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Discussion animée par François Rousseaux (journaliste à Télérama) et enregistrée le mardi 10 octobre 2023 au Théâtre du Rond-Point

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00:00:00 Bonjour à tous. Tout le monde est bien installé et tout le monde a bien sûr lu les 466 livres de la rentrée littéraire
00:00:07 pour faire honneur à un invité pas comme les autres, pas seulement parce qu'il croit aux fantômes.
00:00:13 J'ai eu très peur, "invité pas comme les autres", j'ai créé une chanson de Céline Dion tout de suite.
00:00:17 Après.
00:00:18 Et je me suis dit on commence fort.
00:00:19 Peut-être après. Non, pas comme les autres parce que vous croyez aux fantômes,
00:00:24 depuis que vous avez lu le roman "Les Hauts de Hurlevent" d'Emilie Bronté
00:00:28 ou peut-être parce qu'il s'est fait tatouer des citations de Duras ou de Virginia Woolf sur le corps.
00:00:33 Un invité pas comme les autres parce qu'il est l'un des trop rares visages de la culture dans les médias et du direct à la télé.
00:00:41 Petit, il avait promis à son grand-père de lire tous les livres du monde.
00:00:45 Vous nous direz où vous en êtes.
00:00:47 Mais en grandissant, il a fait évoluer sa promesse.
00:00:51 Il lit, il partage ses lectures et il fait parler ceux qui écrivent.
00:00:56 Sans les livres, cet homme qui revendique aimer la ponctuation et surtout les points d'interrogation,
00:01:02 sans les livres, il serait déjà noyé dans sa baignoire là où il lit.
00:01:07 Nous recevons donc le journaliste littéraire normalien, agrégé d'anglais,
00:01:11 parrain de la très belle association Bibliothèque Sans Frontières, animateur du book club sur Brut et sur Instagram.
00:01:18 Un journaliste qui aime tourner les pages et celle de sa vie professionnelle.
00:01:22 On l'a vu sur tous les supports, en presse écrite, à la télé, au Grand Journal où on vous a découvert en 2012.
00:01:27 Puis le Cercle 21 cm, Boomerang sur France Inter pendant huit ans.
00:01:32 Et puis la plateforme Brut avec Plumart et puis le book club.
00:01:36 Et aujourd'hui, la grande librairie, après une transition sans faute de style avec François Bunel.
00:01:42 Mais est-il un homme en mission ? Question qu'on va lui poser.
00:01:46 Augustin Trappenard est un défenseur de la littérature et du temps long à la télévision.
00:01:50 Il dit que la culture est un mot qui fait peur et que la littérature a une puissance psychanalytique.
00:01:57 Et de lui, que dit-on ? Un intranquille, un homme paradoxal et extrême,
00:02:02 capable de la plus infinie nuance sur tous les sujets, sauf sur lui-même.
00:02:07 Dixit, votre ami, dort atelier dans les colonnes du Monde avant l'été.
00:02:10 Bonjour, Augustin Trappenard et bienvenue.
00:02:12 Bonjour, François. Merci de me recevoir et merci à tous d'être là.
00:02:16 Et vous, qu'est-ce que vous diriez de vous ?
00:02:19 Le point d'interrogation, c'est déjà effectivement un bon élément de réponse.
00:02:23 C'est effectivement mon point de ponctuation, mon signe de ponctuation préféré depuis toujours.
00:02:27 Il y a des journalistes qui, vous savez, quand ils posent des questions, en fait, font des points de suspension.
00:02:32 Ils s'adressent à vous sans poser véritablement de questions.
00:02:35 Moi, je suis un grand défenseur de la question. Je trouve que la question, c'est très beau.
00:02:40 Ça ouvre en réalité. Je préfère d'ailleurs souvent les questions ouvertes aux questions fermées.
00:02:44 Les questions auxquelles on ne répond pas par oui ou par non, mais par un développement et par l'élaboration d'une pensée.
00:02:50 Et par aussi dans les interstices du sens, c'est à dire de la pensée, mais aussi de l'émotion.
00:02:56 Si je dis que vous êtes à la fois un enfant de Bernard Pivot pour l'érudition, de Michel Drucker pour la bienveillance
00:03:03 et de Mireille Dumas pour le côté accoucheur de confidence.
00:03:07 Vous savez que je suis fan de Mireille Dumas et qu'un jour, je l'ai croisé et je l'ai prise dans mes bras.
00:03:13 Je lui ai dit merci, Mireille, pour tout ce que vous avez fait à la télévision.
00:03:16 C'est vrai qu'elle a inventé à la télévision et on peut le prendre avec de la distance ou de l'ironie.
00:03:22 Mais en réalité, c'était très fort. Cette intimité, en fait, cette possibilité de l'intime sur ce média si étrange qu'est la télévision.
00:03:30 Et c'est vrai qu'elle a beaucoup compté dans mon avalanche. Une pionnière, vraiment.
00:03:34 Michel Drucker, vous savez, c'est drôle. Je me souviens d'un journaliste quand j'ai commencé, qui me disait
00:03:38 vous n'avez pas peur de devenir le Michel Drucker de la littérature. Ce à quoi je lui ai répondu, c'est un drôlement.
00:03:45 C'est un très beau compliment parce qu'il faut ne rien connaître à la télévision et aux médias pour penser que Michel Drucker n'est pas bon dans ce qu'il fait.
00:03:52 Et surtout, quand on a une carrière comme la sienne, il faut bien qu'il y ait une raison pour que les gens l'aiment autant.
00:03:57 Et quand on se plonge justement dans la carrière et dans le questionnement et dans la façon de penser à la télévision de Michel Drucker,
00:04:03 pour moi, c'était un très beau compliment. Effectivement, la bienveillance n'est pas très, très à la mode.
00:04:07 Moi, j'ai toujours essayé de la... En fait, j'ai toujours essayé de la défendre, de la porter.
00:04:12 Et ça vient aussi d'une éducation, je pense, d'un certain nombre de privilèges, d'une éducation bourgeoise où ma mère me disait très souvent,
00:04:19 tu sais, on peut dire les pires horreurs du monde aux gens avec un sourire. La leçon a été bien retenue.
00:04:25 Chahuter vos invités, c'est pas votre tasse de thé. Non, mais je leur pose parfois des questions qu'ils n'aiment pas.
00:04:30 Et quant à Bernard Pivot, c'est vrai que nous, on n'avait pas le droit de regarder la télé quand on était petit, sauf apostrophe et bouillon de culture.
00:04:37 Donc, du coup, ça forme quand même un rapport à la télévision pour le moins particulier.
00:04:41 Donc, on vous voit tous les vendredis, tous les mercredis soirs, très souvent en direct à 20h50 dans la Grande Librairie.
00:04:47 Alors, il y a des gens dans la salle qui sont allés au cinéma récemment, qui sont allés voir Nouveau Départ, la comédie de Philippe Lefebvre avec Karine Viard.
00:04:55 Et ils ont eu la surprise de vous voir jouer votre propre rôle puisque vous recevez dans la Grande Librairie au cinéma le personnage campé par Karine Viard.
00:05:03 Est ce que on va mettre fin au suspense tout de suite? Est ce que ça y est, vous vous lancez dans le cinéma?
00:05:08 Non, mais ça fait vraiment rire la personne qui partage ma vie, qui a décidé de faire exister sur ma page Wikipédia.
00:05:16 Tous les moments où je suis passé au cinéma et en fait, à chaque fois, c'est dans mon propre rôle.
00:05:21 Et c'était une façon de faire de la publicité à mes émissions. Je ne vais pas vous mentir.
00:05:25 À chaque fois qu'on m'appelait et qu'on me disait est ce que tu ne veux pas faire interviewer un artiste parce qu'on a un personnage qui est un artiste dans un film?
00:05:31 Je disais volontiers et comme ça, je faisais de la pub pour Boomerang.
00:05:34 Et en l'occurrence, dans Nouveau Départ, je crois, si je me souviens bien, que c'est plutôt à la radio.
00:05:38 Et c'est une sorte d'émanation de Boomerang. Et j'interview Karine Viard.
00:05:42 Vous savez, il vous donne un texte et je ne suis pas comédien.
00:05:48 C'est un vrai métier et pour interviewer des artistes depuis 15 ans. Je sais que c'est un vrai métier.
00:05:52 Vous n'aurez plus d'être comédien.
00:05:54 C'est comme écrire, si vous voulez. Je n'en ai ni le talent, ni l'urgence, ni la vocation.
00:05:59 Moi, je ne suis pas un artiste et d'ailleurs, je suis fier de ne pas l'être.
00:06:01 Au CP, on apprend que lire et écrire, ce n'est pas la même chose.
00:06:04 Saint-Germain-des-Prés n'a toujours pas compris. Aujourd'hui, les éditeurs vous appellent pour vous dire si tu écrivais un livre.
00:06:11 Non, en fait, ce n'est pas la même chose. Je ne suis pas un artiste. Je n'ai pas cette urgence et je n'ai pas non plus ce sens du sacrifice.
00:06:16 C'est quand même le métier que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Moi, personnellement, acteur.
00:06:21 Vous avez récupéré les clés de la grande librairie en 2022 après 14 ans de règne de François Bunel.
00:06:29 Combien vous a-t-il fallu de temps pour vous installer dans le fauteuil et gérer un héritage patrimonial comme celui-là?
00:06:35 Ce qui est certain, c'est que l'héritage patrimonial, c'était ce qu'il y avait de plus important.
00:06:39 Quand moi, ça faisait huit ans que j'étais tous les matins sur France Inter. Pour moi, le service public, sa vitalité, elle dépend du fait que ça doit tourner.
00:06:48 Moi, je m'étonne toujours des grandes pétitions qui sont faites. J'aimerais tellement. J'aurais dû rester sur le service public.
00:06:54 C'est odieux de m'avoir renvoyé. Non, non, le service public, c'est une mission. On oublie toujours de le dire. C'est une mission qui nous est confiée.
00:07:01 On la remplit du mieux qu'on peut. Le temps qui nous est imparti et le jour où on en dit merci, c'est terminé. On répond merci.
00:07:07 Je me suis bien amusé. C'est la moindre des choses, en fait. C'est pas une chaîne privée.
00:07:12 Et je le dis avec beaucoup d'humilité puisque j'ai été sur Canal+, comme vous le disiez, sur Brut, qui sont des chaînes privées.
00:07:18 Là, on n'a pas du tout le même lien. Donc, au bout d'un moment, moi, huit ans, je trouvais qu'il fallait que ça tourne.
00:07:23 Je suis parti. J'ai décidé de partir de France Inter. On y reviendra si vous voulez. Et François Bunel m'a appelé pour me proposer la grande librairie,
00:07:30 puisque lui avait décidé de partir faire du cinéma. Mais dans ce cas là, on dit oui tout de suite.
00:07:35 Vous avez dit que c'était un rêve de gosse de présenter la grande librairie.
00:07:38 C'est le seul rêve que j'avais dans la mesure où à la télévision, il y avait Bouillon de culture et Apostrophe.
00:07:42 Donc, j'en avais pas d'autre. Pour moi, d'ailleurs, quand je suis arrivé sur Canal+, c'est pas que je savais pas que la chaîne existait,
00:07:49 mais j'étais vraiment pas au fait. J'ai pas compris l'ambiance.
00:07:55 Et donc, qu'est ce que vous avez changé à la grande librairie pour que ce soit une émission qui vous ressemble?
00:08:01 Mais déjà, il faut comprendre que mon métier à moi, on a l'impression que c'est comme ça le mercredi soir en direct.
00:08:08 Mais c'est surtout de lire. C'est surtout de lire toute la semaine. Et depuis 15 ans que je fais ce métier, ça a toujours été de lire,
00:08:14 de regarder des films, d'écouter de la musique, d'aller voir des spectacles et d'essayer de penser une interview propre aux médias dans lesquels je travaillais.
00:08:23 Donc, moi, si vous voulez, la plupart de mon travail, il se passe hors antenne. Ce que j'essaie de faire, c'est de penser l'image.
00:08:30 Ce qui est plus beau avec la littérature à la télévision, c'est pour ça que c'est ce qui est plus difficile, mais aussi ce qui est plus intéressant, à mon avis,
00:08:37 c'est qu'en fait, on essaye de mettre des images sur ce qui essentiellement n'en a pas, à part sous forme de métaphore.
00:08:43 Donc, c'est absolument passionnant. On doit créer des images. Donc moi, j'ai essayé, par exemple, cette saison d'apporter de l'archive dans la grande librairie
00:08:52 pour essayer justement d'illustrer, de travailler un matériau d'image qui répond quelque part aux faits littéraires et à l'actualité littéraire.
00:09:02 J'ai voulu aussi que cette émission soit une émission de création. Ce qui me manquait dans la grande librairie, c'est qu'il n'y avait pas d'écriture.
00:09:07 Donc, ce que j'ai voulu, à l'instar de ce que je faisais dans Boomerang, c'était créer une sorte de carte blanche à la fin de mon émission
00:09:14 où je demandais à un écrivain au moins d'écrire un texte inédit pour les téléspectatrices et les téléspectateurs de la grande librairie et de le dire droit dans les yeux.
00:09:21 Ça aussi, c'est une façon de penser l'image parce que le droit dans les yeux, c'est-à-dire sur un prompteur, face caméra,
00:09:27 soudain, tu t'adresses aux téléspectateurs et aux téléspectatrices, tu t'adresses au monde entier.
00:09:31 Et moi, je pense que la parole de l'écrivain est extrêmement importante encore aujourd'hui.
00:09:35 C'est une parole qui tremble, qui trébuche. C'est une parole anarchique.
00:09:38 Ce n'est pas une parole comme celle des journalistes, des experts ou des politiques qu'on peut lire en trois tweets.
00:09:43 C'est une parole qui dérange parce que parfois, elle est inconséquente.
00:09:47 Et c'est une parole en ceci profondément humaine, je crois, une parole d'artiste.
00:09:51 - Vous sortez parfois dérangé de votre émission ?
00:09:53 - Oui, ça m'arrive. Je vais vous donner un exemple.
00:09:55 On a eu, par exemple, ce droit dans les yeux de Maria Pourchet, romancière de la rentrée,
00:10:00 qui a fait un droit dans les yeux sur la question de la nuance.
00:10:04 Moi, je pense que quand on relit son texte, il y a des points qui sont un petit peu flous.
00:10:13 Et je pense que son texte, je ne le valide pas totalement.
00:10:16 Pourtant, c'est une parole, c'est une parole que j'accepte, que j'entends.
00:10:19 C'est une parole que j'ai demandé et je trouve ça bien qu'elle soit exprimée, si vous voulez.
00:10:23 Et ça, c'est un exemple. Dans son analyse de la nuance, il y avait des choses qui ne me plaisaient pas forcément.
00:10:28 Elle dit en substance "toute ma vie, on m'a demandé de choisir".
00:10:31 Elle prend des exemples comme par exemple "homo" ou "hétéro".
00:10:34 Moi, personnellement, et je peux en parler personnellement, je ne pense pas que l'homosexualité soit un choix.
00:10:38 Et je ne pense pas typiquement qu'on nous demande de choisir entre homo ou hétéro.
00:10:42 Sinon, ça serait trop facile et tout le monde choisirait l'hétérosexualité.
00:10:45 C'est un exemple, si vous voulez.
00:10:47 Mais bien sûr, je me souviens d'avoir reçu la saison dernière, par exemple, l'écrivain russe Andrei Makin face à l'écrivain ukrainien Andrei Kourkov.
00:10:55 Faut-il de vous dire qu'on ne peut pas être d'accord avec les deux dans ce moment-là ?
00:11:00 - Quand vous avez récupéré les clés de la grande librairie et qu'on l'a annoncé dans Télérama, j'ai écrit "Augustin Trattner rentre dans le rang".
00:11:10 C'est la pression que j'ai eue parce que je vous connaissais pour avoir inventé des formats très décalés.
00:11:15 Je pense à 21 cm, à Plumart, cette émission sur Brut X où vous partiez avec votre canapé aux quatre coins de la France avec votre invité.
00:11:23 Vous avez toujours aimé recevoir un seul invité en plein air pour un entretien en profondeur.
00:11:27 Et vous faisiez aussi des entretiens en profondeur le matin dans Boomerang sur France Inter.
00:11:32 Et puis récupérer les clés de cette petite institution.
00:11:34 Alors, est-ce que c'était juste ? Est-ce que vous êtes rentré dans le rang ou est-ce que c'est faux ?
00:11:39 - Je ne fais pas cette lecture-là. Pour moi, j'ai toujours essayé d'inventer et de créer des émissions selon la chaîne et le médium qui me les demandaient.
00:11:46 C'est-à-dire que quand je fais une émission sur Brut, très vite, j'ai voulu imposer des façons de filmer auxquelles j'avais été habitué sur Canal+.
00:11:54 Quand j'avais des grands budgets, par exemple, ils m'ont dit "Prends ton téléphone, mets-toi comme ça et regarde la caméra".
00:12:00 C'était ce que Brut demandait. Donc j'ai essayé de jouer avec ça.
00:12:03 - C'est une liberté ?
00:12:05 - Oui, c'est une liberté. Mais pour moi, c'est toujours des contraintes qui deviennent des libertés.
00:12:08 Pour 21 cm, qui, je le rappelle, est la taille d'un livre, c'était différent.
00:12:14 On avait des budgets complètement illimités sur Canal+. Ils avaient décidé de faire une émission de littérature mensuelle.
00:12:19 Donc là, c'était génial parce que, par exemple, ce que je faisais, c'est que j'appelais les auteurs et je leur disais "Quel est votre rêve ?"
00:12:24 Et j'avais appelé Riyad Satouf et il me disait "Moi, c'est de faire de l'avion de chasse".
00:12:27 Donc, du coup, on avait fait une interview dans un avion de chasse.
00:12:30 C'est un peu ce genre de truc. Ou alors j'avais appelé le prix Nobel Jean-Marie Gustave Le Cleziou en lui disant "Où est-ce qu'on pourrait aller ?"
00:12:36 "Oh, à Rodrigues ou à l'île Maurice." J'avais dit "OK, on va faire une chasse au trésor à l'île Maurice."
00:12:40 Tout était possible. Donc ça, c'était merveilleux. C'était vraiment la grande réalisation.
00:12:45 C'était dingue. On avait ces moyens-là.
00:12:47 Là, sur le service public, c'est une émission patrimoniale, comme vous l'avez dit.
00:12:51 Donc, c'est une émission qui impose du temps, qui impose une forme d'institution, de respectabilité aussi.
00:12:59 C'est une émission qui s'adresse à un public aussi qui n'est pas forcément aussi jeune que celui de Brut, par exemple,
00:13:04 qui n'est pas le même que celui de France Inter.
00:13:06 C'est un public auquel, si vous voulez, je dois m'habituer, qui doit s'habituer à moi aussi.
00:13:11 Et ça, ce sont des défis qui sont magnifiques.
00:13:13 - Et vous, vous vous êtes senti bien accueilli par le public ?
00:13:15 - Oui, parce que je pense que la littérature est encore une exception en France.
00:13:19 Moi, souvent, on me dit "Mais qu'est-ce que les gens te disent dans la rue ?"
00:13:22 Mais en réalité, les gens dans la rue, quand ils m'arrêtent, ils me disent "Quel livre est-ce que je dois lire, Augustin ?"
00:13:25 Et ça, je trouve ça merveilleux. Il me tient de vous dire que quand je suis avec mes amis étrangers,
00:13:29 notamment américains, parce que j'ai vécu aux Etats-Unis,
00:13:31 ils hallucinent de voir qu'on m'arrête dans la rue pour me demander quel livre il faut lire.
00:13:36 Ils se disent "Mais qu'est-ce que c'est que ce pays de taré ?"
00:13:39 Mais moi, je trouve ça merveilleux.
00:13:41 De la même façon que la saison dernière, par exemple, on a fait une émission autour de Proust,
00:13:45 qui, moi, un écrivain très important pour moi, une sorte de boussole dans ma vie.
00:13:50 Bon, ben, il y avait 500 000 téléspectateurs le soir pour regarder l'émission autour de Proust.
00:13:54 C'est quand même merveilleux de vivre dans ce pays-là. C'est merveilleux.
00:13:58 Et pour moi, surtout, c'est ça, la France.
00:14:00 La France, c'est ça. C'est ce peuple aussi qui se plaît à aimer les livres.
00:14:05 Et vous seriez étonné de la sociologie des gens qui m'arrêtent dans la rue
00:14:10 pour me dire qu'ils aiment lire et qu'ils regardent la grande librairie. C'est fou.
00:14:14 - Et sur les 466 livres de la rentrée littéraire, vous en avez lu combien, alors ?
00:14:17 - Alors, la rentrée littéraire, moi, je peux vous le dire, ça fait 15 ans que je fais ce métier.
00:14:21 En fait, on commence à la recevoir fin avril, début mai.
00:14:25 Donc déjà, on a énormément de temps pour lire.
00:14:28 Et moi, je me mets toujours à lire très tôt parce que c'est intéressant de voir les livres qui restent,
00:14:32 qui restent dans notre tête. Je pense, si je suis honnête avec vous, que j'ai dû en lire 120 ou 130,
00:14:39 ce qui est beaucoup, mais ce qui n'est pas monumental. Mais on ne peut pas tout lire.
00:14:44 Ce métier, c'est aussi l'école de la frustration. Et si on veut être honnête et bien lire un texte,
00:14:48 il faut aussi faire des choix. Alors, les choix, comment je les fais ?
00:14:51 Mais comme tous les lecteurs, c'est-à-dire que, sauf que moi, c'est mon métier.
00:14:54 Donc j'ai l'occasion, si vous voulez, de voir autour de moi plus de livres.
00:14:58 Mais en réalité, c'est aussi un nom d'auteur. C'est aussi un thème. C'est aussi une écriture.
00:15:07 Donc je vais lire 30, 40, 50, 100 pages. J'en ai lu 120, mais j'ai dû en ouvrir 300.
00:15:13 - Et comment vous faites pour les choisir et les recevoir ? Comment s'opère le tri ?
00:15:17 Et quels sont les critères pour rentrer dans cette grande librairie ?
00:15:20 Parce que c'est quatre ou cinq invités par semaine.
00:15:22 - Alors, moi, j'ai essayé tout de suite, et là, je l'ai vraiment renforcé cette saison,
00:15:26 de penser à une programmation qui soit une programmation pour tous, une programmation éclectique.
00:15:30 C'était ce qui me guidait aussi lorsque je faisais "Boomerang" sur France Inter,
00:15:33 de la surprise, mais surtout de l'éclectisme en termes de genre, de genre littéraire, je parle,
00:15:38 en termes de sexe aussi, c'est important. C'est-à-dire qu'on ne fait pas une émission en 2023
00:15:42 avec que des hommes ou avec que des femmes. D'ailleurs, on essaye quand même d'avoir ce principe d'égalité.
00:15:47 - Mais vous partez avec le principe de parité quand vous faites votre plateau ?
00:15:50 - J'essaye, j'essaye. Vous ne trouverez pas une seule émission de la grande librairie
00:15:53 où il n'y a pas de femmes, par exemple, ce qui a été le cas quand même pendant des années.
00:15:56 Quand tu regardes les archives, parce que là, je les vois, quelquefois, c'est flippant.
00:16:00 Il y a des semaines entières à la suite où il n'y a pas une seule femme,
00:16:04 comme si elle n'existait pas, ce qui est faux, parce qu'il y a toujours eu énormément de romancières
00:16:07 et surtout énormément de lectrices, notamment en France.
00:16:10 Donc, c'est quand même quelque chose, sinon, à rattraper, du moins à prendre en considération.
00:16:14 Mais aussi des publics différents, des tonalités différentes.
00:16:17 Moi, la programmation, ça m'a toujours passionné. Alors, dans la grande librairie,
00:16:20 vous aurez toujours, sinon une star, du moins un écrivain reconnaissable.
00:16:24 On fait de la télévision, de l'image. C'est important quand même que quand on allume la télévision,
00:16:28 vous, vous êtes tous des lecteurs et des lectrices, donc ça va.
00:16:31 Mais quand on allume sa télévision, c'est important quand même de reconnaître
00:16:34 quelqu'un qui incarne quand même la littérature. Par exemple, demain, je reçois Amine Malouf.
00:16:40 Mais j'aurai toujours aussi une nouvelle voix, toujours.
00:16:43 C'est comme ça que dans la grande librairie, j'ai pu recevoir Éric Chacour, Alice Renard,
00:16:47 Cécile Desprairie, Benoît Coquille bientôt.
00:16:52 Voilà. Et il y aura toujours également des livres que j'aime bien,
00:16:56 des livres qui m'ont marqué, des livres que je trouve importants.
00:16:58 J'essaie toujours de rassembler les auteurs suivant un thème qui est aussi un enjeu d'écriture.
00:17:03 Inutile de vous dire que c'est un casse-tête.
00:17:06 Les écrivains sont beaucoup reçus. On les entend partout dans les médias,
00:17:11 sur France Inter le matin, même à 9h20 dans la nouvelle interview de Léa Salamé sur France Culture.
00:17:16 À cet avou le soir, à quotidien de Yann Barthez. Pas vraiment chez Cyril Hanouna.
00:17:22 Mais est-ce que cette concurrence est contraignante pour vous ?
00:17:25 Est-ce que ce sont des concurrents pour la grande librairie ?
00:17:28 Pour moi, il n'y a pas de concurrent à la littérature. Déjà, c'est la première chose.
00:17:31 C'est-à-dire que plus il y a d'écrivains, de romancières, de poètes dans le champ médiatique, mieux c'est.
00:17:38 Par exemple, quand Laurent Ruquier avait choisi, je ne sais pas si vous vous souvenez, d'avoir Christine Angot et Yann Moix comme chroniqueurs à l'époque.
00:17:46 Moi, j'étais un des seuls à me réjouir et à me réjouir publiquement.
00:17:49 Parce que je pense que quoi qu'on pense de Christine Angot et de Yann Moix, au moins ce sont des écrivains, des romanciers.
00:17:54 Et je pense encore une fois que les romanciers ont des choses à dire.
00:17:56 Et que leur parole, un peu anarchique, un peu différente de celle du politique, de l'expert ou du journaliste, a quelque chose en plus.
00:18:03 Donc, si vous voulez, moi, je suis toujours content.
00:18:05 Maintenant, la Grande Librairie, c'est autre chose.
00:18:08 Pour vous donner un exemple, il y a beaucoup de maisons d'édition qui envoient leurs auteurs dans la Grande Librairie en priorité, quand je leur demande.
00:18:15 Parce que c'est une émission littéraire, c'est une institution littéraire.
00:18:20 Et quelquefois, c'est bien pour un auteur.
00:18:23 Ça veut dire que la parole qui circule sur ce plateau n'est pas la même qu'ailleurs.
00:18:26 Je ne crois pas.
00:18:27 Vous avez souvent regretté, vous disiez, on invite aujourd'hui un artiste à la télé comme une paillette.
00:18:32 Un artiste comme une paillette. Comment vous faites pour surprendre et pour faire surgir une parole avec du temps ?
00:18:38 Déjà, le temps qu'on accorde. La Grande Librairie, c'est une heure et demie en direct.
00:18:41 Et je vous remercie d'avoir insisté là-dessus.
00:18:43 C'est très important pour moi que ce soit du direct.
00:18:45 C'est là où se joue le moment en réalité de télévision.
00:18:48 Déjà, le temps.
00:18:50 C'est à dire qu'effectivement, quand des émissions que je ne citerai pas, parce que je suis toujours content de voir des écrivains, moi, donc ce serait hypocrite.
00:18:55 Mais reçoit un écrivain pendant 3 minutes, 30 ou 4 minutes.
00:18:59 Il ne se dit rien. Et surtout, ce qui est beaucoup plus intéressant, s'il se dit quelque chose, il ne se dit que l'énoncé.
00:19:06 C'est à dire, il ne se dit que l'histoire, que l'intrigue d'un roman.
00:19:09 Il ne se dit pas ce qui est le plus important.
00:19:11 C'est à dire le discours de l'écrivain sur le monde.
00:19:13 Mais c'est aussi, si vous voulez, sa langue.
00:19:15 Parce que la littérature, c'est un art et c'est un art de la narration, certes, mais c'est aussi un art du langage.
00:19:20 Ce que dit un livre intéressant pour moi, c'est voilà une nouvelle langue.
00:19:24 Voici une nouvelle façon de parler, une nouvelle façon de dire.
00:19:27 C'est ça qui m'intéresse, si vous voulez, dans la littérature.
00:19:29 Comment vous faites pour préparer vos questions ?
00:19:32 Comment vous faites pour faire surgir cette parole, pour trouver la bonne question ?
00:19:35 Je me souviens d'une émission où vous receviez Virginie Despentes pour "Cher Connard".
00:19:40 C'était votre émission d'ouverture il y a un an.
00:19:42 Et vous lui avez dit "en quoi vous sentez-vous vivante quand vous écrivez ?"
00:19:46 Et elle vous a répondu "C'est pas facile de répondre".
00:19:49 Et vous avez rétorqué "Mes questions ne sont pas faciles. On n'est pas au Club Med ici, on est à la grande librairie".
00:19:55 Ce qui était vraiment malhonnête et méchant vis-à-vis du Club Med.
00:19:58 Je l'ai pris de bien vouloir m'excuser, même si c'est un endroit où je ne vais pas.
00:20:02 Racontez-nous concrètement comment Augustin Trapenard prépare ses interviews.
00:20:07 Déjà, je lis les livres. C'est ce qu'il y a de plus important.
00:20:10 Et je pense que ça fait une grosse différence.
00:20:12 Quand tu vois un journaliste brandir un livre et que le livre, il y a toujours le bandeau dessus, c'est suspect.
00:20:21 Si vous regardez bien, c'est 90% déjà des interviews d'écrivains.
00:20:24 Ça, ça fait quand même une différence.
00:20:27 Ensuite, j'aime l'idée de la surprise.
00:20:30 Alors, quand je reçois un écrivain qui est déjà passé un petit peu partout, comme vous le dites,
00:20:34 je vais essayer de le surprendre, justement.
00:20:36 Je vais essayer de faire surgir quelque chose qui peut être saillant et qui peut lui faire dire autre chose.
00:20:42 Je me souviens d'un jour dans Boomerang où j'avais plus de questions.
00:20:46 À la radio, je recevais un jeune, un très jeune chanteur, un très jeune musicien qui s'appelle Flavien Berger.
00:20:51 Et pris de panique, je lui dis.
00:20:54 Et vous, qu'est ce que vous trouvez beau dans la vie?
00:20:57 J'ai plus quoi lui dire.
00:20:58 Et là, il m'a répondu comme ça, du tac au tac droit dans les yeux.
00:21:02 Le vent qui s'engouffre dans les rues à New York.
00:21:05 Et je me suis dit, mais en fait, moi, j'ai envie d'avoir ce type de réponse.
00:21:08 J'ai pas envie d'avoir.
00:21:09 Je me suis tellement amusé pendant ce film.
00:21:11 Je me suis bien entendu avec le réalisateur où vous savez, l'écriture, c'est pas facile.
00:21:15 Et un deuxième roman, c'est dur à écrire.
00:21:17 C'est ça que je veux.
00:21:18 Donc, je me suis dit le pari de la question très ouverte, la question surprenante, la question peut être à laquelle on n'a pas forcément pensé quand on écoute.
00:21:26 Mais que tout le monde sait déjà peut être poser un jour.
00:21:29 C'est magnifique parce que ça fait surgir la singularité de la parole de l'écrivain.
00:21:33 Comment elle vous vient, cette question?
00:21:35 Alors, je suis une personne bizarre déjà.
00:21:37 Donc, il m'arrive de me poser sincèrement ces questions.
00:21:40 Puis ensuite, je pose pas n'importe quelle question à n'importe qui.
00:21:43 Par exemple, il y avait un compte sur Twitter qui s'appelait Question Trappenard où il reprenait mes questions.
00:21:48 Toujours agréable.
00:21:50 Les questions un peu perché qui est devenu votre marque de fabrique sur France Inter.
00:21:54 Voilà, et de se rendre compte, évidemment, des types de questions qu'on pose, comme par exemple, quelle est la beauté d'un légume?
00:21:58 Alors, évidemment, cette question, je ne la pose pas à Christine Angot.
00:22:01 Quelle est la beauté d'un légume?
00:22:02 En l'occurrence, je l'avais posé à un chef et ça avait un sens dans la mesure où c'était un chef qui était spécialiste des légumes.
00:22:09 Donc, voilà, pour vous donner un exemple, si vous voulez la question, même la question la plus folle,
00:22:14 elle a toujours quand même un lien avec le texte, avec l'imaginaire de l'auteur ou avec ce qu'il m'inspire aussi.
00:22:22 Parce que c'est ça que je trouve, je trouve beau de rendre drôle aussi, parfois un artiste un peu décalé,
00:22:27 le surprendre et faire surgir aussi ce qui est plus beau en lui.
00:22:31 C'est quand même mon métier.
00:22:32 Moi, je veux dire, je pourrais recevoir n'importe qui à la grande librairie.
00:22:35 Vous l'avez dit, il y a 450 romans. L'idée, c'est quand même de choisir des livres qui sont intéressants,
00:22:40 d'essayer de les faire lire, de les partager.
00:22:42 L'idée, c'est quand même de faire surgir ce qui est plus beau dans leurs paroles.
00:22:46 Jean-Pierre Elkabach disait le plus important, c'est la première question et c'est la deuxième question.
00:22:50 Est ce que vos interviews, c'est de la couture?
00:22:52 Est ce que vous posez vos questions à votre équipe, à vos collaborateurs pour faire un ping pong,
00:22:57 pour voir si vous êtes bien dans le tempo ou vous travaillez seul?
00:23:01 Moi, je ne suis pas un grand.
00:23:02 C'est des écoles aussi. On a parlé d'ailleurs, paix à son âme et respect et mes amitiés à toute sa famille.
00:23:07 Moi, je ne suis pas un enfant de Jean-Pierre Elkabach.
00:23:09 Vous en avez partout dans les médias aujourd'hui.
00:23:12 Léa, par exemple, que je respecte beaucoup, Léa Salamé est une vraie fille de Jean-Pierre Elkabach.
00:23:17 Moi, je ne fais pas ce type de questions là.
00:23:18 Si mes questions sont perchées, ce ne sont pas des questions, comment dire, frontales, agressives,
00:23:25 parfois malhonnêtes et violentes.
00:23:27 Je ne fais pas ça.
00:23:28 Mais pour une raison très simple aussi, c'est que je ne reçois pas de politique, de journaliste ou d'expert.
00:23:32 Je reçois des artistes et en particulier des écrivains.
00:23:34 Et si vous voulez dire à un écrivain, vous le voyez le mur et de quelle couleur le mur,
00:23:38 le mur dans lequel vous êtes en train de foncer.
00:23:40 Pourquoi tu l'invites dans ce cas là?
00:23:42 Vous avez des précautions à prendre.
00:23:44 Est ce qu'il y a des exigences de certains invités?
00:23:46 Est ce qu'il y a des invités qui font pression, qui vous écrivent pour être invité à tout prix dans la grande librairie?
00:23:50 Ah ça oui.
00:23:52 Et vous savez ce que je leur réponds?
00:23:53 Je leur réponds à chaque fois, les pauvres, ils vont s'en rendre compte.
00:23:55 La dernière personne qui m'a demandé ça, c'était Jacques Lang.
00:23:58 Comme ça, ils se sentent trop mal.
00:24:01 Et c'est vrai, Jacques Lang systématiquement me demande, m'envoie un message en me disant
00:24:04 "Ce trajet est tôt loin, Augustin, que je n'ai pas été invité dans la grande librairie."
00:24:08 Vous remarquerez qu'il n'a pas souvent été invité, jamais dans la grande librairie,
00:24:10 et même jamais, je crois, dans Boomerang.
00:24:13 Mais non, c'est à dire, voilà le drame de Saint-Germain-des-Prés,
00:24:18 de ce milieu de l'édition que moi, j'essaye toujours de fuir, depuis toujours.
00:24:23 Vous n'allez pas dans les signatures, les dîners...
00:24:26 C'est à dire qu'en plus pour moi, ce serait un cauchemar, parce que je travaillerais.
00:24:28 Je vous remercie, mais à 21h le soir, j'ai d'autres choses à faire.
00:24:31 Non, non, non, non.
00:24:32 Non, puis surtout, c'est terrible, parce que c'est un petit milieu, effectivement,
00:24:36 qui se nourrit de lui-même, qui se congratule perpétuellement,
00:24:39 et avec lequel il faut absolument prendre de la distance.
00:24:42 Mais il ne faut pas le côtoyer pour décrocher des exclusivités, par exemple?
00:24:45 Non, mais les exclusivités, on est au courant.
00:24:47 On est au courant d'une façon ou d'une autre.
00:24:48 Moi, j'ai une programmatrice formidable qui s'appelle Dorothée Friese,
00:24:51 dont le métier est de déjeuner avec des attachés de presse.
00:24:55 Mais moi, je ne les vois pas.
00:24:56 Et je ne vois pas d'éditeurs non plus.
00:24:58 Sinon, c'est la catastrophe.
00:24:59 Les attachés de presse, elles veulent toujours vous vendre un livre.
00:25:02 C'est normal, c'est leur métier.
00:25:03 Et les éditeurs, ils veulent vous vendre tout leur livre.
00:25:06 Est-ce que vous voyez vos invités avant l'émission?
00:25:09 Oui, je vais voir mes invités avant l'émission pour les rassurer.
00:25:12 Parce que j'ai quand même conscience que le direct et la télévision,
00:25:16 c'est quand même deux obstacles monumentaux à la délivrance de la parole.
00:25:19 Or, moi, mon métier, c'est quand même de faire en sorte que cette parole,
00:25:21 qui, encore une fois, est une parole complexe pour les artistes,
00:25:24 se délivre, se délie.
00:25:26 Et pour éviter, si vous voulez, une crise d'apoplexie ou un AVC
00:25:29 de la part de mon invité devant une question où il ne pourrait pas répondre,
00:25:32 j'essaye de les mettre en confiance.
00:25:34 Moi, mon métier, c'est de ne pas stresser
00:25:36 et d'essayer de délier cette parole de la passé.
00:25:38 Ça doit être un sacerdoce pour vous de ne pas stresser, non?
00:25:42 Certes.
00:25:47 Je disais tout à l'heure, vous avez expérimenté la radio, la télé,
00:25:50 la presse écrite, les réseaux sociaux.
00:25:52 Quel est le média le plus pertinent aujourd'hui pour parler littérature?
00:25:56 Mais non, mais déjà, j'aime pas trop hiérarchiser.
00:26:02 C'est-à-dire qu'il y a des publics différents
00:26:04 et des publics qui sont beaucoup plus sensibles à certains médias.
00:26:07 Il y a une sociologie qu'on pourrait étudier d'ailleurs, politique également.
00:26:12 Ça, ça serait intéressant d'étudier.
00:26:14 Moi, ce qui m'amuse, si vous voulez,
00:26:16 dans la mesure où mon métier, c'est de lire,
00:26:18 c'est d'inventer des émissions pour différents médias et différents publics.
00:26:21 Et donc, du coup, de réfléchir, par exemple, à la radio, sur le son.
00:26:24 Comment mettre en son la littérature?
00:26:27 Parce que pour la musique, c'est facile,
00:26:29 mais pour la littérature, ça se pense aussi.
00:26:31 Et ça, c'est merveilleux.
00:26:32 À la télévision, comment mettre en image sur les réseaux sociaux?
00:26:35 Comment offrir un plus grand nombre de façon la plus authentique possible?
00:26:40 Ça, ça me passionne.
00:26:42 Et si on a inventé d'autres types de médiums, de médias,
00:26:45 j'irais volontiers les tester.
00:26:47 - Et le dimanche soir, on vous retrouve à 18h sur Instagram,
00:26:49 dans vos lives que j'ai regardées dimanche soir.
00:26:51 Il y a du monde.
00:26:53 Et vous voyez aussi que les ados aujourd'hui découvrent aussi des livres par TikTok.
00:26:58 Le succès des book clubs sur TikTok.
00:27:00 - Bien sûr, mais je vais même aller plus loin.
00:27:02 Il faut se poser la question de l'avenir de nos médias.
00:27:05 Parce que nous, on regarde la télévision, on écoute la radio.
00:27:08 Mais si vous regardez autour de vous,
00:27:10 les gens qui ont moins de 40 ans, ils ne l'ont même plus, la télévision.
00:27:13 Donc moi, quand on me dit, Augustin, tu devrais être plus cool.
00:27:15 Tu devrais te mettre en T-shirt, montrer tes tatouages à la Grande Librairie.
00:27:18 Vous savez à qui je m'adresse?
00:27:20 Je m'adresse à des gens qui ont plus de 60 ans.
00:27:22 Et c'est très bien.
00:27:23 Mais simplement, si vous voulez, ce n'est pas le même public.
00:27:25 Et je ne peux même pas le rajeunir, ce public,
00:27:27 puisqu'ils n'ont pas la télévision.
00:27:29 C'est en dessous.
00:27:30 Et quand on me dit mais sur les réseaux, quand même, il y a des extraits.
00:27:32 Mais les extraits ne sont pas pris en compte dans notre audience linéaire.
00:27:35 Donc, si vous voulez, ça ne sert à rien.
00:27:37 Moi, j'essaye de créer des moments de télévision, certes,
00:27:39 qu'on met sur les réseaux sociaux.
00:27:40 D'ailleurs, les réseaux sociaux de la Grande Librairie sont très puissants.
00:27:42 Mais simplement, c'est pour un autre public.
00:27:44 L'audience linéaire, comme on l'appelle à la télévision,
00:27:47 ça s'adresse à un public âgé, un public confirmé
00:27:49 et un public qui aime bien.
00:27:51 On a des tests, quand même, qui nous le montrent.
00:27:53 Le côté institutionnel, le côté patrimonial de la Grande Librairie.
00:27:56 C'est rassurant.
00:27:57 C'est un refuge dans l'époque des réseaux sociaux,
00:27:59 de l'hypercommunication, des écrans.
00:28:01 Et c'est aussi, François, notre tradition, notre patrimoine.
00:28:06 Cette grande émission d'accueil, avec des gens autour,
00:28:09 avec des invités, qui prend son temps,
00:28:11 qui parle de littérature.
00:28:13 Ça fait partie de notre patrimoine culturel.
00:28:15 C'est un défi pour moi et une chance,
00:28:18 et vraiment un honneur d'essayer de la faire perdurer.
00:28:21 - On parlait de la radio. Est-ce qu'elle vous manque ?
00:28:24 - Toujours. Je suis né avec la radio.
00:28:29 - Est-ce que ne plus animer "Boomerang" le matin, ça vous manque ?
00:28:32 - Non, merci.
00:28:33 - Il ne vous manque pas une adrénaline le matin ?
00:28:34 - Encore une fois, 8 ans, c'est extraordinaire.
00:28:36 C'est même presque un peu trop long.
00:28:38 C'est beau quand ça tourne.
00:28:40 Moi, je me réjouis d'écouter Mathilde Serrell le matin, par exemple,
00:28:43 à 9h10, à 9h50.
00:28:46 Vous voyez, comme j'ai fait des choix, je suis quand même dans ce que je veux dire.
00:28:49 Je me réjouis, vraiment.
00:28:51 Parce que c'est une autre voix, c'est nouveau.
00:28:53 Et c'est bien, je trouve.
00:28:56 Et puis, vous savez, le danger de rester trop longtemps,
00:28:59 c'est qu'on finit par faire la même chose.
00:29:01 Et on finit par se répéter.
00:29:02 - Vous avez eu ce sentiment de tourner en rond ?
00:29:04 - C'est pas ça, mais c'est quand t'interviewe 4 fois Catherine Deneuve,
00:29:06 au bout de la cinquième fois, tu dois quand même poser,
00:29:08 si t'as bien fait ton métier, la plupart des questions que t'avais envie de lui poser.
00:29:11 Parce que je rappelle que "Boomerang", moi, je posais une ou deux questions de promo.
00:29:14 Le reste, c'était vraiment un portrait.
00:29:16 Donc au bout du cinquième portrait, même elle, elle me disait,
00:29:18 je vous ai déjà répondu la dernière fois.
00:29:20 - Vous n'auriez pas aimé "Candidaté aux masques et la plume" de Jérôme Garcin ?
00:29:25 - Alors pas du tout.
00:29:26 - C'est trop critique ?
00:29:27 - C'est pas ça, mais autant je l'écoute.
00:29:29 Mais pour moi, vous allez me dire que je suis réac, un télo, taré, tout ce que vous voulez.
00:29:33 Mais pour moi, l'art, puisqu'il s'agit de ça, c'est pas du grand spectacle.
00:29:37 En fait, c'est pas du show.
00:29:40 Pour interviewer des artistes depuis 15 ans, je me rends compte,
00:29:43 je vous le disais tout à l'heure, qu'un artiste, quelquefois,
00:29:46 la production de son travail, c'est une urgence et ça veut dire quelque chose.
00:29:50 Ce n'est pas de l'entertainment, pour moi, la littérature, typiquement.
00:29:54 Si on prend cet exemple-là dans "Le masque et la plume".
00:29:56 Et alors, j'aime bien l'écouter.
00:29:59 Je l'écoute en plus.
00:30:00 J'aime bien l'écouter parce que je rigole.
00:30:02 Mais si vous voulez, pour moi, j'apprends plus de choses sur Olivia de Lamberterie,
00:30:05 Jérôme Garcin et toute la clique que sur les livres.
00:30:08 En fait, j'adore les entendre.
00:30:10 C'est un peu comme quand j'écoute Charline et Guillaume.
00:30:12 J'adore les écouter.
00:30:13 Mais vous voyez, on les écoute pas pour leurs invités.
00:30:15 On les écoute pour eux.
00:30:16 C'est pareil.
00:30:17 Moi, vous l'avez compris, mon travail, il est de passer,
00:30:20 de passer non pas la bonne parole littéraire,
00:30:23 mais au moins de passer des interrogations qui sont liées à la littérature.
00:30:27 - Et vous vous sentez en mission.
00:30:28 C'est une question que je posais au départ.
00:30:30 Vous dites souvent que cette émission, c'est un espace de résistance dans l'époque.
00:30:33 - Non, mais ça, je le dis comme un principe de réalité.
00:30:35 C'est-à-dire que c'est effectivement, quand on regarde les émissions tout autour,
00:30:38 c'est effectivement une émission de résistance,
00:30:40 ne serait-ce que par le temps qu'elle consacre à ses entretiens.
00:30:44 Ne serait-ce qu'avec sa programmation.
00:30:46 Je vous rappelle quand même que "La Grande Librairie" est la seule émission au monde
00:30:49 en prime time, en direct, sur un service public.
00:30:52 Vous ne le trouvez nulle part ailleurs.
00:30:54 Voilà, ça, c'est une fierté.
00:30:55 Et ça, c'est de la résistance, de la résistance qui nous vient de France 5
00:30:59 et de France Télévisions et qu'il faut saluer.
00:31:01 Et je salue François Bunel de s'être battu pendant 14 ans avant que je débarque
00:31:06 pour que ça perdure, parce que croyez-moi, c'est pas facile.
00:31:08 Si demain, ils mettent un jeu ou un documentaire, ça fait le double d'audience.
00:31:13 Si vous voulez, la littérature et ce type d'émissions, si on ne les défend pas,
00:31:17 elles disparaissent, elles disparaissent.
00:31:20 - Ça vous vient d'où, cet amour du livre ?
00:31:22 Je sais que votre grand-mère, Michèle, était bibliothécaire dans une école.
00:31:27 - Vous allez me faire pleurer, là, si vous dites son prénom.
00:31:30 - Vous avez une maman prof et votre grand-père vous a fait apprendre,
00:31:35 quand vous aviez 6 ans, les fables de Jean de La Fontaine,
00:31:38 en particulier l'épitaphe d'un paresseux.
00:31:40 Vous étiez paresseux ?
00:31:42 - Non, mais il voulait briller devant ses amis parce qu'il trouvait ça très chic
00:31:46 d'avoir un petit fils qui connaissait par cœur l'épitaphe de Jean de La Fontaine.
00:31:49 Ce qui dit aussi beaucoup de ce que c'est que la littérature.
00:31:52 La littérature, et ça, il ne faut jamais l'oublier, c'est aussi un capital symbolique.
00:31:56 C'est-à-dire que pour mes grands-parents, qui de ce côté-là étaient plutôt lecteurs,
00:32:00 c'était une façon de briller en société.
00:32:03 C'est une des raisons pour lesquelles la littérature fait si peur, d'ailleurs.
00:32:06 On se dit toujours que c'est un monde élitiste, un monde qu'on ne peut pas approcher.
00:32:09 Moi, tout mon travail avec Bibliothèque sans frontières, par exemple,
00:32:11 dont je suis le parrain, c'est de désacraliser les mots "culture" et "littérature"
00:32:15 pour montrer qu'ils peuvent s'adresser à tous.
00:32:17 Alors vous me direz, c'est un combat de longue haleine, c'est un travail.
00:32:20 Mais on y parvient petit à petit.
00:32:22 Je pense que pour lui, c'était une façon de briller.
00:32:25 Mais moi, en tout cas, ça m'a positionné dans la famille comme celui qui était le petit lecteur.
00:32:31 - L'intélho de service ?
00:32:33 - En tout cas, le lecteur, l'amoureux des livres.
00:32:35 Et je pense que ça a compté effectivement dans mon itinéraire, dans mon parcours.
00:32:38 - Votre grand-père, il avait des très grandes bibliothèques chez lui.
00:32:41 C'est ce que vous avez chez vous, non ?
00:32:43 - Bien sûr, oui.
00:32:44 - J'ai vu des photos sur votre compte Instagram.
00:32:46 - Oui, c'est ça.
00:32:47 - Et du coup, on pense, dans notre famille, mais moi, je le pense aussi,
00:32:49 je ne sais pas ce que vous en pensez, qu'il n'y a rien de plus beau que les livres.
00:32:52 - Vous dites souvent que c'est une expérience sensuelle, un livre.
00:32:55 - Oui.
00:32:56 - C'est quoi votre rapport au livre ?
00:32:57 - Je le touche, j'écris dedans, il respire ma sueur et même plus.
00:33:01 - Vous le cornez, vous écrivez, vous passez du Stabilo ?
00:33:04 - Bien sûr.
00:33:06 Et d'ailleurs, c'est un cauchemar pour les gens qui me prennent mes livres.
00:33:10 Mais c'est aussi très, très étrange pour moi
00:33:12 quand je retombe sur un livre que j'ai lu dix ans auparavant,
00:33:15 je retrouve le lecteur que je fus.
00:33:17 Il y a quelquefois des remarques dans les marges qui sont pour le moins insolites.
00:33:22 Et puis, j'ai développé aussi un truc, ça, je vous le confie,
00:33:28 qui est que, en fait, c'est aussi comme un petit journal intime.
00:33:31 C'est-à-dire que je me rends compte que quand j'ai une peine de cœur
00:33:33 ou un drame dans ma famille ou un drame d'amitié ou des problèmes dans le boulot,
00:33:37 j'écris aussi des petites phrases, des petits paragraphes.
00:33:41 Et donc, c'est très étrange de retomber dessus
00:33:44 parce que c'est vraiment...
00:33:46 Karine m'a dit que j'avais un gros nez, des trucs comme ça.
00:33:49 C'est très étrange.
00:33:51 - Est-ce que ça vous arrive, rassurez-moi, d'avoir un super bouquin,
00:33:55 d'être dans votre lit ou dans votre baignoire,
00:33:57 qui est à côté de vous et vous êtes sur votre smartphone ?
00:34:00 - C'est-à-dire que ça fait partie de mon métier.
00:34:02 Ça fait partie de mon métier d'être sur mon smartphone aussi.
00:34:05 Parce que ce qu'on n'a pas dit quand on parlait des réseaux sociaux tout à l'heure,
00:34:08 c'est que quand on est journaliste aujourd'hui,
00:34:10 on doit aussi se nourrir des questionnements
00:34:12 qui s'intéressent et qui surgissent sur ces réseaux sociaux,
00:34:14 qui sont, je le rappelle, pour toute une jeunesse et pour toute une génération,
00:34:17 la vie. C'est leur vie, en réalité.
00:34:19 Toute la journée, ils sont sur ces réseaux.
00:34:21 Si on décide d'abandonner ces réseaux sociaux,
00:34:24 de résister totalement à cela,
00:34:26 c'est d'ailleurs l'enjeu de mon émission demain soir...
00:34:28 - On se fait une émission sur les menaces qui pèsent sur le livre.
00:34:31 - Voilà, c'est ça. Mais si on fait ça, si on décide de résister
00:34:33 et de dire non, ça ne doit pas exister,
00:34:35 il ne doit pas y avoir de réseaux sociaux, il ne doit pas y avoir de téléphone,
00:34:38 dans ce cas-là, on se bouche les oreilles...
00:34:41 - L'écran est devenu un sérieux concurrent du livre.
00:34:43 - Très certainement.
00:34:44 - Quand je dis qu'on est dans son lit avec un beau bouquin qu'on vient d'acheter
00:34:46 et on est sur son smartphone sur Twitter,
00:34:48 il y a un appel de l'écran, il y a une addiction à l'écran.
00:34:52 Est-ce que c'est un concurrent frontal pour le livre ?
00:34:54 - C'est un concurrent frontal, mais il s'agit justement
00:34:56 de trouver des moyens de travailler avec.
00:34:58 C'est ce que j'essaie de m'efforcer de faire.
00:35:01 C'est ce que je m'efforce de faire.
00:35:03 Parce que sinon, ce serait se boucher les oreilles et se bander les yeux.
00:35:06 De penser qu'on va réussir, par la simple volonté de l'esprit,
00:35:10 à faire semblant que ces écrans ne sont pas là.
00:35:13 Ils sont là.
00:35:14 C'est la vie de la plupart de nos jeunes.
00:35:17 Et on doit composer avec.
00:35:19 Alors qu'est-ce qu'on fait ?
00:35:20 C'est ça la question qu'il faut poser, je crois.
00:35:23 - Vous allez avoir 15 ans de carrière bientôt,
00:35:27 15-20 ans de carrière dans ce métier.
00:35:30 Qu'est-ce qu'il vous a appris ?
00:35:32 - En tout cas, il ne m'a pas appris à me calmer, vous avez pu le voir.
00:35:36 - Vous êtes moins stressé quand même ?
00:35:39 - Non, je suis tout le temps stressé.
00:35:41 C'est le problème d'ailleurs.
00:35:43 Ça saoule tout le monde.
00:35:45 Qu'est-ce qu'il m'a appris ?
00:35:48 Il m'a appris à me poser des questions, toujours.
00:35:50 Il m'a appris l'exercice de la question perpétuelle.
00:35:52 Et puis, il m'apprend aussi, parce que je suis bien obligé,
00:35:55 et c'est ce qui est merveilleux dans mon métier,
00:35:57 mais c'est aussi une passion,
00:35:58 à lire et à sans cesse m'ouvrir à de nouvelles choses,
00:36:01 à sans cesse m'ouvrir à de nouveaux mondes,
00:36:03 d'autres temps, d'autres lieux,
00:36:05 d'autres personnalités, d'autres caractères.
00:36:08 C'est ça, l'expérience de la littérature, pour moi.
00:36:10 Il m'a appris à ne jamais m'ennuyer,
00:36:13 même si s'ennuyer, parfois, ça peut être beau.
00:36:16 Mais moi, en tout cas, souvent, je dis à mes amis,
00:36:20 mais moi, j'ai hâte d'être à la retraite,
00:36:21 parce que j'aurais mes livres.
00:36:23 Donc, en fait, je ne m'emmerderai jamais,
00:36:25 parce que j'aurais mes livres.
00:36:26 Et c'est vrai, en fait.
00:36:27 Moi, j'ai cette chance-là, je m'embête peu.
00:36:30 - Comment vous vous sentez dans l'époque médiatique, aujourd'hui ?
00:36:33 - C'est très violent.
00:36:34 Je pense qu'il ne faut pas se mentir.
00:36:36 C'est très violent.
00:36:37 - Vous parlez des réseaux sociaux.
00:36:38 - Oui.
00:36:39 - Tout votre image, ça compte beaucoup.
00:36:40 - C'est terrible.
00:36:41 Je défie quiconque de se prendre dans la figure,
00:36:44 de la part de Pompelmousse 44 et K778,
00:36:48 des horreurs, en fait.
00:36:50 Des horreurs qui se concentrent toujours, d'ailleurs,
00:36:52 sur les marches qu'on représente.
00:36:54 C'est terrible.
00:36:55 - Comment on s'en protège ?
00:36:56 Comment vous faites, vous ?
00:36:57 - J'ai quelqu'un qui m'accompagne dans la vie,
00:37:00 que ça met très en colère,
00:37:03 qui m'arrache mon téléphone des mains et qui le jette
00:37:06 pour qu'on fasse autre chose.
00:37:08 - C'est votre gardien ?
00:37:09 - Non, c'est mon amoureux.
00:37:11 Mais donc, ça, il fait quand même attention.
00:37:15 Mais c'est vrai que c'est complètement addictif
00:37:17 et masochiste et ultra-violent.
00:37:20 Moi, j'ai défi quiconque de se prendre
00:37:22 100, 150 messages ultra-violents
00:37:25 et de faire semblant que ça ne l'affecte pas.
00:37:27 C'est épouvantable de savoir qu'on parle de soi
00:37:30 avec des mots tels que ceux-là
00:37:33 et de parfois ne même pas avoir envie de répondre
00:37:37 parce que répondre, ça serait alimenter.
00:37:40 C'est terrible.
00:37:42 - Ne pas nourrir la bête et en même temps,
00:37:44 parfois, il faut riposter ou ne pas se laisser insulter,
00:37:46 diffamer.
00:37:47 - Il ne faut pas nourrir la bête.
00:37:48 Moi, déjà, je ne réponds jamais publiquement
00:37:49 parce que je trouve que c'est alimenter.
00:37:51 Mais quelquefois, quand je suis très, très blessé,
00:37:52 j'envoie un message pour dire,
00:37:54 voilà, vous m'avez blessé.
00:37:55 Parce que je pense que c'est important de le dire
00:37:57 pour que les gens le sachent.
00:37:58 Et d'ailleurs, la plupart du temps,
00:37:59 ils répondent, je suis désolé,
00:38:00 je retire ce que j'ai écrit.
00:38:02 Ce qui me réconcilie avec l'espèce humaine.
00:38:05 - Il y a un livre dont j'ai l'impression que personne...
00:38:08 - Attends, après, moi, je précise, moi, ça va.
00:38:11 C'est-à-dire que Sophia Aram est là, dans ses locaux.
00:38:15 Pour Sophia, c'est épouvantable.
00:38:17 - Elle a subi des menaces de mort sur les réseaux sociaux.
00:38:19 - C'est épouvantable.
00:38:20 Donc, moi, ça va.
00:38:21 Mais je répondais à l'époque médiatique.
00:38:24 Vous disiez ?
00:38:25 - Je disais, il y a un livre que peut-être personne
00:38:28 n'a vu arriver en cette rentrée
00:38:29 qui est un grand succès de librairie.
00:38:31 C'est le livre de Panaiotis Pasco,
00:38:33 qui est humoriste, qui est acteur,
00:38:34 qui a été révélé au Petit Journal.
00:38:36 Ça s'appelle "La prochaine fois que tu mordras la poussière".
00:38:39 Est-ce que vous, vous l'avez vu arriver, ce succès ?
00:38:42 - Non seulement je l'ai vu arriver,
00:38:44 mais je me souviens de Panaiotis,
00:38:45 avec qui j'ai travaillé il y a très longtemps,
00:38:47 sur Canal+.
00:38:49 Je me souviens qu'il m'a appelé pour me dire,
00:38:52 j'ai fini ce manuscrit.
00:38:53 Est-ce que tu sais un éditeur à qui je pourrais l'envoyer ?
00:38:56 Et je lui ai dit non,
00:38:58 parce que ce n'est pas mon métier.
00:39:00 Je ne suis vraiment pas éditeur.
00:39:02 En revanche, je lui ai dit,
00:39:03 je serais curieux que tu me l'envoies.
00:39:05 Et quand je l'ai lu, j'ai été très touché.
00:39:06 D'ailleurs, il viendra à la grande librairie Panaiotis, bientôt.
00:39:08 On va faire une émission sur l'idée de faire famille,
00:39:11 avec le très beau livre de Sophie Galabru,
00:39:13 qui s'appelle justement "Faire famille",
00:39:14 et qui réfléchit à toutes les possibilités de lien.
00:39:16 Aujourd'hui, il viendra,
00:39:17 il sera invité dans l'émission bientôt, Panaiotis.
00:39:19 C'est un livre très touchant,
00:39:20 un livre sur la dépression,
00:39:21 mais aussi un livre incroyable
00:39:22 sur le lien qu'on peut avoir avec un père.
00:39:24 Moi, ça me touche beaucoup, pour des raisons personnelles.
00:39:26 - C'est ça la recette du succès de ce livre ?
00:39:28 C'est qu'il parle à la jeunesse des questions de sexualité,
00:39:31 des questions de santé mentale ?
00:39:32 - Alors, déjà, moi, je pense que le succès d'un livre,
00:39:34 ça dépend des lecteurs.
00:39:36 C'est-à-dire que s'il y a un bouche à oreille qui se produit,
00:39:39 il n'y a que comme...
00:39:40 C'est très rare qu'un très mauvais livre passe inaperçu.
00:39:43 C'est ce que je réponds parfois aux écrivains qui m'écrivent
00:39:46 en me disant "c'est un scandale,
00:39:47 je n'ai jamais été publié, toujours les mêmes".
00:39:49 Je leur réponds, un éditeur n'a aucun intérêt
00:39:52 à se passer d'un bon livre.
00:39:54 Ça ne lui coûte rien, c'est un premier roman.
00:39:56 Il vous donne 2000 euros pour lui, c'est rien.
00:39:58 Et il peut s'enrichir.
00:40:00 Donc remettez-vous en question, vraiment.
00:40:03 Parce que je pense que c'est juste que votre livre
00:40:05 ne convient pas à cette maison d'édition
00:40:07 ou peut-être n'est-il pas bon même.
00:40:09 Il faut aussi se poser cette question-là.
00:40:11 Non, je pense que le livre de Panaïotis,
00:40:12 il y a beaucoup de choses qui rentrent en compte.
00:40:14 Peut-être, effectivement, le bandeau où on voit son visage,
00:40:16 peut-être que ça a appelé des fans en librairie,
00:40:20 que ça a appelé un public qui s'est dit
00:40:23 "Ah, ça me dit quelque chose, je vais le lire".
00:40:25 Mais je pense que c'est surtout la qualité du texte.
00:40:27 Il faut lui reconnaître.
00:40:29 Un texte qui parle de quelque chose
00:40:31 qui est souvent tu, la dépression.
00:40:33 Et quand je parle de dépression, je parle de maladie.
00:40:35 Et puis un texte assez universel dans ses relations familiales.
00:40:38 Les internautes m'ont envoyé des questions pour vous
00:40:42 et la question qui est le plus revenue,
00:40:44 c'est le conseil lecture que vous donneriez...
00:40:47 Allez, pour vous, parce que je vous aime.
00:40:50 Alors, je vous ai posé la question.
00:40:52 En plus, ça a un lien, parce que j'ai toujours un livre avec moi.
00:40:55 Je vous disais que Proust, c'est ma boussole.
00:40:58 J'ai pris le temps retrouvé avec moi.
00:41:00 Et ça a un lien puisque le livre que je choisis,
00:41:02 c'est un livre de Laura Murat,
00:41:03 qui est une universitaire qui travaille aux Etats-Unis,
00:41:06 qui est enseignante,
00:41:07 et qui a beaucoup écrit sur le genre,
00:41:10 mais pas seulement, sur le droit également.
00:41:12 Et qui a écrit un livre magnifique à cette rentrée
00:41:14 que vous avez peut-être déjà lu
00:41:15 "Proust, roman familial",
00:41:17 et qui est un livre où elle revient, en réalité,
00:41:20 sur sa famille.
00:41:21 Laura Murat est également princesse,
00:41:24 elle lui a beaucoup caché,
00:41:26 princesse de Luine et princesse Murat de l'autre côté.
00:41:29 Et en fait, elle raconte que quand elle était petite,
00:41:32 quand elle a découvert véritablement Proust,
00:41:34 elle s'est rendue compte que dans les pages
00:41:36 de la recherche du temps perdu,
00:41:37 il y avait sa famille, en fait,
00:41:38 dans la mesure où ils étaient cités par Proust,
00:41:40 et que sa famille même fréquentait Proust.
00:41:42 Et en fait, elle raconte comment Proust a pu l'aider,
00:41:44 justement, à accepter quelque chose de très difficile,
00:41:47 c'était de comprendre à quel point ce milieu
00:41:49 de l'aristocratie était non seulement toxique,
00:41:53 mais aussi composé de formes vides,
00:41:56 composé de vacuités.
00:41:57 Et c'est exactement ce que montre Proust
00:41:58 tout au long de la recherche du temps perdu.
00:42:00 Elle montre comment Proust l'a aidé à comprendre
00:42:03 comment ce milieu l'a rejeté, en particulier sa mère,
00:42:05 lorsqu'elle a avoué, Laura Murat,
00:42:07 qu'elle était, enfin, avoué, lorsqu'elle a dit
00:42:09 qu'elle était lesbienne à l'âge de 20 ans,
00:42:12 le seul et unique, le dernier déjeuner
00:42:14 qu'elle a eu avec sa mère.
00:42:15 Et sa mère lui a répondu,
00:42:17 "Tu n'es qu'une pauvre fille,
00:42:18 tu n'es qu'une fille perdue."
00:42:20 Et elle raconte comment, justement,
00:42:21 Proust a pu l'aider.
00:42:23 C'est un livre d'une drôlerie.
00:42:25 Proust, en fait, pour les gens qui l'aiment,
00:42:27 enfin, je ne sais pas ce que vous en pensez,
00:42:29 mais pour moi, c'est vraiment l'écrivain
00:42:30 le plus drôle du monde.
00:42:31 Et vraiment, ce livre de Laura Murat est drôle,
00:42:35 alors qu'il parle de choses absolument déchirantes,
00:42:37 de l'extraction à un milieu social,
00:42:39 c'est terrible.
00:42:40 La façon dont on peut être rejeté,
00:42:42 moi, ça m'a beaucoup parlé,
00:42:43 par un milieu, c'est terrible.
00:42:44 Et elle arrive à nous faire rire
00:42:46 avec des analyses toutes plus brillantes
00:42:48 les unes que les autres de Marcel Proust.
00:42:50 Et donc, du coup, je vous ai emmené
00:42:51 Le Temps Retrouvé,
00:42:52 et je vais vous lire un extrait du Temps Retrouvé,
00:42:54 mais très court,
00:42:55 qui fait une phrase.
00:42:58 - On vous écoute, Augustin.
00:42:59 - Attends, est-ce qu'il faut que je mette mes lunettes,
00:43:01 parce que je ne vois plus rien.
00:43:02 C'est le privilège de l'âge.
00:43:03 Je n'ai pas encore mis à la grande librairie,
00:43:05 mais ça ne va pas tarder.
00:43:06 Fais-moi confiance.
00:43:07 Alors, je vous dis pourquoi.
00:43:08 On est dans Le Temps Retrouvé,
00:43:09 pardon, on est dans Le Temps Retrouvé,
00:43:11 et le personnage le plus important du Temps Retrouvé,
00:43:13 donc le dernier tome de la recherche du temps perdu,
00:43:15 c'est évidemment Madame Verdurin.
00:43:17 Madame Verdurin,
00:43:18 cette bourgeoise qu'on a retrouvée,
00:43:19 qui s'est enrichie,
00:43:20 qui a trouvé une sorte de respectabilité,
00:43:23 mais qui est toujours aussi atroce.
00:43:24 Et il se trouve qu'elle est en train de lire le journal.
00:43:27 Vous allez comprendre pourquoi
00:43:28 j'ai lu cet extrait très court.
00:43:29 Elle est en train de lire le journal,
00:43:30 et elle mange des croissants,
00:43:32 et les croissants dégoulinent.
00:43:34 Et dans le journal,
00:43:35 il y a quelque chose dont elle se désespère,
00:43:37 c'est le naufrage d'un paquebot.
00:43:39 Et Proust, je trouve,
00:43:41 de façon absolument magnifique,
00:43:42 montre l'hypocrisie et l'obscénité du commentaire,
00:43:46 parfois, du commentaire sur l'actualité,
00:43:48 alors qu'on ferait tous et toutes,
00:43:50 parfois, mieux de se taire.
00:43:52 Elle reprit son premier croissant
00:43:55 le matin où les journaux
00:43:57 narraient le naufrage du Lusitania,
00:43:59 tout en trempant le croissant dans le café au lait
00:44:02 et donnant des piches nettes à son journal
00:44:04 pour qu'il puisse se tenir grand ouvert
00:44:06 sans qu'elle eût besoin de détourner
00:44:07 son autre main des trempettes.
00:44:09 Elle disait « Quelle horreur !
00:44:11 Cela dépasse en horreur
00:44:12 les plus affreuses tragédies. »
00:44:14 Mais la mort de tous ces noyés
00:44:16 ne devait lui apparaître que réduite
00:44:18 au milliardième,
00:44:19 car tout en faisant la bouche pleine,
00:44:21 ses réflexions désolées,
00:44:23 l'air qui surnageait sur sa figure,
00:44:25 amenait là probablement,
00:44:27 ça m'émeut à chaque fois,
00:44:29 par la saveur du croissant,
00:44:31 si précieux contre la migraine,
00:44:33 était plutôt celui d'une douce satisfaction.
00:44:36 Alors donc c'est très cruel.
00:44:38 Moi je pleure tout le temps quand je lis
00:44:40 et quand je regarde des films.
00:44:42 Je vous demande pardon.
00:44:43 Ce qui explique d'ailleurs parfois
00:44:44 que je craque complètement dans la grande librairie.
00:44:45 L'autre jour en direct,
00:44:46 je me suis mis à pleurer devant Natacha Hapana
00:44:48 qui ne comprenait pas.
00:44:49 Je suis en train de lire un extrait sur sa grand-mère,
00:44:51 je me suis mis à pleurer,
00:44:52 c'était pathétique, mais c'est moi.
00:44:53 Ça fait partie de ce que je suis.
00:44:55 Merci Augustin Trappenard.
00:45:00 Bravo.
00:45:01 Je vous propose une ultime consolation
00:45:10 de nos amis du public
00:45:11 à qui je donne la parole.
00:45:12 Il nous reste une petite dizaine de minutes.
00:45:14 On a à peu près tenu le timing
00:45:16 pour vous poser les questions qui sont les leurs.
00:45:18 Donc bienvenue à vous.
00:45:20 Il y a un micro qui circule.
00:45:21 Bonjour.
00:45:28 Bonjour madame.
00:45:29 Excusez-moi, je vais vous parler un peu des livres,
00:45:33 mais aussi des lieux où il y a les livres,
00:45:35 c'est-à-dire des bibliothèques.
00:45:37 Et de mon expérience,
00:45:40 parce que je suis bénévole,
00:45:41 je voulais parler de la transmission,
00:45:45 parce que je suis bénévole
00:45:47 dans une bibliothèque de petits villages
00:45:50 depuis 15 ans.
00:45:51 Et depuis 10 ans,
00:45:53 j'ouvre la bibliothèque aux enfants,
00:45:55 c'est-à-dire aux enfants,
00:45:57 aux maternelles et aux primaires.
00:45:59 Et toute, je résume un peu,
00:46:03 mais toute expérience est très intéressante,
00:46:06 très enrichissante.
00:46:09 Parce que à un moment donné,
00:46:11 vous pouvez parler à un enfant
00:46:13 de la Comtesse de Ségure
00:46:15 et vous allez vous dire,
00:46:16 je vais prendre un bide,
00:46:18 et puis non, ils prennent ce livre
00:46:20 et ils vous disent, j'ai beaucoup aimé.
00:46:22 Je veux dire, vous avez les petits,
00:46:24 je suis avec une classe de maternelle,
00:46:27 mais où il y a trois niveaux.
00:46:30 Donc vous prenez des livres pour les trois,
00:46:32 les quatre, les cinq ans.
00:46:34 Vous voyez la différence
00:46:35 des enfants de cinq, six ans
00:46:38 qui vont passer au CP,
00:46:39 ils sont plus mûrs.
00:46:40 Vous voyez tout ce qui les enchante.
00:46:42 Vous pouvez travailler sur les saisons,
00:46:47 le Noël qui va arriver,
00:46:48 tout ça, c'est très intéressant.
00:46:51 Et par rapport aux primaires,
00:46:54 excusez-moi, je suis longue,
00:46:55 mais vous voyez les CP qui arrivent,
00:46:58 qui veulent lire,
00:46:59 qui veulent découvrir ce que les grandes ont.
00:47:02 Et puis vous voyez aussi,
00:47:04 un petit peu les CM1, CM2,
00:47:07 sur lesquels on offre des livres,
00:47:09 mais l'instituteur aussi demande
00:47:13 à lire des livres pour les préparer
00:47:15 à passer au collège,
00:47:17 où il y a la demande
00:47:18 de faire une fiche de lecture,
00:47:21 mais quelque chose d'encore plus pertinent,
00:47:24 de demander à l'enfant,
00:47:25 mais d'essayer de créer un entretien
00:47:30 avec les autres enfants.
00:47:34 - Augustin Trattenin va vous répondre, madame.
00:47:36 - Pourquoi tu as aimé ce livre ?
00:47:39 - Bien sûr, je vous réponds.
00:47:40 Et d'ailleurs, je vous remercie d'abord
00:47:42 pour ce témoignage
00:47:43 et surtout pour ce travail.
00:47:45 Je le disais, François le disait,
00:47:46 ma grand-mère était bibliothécaire,
00:47:47 donc ça me touche beaucoup.
00:47:48 Et je suis le parrain, depuis six ans,
00:47:50 d'une association qui s'appelle
00:47:51 Bibliothèques sans frontières
00:47:52 et qui travaille justement
00:47:53 avec les bibliothèques
00:47:54 pour lutter contre des situations d'illettrisme,
00:47:57 notamment, mais en France
00:47:59 et dans le monde entier,
00:48:00 pour lutter, pour aider justement,
00:48:03 pour apporter l'information,
00:48:04 l'éducation et la culture
00:48:05 auprès des plus vulnérables
00:48:06 et dans des situations d'urgence.
00:48:08 Je suis très sensible à ce que vous dites.
00:48:10 C'est vrai que La Grande Librairie
00:48:12 est une émission qui ne s'adresse pas aux enfants.
00:48:13 Alors on a, sur le service public,
00:48:14 vous le savez, des émissions
00:48:16 qui sont justement destinées
00:48:17 à un public jeunesse
00:48:18 et qui font la part belle aux livres.
00:48:20 Ça fait partie de leur mission
00:48:21 de service public.
00:48:22 Moi, de mon côté, j'essaye chaque année
00:48:25 d'inviter un, deux ou trois auteurs jeunesse
00:48:28 parce que je pense qu'ils vont être intéressants
00:48:31 pour les parents et les grands-parents
00:48:33 qui vont possiblement offrir ces livres aux enfants.
00:48:36 Sur ce que vous dites et ce que j'entends
00:48:38 et qui me passionne, c'est le dialogue.
00:48:40 Vous savez, demain, je reçois un invité
00:48:42 qui s'appelle Michel Desmurgers,
00:48:43 chercheur en neurosciences,
00:48:44 qui a écrit un livre qui s'appelle
00:48:45 "Faites les lire"
00:48:47 en parlant des enfants
00:48:48 pour se battre justement
00:48:49 contre la prolifération des écrans.
00:48:51 Or, moi, je pense, et je lui dirais,
00:48:53 que cette injonction,
00:48:54 "Faites les lire" pour répondre
00:48:55 et pour aller dans votre sens,
00:48:56 c'est ce qu'il y a de pire.
00:48:57 C'est-à-dire qu'on ne fait pas lire quelqu'un.
00:48:59 On essaye de faire surgir justement
00:49:01 par le dialogue, par la joie,
00:49:03 par...
00:49:04 C'est-à-dire que la transmission, pour moi,
00:49:06 elle se joue comme ça, si vous voulez,
00:49:07 par capilarité, par enthousiasme, par joie.
00:49:09 Et c'est ce que j'essaye humblement de faire
00:49:11 dans la Grande Librairie
00:49:12 en essayant de faire dialoguer
00:49:14 mes invités, vous voyez,
00:49:15 pour qu'ils puissent eux-mêmes dire,
00:49:17 s'enthousiasmer ou non, d'ailleurs,
00:49:19 pour le livre d'un de leurs collègues.
00:49:22 C'est, à mon avis, dans ces échanges,
00:49:24 dans ce dialogue,
00:49:25 que se joue la prescription.
00:49:26 Et c'est ce que j'entends de votre question
00:49:28 et je vous en remercie.
00:49:29 - Merci, Augustin Trapp.
00:49:30 Alors, on va prendre une deuxième question.
00:49:33 - Merci. Bonjour.
00:49:34 - Bonjour.
00:49:35 - J'aurais souhaité savoir
00:49:36 s'il vous est déjà arrivé d'inviter un écrivain
00:49:39 qui a écrit un livre que vous n'avez pas aimé
00:49:41 et sur lequel vous avez changé d'avis
00:49:43 en discutant avec lui ou avec elle ?
00:49:46 - Alors, je pense que c'est un peu
00:49:48 un peu la même chose.
00:49:49 Je pense que c'est un peu la même chose.
00:49:51 Je pense que c'est un peu la même chose.
00:49:53 Je pense que c'est un peu la même chose.
00:49:55 Je pense que c'est un peu la même chose.
00:49:57 Je pense que c'est un peu la même chose.
00:49:59 Je pense que c'est un peu la même chose.
00:50:01 Alors, déjà, je reçois cinq écrivains par semaine.
00:50:03 Alors, déjà, je reçois cinq écrivains par semaine.
00:50:04 Donc, si vous voulez, si je devais m'arrêter
00:50:05 à la question "j'aime, j'aime pas",
00:50:07 je pense que j'arrête l'émission là tout de suite
00:50:09 parce que, au bout de deux semaines,
00:50:11 j'ai reçu la plupart des écrivains
00:50:13 quand même que j'aimais.
00:50:14 Non, j'ai toujours essayé de sortir,
00:50:16 si vous voulez, de ce questionnement-là.
00:50:18 Je suis un ancien universitaire.
00:50:20 Vous savez, j'enseignais la littérature.
00:50:22 Et donc, pour moi, en fait,
00:50:24 l'enjeu de "j'aime, j'aime pas",
00:50:25 bon, c'est bien, mais c'est pas suffisant.
00:50:27 Ce qui m'intéresse, c'est plutôt de questionner le texte
00:50:30 et de faire surgir dans le texte
00:50:32 des questions qui, moi, me semblent intéressantes
00:50:35 et qui peuvent intéresser le public.
00:50:37 Et puis, il y a une autre dimension,
00:50:39 c'est que je me méfie aussi beaucoup
00:50:40 de mon propre jugement de goût
00:50:42 pour une raison très simple.
00:50:43 C'est que moi, je suis Augustin Trappenard.
00:50:44 J'ai grandi dans une famille bourgeoise.
00:50:46 J'ai été à l'école, au lycée.
00:50:50 Je suis normalien, agrégé.
00:50:51 J'ai fait une thèse.
00:50:52 Je suis parti aux États-Unis.
00:50:54 Si vous voulez, je suis pas le lecteur.
00:50:56 Je suis pas le même lecteur que vous, par exemple.
00:50:59 Donc, moi, ma mission de service public,
00:51:01 c'est aussi de faire surgir toutes sortes de lecteurs
00:51:04 qui pourraient se retrouver dans cette émission.
00:51:06 Donc ça, c'est la première partie de ma réponse.
00:51:08 La deuxième, c'est que j'essaye pas d'être convaincu
00:51:12 par un invité.
00:51:13 J'essaye pas de changer mon point de vue sur un livre.
00:51:16 J'essaye, au contraire, de le mettre en retrait,
00:51:18 mon point de vue,
00:51:19 et de faire surgir des choses intéressantes.
00:51:21 Pour reprendre votre question,
00:51:22 il m'est arrivé très souvent de trouver
00:51:24 un écrivain beaucoup plus intéressant que son oeuvre.
00:51:26 Ça, c'est certain.
00:51:27 Voilà.
00:51:28 - Merci. On continue.
00:51:31 Il y a beaucoup de mains qui se lèvent.
00:51:38 - Merci.
00:51:39 - Je vais répondre vite.
00:51:40 - Bonjour.
00:51:41 - Bonjour.
00:51:42 - Vous expliquez que "Boomerang"
00:51:43 était plutôt une interview de portrait.
00:51:44 Je voulais savoir quel est votre rapport...
00:51:46 Et vous êtes aussi un amoureux de Mireille Dumas.
00:51:48 Donc, quel est votre rapport à l'interview portrait ?
00:51:50 Et deuxième question,
00:51:51 vous êtes-vous déjà retrouvés réveillés
00:51:52 par une question à poser le lendemain ?
00:51:54 - Par une question à poser par qui ?
00:51:56 - À poser le lendemain matin dans "Boomerang", par exemple.
00:51:58 - Oui, ça m'est arrivé.
00:51:59 Oui, ça m'est arrivé.
00:52:00 Une question...
00:52:01 Souvent, des questions un peu drôles, oui, effectivement.
00:52:03 Ou quelquefois...
00:52:04 C'est vrai que vous me demandiez ça, François.
00:52:06 Quelquefois, je ne sais pas que je les teste,
00:52:08 mais par exemple,
00:52:09 j'ai toujours rêvé de recevoir Céline Dion,
00:52:11 que je n'ai jamais reçue.
00:52:13 Et je faisais rire mes amis en disant,
00:52:15 la première question que je poserai à Céline Dion,
00:52:17 c'est "Est-ce que vous pouvez me donner le nom
00:52:19 et le prénom de tous vos frères et sœurs dans l'ordre ?"
00:52:22 Parce qu'il y en a 12, ça me faisait rire.
00:52:24 Et je pense que si je l'avais reçu dans "Boomerang",
00:52:26 je lui aurais vraiment posé la question,
00:52:27 parce que c'était devenu une telle blague pour moi.
00:52:29 Et je me disais toujours que la deuxième question,
00:52:31 ce serait "Céline, est-ce que vous pouvez me faire la note ?"
00:52:33 Et par "la note", j'entends dans "All by myself",
00:52:35 quand elle crie très très fort.
00:52:36 "Anymore !"
00:52:38 Vous voyez, celle-là.
00:52:39 Voilà, donc...
00:52:40 Et malheureusement, je lui ai écrit trois lettres,
00:52:42 mais elle n'a jamais voulu venir dans "Boomerang", hélas.
00:52:45 Donc oui, ça m'arrive.
00:52:46 Et la première question,
00:52:47 "Quel rapport est-ce que j'ai avec le portrait ?"
00:52:49 Je déteste ça.
00:52:50 Et je pense que si on fait ce métier,
00:52:52 c'est vraiment pour...
00:52:53 Si moi, je fais ce métier,
00:52:54 c'est vraiment pour poser des questions
00:52:56 plutôt que de m'en entendre poser et de devoir répondre.
00:52:59 François, ça va,
00:53:00 parce que là, aujourd'hui, ça s'est bien passé,
00:53:02 mais ça m'agresse, en fait, terriblement.
00:53:05 Et très souvent, j'ai envie de répondre
00:53:06 ce que je détesterais qu'un invité me réponde,
00:53:08 mais...
00:53:10 Ça te regarde pas.
00:53:12 (Rires)
00:53:14 -Merci.
00:53:16 -Bonjour. -Bonjour.
00:53:18 -Je suis ravie de vous avoir en face,
00:53:20 parce que ça fait longtemps que vous êtes
00:53:22 ou dans les oreilles le matin avec "Boomerang",
00:53:24 et le mercredi soir, maintenant,
00:53:25 je rejoins le club des plus de 60 ans.
00:53:28 -Attendez, il y a moi aussi.
00:53:30 -C'est vraiment un grand plaisir.
00:53:31 Et je me permets une question un petit peu personnelle,
00:53:34 voire très intéressée,
00:53:36 puisque je passe du métier de psychologue
00:53:38 à celui de libraire,
00:53:40 et c'est tout nouveau.
00:53:41 Je sais que c'est un peu...
00:53:42 Un grand saut dans un métier qui est aussi complexe et fragile.
00:53:46 Je crois que les deux ont ça en commun.
00:53:48 Et je me permets de vous demander
00:53:50 si vous aviez des conseils précieux
00:53:52 ou ne serait-ce que des encouragements,
00:53:54 tout ce que vous avez.
00:53:55 Je suis preneuse. Merci beaucoup.
00:53:57 -J'ai tout ça, évidemment.
00:53:59 D'abord, je voudrais vous remercier.
00:54:01 J'aimerais même qu'on vous applaudisse,
00:54:02 parce que créer...
00:54:03 -C'est adoré. Merci.
00:54:04 (Applaudissements)
00:54:06 -Donc, c'est moi. Bon courage.
00:54:07 -Et parce que pour moi,
00:54:08 la librairie indépendante,
00:54:09 c'est un des meilleurs métiers
00:54:10 de la librairie indépendante.
00:54:12 Et parce que pour moi,
00:54:13 la librairie indépendante,
00:54:14 c'est le coeur de la grande librairie.
00:54:16 C'est pour ça que François Bunel l'a appelé ainsi.
00:54:18 C'est parce que fonder une librairie,
00:54:20 c'est se poser une question
00:54:21 qu'on devrait tous se poser.
00:54:23 C'est quel centre-ville est-ce qu'on veut demain ?
00:54:26 Est-ce qu'on veut plus de boulangers ?
00:54:28 Est-ce qu'on veut plus de bouchers ?
00:54:29 Est-ce qu'on veut plus de fromagers ?
00:54:30 Non. De la même façon,
00:54:32 on veut encore des libraires indépendants.
00:54:34 Parce que je pense qu'avec ce métier-là,
00:54:36 vous résistez, vous créez du lien.
00:54:39 Parce que vous pouvez vous ouvrir aussi à des jeunes,
00:54:41 quand vous grossirez votre librairie,
00:54:43 avec des jeunes libraires
00:54:45 qui feront ce pont, je le souhaite,
00:54:47 entre l'électronique, les réseaux sociaux et le livre.
00:54:50 Parce que je pense qu'il y a plein de choses à faire.
00:54:52 Vous dire que vous êtes la bienvenue dans la grande librairie
00:54:54 parce que tous les libraires sont invités,
00:54:56 même quand on n'est pas en public.
00:54:58 Il suffit d'appeler Inès de la Mode Saint-Pierre,
00:55:00 qui est notre responsable libraire
00:55:01 et qui est formidable par les réseaux sociaux,
00:55:03 et elle vous invitera à venir.
00:55:04 C'est avec joie que je vous recevrai.
00:55:06 Et vous dire merci, surtout.
00:55:08 Ma plus grande fierté, c'est ça, en fait,
00:55:10 avec la grande librairie,
00:55:11 c'est de défendre les librairies indépendantes.
00:55:13 Et je me réjouis que le service public
00:55:15 soit militant avec cette émission.
00:55:18 Parce que oui, c'est effectivement une émission
00:55:21 qui ne se cache pas,
00:55:22 de défendre la librairie indépendante
00:55:24 face aux gars-femmes, vraiment.
00:55:27 Et j'en suis fier.
00:55:28 Et chaque semaine, on a une séquence d'Inès, justement,
00:55:30 qui va voir un libraire indépendant.
00:55:32 Et très souvent, c'est des nouvelles librairies
00:55:34 dont vous n'êtes pas à l'abri.
00:55:36 - Merci beaucoup.
00:55:37 - Est-ce qu'il y a une dernière question ?
00:55:39 - Bonjour.
00:55:48 - Bonjour.
00:55:49 - Je souhaiterais savoir,
00:55:50 sur l'ensemble de votre carrière,
00:55:51 quel est le moment qui vous a le plus ému ?
00:55:54 - Moi, je pleure tout le temps.
00:55:56 Vous savez qu'il y a eu une semaine,
00:55:58 dans Boomerang, la dernière saison,
00:56:00 où non seulement j'ai fait pleurer
00:56:02 tous mes invités, du lundi au vendredi,
00:56:04 mais moi-même, j'ai versé au moins quatre larmes.
00:56:06 J'ai eu des moments, bon, je vais vous le raconter,
00:56:11 parce que je n'en ai pas fait mystère.
00:56:13 Un jour, je recevais Claude Ponty,
00:56:16 qui est un auteur jeunesse,
00:56:18 que vous connaissez sans doute,
00:56:19 un grand auteur jeunesse,
00:56:20 et qui n'a jamais fait mystère
00:56:22 du fait qu'il avait été abusé sexuellement
00:56:26 dans sa jeunesse.
00:56:27 C'est quelque chose, moi,
00:56:28 que j'ai vécu aussi très jeune.
00:56:30 Et évidemment, je ne l'ai pas dit à l'antenne,
00:56:33 parce que ce n'était pas le sujet.
00:56:34 Là, je faisais vraiment son interview.
00:56:37 Et je me souviens qu'au moment où j'ai lancé le disque,
00:56:41 donc vous savez, dans Boomerang,
00:56:43 il y avait toujours un disque,
00:56:44 donc on n'était plus à l'antenne, si vous voulez.
00:56:46 Il y en avait trois minutes où on pouvait dialoguer.
00:56:48 Il m'a pris la main et il m'a dit
00:56:50 "Et vous, c'était qui ? C'était quand ?"
00:56:53 Et ça m'a bouleversé.
00:56:55 Bouleversé.
00:56:56 Et en fait, j'y ai beaucoup repensé ces temps-ci,
00:56:58 parce que le livre de Neige Sinault,
00:57:00 qui vient de paraître, qui s'appelle "Triste Tigre",
00:57:02 qui parle justement de ces violences sur les enfants,
00:57:05 en parle dans le sens qu'à la toute fin du livre,
00:57:08 elle dit qu'il y a quelque chose de très rare
00:57:11 entre les victimes d'inceste et les victimes de viol,
00:57:14 enfants, c'est que quelquefois, ils se reconnaissent.
00:57:17 Ils se reconnaissent rien qu'en un regard, en se croisant.
00:57:21 Ils ne vont pas devenir amis forcément,
00:57:23 mais ils savent ce silence partagé.
00:57:26 Voilà, ça, ça m'a bouleversé.
00:57:28 En fait, pour répondre à votre question,
00:57:30 et pardon d'avoir été trop intime,
00:57:32 en réalité, j'ai été le plus ému
00:57:35 quand soudain, ça me renvoyait au visage ce que j'étais.
00:57:38 C'est là le moment où l'acte de l'interview devient le plus fort.
00:57:42 C'est quand soudain, on se met à parler de soi.
00:57:46 (Applaudissements)
00:57:58 Merci pour ces mots, pour cette réponse.
00:58:01 On peut encore prendre une question ou deux ?
00:58:03 Bien sûr, oh là là !
00:58:05 J'ai une réunion de rédaction après, je ne vais pas du tout me vidiller avec vous.
00:58:08 Après, promis, on vous libère.
00:58:10 Non, je ne relis pas le Grand Moulde,
00:58:20 je n'aime pas le Grand Moulde,
00:58:21 et pourtant, mes parents m'ont appelé,
00:58:23 "Augustin, grâce au Grand Moulde."
00:58:25 Je vais dire "grâce" pour leur faire plaisir.
00:58:27 Mais non, je ne leur lis pas.
00:58:30 Madame, allez-y.
00:58:31 Bonjour, je suis ravie de vous rencontrer.
00:58:33 Bonjour Madame.
00:58:34 Moi, c'était beaucoup plus léger,
00:58:36 je voulais savoir l'effet que ça vous fait
00:58:38 quand, je ne sais pas, par hasard,
00:58:40 vous êtes sur une plage, dans une gare,
00:58:43 ou en ville,
00:58:45 et que vous voyez un homme ou une femme lire du Lévy.
00:58:50 Du Marc Lévy ?
00:58:52 Oh là là, j'ai une grande histoire avec Marc Lévy, moi.
00:58:56 Bon, déjà, moi,
00:58:58 ça ne sera pas sur une plage,
00:59:00 le mec ne répond pas à la question,
00:59:01 ça ne sera pas sur une plage parce que je n'aime pas le sable.
00:59:03 Non, non, je vais vous répondre.
00:59:05 En fait, j'ai toujours, comme je vous le disais tout à l'heure,
00:59:07 essayé de mettre à distance mon propre goût.
00:59:10 Évidemment, ce n'est pas mon écrivain préféré,
00:59:12 ce n'est pas forcément la littérature que je lis,
00:59:14 mais pour autant, j'ai toujours essayé
00:59:16 de ne pas avoir de mépris,
00:59:17 non seulement pour lui,
00:59:18 mais aussi pour ses lecteurs et ses lectrices,
00:59:21 qui sont en réalité des amoureux de la littérature.
00:59:24 Et le travail d'un libraire, on en parlait tout à l'heure,
00:59:26 c'est aussi d'amener un lecteur,
00:59:29 par exemple de Marc Lévy, de Guillaume Musso,
00:59:31 de plein d'autres auteurs populaires, en fait,
00:59:33 vers d'autres littératures.
00:59:35 Donc, pour moi, si vous voulez,
00:59:37 je me réjouis toujours de voir quelqu'un lire.
00:59:39 Marc Lévy, je l'ai reçu,
00:59:41 je l'ai reçu dans Boomerang.
00:59:42 Je devais le recevoir dans 21 cm,
00:59:45 sur Canal+.
00:59:47 Je avais envie de partir avec lui en Chine,
00:59:49 parce que j'avais envie de voir toutes les lectrices chinoises
00:59:51 faire "Wouhou" comme ça,
00:59:53 c'est complètement dingue, il paraît.
00:59:55 Donc je voulais filmer ça.
00:59:56 Mais Canal+ m'a demandé à l'époque
00:59:58 de le recevoir sous une semaine,
01:00:00 sans quoi j'étais renvoyé,
01:00:02 puisqu'il faisait partie du groupe "Vive un dit",
01:00:04 c'est aussi ça le problème.
01:00:05 Du coup, j'ai préféré partir.
01:00:07 Donc voilà, pour ma petite histoire avec Marc Lévy.
01:00:10 Mais c'est...
01:00:12 En tout cas, je résiste toujours
01:00:14 à ce sentiment qu'on a tous.
01:00:16 Quelquefois, on peut avoir une sorte de mépris,
01:00:18 ou regarder de haut,
01:00:20 ou simplement de voir quelqu'un
01:00:22 lire un livre et tu te dis
01:00:24 "Oh là là, j'aimerais tellement qu'il lise plutôt ça".
01:00:26 Mais bon, il est en train de lire,
01:00:28 c'est déjà merveilleux.
01:00:30 Voilà ce que je me dis, si je suis complètement honnête.
01:00:32 - Et la dernière chose, en fait,
01:00:34 c'est quoi votre approche aussi avec les liseuses ?
01:00:38 - Alors moi, j'en ai une.
01:00:40 J'en ai une d'une mauvaise marque en plus,
01:00:42 mais bon, qu'on dira pas.
01:00:44 J'en ai une, mais je vais vous dire pourquoi,
01:00:46 ça me sauve, parce que quand je pars
01:00:48 avec la rentrée littéraire en vacances en Auvergne,
01:00:50 je pars pas avec deux valises de livres,
01:00:52 parce que c'est très lourd.
01:00:54 On n'en parle jamais du poids des livres.
01:00:56 C'est très très lourd.
01:00:58 Alors j'ai la chance d'être le parrain de Bibliothèque Sans Frontières.
01:01:00 Je vous invite tous à essayer de regarder
01:01:02 ce que c'est que cette association que je défends vraiment.
01:01:04 Et on peut leur donner des livres,
01:01:06 donc je leur donne pas mal de livres.
01:01:08 - On prend une dernière question ?
01:01:10 - Merci.
01:01:18 - Bonjour.
01:01:20 - Bonjour.
01:01:22 - Je vous suis sur tous vos réseaux,
01:01:24 mais notamment sur TikTok.
01:01:26 Et est-ce que vous n'avez pas l'impression
01:01:28 d'être en dissonance parfois
01:01:30 avec la plateforme ?
01:01:32 Parce que je vois que vous avez parlé de l'étranger,
01:01:34 de Humus, pas l'étranger,
01:01:36 le sort Chalandon, l'enragé.
01:01:38 Et c'est pas forcément ce que lisent
01:01:40 les gens sur cette plateforme.
01:01:42 Comment vous gérez ça,
01:01:44 d'être en dissonance ?
01:01:46 - Je suis capable d'effourer, en fait.
01:01:48 C'est même pas que je suis en dissonance,
01:01:50 c'est que je suis un dinosaure.
01:01:52 Ils ont tous 14 ans, ils m'appellent le daron.
01:01:54 Mais ils sont gentils.
01:01:56 Ils m'envoient des messages en me disant
01:01:58 "Mais non, tu fais partie de notre communauté,
01:02:00 communauté K-O-M-O", un truc comme ça.
01:02:02 Donc ça me fait rire beaucoup.
01:02:04 Et on parlait tout à l'heure
01:02:06 de la nécessité de créer des ponts,
01:02:08 justement, avec ces réseaux sociaux
01:02:10 et avec ces prescripteurs de livres.
01:02:12 Qu'on le veuille ou non,
01:02:14 qu'on s'y mette. Pour moi, ça serait une faute professionnelle
01:02:16 de ne pas y être. Ce serait une faute professionnelle
01:02:18 de faire semblant que ça n'existe pas.
01:02:20 Alors oui, c'est vrai que je suis un peu en dissonance,
01:02:22 mais ces médias sont aussi amenés à vieillir.
01:02:24 J'en suis d'ailleurs la preuve.
01:02:26 Et vous aussi, parce que vous me paraissez plus âgé
01:02:28 que les adolescents, parfois,
01:02:30 que je vois sur ces réseaux sociaux.
01:02:32 Conseillez des livres, d'ailleurs.
01:02:34 Des livres, souvent,
01:02:36 qui ont été traités de paralittérature.
01:02:38 On parlait de Marc Lévy tout à l'heure.
01:02:40 En fait, moi, ce qui me fascine sur TikTok,
01:02:42 c'est la façon dont c'est un média
01:02:44 qui s'est enflammé
01:02:46 sur des littératures
01:02:48 qui ont toujours été méprisées
01:02:50 par le champ médiatique
01:02:52 et littéraire. Je veux parler du manga,
01:02:54 je veux parler de la romance,
01:02:56 je veux parler de toutes les littératures de l'imaginaire
01:02:58 jusqu'à la dark fantasy.
01:03:00 En fait, ça m'intéresse de voir comment ce réseau social,
01:03:02 ce média, a pris en charge
01:03:04 toutes ces littératures et est devenu leur prescripteur
01:03:06 le plus important.
01:03:08 Et moi, ça m'a fait lire des livres.
01:03:10 J'ai l'impression d'être en dissonance, mais vous savez, c'est un peu l'histoire de ma vie.
01:03:12 Ma vie, c'est la littérature, donc je suis en dissonance
01:03:14 avec tout le monde, tout le temps, de toute façon.
01:03:16 Et d'ailleurs, c'est une énorme blague
01:03:18 chez mes amis qui ne font pas ce métier la plupart du temps.
01:03:20 Mais en même temps, j'essaye de faire
01:03:22 des ponts, ça m'amuse et
01:03:24 je le vois pour le coup là comme une sorte de mission.
01:03:26 Je trouve que ça fait partie de mon métier.
01:03:28 Et je pense vraiment que,
01:03:30 vous savez, bientôt,
01:03:32 il n'y aura plus que ça.
01:03:34 Donc il faut continuer à défendre des livres
01:03:36 que moi, je considère être importants
01:03:38 sur ces réseaux là.
01:03:40 Mais vous avez raison, c'est de la dissonance, beaucoup.
01:03:42 - Merci. - Ce sera le mot
01:03:44 de la fin. Merci beaucoup. - Merci beaucoup.
01:03:46 C'était super. Merci à vous.
01:03:48 - Merci pour
01:03:50 la générosité de vos réponses
01:03:52 et pour cette belle énergie
01:03:54 que vous nous communiquez.
01:03:56 Merci aux lectrices, aux lecteurs de Télérama
01:03:58 et à tous nos amis qui nous ont fait le plaisir
01:04:00 d'être si nombreux pour vous aujourd'hui.
01:04:02 Donc au nom de la direction
01:04:04 de Télérama et de Valérie Hurier qui dirige
01:04:06 le Cadre d'Action, merci d'être venu.
01:04:08 Et puis à bientôt. - A bientôt.
01:04:10 - Merci à vous. - A demain soir.
01:04:12 (Applaudissements)

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