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Invité de la 23e édition du Forum des entrepreneurs organisé par l’UPE13, le président du Médef revient sur les grands sujets économiques du moment.

Les tensions géopolitiques et le défis énergétique notamment sont des facteurs d'incertitude pour les entreprises. Face à cela, les pouvoirs publics pourraient amener de la stabilité.

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00:00 [Musique]
00:07 Nous sommes donc avec Patrick Martin, le président du Medef.
00:11 Bonjour Patrick.
00:13 On va discuter ensemble évidemment des préoccupations des entreprises qui sont ici rassemblées,
00:20 préoccupations régionales, locales, nationales et internationales.
00:25 Il faut quand même commencer avec ça.
00:27 Comment est-ce que le président du Medef à son niveau, au niveau des entreprises,
00:31 regarde cette tension internationale, ce qui est en train de se jouer en ce moment ?
00:35 Bonjour Stéphane, bonjour à toutes et à tous.
00:38 Ces menaces qui s'accumulent et qui s'accroissent de jour en jour avec encore de grandes incertitudes,
00:43 je pense que le président Sarkozy nous éclaira tout à l'heure,
00:46 des grandes incertitudes quant au développement de cette situation sont évidemment pour nos entreprises
00:51 un facteur de préoccupation objectivement et je dirais subjectivement sur les décisions des entrepreneurs
00:57 en matière d'investissement, en matière d'embauche, en matière de projet d'une manière générale.
01:01 Donc dans cette période, il nous faut être particulièrement affûté, beaucoup échanger entre nous
01:05 et le Medef sert à ça aussi pour essayer de discerner les opportunités parce qu'il en existe aussi.
01:11 Il y a une inquiétude diffuse quand même, c'est-à-dire que c'est quelque chose d'absolument insaisissable
01:15 pour nos chefs d'entreprise.
01:17 On a l'habitude d'essayer de contrôler les choses, c'est quand même ça d'abord.
01:21 On a un patron et là on est dans un ensemble diffus.
01:24 On a vu ce qui s'est passé avec le marché de l'électricité par exemple et le prix de l'électricité,
01:28 conséquence de l'attaque russe sur l'Ukraine.
01:33 Comment est-ce qu'on peut essayer de se préparer, de se protéger ?
01:37 Vous dites discuter, échanger, c'est pas mal, s'informer peut-être en permanence, non ?
01:42 S'informer et puis parce que nous ne sommes pas des spectateurs et des commentateurs,
01:47 rien de péjoratif dans mon propos, nous sommes des acteurs.
01:50 Et donc il est essentiel pour nous de nous projeter.
01:53 Et on sait qu'on a devant nous d'immenses défis, le défi de l'énergie,
01:56 et je dois saluer ce qui a été conclu hier à Bruxelles et auquel le MEDEF a beaucoup contribué,
02:00 d'ailleurs en dialogue avec ses homologues allemands, italiens et espagnols en particulier.
02:05 On sait qu'on est engagé dans une période de grande mutation,
02:08 avec des risques supplémentaires en matière d'investissement, de rentabilité des investissements,
02:12 et les options y compris technologiques, notamment technologiques,
02:15 mais également sociales et sociétales qu'on doit prendre aujourd'hui,
02:18 nous engagent pour une durée très longue.
02:20 Donc c'est une raison supplémentaire pour que les pouvoirs publics,
02:23 dans leur champ, nous amènent de la stabilité, de la lisibilité et de la prévisibilité.
02:28 Il y a dans notre pays, dans notre continent, une instabilité réglementaire
02:32 qui à elle seule est extrêmement perturbante.
02:35 Je veux par exemple citer les 850 réglementations qui au cours des cinq dernières années
02:39 ont été édictées par l'Union européenne et qui impactent de manière extrêmement précise,
02:44 extrêmement opérationnelle nos business models.
02:47 Je prends un seul exemple, par exemple dans la chimie,
02:49 il y a des discussions en cours à Bruxelles sur ce qu'on appelle les PIFAS, les substances,
02:53 avec des incohérences, des inconnues, des aléas.
02:56 Par exemple on veut interdire des substances que d'autres législations imposent.
03:00 Et donc pour les acteurs de la chimie, mais par ailleurs pour tous les clients de la chimie,
03:04 c'est-à-dire à peu près tous les secteurs, c'est un grand facteur d'incertitude, d'inquiétude.
03:08 Voilà, de la stabilité, de la prévisibilité et de l'échange avec les acteurs économiques,
03:13 les entreprises au premier chef, pour que nous élaborions des solutions
03:16 qui nous permettent d'engager l'avenir.
03:19 Vous parliez de l'ensemble européen, mais je veux votre sentiment là-dessus.
03:23 On parle d'une sorte de recomposition du monde,
03:27 recomposition des chaînes de valeur, ça les chefs d'entreprise le connaissent,
03:31 retour des frontières, et des frontières de plus en plus infranchissables d'ailleurs,
03:38 enfin de vraies frontières.
03:40 On va aller vers des élections européennes là.
03:43 Notre ensemble, qu'on le veuille ou non, c'est l'ensemble européen, non Patrick Martin ?
03:48 C'est-à-dire, on ne peut pas faire autrement que de se serrer les coudes entre nous là ?
03:53 Alors, nous sommes au Medef, je suis personnellement, et en S-qualité je dirais,
03:57 profondément pro-européen, mais d'une Europe moins naïve, moins idéaliste.
04:02 Elle en prend le chemin là en ce moment ?
04:04 Alors, il y a une petite inflexion que...
04:06 Mais vous parliez de l'accord sur le marché de l'électricité.
04:08 Absolument, de la même manière sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.
04:12 L'idée était bonne, on se rend compte que la mise en œuvre est extrêmement complexe,
04:15 avec des effets pervers pour la sidérurgie, pour l'aluminium en particulier,
04:19 qui peuvent aboutir à un résultat à l'opposé de l'objectif,
04:22 c'est-à-dire désindustrialiser l'Europe.
04:24 Et puis on est télescopé par une intensification incroyablement violente de la concurrence internationale.
04:30 On parle beaucoup de la Chine, et c'est normal, notamment à travers des menaces protectionnistes,
04:34 mais on ne parle pas suffisamment des Etats-Unis.
04:36 Aux Etats-Unis, vous avez la conjonction de l'Inflation Reduction Act,
04:40 qui subventionne massivement les investissements industriels,
04:44 et qui attire d'ailleurs des investissements d'autres continents vers le territoire américain,
04:48 et d'un prix de l'énergie qui, à ce jour, est de deux à trois fois inférieur à ce qu'on a encore en Europe.
04:54 Et donc il faut que nos entreprises et notre continent, avant toute chose,
04:57 intègrent ce panorama international, de sorte qu'en poursuivant des objectifs,
05:02 notamment de décarbonation très ambitieux, nous ne soyons pas les ravis de la crèche.
05:07 On l'a vu dans la table ronde précédente, je dois avouer que le témoignage de la patronne en France de TotalEnergie
05:14 sur les freins aujourd'hui, et on regarde les choses en face,
05:18 des freins qui sont souvent ceux des collectivités locales,
05:21 pour permettre à TotalEnergie de faire avancer ses projets de décarbonation,
05:26 on est là sur quelque chose de concret, et une nécessité peut-être de changer de braquet sur l'ensemble de ces sujets.
05:32 Oui, alors de nouveau, je pense qu'il y a une lueur d'espoir,
05:34 parce qu'il y a une prise de conscience en France par exemple avec la loi énergie verte,
05:37 ou la loi sur les énergies renouvelables, ou sur le nucléaire,
05:40 il y a une prise de conscience que ces pesanteurs administratifs,
05:43 qui créent bien sûr de l'inertie, mais génèrent des coûts qu'on estime à 80 milliards,
05:47 des surcoûts qu'on estime à 80 milliards d'euros par an,
05:50 et qui immanquablement pèsent sur notre compétitivité, notre agilité, notre mobilité,
05:54 et notre capacité à nous positionner pour saisir les opportunités.
05:58 Donc il faut que nous soyons très pressants là-dessus.
06:00 S'agissant de l'Europe, je voudrais simplement signaler une chose,
06:03 ça fait partie des priorités de mon mandat,
06:06 et c'est dans cet esprit que nous venons de recruter,
06:09 que je viens de recruter au Medef une nouvelle directrice générale,
06:12 qui n'est rien de moins que la conseillère Europe du Président de la République,
06:15 Garance Pinot, qui est une hyper experte de ces sujets-là,
06:18 et qui a une approche très volontariste, et sans aucune naïveté de tous ses enjeux.
06:22 Mais il faudrait qu'on retrouve un peu d'enthousiasme.
06:24 C'est ça le problème, retrouver un peu d'enthousiasme sur l'Europe.
06:27 Mais, Patrick, il faut avancer.
06:28 Dégradation de la conjoncture.
06:30 On a des chiffres, je pense que vous les attendiez,
06:33 sur, à nouveau, faillite d'entreprise.
06:35 On retrouve un rythme qui est finalement un rythme normal.
06:38 Je vais vous raconter, mais c'est peut-être aussi ce que vous,
06:42 vous ressentez quand vous discutez avec des patrons,
06:44 ce que vous faites tous les jours, ce que je fais tous les jours.
06:47 Quand même un léger sentiment de désarroi.
06:49 Et, pour les plus jeunes d'entre eux, l'idée que,
06:54 "Mais mon Dieu, que se passe-t-il ? L'État ne va rien faire."
06:57 Qu'est-ce que vous leur répondez ?
06:59 "Non, l'État ne va rien faire. L'État a lâché ses PGE, c'est fini.
07:02 Il n'y en aura pas d'autres. Il n'y en aura pas d'autres, on est d'accord.
07:05 Et il va falloir affronter la crise, qui vient peut-être,
07:08 avec ses armes propres."
07:11 Je crois qu'il appartient à chacun, aux entrepreneurs y compris,
07:14 de gérer ses contradictions et d'être cohérent.
07:16 Il est vrai qu'y compris dans nos rangs,
07:18 certains qui dénoncent l'envahissement par la sphère publique du champ privé
07:22 ne sont pas les derniers à tendre la main à l'État quand il le faut.
07:25 Dans des situations critiques comme celles qu'on a connues avec la Covid,
07:28 c'était nécessaire. L'État a parfaitement joué son rôle de réassureur de dernier rang.
07:34 Mais on est rentré dans une période, et moi je me bats pour ça,
07:37 où il faut que la sphère privée reprenne de la part de marché.
07:40 C'est exactement l'esprit de l'accord que nous avons signé,
07:43 que l'OMEDEF a signé sur les retraites complémentaires.
07:46 Il y avait des enjeux financiers, mais il y avait également un enjeu politique,
07:49 un enjeu de principe.
07:51 Il nous appartient, nous entrepreneurs, parce que nous sommes les principaux acteurs
07:54 de la réussite économique, mais également sociale,
07:57 il nous appartient, dans une relation de confiance avec les organisations syndicales,
08:01 avec les pouvoirs publics, l'État au premier chef, mais les collectivités locales aussi,
08:05 il nous appartient d'être plus et mieux entendus.
08:08 Et de ne pas laisser le débat public envahi par des théories
08:13 que nous ne partageons pas sur la décroissance, sur une espèce de fatalisme et de résignation.
08:18 Nous avons les solutions, faisons-le valoir.
08:20 – C'était le slogan de votre campagne.
08:23 Et pour le coup, un élément sur lequel vous étiez très pertinent,
08:29 c'est-à-dire que vous dites, le terme de croissance ne fait plus l'unanimité
08:34 aujourd'hui dans notre pays.
08:36 – Oui, alors il faut respecter tous les avis, il faut se méfier des activistes
08:40 que j'ai parfois tendance à qualifier d'obscurantistes.
08:43 Il y a cette idée qui prospère dorénavant, singulièrement chez les jeunes diplômés,
08:48 avec qui il faut parler, qu'il faut entendre,
08:50 qu'effectivement la seule issue serait la décroissance.
08:52 Et moi je revendique, j'assume la théorie de la croissance.
08:56 La croissance bien sûr décarbonée et responsable.
08:59 Sans croissance, on ne pourra pas financer les 40 milliards d'euros
09:02 d'investissement supplémentaires auxquels sont tenus nos entreprises
09:05 pour décarboner, pour tenir la trajectoire de décarbonation.
09:08 On ne saura pas financer l'innovation.
09:10 Et Dieu sait si notre pays est d'une richesse incroyable en matière d'innovation.
09:14 On ne saura pas équilibrer nos régimes sociaux,
09:16 qui singulièrement en France sont fondés sur la répartition.
09:20 Et on ne saura pas générer de l'emploi, préserver l'emploi
09:23 et générer du pouvoir d'achat.
09:25 Le vrai sujet, c'est le déclin progressif de la France
09:31 en termes de richesse par habitant.
09:33 On a perdu 20 points de ce point de vue en 20 ans par rapport à l'Allemagne.
09:36 La France, 7e puissance économique mondiale,
09:39 n'est dorénavant qu'au 25e rang en termes de richesse par habitant.
09:43 Il faut générer de la richesse, il faut donc de la croissance.
09:46 Ce sera la solution.
09:47 Et la croissance n'est pas l'ennemi du climat.
09:49 C'est ce dont je veux parler avec les syndicats, avec les pouvoirs publics.
09:52 Je le redis, dans une relation de confiance, il faut arrêter de gérer la pénurie,
09:56 de se refiler la patate chaude, de se crêper le chignon,
09:59 on peut dire ça comme on veut.
10:01 C'est exactement ce qu'on vit actuellement, c'est très mal ça.
10:03 On va retourner sur les rapports dans un instant avec les partenaires sociaux.
10:05 Mais on sort du budget, le 1er 49.3 sur le budget.
10:08 Il vous satisfait ce budget ?
10:10 C'est-à-dire que, question un petit peu provoquante,
10:12 mais l'État s'est dit "bon, les temps sont durs,
10:15 on doit absolument...", grosse pression sur la dette,
10:18 taux d'intérêt, etc. "on doit absolument tenir les coups,
10:21 on va aller chercher, combien peut-être, sur le de nos entreprises,
10:24 quelques centaines de millions, peut-être un milliard supplémentaire".
10:27 Mais vous dites "c'est à nous de rendre un petit peu ce que l'État nous a donné"
10:31 ou vous êtes un peu plus virulent sur ce budget ?
10:34 Virulent, ce n'est pas le terme, mais très déterminé.
10:37 Et nous avons les idées claires.
10:39 On reste quand même, malgré de grosses avancées,
10:41 on reste le pays au monde où les entreprises,
10:43 et à vrai dire tous les agents économiques,
10:45 supportent le plus haut niveau de prélèvements obligatoires.
10:47 Quand on voit dans le cadre de ce débat
10:50 sur les retraites complémentaires, la GIR Carco,
10:53 on parle d'un milliard, ce n'est pas rien,
10:55 mais c'est un 3 millième de la dette publique française.
10:57 C'est 0,1% des dépenses publiques françaises.
11:00 Dans nos entreprises, quand on doit faire un ajustement sur un 3 millième,
11:03 c'est fait dans l'heure qui suit.
11:05 Mais Patrick, on n'est pas dans une entreprise,
11:07 on est avec l'État français, ce sera à chaque fois un 3 millième.
11:10 Discutons de ça, c'est intéressant.
11:12 Non, mais je trouve que c'est un très bon symbole.
11:14 On est effectivement sur des retraites complémentaires
11:18 qui dégagent des excédents qui sont des excédents confortables.
11:20 On a une réforme des retraites qui est compliquée à financer,
11:23 que vous avez soutenue, et qui va tout à fait dans le sens
11:26 que vous avez décrit, c'est-à-dire augmenter
11:28 la quantité de travail dans notre pays,
11:30 c'est la clé de tout là-dessus, nous sommes d'accord.
11:32 Que la GIR Carco participe par ses excédents
11:36 au financement de cette mission et de la réforme des retraites,
11:40 je trouve ça légitime, Patrick.
11:42 Je suis désolé de vous le dire comme ça.
11:44 Non, je le redis, il y a déjà un sujet de principe.
11:46 Les acteurs privés, les salariés, les entreprises
11:48 qui gèrent remarquablement bien ce régime de retraites complémentaires,
11:52 qui ont pris des décisions courageuses
11:54 quand il fallait équilibrer ces retraites complémentaires,
11:57 n'ont pas à transférer par milliards
12:00 le fruit de leur travail vers un régime général géré par l'État
12:04 qui lui est chroniquement déficitaire.
12:06 C'est un peu facile à un moment donné,
12:08 finalement, de pénaliser les vertueux.
12:10 Donc moi, je suis très droite dans mes bottes,
12:14 ça a pu porter malchance à certains qui ont employé cette expression,
12:16 mais je l'assume.
12:18 Il faut que chacun reste à sa place.
12:20 Il faut responsabiliser les acteurs.
12:22 Parce qu'à un moment donné, et c'est vrai,
12:24 j'en parlais avec Martine Vassal à l'instant,
12:26 c'est vrai qu'il y a en permanence cette tentation dans ce pays
12:29 d'instaurer une taxe pour régler un problème de financement.
12:31 Mais là, ce n'est pas une taxe, on va justement chercher des excédents, Patrick.
12:35 Et encore une fois, si vous êtes acteur privé sur la GIR Carco,
12:39 mais c'est avec des cotisations obligatoires.
12:41 Donc on est quand même très borderline sur le public et le privé dans cette histoire.
12:45 Non, absolument pas, parce qu'il en va de même pour l'assurance chômage.
12:47 Ce sont quand même bien les entreprises privées
12:49 qui ont créé 2 millions d'emplois ces 6 dernières années.
12:52 On est d'accord.
12:53 Qui revalorisent les salaires, d'ailleurs, en moyenne du secteur privé,
12:56 en effaçant l'effet de l'inflation.
12:58 Ce sont quand même bien les entreprises
13:00 qui ont contribué à ce que ces régimes soient équilibrés,
13:03 dégagent dorénavant des excédents,
13:05 de sorte qu'à un moment donné...
13:06 C'est l'Etat qui a permis d'abonder pour avoir une dette considérable, Patrick,
13:09 sinon l'UNEDIC aurait fait faillite.
13:10 Ne nous livrons pas à cette querelle en paternité, je dirais.
13:13 Oui, l'Etat a garanti la dette de l'UNEDIC.
13:16 Moi, mon projet, c'est que l'UNEDIC revienne au pari tarif
13:19 et s'émancipe, le jour venu, ayant résorbé sa dette,
13:22 s'émancipe de la garantie de l'Etat.
13:24 Comme ça, chacun sera en responsabilité,
13:26 y compris les organisations syndicales,
13:28 qui y sont prêtes, pour certaines d'entre elles.
13:30 Il faut sortir de cette confusion généralisée
13:33 où on ne sait plus qui paye quoi,
13:34 et où, à la fin, on a une seule certitude,
13:36 c'est que les prélèvements obligatoires augmentent.
13:38 Typiquement, quand on nous dit "la CVAE baisse,
13:41 c'est une bonne raison pour augmenter le versement mobilité",
13:44 c'est absurde.
13:45 Si la CVAE baisse, et elle ne baisse pas assez vite,
13:47 à mon goût, je me suis exprimé sur ce point,
13:49 c'est pour gagner en compétitivité,
13:51 c'est pour dégager les marges de manœuvre dans nos entreprises,
13:53 pour revaloriser les salaires,
13:55 former nos salariés,
13:56 et nous préparer à l'économie d'aujourd'hui et de demain.
13:59 Mais je voudrais juste revenir sur ce 3 millième, c'est ça ?
14:02 C'est un 3 millième de la dette.
14:05 Le propos, c'est qu'on rentre dans une période quand même
14:08 challenging pour nos finances publiques.
14:11 Chacun va devoir faire un effort, Patrick.
14:14 On ne peut plus demander à l'État d'apporter des solutions
14:17 qu'il n'a plus les moyens de payer.
14:20 Je pense notamment à l'ensemble des professionnels de l'immobilier
14:22 ou de la construction,
14:23 qui sont peut-être aujourd'hui avec nous dans ce stade.
14:26 L'effort commun partagé.
14:29 L'effort commun partagé, il est déjà surpartagé,
14:32 si j'ose dire, par les entreprises.
14:34 Je cite juste un chiffre.
14:35 Par rapport à la moyenne européenne,
14:37 en proportion du PIB,
14:38 les entreprises françaises payent 2% de plus.
14:41 Alors on dit 2%, c'est peu de choses.
14:43 C'est 60 milliards d'euros de prélèvements obligatoires,
14:46 de charges sociales,
14:48 que les entreprises françaises payent de plus
14:50 que leurs concurrentes immédiates,
14:52 leurs concurrentes européennes.
14:53 Alors quand on vient nous dire
14:55 qu'il faut participer à l'effort de guerre,
14:57 qu'il faut payer plus encore,
14:58 on ne peut pas dans le même temps nous dire
15:00 "Vous devez dégager 40 milliards d'euros supplémentaires
15:02 pour payer la décarbonation,
15:04 vous devez augmenter les salaires".
15:06 Enfin, à la fin des fins,
15:08 l'argent magique n'existe pas.
15:10 Donc il est évident de mon point de vue
15:12 que la sphère publique, d'une manière générale,
15:14 doit faire un effort de rationalisation.
15:16 C'est l'éléphant au milieu de la pièce.
15:18 Eh bien écoutez, à toute chose, malheur est en bon.
15:20 On est dans une situation tellement critique
15:22 dorénavant en termes de finances publiques
15:24 que l'examen de conscience, pardon,
15:26 pas de confiance, doit être livré.
15:28 L'examen de confiance, c'est pas mal aussi.
15:31 C'est pas mal.
15:32 Rapport au travail,
15:34 pour la dernière partie de cet entretien.
15:37 Est-ce que vous avez le sentiment
15:39 que le rapport au travail
15:41 est en train de changer dans notre pays ?
15:43 C'est une banalité de le dire aujourd'hui,
15:46 je m'en excuse,
15:47 mais on a quand même un peu de mal
15:49 à se remettre de l'oisiveté du Covid.
15:51 Alors oui et non.
15:52 Là aussi, je méfie des théories de circonstances.
15:57 On nous a parlé de grande démission,
15:59 on nous a parlé du jour d'après.
16:01 Le taux d'emploi n'a jamais été aussi élevé en France.
16:03 En revanche, on voit que l'attitude des salariés
16:06 au regard du travail se dégrade d'une certaine manière.
16:09 Je rappelle qu'il y a 40 ans,
16:11 pour 60% des salariés,
16:13 le travail était quelque chose d'essentiel.
16:15 Ça n'est plus que pour 21%.
16:17 Ça nous interroge, ça nous oblige à remettre en cause
16:19 un certain nombre d'organisations,
16:21 d'organisations de management,
16:22 en étant beaucoup plus dans la relation de confiance,
16:24 en étant beaucoup plus dans la personnalisation
16:26 de la relation sociale,
16:28 en arrêtant d'appliquer des schémas très stéréotypés,
16:30 anonymisants et génériques à nos organisations.
16:33 Je parle des entreprises.
16:34 Donc oui, c'est une réinvention profonde.
16:36 Est-ce que pour autant,
16:38 les jeunes en particulier ne veulent plus travailler ?
16:40 Je n'y crois pas un instant.
16:42 Mais il faut leur redonner du sens,
16:44 il faut leur redonner de la liberté
16:46 et on voit ici et là
16:48 qu'il y a des choses magnifiques qui se passent.
16:50 Nous ne savons pas que la France,
16:52 toute proportion gardée, est le pays au monde
16:54 où il y a le plus de créations d'entreprises.
16:56 Il y a des micro-entrepreneurs, mais pas que.
16:58 C'est quand même un signe fort.
17:00 Nos concitoyens veulent s'assumer
17:02 et savent très bien que leur destin leur appartient.
17:04 Après, il y a une frange très vocale,
17:06 mais très minoritaire,
17:08 qui considère encore que le travail est une alienation.
17:10 Il faut y prendre garde.
17:12 Donc je le redis, ça suppose que nous réinventions
17:14 un certain nombre de modes de fonctionnement
17:16 et que nous marquions de la considération pour nos salariés.
17:18 C'est important ce que dit le patron du Medef.
17:20 Le patron du Medef,
17:22 il appelle l'ensemble des chefs d'entreprise de France
17:24 à une révolution managériale.
17:26 Oui, une révolution managériale.
17:28 Ça ne règle pas un autre sujet
17:30 dont on parlera peut-être
17:32 si nous en avons le temps,
17:34 qui est celui de la formation.
17:36 Restons sur cette révolution managériale,
17:38 on va sur la formation juste après.
17:40 Je le dis, je le revendique.
17:42 Il faut que nous nous réinventions.
17:44 Je m'exprime là autant en tant que chef d'entreprise
17:46 avec 3000 salariés qu'en tant que président du Medef.
17:48 Oui, il y a eu une forme de dérive
17:50 avec des process beaucoup trop stéréotypés,
17:52 je le redis,
17:54 anonymisants et déresponsabilisants.
17:56 Donc il nous faut un dialogue social de proximité,
17:58 il nous faut une relation humaine de proximité.
18:00 C'est extrêmement compliqué.
18:02 Au fur et à mesure que les entreprises grandissent
18:04 et se répartissent géographiquement
18:06 à travers la France, l'Europe et le monde,
18:08 c'est très difficile d'avoir cette relation
18:10 quasiment intuitive, personnelle.
18:12 Mais c'est un point de passage obligé.
18:14 Et on doit donc réinventer sans arrêt
18:16 la relation avec les jeunes,
18:18 mais pas que avec les jeunes.
18:20 Et c'est le cœur des difficultés de recrutement aujourd'hui ?
18:22 Non, le cœur des difficultés de recrutement,
18:24 j'y viens donc, c'est la formation.
18:26 C'est la formation initiale, l'occasion pour moi de dire
18:28 que nous serons très en soutien
18:30 de la réforme des lycées professionnels
18:32 qui est un échec collectif terrible.
18:34 Nous avons remporté une grande victoire collective
18:36 avec l'alternance, l'apprentissage.
18:38 Consacrons-nous maintenant d'abord
18:40 à l'accueil des jeunes en stage.
18:42 C'est-à-dire, nous, entrepreneurs,
18:44 que l'image de l'entreprise est dégradée
18:46 et ne pas faire cet effort.
18:48 C'est un effort d'accueillir les stagiaires
18:50 de 3e, de main de seconde, pour leur faire découvrir
18:52 l'entreprise et les aider.
18:54 C'est compliqué, Patrick, tu le sais mieux que nous,
18:56 mais c'est compliqué d'organiser dans une petite boîte.
18:58 Je suis patron de petite boîte, moi, maintenant.
19:00 C'est compliqué.
19:02 Dans ma boîte, ma DRH me dit qu'ils se tiennent mal,
19:04 qu'ils sont en retard, etc.
19:06 Je lui dis oui, mais on ne peut pas à un moment donné
19:08 dire que les jeunes ne s'intéressent pas à l'entreprise
19:10 et puis sur les lycées professionnels,
19:12 on va avoir un engagement considérable
19:14 au stade de l'orientation,
19:16 au stade de l'accueil des stagiaires des lycées professionnels
19:18 et puis le jour venu.
19:20 Parce qu'ils auront été orientés vers des voies
19:22 qui assurent un débouché professionnel,
19:24 tout simplement pour les embaucher.
19:26 On a 650 000 jeunes en lycées professionnels
19:28 qui pour 60% d'entre eux,
19:30 un an après l'obtention de leur diplôme,
19:32 ne sont pas à l'emploi.
19:34 C'est un gâchis humain pour commencer.
19:36 En plus, c'est très typé, socialement.
19:38 Ce sont des familles modestes
19:40 pour la plupart d'entre elles.
19:42 Au même moment où on a encore des difficultés
19:44 de recrutement et on en aura encore plus demain
19:46 du fait de la démographie,
19:48 c'est un impératif pour nos entreprises économiques,
19:50 sociales, mais je dirais sociétales.
19:52 Avec un enjeu qui nous ramènera d'ailleurs
19:54 par la marge, mais on en est toujours là,
19:56 on est en France aux finances publiques,
19:58 enjeu pour les entreprises, oui, tu l'as dit,
20:00 succès extraordinaire sur l'apprentissage,
20:02 mais baisse aujourd'hui
20:04 des subventions et de l'ensemble
20:06 qui pouvaient pousser les entreprises financièrement
20:08 à prendre les apprentis.
20:10 Il faut maintenir le rythme, mais là maintenant,
20:12 les entreprises seront face à leurs responsabilités.
20:14 Oui, la baisse des subventions qui a aidé,
20:16 il ne faut pas se le cacher,
20:18 à l'explosion de l'apprentissage alors que depuis
20:20 des décennies on tournait en rond sur ce sujet.
20:22 Il y aura peut-être une légère diminution,
20:24 légère, pour commencer,
20:26 des subventions, notamment
20:28 pour les formations supérieures.
20:30 Il y a en toute chose des effets d'Aubaine,
20:32 peut-être faut-il les corriger.
20:34 C'est important d'or et d'avant parce que ça n'a pas suffisamment décollé.
20:36 C'est sur les formations infrabas
20:38 qui intéresse l'industrie,
20:40 qui intéresse le bâtiment, qui intéresse les métiers de service.
20:42 Donc il peut y avoir un rééquilibrage
20:44 de ce point de vue, mais il faut malgré tout maintenir
20:46 des subventions parce que c'est aussi un investissement
20:48 pour l'entreprise que d'accueillir un jeune et de le former.
20:50 Mais je crois qu'on va trouver un équilibre
20:52 en bonne intelligence avec les pouvoirs publics.
20:54 Juste une courte question, je ne veux surtout pas
20:56 vous mettre en porte à faux, mais je suis
20:58 étonné
21:00 du silence de l'ensemble des organisations patronales,
21:02 MEDEF, UPA,
21:04 CPME, sur cette
21:06 question de la régularisation aujourd'hui
21:08 des sans-papiers qui sont
21:10 sur les chantiers, dans les cuisines,
21:12 à nettoyer
21:14 les hôpitaux, parfois
21:16 même les hôpitaux publics,
21:18 dans les cages d'escalier.
21:20 Le sujet est tabou, pourquoi est-ce que
21:22 cet article déchire l'Assemblée, le fameux
21:24 article 3, là ?
21:26 Vous ne vous exprimez pas
21:28 et j'en suis surpris.
21:30 C'est un peu excessif. Le débat
21:32 nous dépasse, ce n'est pas aux organisations
21:34 professionnelles de décider en lieu
21:36 et place de la représentation publique
21:38 politique de grands arbitrages
21:40 s'agissant de l'immigration. Nous, notre sujet,
21:42 il est sur l'emploi. Commençons par le
21:44 commencement, il y a 355 000
21:46 emplois qui ne sont pas pourvus aujourd'hui
21:48 dans nos entreprises. Je parlais
21:50 des lycées professionnels, il va y avoir à accueillir
21:52 des personnes très éloignées de l'emploi
21:54 et notamment à tributaires du RSA.
21:56 On a déjà, avec la population
21:58 présente en France, une marge de manœuvre importante
22:00 pour pourvoir à un certain niveau de
22:02 qualification les postes vacants.
22:04 Ensuite, ayons en tête que
22:06 l'immigration économique, c'est
22:08 10% de l'immigration globale. C'est de l'ordre
22:10 de 30 000 cas versus
22:12 plus de 300 000. Ça relativise,
22:14 je dirais, le rôle et la légitimité
22:16 qu'ont les entreprises à s'exprimer sur ce sujet.
22:18 Je conclue en disant
22:20 oui, à un moment donné,
22:22 il faudra commencer par bien appliquer
22:24 ce qu'on appelle la circulaire valse, qui laisse
22:26 déjà beaucoup de latitude au préfet
22:28 pour homologuer, en quelque sorte, des contrats
22:30 de travail concernant des immigrés.
22:32 Ce n'est pas le cas aujourd'hui. D'un département
22:34 à l'autre, il y a une application de cette
22:36 directive qui est très disparate.
22:38 Ça laisse là aussi une marge de manœuvre.
22:40 Et enfin, il y a un certain nombre de qualifications.
22:42 C'est vrai dans le public, c'est vrai dans le
22:44 privé. Je pense à l'hôpital, privé ou
22:46 public, où on va devoir, où on a
22:48 d'ores et déjà besoin de faire appel
22:50 à une manœuvre immigrée.
22:52 Faisons-le, comme bien d'autres pays ont réussi
22:54 à le faire, faisons-le d'une manière rationnelle,
22:56 objective, la plus sereine possible,
22:58 en définissant le jour venu
23:00 avec l'implication des entreprises,
23:02 des quotas, en définitive,
23:04 par qualification, qui permettront
23:06 de pourvoir ces emplois. Je finis en disant,
23:08 parce que j'ai déjà évoqué la démographie,
23:10 que de toute façon, ce sujet ne fera que
23:12 s'accentuer. On doit tous avoir en tête
23:14 que là où on a déjà des difficultés de recrutement,
23:16 à partir de 2035,
23:18 la population active française
23:20 va baisser. Et donc,
23:22 on peut automatiser, on peut mécaniser,
23:24 on peut compter sur l'intelligence artificielle
23:26 pour gagner en productivité, mais un certain
23:28 nombre de métiers où, de toute façon, on aura besoin
23:30 de manœuvres. Il faut impérativement
23:32 dépassionner ce débat. Mais ça n'est pas
23:34 au MEDEF d'aller prendre des coups de la part
23:36 de la France Insoumise ou du Rassemblement National
23:38 au motif qu'il exprimerait
23:40 une position de principe, une position
23:42 politique sur l'immigration.
23:44 - Oui, mais ce que vous venez de dire là est frappé
23:46 au coin du bon sens, et vous pourriez
23:48 le répéter plus souvent. Voilà, si je peux me permettre.
23:50 - Je le ferai.
23:52 - Ça me permet exactement
23:54 de dépassionner le débat. Bon, il nous reste
23:56 une minute. On va rentrer,
23:58 on le sait tous, on se dit les choses
24:00 dans un moment un petit peu compliqué, peut-être économiquement.
24:02 Message aux patrons
24:04 qui sont là, Patrick,
24:06 et qui nous regardent à travers Bismarck
24:08 et qui sont là au stade Vélodrome.
24:10 - Moi, je partage les inquiétudes
24:12 de bon nombre de chefs d'entreprise. On n'a pas parlé
24:14 du logement. Il y a un scandale national.
24:16 Il est grand temps que les pouvoirs publics prennent conscience
24:18 que c'est un enjeu économique, mais également
24:20 un enjeu de pouvoir d'achat. - Il n'y a plus d'argent !
24:22 - Pardon ? - Il n'y a plus d'argent ! - Non, mais il faut desserrer
24:24 les réglementations. - D'accord. - C'est absurde.
24:26 - Bon, mais allez, on est au bout. - Ensuite,
24:28 on est très interrogatif quant à la politique
24:30 de la BCE. Espérons qu'on ait atteint
24:32 un plafond en termes de taux directeur
24:34 et que progressivement, ça se desserre, parce que c'est ça
24:36 en définitive qui, progressivement,
24:38 non pas étouffe, mais contraint l'économie.
24:40 Moi, je reste très optimiste
24:42 et très positif, parce qu'une énergie
24:44 entrepreneuriale, c'est flagrant,
24:46 c'est caricatural, positivement
24:48 caricatural dans ce territoire
24:50 des bouches du Rhône. Il y a beaucoup de jeunes
24:52 qui se lancent, et nos entreprises,
24:54 en fait, ont mis le frein à main
24:56 parce que tous ces nuages s'accumulent.
24:58 Ces nuages finiront par se dissiper
25:00 et n'attendons pas qu'ils se soient dissipés pour investir.
25:02 Moi, ça peut paraître provocateur,
25:04 je n'ai jamais autant investi
25:06 dans mon entreprise qu'actuellement, car je suis
25:08 sûr que c'est en ce moment
25:10 que les audacieux doivent prendre le pouvoir.
25:12 - Investir au son du canon,
25:14 dit Ladache. - Au son du canon.
25:16 Méfions-nous dans les circonstances actuelles.
25:18 - Absolument. Merci
25:20 Patrick, et c'est donc
25:22 le président Nicolas Sarkozy qui va maintenant
25:24 venir nous rejoindre.

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