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Emmanuel Macron s’est exprimé ce mercredi à l’occasion du 250e anniversaire du Grand Orient de France. 

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Transcription
00:00 Mesdames et messieurs les parlementaires,
00:02 messieurs les préfets,
00:03 messieurs, mesdames et très respectables grands maîtres,
00:08 mesdames et messieurs chers amis,
00:10 je vous remercie, très respectables grands maîtres,
00:14 d'avoir accepté que la parole circule jusqu'à moi,
00:18 premier outil du franc-maçon.
00:20 On fait compte, en effet, de l'acceptation de l'autre
00:28 dans vos loges au Grand Orient
00:30 et dans les autres obédiences représentées ici aujourd'hui
00:34 se poursuivent sans relâche, ainsi conduit ce travail maçonnique
00:39 pour fonder cette maillotique utile pour le pays
00:42 et pour la République.
00:44 Et je voudrais, avant toute chose,
00:48 chercher ici à dire l'importance de cette parole
00:54 et votre contribution à l'occasion de ces 250 ans
00:57 à la vie de la nation et à notre République.
01:01 Chacun sait qu'en vos loges, la parole est hiérarchisée,
01:04 structurée, organisée,
01:06 légitimée par un lent et patient travail de la pensée,
01:12 de l'écoute et du partage.
01:15 Et c'est ainsi que se conduit la recherche de la vérité.
01:19 Et à l'heure des réseaux sociaux,
01:22 où les paroles indistinguent se mêlent et s'encremêlent
01:24 sans hiérarchie ou distinction, nous l'évoquions tout à l'heure,
01:28 avec tous les risques que cela implique,
01:31 ce modèle pourrait paraître anachronique,
01:34 mais si vous autorisez le profane que je suis à le dire,
01:40 c'est un modèle qui, à l'évidence, n'est pas d'une bonne vertu.
01:44 Vertu de la patience pour façonner une parole de raison
01:48 porteuse de progrès,
01:50 parole profondément attachée à la liberté de l'être humain.
01:55 Et je crois aussi qu'au moment où ailleurs,
01:57 ce sont les armes qui parlent, en Europe et dans le monde,
02:00 et où, chez nous, s'élèvent des voix de confusion,
02:03 de haine, de déraison et de division,
02:06 cette parole doit être plus forte que nos entendants.
02:10 C'est ce qui m'occupe, entre autres,
02:12 ma présence ici parmi vous.
02:15 Les 250 ans du Grand Orient sont naturellement l'occasion,
02:18 mais je sais que s'agissant de l'histoire de la franc-maçonnerie,
02:22 qui commence, on ne sait quand, véritablement,
02:26 s'inscrit dans des temps lointains,
02:27 empreinte aux grands mythes des dates de nos comptes de guerre,
02:31 seuls comptent aujourd'hui comme hier
02:35 l'avenir et le progrès humain possible.
02:39 Votre nom même signifie cette attention à l'aube
02:42 toujours recommencée de l'idéal.
02:45 C'est donc de cet idéal et de cet avenir
02:47 que je viens surtout parler aujourd'hui.
02:50 Cet avenir se construit, certes, à la lumière d'un grand héritage.
02:55 Nous l'avons vu ensemble tout à l'heure.
02:57 Issus de ces compagnonnages d'Ecosse, d'Angleterre,
03:01 où des hommes éprouvés par la violence religieuse
03:03 se sont retrouvés en laissant leur discorde
03:05 à la porte des loges,
03:07 de proche en proche, la franc-maçonnerie
03:10 vint un projet de société.
03:13 Ce projet était celui des Lumières.
03:16 Elle transmet cette pensée de liberté et de raison
03:19 des salons aux provinces.
03:22 La franc-maçonnerie est à cet égard la fille aînée des Lumières.
03:28 Dans ces rites, bien sûr, où s'exalte l'éclat
03:30 de la raison humaine, où compte à transpercer le fanatisme,
03:35 dans ces idées, surtout,
03:37 elle tient l'homme comme la mesure du monde,
03:39 elle consacre l'égalité entre les femmes et les hommes,
03:43 dans leur faculté de jugement,
03:45 dans leur égalité profonde par-delà les origines de la religion,
03:49 dans leur perfectionnement possible et souhaitable
03:51 par l'éducation, la culture, leur aspiration au progrès.
03:56 Elle dit que l'humanité est une
03:58 et que l'avenir peut être porteur d'espoir.
04:02 En 1773, dans des remous que je laisse
04:06 à la sagesse de l'étude,
04:08 le Grand Orient décida de s'appeler ainsi.
04:12 Alors se noie le fil profondément français,
04:15 si vous me le permettez, de la franc-maçonnerie.
04:19 Un fil qui, dès l'origine, présentait des traits
04:22 propres à notre esprit national,
04:25 le goût des distinctions et de hiérarchie.
04:29 Je sais que les grades et les degrés,
04:30 dans leur complexité, sont tenus pour être nés en France,
04:33 bien qu'on les qualifie d'écossais.
04:36 Mais aussi et surtout,
04:38 un caractère profondément démocratique,
04:41 marié à une ambition d'ordre.
04:43 Avec la création du Grand Orient,
04:46 les vénérables, jusqu'alors propriétaires,
04:47 habitent leurs charges sans télus,
04:50 et les loges disséminées sur le territoire
04:52 doivent désormais répondre à pareil.
04:55 La centralisation, ici aussi, s'exerce.
05:01 Par une même réforme, était combattue
05:04 l'inégalité naturelle et le poids exaucif
05:06 des particularismes.
05:09 Une lutte contre l'assignation au profit de la liberté
05:13 et de l'unité.
05:15 Une oeuvre de liberté et de concorde
05:17 au-dessus du chaos et de la fatalité.
05:20 La franc-maçonnerie française était constituée
05:23 à l'image des destins de la nation française.
05:27 Démocratique, méritocratique,
05:30 la franc-maçonnerie française est aussi universelle.
05:34 Dès le XVIIIe siècle, elle accueillait à égalité
05:37 ceux que la société d'alors vouait aux classes obscures.
05:40 Les frères de confession juifs, ceux de couleur,
05:43 les femmes au sein des loges d'adoption,
05:46 parmi elles, et comment pourrais-je oublier,
05:48 une ancienne propriétaire du palais de l'Elysée,
05:50 Bathilde d'Orléans, sœur de Philippe Égalité.
05:54 Grand-maître du Grand-Orléans et elle-même grande maîtresse
05:57 surnommée citoyenne vérité à la Révolution.
06:00 Rien n'est plus émouvant que de lire ici,
06:04 au sein du musée de la RECADÉ,
06:07 les débats graves et pondérés où les loges discutent
06:09 de l'acception des uns et des autres.
06:11 Nous l'avons recroisé tout à l'heure.
06:14 Ces débats ont conclu toujours à l'égalité et à l'humanisme.
06:18 Et ces lettres et ces mots sont toujours non contemporains.
06:23 Il exista dès cette époque une affinité élective
06:28 entre la franc-maçonnerie et le combat pour la liberté
06:32 qui deviendra combat républicain.
06:35 Destin jumeau, destin fraternel,
06:38 face à l'opposition cléricale et aux fractures de l'histoire
06:40 du XIXe siècle, dans l'alternance des rois et des empereurs,
06:44 la franc-maçonnerie finit par s'identifier
06:47 au projet républicain,
06:49 et la République s'éleva, pierre à pierre.
06:53 Qu'on ne s'y trompe pas, là encore,
06:57 l'apport de la franc-maçonnerie est une vérité historique.
07:01 Il n'y a ici ni complot ni dessin secret.
07:05 Regardons face à nous.
07:08 Dans ce temple groussier, la fresque à l'Orient
07:11 représente une allégorie féminine.
07:13 A ses côtés trônent des visages et des figures
07:16 qui signifient la culture, l'espoir, les arts.
07:20 Tout dans ce décor paraît familier à tout citoyen,
07:23 à tout Français.
07:25 Parce que dans l'oeuvre de ce frère, le frère Poisson,
07:28 surgissent les contours de la statue
07:30 de la liberté de Bartholdi
07:32 ou la liberté dit dans le peuple de la croix.
07:34 Surgit l'ombre de Marianne,
07:36 surgissent ces mots de Victor Hugo,
07:38 "République universelle, tu n'es encore que l'étincelle,
07:41 "demain, tu sauras où sortir."
07:44 Surgit tout notre imaginaire français et républicain.
07:50 Et pendant des décennies, l'oeuvre maçonnique
07:53 et le combat républicain se rejoignirent
07:55 pour presque se confondre.
07:58 En témoigne cette déclaration universelle des droits de l'homme,
08:01 texte fondamental pour l'une et l'autre.
08:04 A la Révolution, les francs-maçons furent députés,
08:10 soldats de leur idéal,
08:11 mais aussi, hélas, à partir de 1793,
08:15 victimes de la terreur bestiariste.
08:18 Sous l'Empire, leur oeuvre fut consolidée.
08:21 A la Restauration, des rois, précédemment maçons,
08:24 tirèrent profit de leur engagement.
08:27 Sous la Seconde République, ce sont des maçons
08:29 qui inspirèrent l'abolition de l'esclavage,
08:31 tentèrent le partage du progrès matériel
08:33 en combattant la misère,
08:35 soeurs jumelles d'un obscurantisme.
08:37 Et sans qu'il puisse s'agir d'une coïncidence,
08:41 les francs-maçons lui donnèrent sa devise,
08:43 "Ouprir celle de la République qui s'est loupée."
08:46 Liberté, égalité, fraternité.
08:50 Dans l'ombre que leur tendait leur fausse légende noire,
08:56 la franc-maçonnerie formait cette République à couvert,
08:59 qu'évoquent les historiens.
09:01 A couvert, sous des toits les protégeants
09:04 de la curiosité inquisitrice des autorités,
09:06 puisque l'installation du Grottorien rue Cadet
09:08 date justement de cette période.
09:11 Oui, République à couvert,
09:13 car dans les banquets et les commisses,
09:15 dans les cercles de pensée
09:17 et dans les mots d'avocats ou de journalistes
09:19 palpitaient cet idéal, attendant son heure.
09:22 Vint la chute de l'Empire.
09:25 Vint le gouvernement provisoire de Léon Gambetta,
09:27 le décret crémieux qui accorda enfin la citoyenneté
09:30 aux Français juifs d'Algérie
09:32 et permit leur émancipation républicaine.
09:36 Je pourrais citer tant de noms du Grand-Orient,
09:40 de la Grande-Loge,
09:41 mais nul besoin d'énumérer ici
09:43 les pères fondateurs de notre République.
09:46 Tous n'étaient pas maçons,
09:49 mais tous en défendaient les valeurs.
09:53 La franc-maçonnerie n'a pas fait à elle seule la République,
09:56 mais la République sans elle ne se serait pas faite.
10:00 La franc-maçonnerie fut l'atelier de la République.
10:03 Là où se poursuivait l'oeuvre commencée dans le temps.
10:06 La franc-maçonnerie donna à la République
10:09 ses premières forces vives.
10:10 Et à l'heure où le Parti républicain
10:12 n'avait qu'une prise incertaine sur le pays,
10:14 que la monarchie menaçait de revenir,
10:16 les francs-maçons furent dans nos villages,
10:18 dans nos petites patries,
10:20 ces commis voyageurs de la République
10:22 dont parlait Gambetta.
10:25 Ils furent ces humbles militants
10:27 pénétrés de l'idéal des Lumières,
10:29 défendant la République face aux forces monarchistes
10:33 comme face aux tenants de l'insurrection.
10:36 La franc-maçonnerie donna à la République
10:39 ses assises et son mouvement.
10:42 Seule organisation civique d'importance face à l'Eglise,
10:44 elle engendra presque à elle seule le Parti radical,
10:47 dont les membres tinrent debout
10:49 les murs de cette maison neuve
10:50 qu'était alors la République.
10:53 Elle donna à la République non seulement cela,
10:56 mais encore toute sa puissance spéculative
11:00 qui procédait de l'activité intellectuelle des frères.
11:04 L'éloge de la raison furent les forces de nos lois.
11:09 Loi de liberté avec la loi sur la liberté de la presse,
11:12 loi autorisant les syndicats,
11:14 loi de liberté d'association de 1901,
11:17 loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat,
11:22 les lois de Jules Ferry sur notre école publique et laïque,
11:27 les lois aussi pour l'égalité, la fraternité,
11:29 le progrès humain avec la réforme de l'assistance publique,
11:32 la rédaction d'un 1er Code du travail
11:34 confié à Arthur Groussier, futur grand-maître,
11:37 ou la création des 1res mutuelles.
11:40 Toutes ces lois en écho du cri de justice,
11:43 du cri contre la misère et l'oppression,
11:46 contre la loi du plus fort élevé en loi naturelle,
11:49 ce cri de Berroche et ce cri de l'enfant de Valais.
11:54 Tant de lois furent ici et ailleurs initiées,
11:59 imaginées, discutées.
12:03 Grâce à elles, à travers elles,
12:04 la République conquis les cœurs et les urnes.
12:08 Malgré les tentatives factieuses,
12:10 malgré un déchaînement d'antisémitisme
12:13 qui prit Dreyfus pour victime,
12:15 et à travers lui, l'esprit de la République comme cible,
12:19 puisque s'en prendre à un juif,
12:21 c'est toujours aussi chercher à atteindre le projet politique
12:25 qui le reconnaît libre et égal, qui le reconnaît comme tel.
12:29 C'est toujours chercher à atteindre la République.
12:34 En 1896, comme un symbole, Léon Bourgeois
12:38 devint président du Conseil
12:39 à la tête de ce qu'on appela le gouvernement des loges.
12:43 Léon Bourgeois, à qui nous venons de rendre hommage,
12:48 plaidait pour une société solidaire,
12:51 car l'individu, disait-il,
12:52 naissait débiteur d'une dette envers la société.
12:57 Un citoyen né avec des droits inaliénables,
13:00 mais aussi avec des devoirs.
13:03 Devoirs d'engagement et de solidarité,
13:05 devoir de se rendre redevable envers la nation
13:07 qui nous instruit et nous construit.
13:11 Léon Bourgeois plaidait dès lors
13:13 pour l'organisation rationnelle de cette solidarité
13:16 afin de conjurer les injustices de destin.
13:20 Quittant le gouvernement,
13:21 il devint l'artisan de la Société des Nations,
13:24 reçu le prix Nobel de la paix,
13:26 car cette solidarité dans la nation existait pour lui
13:29 à l'échelle du genre humain.
13:32 La même dette envers les autres,
13:34 ce même devoir d'être-t-il aux autres.
13:37 Rien des hasards de la naissance ou de l'arbitraire
13:39 au cours de la vie ne devait séparer entre eux
13:42 les femmes et les hommes,
13:43 ni les origines, ni les frontières,
13:46 car une vie vaut une vie.
13:49 En cela, Léon Bourgeois ne portait pas seulement
13:52 un projet franc-maçon.
13:54 Il vouait ses forces à une ambition universelle
13:58 et humaniste d'affranchissement et de raison,
14:01 de progrès et de paix,
14:03 une ambition qui était alors profondément française
14:06 et qui l'est toujours.
14:08 Une vie vaut une vie.
14:12 En 1899, vous le savez, au comte de l'affaire Dreyfus
14:15 fut érigée la statue de la République
14:16 sur la place d'une Allemande.
14:18 L'un des témoins de cette pièce,
14:20 de ce jour heureux de la nation, était Charles Pézit.
14:25 Et décrivant la foule se massant sur les boulevards,
14:28 il énumère dans le détail les guildes et les confréries,
14:31 les syndicats d'ouvriers, d'horlogers qui la composent,
14:34 et il note alors, je le cite, comme c'est beau,
14:37 un nom qui désigne les hommes, les groupes,
14:42 sans contestation, sans hésitation,
14:44 par le travail quotidien.
14:46 On sait ce que c'est, au moins qu'un forgeron
14:49 ou un charpentier.
14:50 Je voudrais les citer tous, car je ne sais comment choisir.
14:54 Eh bien, dès ce triomphe de la République,
14:57 il faut citer, avec les forgerons et les charpentiers,
15:00 les maçons.
15:02 Oui, à chaque fois que la République
15:04 oeuvrera à l'amélioration de la condition matérielle
15:06 et morale de l'humanité,
15:08 la franc-maçonnerie française fut au rendez-vous.
15:12 Les ennemis de la République ne s'y trompèrent pas.
15:15 Le régime de Vichy bannit la franc-maçonnerie
15:17 et se polia ses liens.
15:20 Un film de propagande fut tourné reproduisant le temps commun.
15:26 500 francs-maçons furent assassinés
15:29 en raison de leur appartenance et tant d'autres,
15:32 mais on veut, pour défendre la patrie des Lumières.
15:36 Je pense à Jean Zé,
15:38 ministre de l'Education nationale et des Beaux-Arts.
15:40 Il fut, dans notre histoire, l'un de ceux qui bâtit
15:43 une école de l'émancipation et de la liberté.
15:46 Il bâtit cette école comme un rempart
15:49 aux forces de la haine dont il fut lui-même le martyr.
15:52 Il bâtit une école dont tous, nous sommes les héritiers
15:56 et dont nous devons tous être les gardiens.
16:00 Après la guerre, la franc-maçonnerie poursuit son oeuvre.
16:03 Dans le silence et la pénombre, ou par tradition,
16:06 par souvenir des persécutions aussi, elle se maintient.
16:10 Et la cause des femmes doit beaucoup à leur oeuvre.
16:12 Je pense au combat mené pour l'interruption volontaire
16:15 de grossesse, un combat au lutta de haute lutte,
16:18 Pierre Simon, de la Grande Loge de France.
16:21 Je pense aussi au rôle éminent qui joua le sénateur Henri Caillavé,
16:25 rapporteur de la loi de Simone Veil.
16:29 Comme son action fut déterminante en faveur d'autres causes,
16:32 toujours au nom d'une société où les choix éclairés
16:35 des individus sont permis et reconnus.
16:40 Le combat pour la cause des femmes contient tous les enjeux
16:43 qui nous réunissent aujourd'hui.
16:45 L'obscurantisme à cet égard n'a pas disparu.
16:49 Il revient, il renaît.
16:52 C'est pourquoi j'ai souhaité l'inscription dans notre
16:54 Constitution de la liberté pour les femmes de recourir
16:57 à l'interruption volontaire de grossesse.
16:59 Face à de grands périls, nous devons assurer le progrès
17:03 et la permanence.
17:04 Nous devons conserver ce que chaque époque a conquis
17:07 de meilleur pour le transmettre.
17:09 C'est, je le crois, le sens de toute aventure humaine,
17:13 celui de toute aventure de pensée.
17:15 C'est le sens même de la marche d'une nation.
17:21 Et à travers ces combats, à la lumière d'aujourd'hui,
17:25 ayant cherché de manière trop rapide à dire
17:31 "Votre contribution à l'édification et la consolidation
17:36 "de la République et la vie de notre nation,
17:38 "permettez-moi de conclure mon propos par l'évocation
17:41 "de trois défis particuliers."
17:44 Le premier concerne le rôle des francs-maçons.
17:49 Aujourd'hui, où les francs-maçons n'ont jamais, semble-t-il,
17:51 été aussi nombreux, certains déplorent la faiblesse
17:54 de leur influence, leur perte de pouvoir.
17:58 La presse s'y compte à les compter,
18:01 en a oublié ses inventaires marronniers.
18:04 La chasse aux frères invisibles,
18:05 suspecte de tous les maux, est close et c'est en mûre.
18:09 Tant j'ai dit ce que ce compagnonnage avait eu
18:11 de fructueux et surtout de contingent
18:13 tenant aux conditions mêmes de la naissance
18:15 de la République en France.
18:17 Mais à l'ère du soupçon ne doit pas succéder
18:19 l'ère de l'effacement.
18:21 Il faut conserver le lien vivant
18:24 entre République et francs-maçonnat.
18:26 Comme doit demeurer le lien entre République et religion,
18:30 car la loi de 1905 est loi de séparation
18:32 et pas de défacement.
18:33 Elle est loi de liberté et pas de contestation.
18:37 Et ce dialogue ne doit pas simplement concerner
18:40 la République, mais toute la société.
18:43 Et je sais combien d'entre vous sont engagés à cet égard
18:46 et ne l'ont pas attendu.
18:50 Mais jamais une société discrète ne doit devenir
18:54 ou donner le sentiment d'être une société muette.
18:58 Je sais bien que les différentes obédiences, en effet,
19:00 ne m'ont pas attendu pour prendre part au combat de l'époque
19:03 en faveur de la laïcité, du droit des femmes,
19:06 de la solidarité internationale avec l'Ukraine,
19:10 tant d'autres.
19:11 Je pense notamment aussi au droit de mourir dans la dignité
19:16 porté en son temps, là encore,
19:18 par Henri Caillavé ou Pierre Simon.
19:20 Une cause qui doit trouver, comme je l'ai promis,
19:22 une traduction dans une loi de liberté et de respect.
19:27 Et je vous remercie pour la contribution
19:30 que vous avez produite, rendue en lien avec le gouvernement,
19:34 qui va nous permettre de faire cheminer
19:36 dans les prochains mois ces textes.
19:39 Et je crois plus encore aujourd'hui,
19:42 il nous faut ensemble nous remettre à la forge
19:46 et retrouver le sel de cet engagement premier.
19:50 Vous m'avez lancé un défi, je l'ai pu dire tout à l'heure,
19:53 en parlant d'un programme
19:55 qui est celui-même de notre République.
19:57 Je voudrais vous lancer presque le même
20:00 en parlant d'une action au corps à corps, dans la société,
20:04 qui doit retrouver la vigueur et le caractère
20:10 libre et direct de ceux des premiers temps
20:12 de notre République.
20:15 Je crois que ce sera utile
20:20 à la nation et à la République.
20:23 Le 2e défi, c'est que la franc-maçonnerie
20:25 doit s'ancrer dans une époque qui lui ressemble.
20:29 Rien n'est plus étranger au goût contemporain
20:34 que la quête de connaissances de soi et de l'autre,
20:36 de l'émancipation et de l'affranchissement,
20:38 de la sérénité et de la concorde qui prévalent dans le temps.
20:43 L'ère du temps déteste ce temps suspendu
20:46 de la parole et de la tenue.
20:48 Nos temps sont ceux de la volonté de revanche,
20:51 de l'identitarisme, du fanatisme, du complotisme.
20:56 Et bien précisément.
20:58 Prenez ma présence parmi vous aujourd'hui et ces mots
21:05 comme une invitation à demeurer intempestif.
21:12 Ne cédez pas, car nous en avons besoin
21:16 à ce moment du temps.
21:19 Je pense qu'aujourd'hui, plus encore qu'hier,
21:22 la maïeutique qui seule permet à la raison
21:24 de triompher sur les émotions,
21:27 le temps suspendu qui seul permet à une société
21:29 de sortir de la solitude et du fracas des paroles
21:33 dans laquelle nous sommes plongés aujourd'hui,
21:36 ce rôle est plus que jamais utile.
21:39 C'est évidemment celui que l'école de la République
21:42 enseigne, que nos universités transmettent
21:46 et doivent continuer de transmettre,
21:48 que nous voulons inculquer plus largement,
21:49 mais vous jouez ce rôle
21:52 existentiellement et profondément.
21:57 Car nos combats refont surface.
22:03 Et aujourd'hui aussi, l'antisémitisme refait surface.
22:07 Vous l'avez évoqué dans les mots sur les murs.
22:11 Il s'affiche sans crainte et sans honte.
22:14 Et à cet égard, je veux ici être définitif,
22:21 la République ne transige pas et ne transigera pas.
22:25 Et nous serons impitoyables face aux portaires de haine.
22:29 Mais derrière cette haine antisémite,
22:32 on peut voir ce qui s'y prouve aussi.
22:35 La haine des Juifs, la haine des francs-maçons
22:38 procèdent du même élan.
22:40 Ce sont deux préludes,
22:42 deux prétextes à la haine de la République.
22:45 Et je le répéterai sans cesse,
22:47 là où l'antisémitisme entend s'installer,
22:49 prospère avec lui toutes les autres formes
22:51 de racisme et de haine identitaires très rapidement.
22:55 Et veillons à toutes les confusions.
22:59 Dans une époque où les uns préfèrent rester ambigu
23:04 sur la question de l'antisémitisme
23:06 par souci de flatter de nouveaux communautarismes,
23:09 et les autres prétendent soutenir
23:12 nos compatriotes de confession juive
23:14 en confondant le rejet des musulmans
23:16 et le soutien des Juifs, en refusant cela même,
23:21 de condamner clairement leur position passée,
23:25 et tous les mots définitifs d'hier,
23:28 il n'y a pas de lutte véritable contre l'antisémitisme
23:32 sans un réel universalisme.
23:36 Qui voit dans chaque citoyen un être de droit et de devoir
23:40 appartement pleinement, totalement
23:42 à la République et la nation.
23:44 Et nous savons, vous savez,
23:48 que les francs-maçons en seront,
23:50 comme d'autres, des cibles évidentes.
23:52 Dans cette époque en proie à la déraison,
23:55 votre parole de raison a une place essentielle.
23:58 Alors que les séparatismes et les fanatismes
24:02 tentent de fissurer la nation,
24:04 visant au chaos, au mépris parfois
24:06 de leurs engagements passés ici-même,
24:09 il nous faut à nouveau pouvoir compter
24:11 sur des soldats de l'idéal,
24:13 prontes à rassembler ce qui est épargne.
24:15 Il nous faut restaurer l'autorité,
24:17 la civilité, l'harmonie.
24:20 Et ce n'est pas un combat que la République peut mener seule.
24:24 Ce combat pour l'unité
24:27 est à conclure et à reprendre chaque jour.
24:33 Par la démonstration en parole et en acte,
24:36 par cette capacité à renouer le fil de la parole,
24:40 à sortir des différences, des assignations à résidence,
24:44 dans lesquelles une époque qui ne soumise cause
24:47 d'émotion et de solitude,
24:49 immanquablement enfermera les uns et les autres.
24:53 La réponse, vous le voyez, n'est dans aucun communautarisme.
24:58 Elle est dans cet universalisme
25:00 qui suppose cette magnétique.
25:03 Le 3e défi, enfin,
25:07 est que la grande idée de la Fondation Riessel,
25:09 de l'homme et du progrès, court un grand péril.
25:12 Nous avons vécu en imaginant
25:14 que la sombre prophétie de Michel Foucault
25:17 sur la modernité, cette idée de l'homme qui s'effacerait
25:20 comme à la limite de la mer,
25:23 s'efface un visage de sable,
25:26 que cette idée est excessive.
25:30 En soumise, toujours si sûre,
25:33 aujourd'hui, le risque existe
25:35 de l'asservissement de l'homme par l'écran,
25:37 de l'esprit humain par ses répliques artificielles,
25:40 des peuples libres par de nouvelles forces totalitaires,
25:42 des opinions éclairées par de puissants mouvements de haine,
25:46 de notre civilisation industrielle par ses propres excès.
25:50 Il existe une crise profonde et structurelle,
25:54 une crise de l'esprit et de l'espoir humaniste
25:57 face aux grandes bascules technologiques,
26:00 géopolitiques et climatiques.
26:03 Je crois qu'il faut justement, dans cette période,
26:06 renouer le fil d'un humanisme français et européen
26:10 qui tienne ensemble la liberté, l'égalité et la fraternité,
26:14 qui conjugue progrès et écologie,
26:17 progrès et régulation du numérique,
26:19 progrès et réinvention démocratique,
26:22 progrès et justice sociale.
26:26 Un projet dont vous façonnez la forme
26:28 dans vos cercles depuis 250 ans.
26:31 Celui qui fait l'homme libre
26:33 en déliant les chaînes qui tiennent sa raison,
26:36 les chaînes de l'assignation identitaire,
26:38 les chaînes des intérêts sociaux,
26:40 les chaînes des malheurs privés et de la pauvreté,
26:43 les chaînes des dogmes et des asservissements politiques,
26:48 chaînes des fatalités et des événements.
26:51 Ce sont ces chaînes qu'il faut briser.
26:56 Et d'autres liens, ceux noués au sein de l'école,
26:59 de la nation, d'une société apportant le progrès réel
27:01 et l'élévation sociale,
27:03 d'un monde fondé sur les règles et le droit
27:05 qu'il faut au contraire faire vivre.
27:10 Mesdames et messieurs,
27:12 aussi longtemps que la franc-maçonnerie sera au travail,
27:16 la République sera en l'oeuvre.
27:20 J'ai tâché, ici,
27:24 de redire vos mérites, votre histoire
27:26 et votre haute contribution à la France et à notre République,
27:32 mais aussi de dire quelques-uns de nos défis communs,
27:36 qui supposent de reprendre la bataille des idées
27:39 et de défendre avec force, audace,
27:47 les méthodes et les principes qui sont les vôtres,
27:50 conservant ce lien séculaire sans embarras et sans excès,
27:55 dans le plein respect de nos valeurs respectives,
27:57 sans les confondre, mais en joignant leur force.
28:03 Si j'ai pu me permettre, j'ai dit.
28:06 Vive la République et vive la France.
28:08 (Applaudissements)
28:12 (...)

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