L'offensive surprise lancée par le Hamas contre Israël provoque une onde de choc planétaire. Le nombre de civils tués par le mouvement islamiste palestinien est sans précédent dans l'histoire d'Israël. L'impact géopolitique pourrait se ressentir bien au-delà du Moyen-Orient et de la bande de Gaza, bombardée sans relâche par les forces israéliennes.
Invité : Pascal de Crousaz, docteur en relations internationales - spécialiste du conflit israélo-palestinien
Présentation : Laurent Huguenin-Elie
Invité : Pascal de Crousaz, docteur en relations internationales - spécialiste du conflit israélo-palestinien
Présentation : Laurent Huguenin-Elie
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00:00 Bonjour à toutes et à tous, soyez les bienvenus dans Geopolitis consacré à la nouvelle guerre
00:04 qui oppose le Hamas à Israël.
00:06 L'attaque massive du Hamas lancée il y a une semaine depuis Gaza a pris tout le monde
00:12 de court, à commencer par l'armée et les services de renseignement israéliens, le
00:17 nombre de civils assassinés par les terroristes du mouvement islamiste palestinien est sans
00:22 précédent dans l'histoire d'Israël.
00:24 Les récits des massacres dans les kiboutz concernés sont effroyables.
00:27 Les représailles ne se sont pas faites attendre, Gaza est sous le feu de l'armée israélienne,
00:35 les opérations en cours ont entraîné la saturation des hôpitaux de grave pénurie
00:40 et des déplacements de population à l'intérieur de l'enclave palestinienne.
00:43 La crise humanitaire est sur place d'ores et déjà désastreuse.
00:47 La guerre sera longue et difficile, a prévenu le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
00:54 Les populations civiles de part et d'autre sont évidemment les premières victimes de
00:59 cette situation, exacerbées par la radicalisation et le fanatisme.
01:03 Les Gazaouis se retrouvent ainsi prisonniers des décisions du Hamas.
01:07 Nous verrons dans quel contexte ce mouvement, classé parmi les organisations terroristes
01:12 par de nombreux états, a été porté au pouvoir.
01:15 De véritables scènes de cauchemars.
01:19 L'offensive lancée la semaine dernière par le Hamas contre Israël, par air, terre
01:23 et mer, en plein shabbat, a conduit au massacre de centaines de civils israéliens.
01:27 Le bilan ne cesse d'être revu à la hausse.
01:29 Cet assaut, le plus meurtrier sur le territoire d'Israël depuis sa création, a agi comme
01:34 une déflagration dont les effets se font sentir bien au-delà du Moyen-Orient.
01:38 Les représailles sont en cours à Gaza, c'est le début d'une nouvelle guerre avec,
01:42 comme à chaque fois, les populations civiles qui en sont victimes.
01:45 Alors quelles conséquences pour Israël, pour les territoires palestiniens, mais aussi
01:49 pour le monde ?
01:50 On va parler avec nous dans cette émission, Pascale de Cruzat, expert en relations internationales
01:54 et spécialiste du Proche-Orient.
01:55 Mais revenons tout d'abord en images sur les événements et les réactions qui ont
01:58 suivi.
01:59 Elzang et Nolfi.
02:00 Des milliers de roquettes lancées.
02:13 Et une offensive terrestre sans précédent.
02:18 Des terroristes des brigades Al-Qassam, la branche armée du Hamas, détruisent par
02:26 endroit les murs et barrières érigés par Israël autour de Gaza, comme sur ces images
02:30 diffusées par le Hamas.
02:32 Certains tentent de passer par la mer, d'autres arrivent par les airs à l'aide de parapentes
02:38 motorisées.
02:39 Ils attaquent des villes israéliennes et des kiboutz.
02:44 Prennent des otages par dizaines au moins.
02:49 Des massacres sont rapportés avec de nombreuses victimes civiles.
02:55 Les gens se cachaient, ils essayaient de trouver un abri quelque part.
03:06 Ils se cachaient dans les placards, sous les lits.
03:09 C'était terrible.
03:10 Nous avons vu des petits enfants ligotés, à qui on tire une balle dans la tête.
03:18 Des gens qu'on brûle vif, des jeunes filles violées et massacrées, des combattants décapités.
03:27 Les incursions du Hamas au pouvoir à Gaza se sont faites sur plusieurs fronts côté
03:34 israélien.
03:35 Tel-Aviv riposte en bombardant Gaza et déclare la guerre au Hamas.
03:39 300 000 réservistes sont mobilisés.
03:41 Israël annonce un siège total de ce territoire où vivent 2,3 millions de personnes.
03:46 Nous imposons un siège complet à Gaza.
03:52 Pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de gaz.
03:56 Tout est fermé.
03:57 Nous sommes confrontés à des sauvages et devons agir en conséquence.
04:00 À Gaza, les frappes israéliennes font de nombreux morts et blessés.
04:20 Nous dormions paisiblement chez nous et nous avons été soudainement bombardés.
04:26 Les maisons de membres de ma famille, de mes voisins et la mienne ont été touchées.
04:31 Ce sont des enfants.
04:41 Qu'ont-ils fait ? Ils sont tous morts, tous les enfants, toutes les femmes.
04:45 Et si vous cherchez des combattants, allez les combattre.
04:48 Ici, nous ne faisons rien.
04:49 Au lendemain de l'attaque du Hamas, Israël frappe le sud du Liban en réponse à des
05:08 tirs du Hezbollah.
05:09 Le Hezbollah libanais est soutenu et armé par l'Iran, tout comme le Hamas à Gaza.
05:16 Les accusations liées à un rôle iranien dans cette opération reposent sur des raisons
05:26 politiques et visent à justifier la lourde défaite du régime sioniste.
05:33 Les États-Unis envoient leur plus gros navire de guerre en Méditerranée orientale.
05:40 Un message en direction de Téhéran.
05:43 En septembre, le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane avait laissé entendre
05:57 qu'un accord de normalisation des relations entre Israël et l'Arabie saoudite pourrait
06:01 se concrétiser.
06:02 On s'en rapproche tous les jours.
06:04 Le prince a depuis rappelé que l'Arabie saoudite continuait à soutenir le peuple
06:09 palestinien pour qu'il puisse exercer ses droits légitimes à une vie décente, selon
06:14 l'agence de presse officielle saoudienne.
06:15 En 2020, les Émirats arabes unis et le Bahreïn, suivis par le Soudan et le Maroc, avaient
06:21 signé des accords de normalisation de leurs relations avec Israël, les accords dits d'Abraham,
06:27 promus par les États-Unis.
06:28 La violence de l'offensive du Hamas et de la riposte israélienne poussent les pays
06:38 de la région à se positionner à nouveau sur la question palestinienne.
06:42 Pascal Decroza, bonjour.
06:50 Bonjour.
06:51 Merci d'être avec nous.
06:52 Vous êtes expert en relations internationales, spécialiste du Proche-Orient.
06:56 Cette offensive du Hamas a ramené brusquement la question palestinienne sur le devant de
07:01 la scène internationale.
07:02 On va s'intéresser aux conséquences.
07:04 Face à son ampleur, au traumatisme, Israël y répond dans l'immédiat par la force.
07:10 Mais qu'est-ce que cela va provoquer à plus long terme dans ce pays où la population
07:15 est à la fois en état de choc et en rage ?
07:17 Dans l'immédiat, vous le dites, en rage, le pays va se lever comme un seul homme et
07:22 une seule femme et rejoindre les rangs de l'armée pour aller venger la front, si possible,
07:26 libérer les otages et peut-être détruire le Hamas, éradiquer complètement le Hamas,
07:31 quel que soit le prix à payer pour l'armée israélienne, peut-être pour les otages et
07:35 pour la population palestinienne.
07:37 Dans un deuxième temps, et ce deuxième temps pourrait venir assez rapidement, il risque
07:41 d'y avoir, au-delà de cette union sacrée, une exacerbation des tensions que l'on observe
07:45 au sein de la société israélienne depuis des mois, où vous avez une partie de la population
07:50 qui soutient à bout de bras Benyamin Netanyahou, qui veut des réformes visant à affaiblir
07:56 les "check and balance", les contrôles qui mettent des limites au pouvoir de la coalition
08:00 de Benyamin Netanyahou, et puis d'autre part, une partie de la population qui conteste cette
08:04 démolition de la démocratie israélienne.
08:06 Pour l'instant, tout le monde est uni face à l'adversité, face à l'attaque sans précédent
08:12 en termes d'atrocité, en termes de nombre, en termes d'ampleur, commise par le Hamas,
08:17 mais on entend déjà des voix qui disent que le gouvernement va devoir payer pour l'incurier,
08:22 et puis d'autre part, du côté des partisans de Netanyahou, des gens qui disent "oui, mais
08:26 la gauche et le centre qui organisait des manifestations contre le gouvernement Netanyahou,
08:33 qui disaient qu'il n'allait pas aller servir dans les jours de réserve dans l'armée,
08:37 sont responsables, eux, de cela".
08:39 Et donc on voit une sorte d'exaspération de part et d'autre, et d'exacerbation de tensions
08:45 préexistantes qui vont vite faire revenir sur le devant de la scène.
08:48 Cette attaque a fait des centaines et des centaines de morts côté israélien.
08:52 Les commandos du Hamas ont en outre enlevé des dizaines au moins de personnes, ce sont
08:56 des civils, et de tout âge par ailleurs.
08:59 Ils ont été emmenés de force à Gaza.
09:01 Le correspondant de la RTS en Israël, Stéphane Amar, est allé à la rencontre des familles
09:05 d'otages.
09:06 Elle raconte son histoire à longueur de journée.
09:11 La mère et la fille de Galit ont été enlevées par des miliciens islamistes dans un kibouz
09:16 frontalier de la bande de Gaza.
09:17 Je suis sortie de mon abri et j'ai enfin eu du réseau.
09:24 J'avais plein de messages, mais ma mère et ma fille ne m'avaient pas rappelé.
09:28 J'ai appelé aussi ma sœur.
09:30 J'ai compris que dans leur kibouz, la situation était encore pire.
09:33 Ils sont venus pour tuer et pour kidnapper des gens.
09:43 Et c'est ce qu'ils ont fait.
09:44 Ils ont pris des enfants, ils ont pris des vieillards.
09:47 Qu'est-ce qu'ils ont à faire, des vieillards ?
09:51 Les rescapés du massacre du kibouz ont été rassemblés dans cet hôtel de la mer morte,
09:57 à une centaine de kilomètres de Gaza.
09:59 Tout le pays se mobilise pour leur apporter des vivres.
10:01 L'État a abandonné ses citoyens, pas seulement pendant la guerre, mais aussi après.
10:07 Personne ne s'occupe de leur donner de la nourriture.
10:10 Alors les commerces de ma ville ont rassemblé des vivres pour qu'ils surmontent cette horreur.
10:14 Six personnes ont été enlevées dans le kibouz.
10:19 Toute la communauté espère qu'elles reviendront un jour.
10:22 Je ne veux pas les qualifier d'animaux parce que je prie pour qu'il y ait quelque chose
10:28 d'humain en eux et que grâce à cela, ils ne s'en prennent pas à ma mère et à ma
10:33 fille et à ma nièce magnifique et à mon neveu adoré et à leur papa.
10:39 Je prie pour qu'ils ne soient pas des animaux.
10:43 Je ne veux pas voir les vidéos.
10:45 Je ne veux même pas imaginer ce qui s'est passé.
10:49 Dans le passé, les gouvernements israéliens ont libéré des centaines de Palestiniens
10:53 contre un otage israélien.
10:54 Cette fois-ci, les règles du jeu pourraient changer.
10:57 Pascal Dekroza, la prise d'otage, on est vraiment au cœur de la hantise de la population
11:06 mais aussi évidemment des autorités israéliennes pour qui ramener les citoyens à la maison
11:11 en sécurité relève et depuis toujours.
11:14 C'est viscéral, c'est historique, d'une nécessité absolue.
11:16 Oui, c'est viscéral, c'est historique.
11:18 Ça remonte même probablement d'une certaine mesure au sentiment de culpabilité qu'ont
11:21 eu les autorités du Yishuv, du futur État d'Israël pendant la Deuxième Guerre mondiale,
11:25 à avoir été incapables de sauver les Juifs de la Shoah en Europe.
11:29 C'est quelque chose de très ancien, très enraciné.
11:31 Israël a toujours fait son possible pour ramener les otages, quel qu'en soit le prix.
11:35 Souvenez-vous du raid sur NTB, souvenez-vous de l'assaut sur l'école où avaient été
11:40 pris des otages à Maalot en 1974.
11:42 Donc un effort constant pour les ramener.
11:44 Ceci étant dit, ces dernières années, au vu du levier incroyable que donne au Hamas
11:49 et aux autres organisations radicales combattant Israël le fait de détenir des otages israéliens,
11:54 au sein de l'armée d'abord, il y a eu une évolution avec la directive Hannibal, Noël
11:59 Hannibal, qui dit qu'il faut absolument éviter que des otages soient pris et l'armée peut
12:03 tirer même sur les preneurs d'otages, même si ça entraîne blessure ou mort des otages.
12:10 Et peut-être un élargissement de cette doctrine aux civils pris en otage ferait que le gouvernement,
12:16 mais aussi l'opinion publique, accepterait de payer un certain prix en termes d'otages
12:21 victimes, de même qu'il y aura un prix en termes de centaines de soldats qui seraient
12:25 tués pendant les combats, au cas où le gouvernement décidait d'aller jusqu'au bout et de conquérir
12:29 Gaza complètement pour éradiquer le Hamas à Gaza, comme il avait été fait pour l'OLP
12:35 à Beyrouth.
12:36 Et peut-être que dans cette équation, dans ce but suprême que le Hamas ne puisse plus
12:40 jamais commettre ces atrocités face à Israël, dont on a été témoin samedi passé, et
12:45 bien que la destruction complète du Hamas pourrait entraîner non seulement la mort
12:51 de soldats, mais aussi des otages, et que c'est peut-être le prix à payer pour que
12:54 ça ne se reproduise jamais.
12:55 Néanmoins, dans cette guerre des images, le Hamas a réussi son coup, si on peut dire,
13:00 terrorisé la population israélienne.
13:02 Il y avait aussi un autre objectif, c'est vraiment celui aussi de s'imposer face aux
13:08 différents mouvements palestiniens, même si l'autorité palestinienne est en ce moment
13:12 assez muette.
13:13 Les autres mouvements, il y a une sorte de vide en face de lui.
13:16 Le djihad islamique est un mouvement plus petit, qui ne fait pas vraiment le poids face
13:19 au Hamas.
13:20 L'autorité palestinienne est exsangue, dirigée par un homme de 87 ans.
13:26 Ce n'est pas un âge forcément qui empêche de diriger, sauf que dans son cas, il alterne
13:30 entre impuissance, inaction et déclaration parfois antisémite, comme ça a été le
13:34 cas il y a quelques semaines.
13:35 Donc pour ça, il pouvait s'imposer.
13:36 Je crois qu'il voulait surtout rappeler, en particulier au monde arabe, mais aussi
13:41 à la communauté internationale, l'existence de la cause palestinienne, qu'il voyait menacée
13:45 d'une menace fatale avec le rapprochement en cours entre Israël et l'Arabie saoudite.
13:51 Et avec tout ça, une population à Gaza qui en fait les frais.
13:55 Qui en fait les frais et qui va en faire les frais de plus en plus en cas d'invasion
13:59 terrestre, qui inimmanquablement va entraîner la mort probablement de milliers, voire plus,
14:06 de Palestiniens.
14:07 Je ne sais pas s'il y avait une invasion complète.
14:09 Comme il n'y a pas d'endroit où la population peut réellement se mettre à l'abri, à part
14:13 quelques écoles de l'UNRWA, les pertes seraient absolument effroyables.
14:17 Et cette population, elle ne soutient pas unanimement le Hamas.
14:21 Bien sûr, elle est hostile à Israël qui la siège, qui la maintient sous blocus depuis
14:25 des années et des années.
14:26 Mais elle n'est pas forcément complice des crimes du Hamas.
14:30 Elle va en payer le prix, prise quelque part en otage.
14:33 Et quand il y a eu des manifestations contre le Hamas de la population de Gaza, elles étaient
14:37 rapidement réprimées à coups de matraque, voire pire.
14:40 Le Hamas qui est un mouvement islamiste palestinien classé terroriste par un grand nombre d'États.
14:45 Dans quel contexte est-il né et comment a-t-il été porté au pouvoir à Gaza ?
14:49 Voyez le rappel de Karima Benhamrouch.
14:51 Gaza, décembre 1987.
14:59 La population se soulève contre l'occupation israélienne.
15:03 C'est le début de la première intifada et la naissance du Hamas, le mouvement de la
15:08 résistance islamique.
15:09 L'un de ses fondateurs est Ahmed Yassin, issu des Frères Musulmans.
15:14 Le but de l'organisation ? Islamiser les territoires palestiniens, obtenir une souveraineté,
15:20 mais aussi détruire l'État d'Israël dont elle ne reconnaît aucune légitimité.
15:25 13 septembre 1993, les accords d'Oslo marquent un tournant dans le conflit israélo-palestinien.
15:32 Permettez-moi de vous dire, à vous les Palestiniens, que nous sommes destinés à vivre ensemble
15:39 sur le même sol, sur la même terre.
15:41 Si cette poignée de main historique devait marquer un espoir de paix, le Hamas rejette
15:48 ces accords.
15:49 Commence une série d'attentats suicides meurtriers qui affaibliront le processus de
15:53 paix.
15:54 En concurrence avec le fatah de Yasser Arafat, le Hamas arrive au pouvoir à Gaza après
16:00 sa victoire aux élections de 2006.
16:02 C'est la rupture avec l'autorité palestinienne, expulsée de la bande de Gaza après des combats
16:07 fratricides, et le début du règne sans discontinuer du Hamas dans cette région.
16:12 Sous blocus israélien et sans nouvelles élections, le Hamas ne cesse d'accroître ses forces
16:18 et compte plusieurs milliers de combattants.
16:20 S'il est considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis et l'Europe,
16:25 il bénéficie de soutien de la part de ses voisins.
16:27 L'Iran et le Hezbollah libanais lui fournissent armes et équipements.
16:32 Le Qatar les aide financière.
16:34 Face à une autorité palestinienne vieillissante et qualifiée de corrompue, le Hamas profite
16:40 de la situation pour recruter parmi une jeunesse désœuvrée.
16:44 « Nous nous battons pour une cause qui concerne tous les palestiniens, même le monde arabe
16:48 et islamique. »
16:49 Le Hamas, principale force parmi les groupes palestiniens, fait aujourd'hui figure d'organisation
16:55 à abattre pour Israël.
16:56 Pascal Dekrouza, on l'a évoqué dans le sujet, ces liens entre le Hamas, le Hezbollah
17:04 et l'Iran.
17:05 Dans cette configuration, doit-on, peut-on craindre un embrasement généralisé de la
17:10 région ?
17:11 Alors, si un embrasement devait se produire, il viendrait à travers une extension du conflit
17:15 vers le Liban à travers le Hezbollah.
17:17 Le Hezbollah, on pourrait dire de lui qu'il n'a pas intérêt objectivement à se mêler
17:22 à la bataille.
17:23 La dernière fois qu'il l'avait fait pour venir au secours des Palestiniens, en 2006,
17:26 après l'enlèvement de Gilad Chalit, il s'était trouvé entraîné dans une guerre
17:30 dévastatrice et le chef du Hezbollah lui-même, Hassan Nasrallah, avait dit après que s'il
17:34 avait su, il ne serait pas entré en guerre.
17:36 Encore une fois, le Hezbollah n'a pas intérêt à le faire a priori et jusqu'à présent
17:41 il s'est contenté de petits échanges, de tirs avec Israël.
17:45 Cependant, le problème avec cette analyse anti-embrasement, c'est que c'est exactement
17:50 l'analyse que faisaient les services de renseignement, les services israéliens, à propos du Hamas.
17:54 Ils disaient que le Hamas est une autorité qui n'a pas intérêt objectivement à une
18:00 guerre.
18:01 Elle s'est montrée responsable, elle s'est montrée gardienne du statu quo quand il y
18:04 a eu des affrontements entre Israël et le djihad islamique en mai.
18:06 Donc Gaza a l'air d'être calme.
18:09 Et c'est exactement ce type d'analyse basée sur utilité et risque qui a volé en éclat
18:13 samedi matin.
18:14 Donc on ne peut pas totalement exclure que le Hezbollah se trouve entraîné dans la
18:19 guerre, peut-être à son corps défendant.
18:20 En particulier, si une opération terrestre à Gaza devait faire des milliers de morts
18:24 parmi la population civile palestinienne et le Hamas se trouvait au seuil de l'écrasement,
18:29 alors le Hezbollah pourrait rentrer en conflit.
18:31 S'il le faisait de manière trop massive, les États-Unis, qui ont promis l'aide à
18:36 Israël, en parole mais aussi en acte, ils ont envoyé un groupe de combat naval avec
18:40 le porte-avion le plus formidable en termes de puissance du monde, le Gérald Ford, qui
18:44 peut envoyer des F-35, des F-18 accompagnés de bateaux, lanceurs, de missiles.
18:49 Donc les États-Unis pourraient être entraînés à frapper eux aussi le Hezbollah au Liban.
18:53 À partir de là, bien sûr, toute la question serait est-ce que l'Iran voudrait mettre
18:59 la pression en bloquant le détroit d'Hormuz et là on se trouverait dans une configuration
19:02 plus grande.
19:03 A priori, ce n'est pas un risque dominant mais il n'est pas écartable.
19:06 Vous parlez des États-Unis.
19:07 Les États-Unis qui sont derrière vraiment le processus de normalisation engagé entre
19:12 les pays arabes et Israël, on sait que des négociations étaient en cours entre l'Arabie
19:17 saoudite et Israël.
19:19 Alors l'Arabie saoudite était-ce vraiment pour le Hamas la ligne rouge à ne pas franchir ?
19:23 Est-ce qu'il est question vraiment là de risque existentiel pour le Hamas ?
19:27 Alors elle l'est d'abord d'un point de vue politique et religieux puisque l'Arabie
19:32 saoudite c'est la seule puissance véritablement dans le monde arabe qui compte.
19:35 C'est la gardienne des premiers et second lieux saints de l'Islam à la Mekeméddine.
19:39 Et si elle signe avec Israël sur le dos des Palestiniens en disant oui on va essayer
19:44 d'améliorer leur sort mais sans leur donner une possibilité d'autodétermination,
19:48 c'en est fini des rêves palestiniens d'être libres sur leur terre.
19:51 Donc ça c'est un risque existentiel.
19:52 Il y en a un second derrière l'Arabie saoudite et les États-Unis, derrière ce rapprochement,
19:56 c'est qu'en fait dans le cadre des grandes confrontations géopolitiques mondiales,
20:01 en particulier le duel du siècle entre les États-Unis et la Chine pour la prééminence
20:05 dans le monde avec la Russie derrière, l'Iran qui sont dans le même axe, dans ce cadre-là,
20:11 c'est passé un peu inaperçu à l'époque mais lors du G20 le 9 septembre, il a été
20:17 signé un mémorandum d'accord sur un corridor économique qui irait de l'Inde à l'Europe
20:22 à travers les pays du Golfe, l'Arabie saoudite et Israël.
20:25 Et là il y a un point très important, Benyamin Netanyahou le soir même de la signature exulte
20:29 sur la télévision israélienne en disant c'est un grand soir pour Israël, nous allons
20:33 être inclus dans le plus grand, dans le plus important projet de coopération qui n'ait
20:38 jamais existé pour nous.
20:40 Nous sommes un point clé dans ce corridor, cette route qui va de l'Inde vers l'Europe
20:46 et le point clé du point clé c'est le libre passage entre l'Arabie saoudite et Israël.
20:51 Et donc la normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël non seulement permet de sceller
20:56 les accords d'Abraham, qui est une dimension un peu spirituelle mais elle a une forte composante
20:59 économique, elle permet à l'Occident collectif et certains pays du Sud, l'Inde, le Golfe,
21:05 l'Arabie saoudite, de créer des routes d'approvisionnement alternatives à celles que sont en train de
21:12 construire les Chinois avec une prééminence et une avance, la route de la Soie.
21:17 Et donc évidemment, et aussi à la route Nord-Sud qui va de la Russie vers le Golfe
21:21 à travers l'Iran.
21:22 Donc pour l'Iran, ce projet est aussi une menace.
21:26 Donc vous avez une espèce de coalition d'intérêts et en faisant se déclencher cette guerre,
21:33 l'accord entre Israël et l'Arabie saoudite devient très difficile pour les temps à
21:36 venir et par ricochet, cet intérêt de l'Occident global de construire des routes d'approvisionnement
21:41 alternatives de l'Asie vers l'Europe est aussi mis au réfrigérateur.
21:46 On voit que les enjeux sont majeurs.
21:47 Est-ce que cela va obliger les États-Unis à se repositionner véritablement et à être
21:53 détournés de leur objectif principal, c'est-à-dire la zone Asie-Pacifique, pour revenir sur le
21:58 terrain du Moyen-Orient ?
22:00 Il y avait chez les démocrates et les républicains, déjà de l'époque d'Hillary Clinton et
22:06 de l'équipe Bush, ce pivot effectivement vers l'Asie.
22:09 On parlait presque avec mépris du vieux monde qui était l'Europe et le Moyen-Orient.
22:14 Et la guerre en Ukraine, l'invasion de l'Ukraine a obligé les États-Unis à se recentrer un
22:18 peu sur l'Europe et maintenant c'est vers le Moyen-Orient.
22:20 À qui cela profite-t-il ?
22:21 Le problème pour les États-Unis, c'est les stocks de munitions.
22:25 Ils ont promis et ils envoient déjà des munitions à Israël.
22:28 S'il y a un conflit avec le Hezbollah, plus de munitions encore vont être utilisées.
22:33 Ces munitions ne pourront pas aller vers l'Ukraine pour essayer de contenir les gains de la Russie
22:38 et dissuader à l'avenir le maître du Kremlin de rééditer des aventures militaires ailleurs.
22:43 Et puis ces munitions ne seront également pas disponibles s'il fallait aider des alliés
22:47 dans une autre crise.
22:48 En Extrême-Orient par exemple, pensez à la Corée du Nord, à Taïwan, etc., en mer
22:52 de Chine.
22:53 Donc on est véritablement dans un jeu local qui s'insère dans un grand duel global qui
23:00 domine cette partie du 21e siècle.
23:02 Et en attendant, est-ce que la Chine pourrait en profiter ? On pense bien évidemment à Taïwan.
23:07 Alors ça, il faudra demander à des spécialistes, à des sinologues.
23:11 Mais la Chine a des problèmes à régler.
23:15 Elle attend probablement le résultat des élections l'année prochaine, qui décidera
23:21 c'est sûr que c'est un but avoué du régime de reprendre le contrôle de Taïwan.
23:25 Ils ont dit qu'ils avaient une préférence pour le faire.
23:27 Ça a été réitéré lors des congrès du Parti communiste chinois en novembre dernier
23:31 et en mars.
23:32 Ils ont réitéré qu'ils avaient une préférence pour que ça se fasse de manière pacifique,
23:36 mais ils n'écartaient pas l'option militaire.
23:38 Pour l'instant, peut-être pas.
23:40 Il faut vraiment demander à des spécialistes la question, pour autant qu'ils aient des
23:43 réponses.
23:44 Mais ce qui est sûr, c'est que le niveau de munitions qui baisse de plus en plus en
23:49 Occident pour contenir d'autres crises va poser un problème dans les années à venir,
23:53 à moins d'augmenter massivement les lignes de production.
23:55 Mais on sait, les États-Unis, capables de ce genre de prouesses, on l'a vu pendant
23:58 la Seconde Guerre mondiale.
23:59 Pascal Decroza, merci infiniment.
24:01 Merci.
24:02 Les rédactions de la radio-télévision suisse et de TV5Monde sont bien évidemment mobilisées
24:09 pour rendre compte, dans nos différentes éditions, des derniers développements de
24:13 cette guerre qui oppose le Hamas à Israël.
24:16 Vous retrouverez Géopolitis la semaine prochaine sur notre chaîne YouTube, sur TV5Monde et
24:21 sur la RTS, mais exceptionnellement RTS2 à 12h30 en raison des élections fédérales.
24:25 Merci d'avoir été avec nous.
24:26 Bien à vous et à bientôt.
24:27 [Musique]
24:44 Sous-titrage Société Radio-Canada
24:46 Merci.