« Bombes carbone », « bombes climatiques », c’est le surnom donné aux projets d’extraction de ressources fossiles dont les émissions potentielles sont estimées à plus de 1 milliard de tonnes de gaz à effet de serre. Ces bombes ont été référencées par Kjell Kühne, auteur d’une étude parue en 2022 dans la revue Energy Policy.
« Le Monde » et un collectif de médias internationaux ont eu accès en exclusivité à des données fusionnées et analysées par les ONG Data for Good et Eclaircies (dont celles de Kjell Kühne). Les résultats de ce travail sont publiés sur carbonbombs.org et révèlent l’implication des entreprises, banques et Etats dans le développement de ces bombes.
À un mois de l’ouverture de la 28e conférence des Parties sur le climat (la COP28 ), le 30 novembre, ces données permettent de montrer l’ampleur des bombes carbone en développement, et la constellation d’acteurs qui leur permet d’aller de l’avant.
« Le Monde » et un collectif de médias internationaux ont eu accès en exclusivité à des données fusionnées et analysées par les ONG Data for Good et Eclaircies (dont celles de Kjell Kühne). Les résultats de ce travail sont publiés sur carbonbombs.org et révèlent l’implication des entreprises, banques et Etats dans le développement de ces bombes.
À un mois de l’ouverture de la 28e conférence des Parties sur le climat (la COP28 ), le 30 novembre, ces données permettent de montrer l’ampleur des bombes carbone en développement, et la constellation d’acteurs qui leur permet d’aller de l’avant.
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00:00 Chacun de ces points représente une bombe.
00:04 Une bombe à retardement.
00:07 Au moins 420, réparties dans une cinquantaine de pays.
00:11 Charbon, pétrole, gaz, gaz et huile de schiste.
00:16 Des projets massifs d'extraction de combustibles fossiles déjà en
00:21 cours ou sur le point d'être lancés.
00:23 Cette étude de 2022 les a répertoriés et les a baptisés "bombe carbone".
00:29 Ou "bombe climatique".
00:31 Le Monde et un collectif de médias internationaux ont eu accès,
00:52 en exclusivité, à des données fusionnées et analysées par les
00:56 ONG Eclercy et Data for Good. Elles permettent de montrer l'ampleur
01:02 des bombes carbone en développement et le détail de la constellation
01:06 d'acteurs impliqués dans ces projets.
01:09 Alors, qui sont les responsables ?
01:13 Et à quel point la situation est grave ?
01:18 Revenons quelques années en arrière.
01:25 Paris, décembre 2015.
01:28 Les pays du monde entier se mettent d'accord pour limiter le réchauffement
01:32 climatique à 1,5 degré.
01:34 L'accord de Paris pour le climat est accepté.
01:38 Mais pour rester sous cette limite, la quantité maximum d'émissions
01:44 supplémentaires dans l'atmosphère à ne pas dépasser se situe entre
01:49 400 et 500 gigatonnes d'équivalent CO2.
01:53 Autrement dit, entre 400 et 500 milliards de tonnes de gaz à effet de serre.
01:58 C'est notre budget carbone.
02:02 Une fois atteint, l'humanité ne devra plus émettre de gaz à effet de serre
02:07 du tout.
02:08 Sauf que, sept ans plus tard, en 2022, cette étude dévoile l'ampleur
02:16 des projets de l'industrie fossile encore en cours.
02:20 Dans ce travail, Kiel-Kuner répertorie les sites d'extraction dont les
02:37 émissions à venir sont estimées à plus d'un milliard de tonnes
02:41 d'équivalent CO2.
02:42 Une partie est encore intacte, une autre est déjà en cours
02:47 d'exploitation.
02:49 Au total, 420 sites qui représentent chacun entre 1 et 28 milliards
02:55 de tonnes d'équivalent CO2.
02:57 À l'inverse, si ces sites sont entièrement exploités, ils émettront
03:19 en tout près de 1 200 milliards de tonnes d'équivalent CO2.
03:22 C'est presque trois fois plus que le budget carbone fixé par l'accord
03:28 de Paris.
03:29 La limite pour rester sous les 1,5 degré serait largement franchie,
03:34 uniquement à cause de ces 420 projets.
03:38 La question maintenant, c'est, pouvons-nous identifier qui pose
03:46 ces bombes ?
03:49 Ces données collectées et analysées par des chercheurs et des ONG
03:52 nous révèlent plusieurs choses.
03:54 D'abord, les pays qui cumulent le plus d'émissions potentielles liées
03:59 à des bombes carbone sur leur territoire.
04:01 Chine, États-Unis, Russie, Arabie saoudite, Australie.
04:07 Par exemple, en Amérique du Nord, c'est principalement
04:09 à cause des fossiles fossiles inconventionnels,
04:12 le fracking et les sables de terre au Canada.
04:15 En Asie, et en particulier en Chine, c'est tout à cause du carbone.
04:19 En Russie, c'est un mélange.
04:21 En Australie, c'est principalement un problème du carbone.
04:24 Si on s'intéresse aux entreprises, en tête de celles impliquées
04:29 dans le plus grand nombre de ces projets, la chinoise China Energy
04:33 Investment Corp, avec 41 sites, l'entreprise française Total,
04:39 avec 22 sites et 18 pour la saoudienne Saudi Aramco.
04:45 Enfin, on peut voir d'où vient l'argent qui finance ces entreprises.
04:52 Dans le top 10, quatre banques chinoises, deux américaines,
04:57 deux japonaises et aussi deux françaises,
05:00 la BNP Paribas et le Crédit Agricole.
05:04 Il n'y a aucune réglementation qui interdit certains financements
05:08 à certains types d'entreprises dans le secteur énergétique.
05:11 Lucie Pinson milite pour le désinvestissement des énergies fossiles.
05:15 Aujourd'hui, nos grandes banques, nos grandes sociétés d'investissement
05:19 ou d'assurance ont toute la liberté pour continuer de financer
05:23 des entreprises actives dans le secteur du pétrole, du gaz, du charbon.
05:30 Entreprises, pays hautes, banques, mais aussi les assurances.
05:35 C'est une constellation d'acteurs qui permet à ces projets de voir le jour.
05:40 Pour mieux comprendre, regardons un site en détail,
05:44 le plus émetteur de tous.
05:46 Le Permian de la Huerta, il regorge de pétrole et gaz de schiste,
05:55 à cheval sur le Texas et le Nouveau-Mexique.
05:59 Une centaine d'entreprises sont déjà actives sur ce site de 220 000 km².
06:04 Chevron, ConocoPhillips, EOG Resources, Occidental Petroleum et ExxonMobil
06:13 détiennent les cinq plus grosses licences
06:15 et opèrent d'ailleurs d'autres bombes carbone un peu partout dans le monde.
06:20 Pourtant, chacune de ces entreprises affirme œuvrer pour la durabilité
06:26 et un futur sans émissions carbone.
06:29 Certaines mettent volontiers en avant les technologies de capture carbone
06:33 qu'elles développent.
06:34 C'est un argument qui, bien entendu, contribue à nourrir le narratif
06:38 que ces entreprises pourraient faire partie de la solution
06:40 et qu'il est justifié de maintenir des services financiers en leur faveur.
06:47 Du côté des banques, l'argent continue effectivement d'affluer
06:54 et alimente indirectement les bombes carbone
06:57 comme celle du Permian de la Weyrtheit.
06:59 Indirectement, car dans la majorité des cas,
07:03 les banques prêtent de l'argent aux entreprises,
07:06 mais pas pour un projet spécifique.
07:08 Même si certaines banques disent s'engager à ne plus financer
07:12 de projets d'extraction d'énergie fossile,
07:14 elles continuent de financer des entreprises qui développent ces projets.
07:19 Autre acteur décisif, l'assureur.
07:23 Sans lui, ces projets ne peuvent pas aller de l'avant.
07:27 Pour les assureurs, c'est vraiment une boîte noire.
07:28 Nous avons accès à des parcelles d'informations
07:30 dans certains pays, sous certaines juridictions,
07:33 mais c'est globalement extrêmement opaque.
07:36 Face aux coûts que pourraient représenter
07:38 les conséquences du changement climatique,
07:40 plusieurs compagnies d'assurance se sont engagées
07:43 à ne plus financer les projets d'extraction fossile,
07:46 mais beaucoup d'autres continuent de le faire.
07:49 Et puis, il y a le rôle des États qui autorisent ces projets.
07:57 L'Amérique est à la courte d'un délai technologique
07:59 qui nous permettra de vivre nos vies moins dépendamment de l'huile.
08:02 Je travaillerai avec mes collègues à la G20
08:04 pour phaser les subventions fossiles
08:06 pour mieux résoudre notre défi climatique.
08:09 Je veux l'air le plus propre sur Terre.
08:12 Personne ne peut dénoncer l'impact de la crise climatique.
08:15 Regardez-y.
08:16 En parallèle de ces discours,
08:19 la ruée vers les pétroles et gaz de schiste
08:22 n'a pas diminué au cours des 15 dernières années.
08:26 Même le secrétaire des Nations unies le martèle haut et fort.
08:31 Mais face à la constellation d'acteurs
08:41 qui permet à ces projets de voir le jour,
08:43 les instances internationales avancent à petits pas.
08:47 C'est à Glasgow, en 2021,
08:50 que seule une diminution progressive du charbon
08:54 apparaît dans le texte.
08:56 À la grande déception du président de la COP26.
09:00 Au moment où nous publions cette vidéo,
09:15 l'industrie pétrolière et gazière
09:17 est donc toujours absente des traités.
09:21 Ironiquement, en 2023,
09:24 la COP28 est présidée par sultan Ahmed al-Jaber.
09:27 Il est le PDG de la principale compagnie pétrolière
09:31 des Émirats arabes unis,
09:32 qui exploite trois bombes carbones
09:36 au large de la péninsule arabique.
09:39 Sous-titrage ST' 501
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