• il y a 2 ans
L’échec de la communauté internationale est patent. Alors que Dubaï s’apprête à accueillir la 28ème Conférence des Parties sur le Climat de l’ONU (COP 28), qui se déroulera du 30 novembre au 12 décembre 2023, le compte n’y est toujours pas en matière de lutte contre le changement climatique. Les émissions liées aux combustibles fossiles continuent à augmenter dans le monde, et si l’on maintient le rythme actuel, l’humanité aura consommé la totalité de son budget carbone – la quantité maximum de gaz à effet de serre qu’il est encore permis d’émettre pour rester sous le seuil de 1,5°C de réchauffement – dans moins de dix ans.

Pour autant, le pic mondial des émissions de CO2 liées à l'énergie arriverait en 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans son dernier rapport annuel – le World Energy Outlook 2023 –, elle projette même que la demande en énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) atteindra un sommet absolu avant 2030. Une annonce pour le moins inédite, qui constitue des éléments de rupture sur trois aspects : le volet demande, la précocité et la simultanéité des trois sources d’énergie considérées.

Parmi les grands émetteurs historiques de CO2, certains ont commencé à agir. Une partie d’entre eux affiche des résultats relativement satisfaisants du strict point de vue des émissions de CO2. Mais les dynamiques économiques évoluent rapidement. Les pays dits « émergents » prennent le relais en matière de contribution au réchauffement, et tout cela crée des dissonances temporelles qui interrogent notre capacité collective à surmonter ce grand défi pour l’humanité.

Pour entreprendre une véritable transition énergétique à l’échelle mondiale, d’importants progrès sont réalisés pour transformer des sources renouvelables en vecteurs énergétiques notamment. Mais pour l’heure, on constate surtout une accumulation d'énergies, car il n’y a pas de transition sans substitution, donc sans baisse conséquente des ressources fossiles utilisées. L’impératif climatique brusque nécessairement tout un secteur économique appelé à disparaître, et les industriels se retrouvent confrontés à de véritables enjeux de mobilité professionnelle au sein de leurs organisations.

Pour prendre toute la mesure des projections de l’AIE au sujet de la demande en énergies fossiles, soulever leurs implications et esquisser les contours d’une nouvelle géopolitique de l’énergie dans un contexte de transition, nous avons interrogé Patrick Schembri, maître de conférences en sciences économiques à l’Institut de l’Energie Soutenable (Université Paris-Saclay).

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Transcription
00:00 Nous sommes dans la lutte de nos vies et nous perdons.
00:03 Les émissions liées aux combustibles fossiles continuent à augmenter.
00:09 Ils sont donc, et de très loin,
00:13 les premiers contributeurs au réchauffement.
00:15 L'organisation basée à Paris dit que les émissions mondiales
00:22 sont prêtes à atteindre leur pique en 2025.
00:29 L'émission de combustible fossile
00:32 va piquer cette année.
00:34 Un pic désigne en fait un niveau
00:36 au-delà duquel nous devrions observer une tendance baissière.
00:45 Il y a des éléments de rupture sur trois aspects en fait.
00:52 Le volet demande, la précocité et la simultanéité
00:56 pour les trois sources d'énergie considérées.
00:59 Le volet demande est un des éléments
01:01 qui va piquer cette année.
01:03 Dans la tradition du monde de l'énergie,
01:07 sur cette histoire récente plutôt dominée par le pétrole,
01:10 après la Seconde Guerre mondiale,
01:12 on fait plutôt référence à des chocs d'offres
01:14 qui portent sur la production.
01:15 Là, on évoque un pic de demande,
01:17 donc un pic sur la consommation d'énergie.
01:20 Ça marque vraiment quelque part une certaine rupture.
01:23 Le volet demande est un des éléments
01:25 qui va piquer cette année.
01:27 Ça fait plusieurs décennies,
01:31 on est à plus de 80% de ce point de vue-là.
01:34 Les fossiles représentent près de 66%
01:39 de notre consommation à l'échelle mondiale
01:42 de produits énergétiques,
01:43 alors que l'électricité ne représente que 20%.
01:47 Le secteur énergétique, c'est 40% des émissions.
01:50 Ensuite, les transports, c'est 24% de ces émissions,
01:53 de dioxyde de carbone,
01:54 et 19%, on va dire, pour l'industrie.
01:56 Les émissions de dioxyde de carbone
02:02 auraient plutôt tendance à augmenter
02:04 à un rythme qui ralentit.
02:05 Les énergies, c'est 40% de ces émissions.
02:11 Ensuite, les transports, c'est 24% de ces émissions,
02:14 de dioxyde de carbone,
02:15 et 19%, on va dire, pour l'industrie.
02:17 On disposerait d'un budget carbone à l'échelle du monde,
02:27 un peu plus de 400 milliards de tonnes
02:29 de dioxyde de carbone,
02:30 et au rythme où l'on émet le dioxyde de carbone
02:33 dans le monde aujourd'hui,
02:34 il nous faudrait à peine une décennie pour l'épuiser.
02:36 Si l'on veut rester à 1,5°C
02:39 en termes d'anomalies de température,
02:41 donc là, il y a effectivement urgence
02:43 et ralentie, il faut nécessairement une baisse.
02:45 Ces pays proposent des dispositifs réglementaires
02:54 en matière de fiscalité, des outils de marché aussi,
02:57 qui devraient contribuer dans une certaine mesure
02:59 à un alignement des objectifs
03:01 qui irait dans le sens du respect
03:03 de l'accord de Paris sur le climat.
03:05 Il y a à peu près une vingtaine de pays
03:13 qui connaissent une baisse
03:15 de leurs émissions de dioxyde de carbone,
03:17 sachant que ces pays représentent à eux seuls
03:20 près d'un cinquième des émissions mondiales
03:22 de dioxyde de carbone.
03:23 Malheureusement, ces performances-là
03:34 sont largement compensées
03:35 par une augmentation, un rythme soutenu,
03:37 on va dire, de ces émissions.
03:39 Dans un certain nombre de pays,
03:40 à croissance rapide dans le monde,
03:42 il y a un déplacement, on va dire,
03:43 des centres de gravité.
03:45 Ce n'est pas tant le changement qui nous préoccupe,
03:52 mais c'est ce changement accéléré.
03:53 Ce n'est pas nécessairement évident
03:55 que l'on dispose des institutions aujourd'hui
03:56 qui nous permettent finalement une accélération.
03:59 Or, cette accélération est fondamentale
04:01 pour répondre à l'urgence climatique.
04:03 Nous sommes sur la route vers la fin du climat,
04:11 avec notre pied toujours sur l'accélérateur.
04:13 Également, le travail fait dans le stockage de l'électricité,
04:24 une baisse assez conséquente du coût des technologies
04:27 qui permettent de déployer à grande échelle
04:29 ces solutions pour la promotion du solaire
04:32 et de l'éolien.
04:33 [Musique]
04:43 Ce déploiement ne se fait pas à un rythme suffisamment rapide
04:45 pour répondre à l'urgence du réchauffement climatique.
04:48 Le solaire et l'éolien, c'est à peu près une dizaine de pourcents
04:51 du mélange électrique mondial aujourd'hui,
04:53 donc c'est bien insuffisant.
04:54 [Musique]
05:00 L'Union européenne est dépendante à près de 90%
05:03 pour ces matières-là.
05:04 [Musique]
05:14 Il y a de nouvelles géopolitiques qui commencent à se déployer.
05:17 L'Agence internationale de l'énergie, en 2021,
05:20 avait publié un rapport sur les matériaux critiques nécessaires
05:24 à l'électrification des transports, notamment.
05:27 Et dans ce rapport, il était évoqué des facteurs de croissance
05:31 particulièrement inquiétants.
05:33 Pour certains métaux, on multiplierait par 40 la demande du lithium
05:38 à l'échelle du monde, par un facteur 20 le cobalt et le nickel,
05:43 et par un facteur 3 la demande de cuivre, par exemple.
05:46 Donc il y a de gros enjeux en matière de sécurisation,
05:49 des approvisionnements en métaux ou minerais
05:52 qui permettraient finalement le déploiement de ces solutions technologiques.
05:56 [Musique]
06:17 On a une véritable problématique de ce que l'on appelle les actifs échoués,
06:21 c'est-à-dire cette nécessité pour ces pays-là de laisser en terre
06:25 les ressources fossiles dont ils disposent,
06:28 et comment valoriser, on va dire, cet effort qui pourrait être consenti par ces derniers.
06:32 [Musique]
06:38 Il y a des secteurs d'activité qui sont fortement dépendants de ces fossiles-là,
06:42 dont il va falloir penser aussi finalement la reconversion
06:45 en termes de formation, en termes de métier.
06:47 Ce sont de grandes questions que l'on se pose aujourd'hui,
06:49 d'autant plus que l'on n'a pas nécessairement le point d'arrivée, si vous voulez.
06:53 On a une diversité, il va falloir investir dans un mélange, dans une diversité.
06:57 Et ça, qu'est-ce que ça veut dire en termes de formation, de métier ?
07:00 Certainement qu'il y a des activités que l'on va qualifier d'activités de transition
07:04 ou des secteurs de transition,
07:05 c'est-à-dire des secteurs qui seront amenés à exister pour quelques années.
07:09 [Musique]
07:20 On dispose d'infrastructures routières aujourd'hui, c'est évident,
07:23 donc on adapte l'existant, mais dans une certaine mesure,
07:26 on rend durable, en fait, durable dans le temps, je dis,
07:29 l'usage de la voiture, même si cette dernière demeure électrique.
07:31 Or là, les questions que l'on se pose sont vraiment des questions de mobilité.
07:34 Et donc la mobilité, c'est la voiture avec le train, le bus, le métro, le vélo,
07:39 plusieurs supports de transport,
07:41 avec certainement une lecture en termes d'aménagement du territoire,
07:44 de reconfiguration des zones urbaines.
07:46 [Musique]
07:57 L'urgence du moment, peut-être que c'est une urgence qui nous verrouillerait
08:00 sur des solutions technologiques que l'on pourrait déployer assez vite,
08:03 mais qui risquerait de nous enfermer sur des trajectoires
08:05 qui ne seraient peut-être pas souhaitables dans une perspective de long terme.
08:08 [Musique]

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