qui mobilise des moyens du département,
11:28 dans un moment qui est compliqué, puisque le département n'a plus de fiscalité,
11:32 il y a des dépenses sociales qui augmentent.
11:34 – Les états doivent vous aider.
11:36 – Pour l'ensemble des départements, il y a des situations qui sont très complexes.
11:39 Après, je pense que le rôle des élus aussi, c'est de trouver des solutions.
11:43 Je suis en désaccord avec Mehdi sur un point,
11:45 c'est que je pense que la justice a aussi valeur d'exemple,
11:48 et qu'il faut avoir la capacité de sanctionner dès qu'il y a un écart,
11:51 parce que sinon ça dérive très vite.
11:53 Mais évidemment, il ne faut pas opposer les mesures de justice
11:56 avec les mesures de prévention, et au-delà de tout ce qui a été évoqué par ailleurs,
12:00 on agit, les communes, le département,
12:02 nous avons par exemple créé un tremplin citoyen
12:04 qui permet à des jeunes adultes de bénéficier d'un soutien financier du département
12:08 contre un engagement bénévole au service de la société,
12:12 c'est-à-dire une association ou une commune.
12:14 Nous avons mis en place des actions citoyennes dans les collèges
12:18 pour justement déjouer les phénomènes liés aux jeux vidéo, etc.
12:22 pour éduquer globalement nos jeunes,
12:25 et leur permettre encore une fois de bien vivre dans notre département,
12:28 parce qu'il y a ce phénomène de risque que vous évoquez,
12:30 qui nécessite une action résolue de notre part,
12:33 mais globalement il y a aussi de très très belles choses sur ce département.