«J'ai vu mon père pleurer» : le Pas-de-Calais encore frappé par les inondations

  • l’année dernière
Le Pas-de-Calais a subi un deuxième épisode de crues exceptionnel en moins d’une semaine. Une nouvelle nuit blanche pour les habitants de Brexent-Énocq qui désespèrent.
Transcript
00:00 J'ai plus de lit, j'ai plus de canapé, j'ai plus de frigidaire, j'ai plus de machine à laver,
00:03 j'ai plus de parc dans les chambres, j'ai plus rien du tout, j'ai même plus d'électricité, j'ai plus rien du tout.
00:08 On n'a pas dormi de la nuit encore une fois.
00:17 On est sur le pied de guerre, alors on a commencé à écoper l'intérieur de la maison à partir de 4h du matin.
00:23 Donc d'ici ce soir, ça sera non-stop.
00:26 On croise les dos pour que l'électricité soit encore en marche d'ici là.
00:31 On a vissé les portes, on a mis du silicone partout, mais ça rentre par des micro-fissures,
00:36 le vide sanitaire, c'est vraiment rien n'arrête l'eau.
00:40 On a fait un système de pompe qui est vacu dehors.
00:44 C'est un peu le système D.
00:45 C'est notre volonté à nous, sinon on devrait peut-être faire comme les voisins,
00:50 quitter la maison et penser à autre chose.
00:53 Mais bon, on y tient.
00:54 Moi, je suis né ici, donc ça fait un bâclement quand même.
00:59 Ce matin, j'ai vu mon père pleurer, ça m'a...
01:01 Je n'ai jamais vu ça.
01:04 Donc bon, on garde le sourire et on ne va pas lâcher l'affaire.
01:07 Sur la maison, j'ai eu lundi, minimum 60-70 mètres d'eau dans la maison.
01:12 Je nettoyais un peu et mardi, mercredi, ça remontait de 10 centimètres.
01:17 Et là, je vois qu'aujourd'hui, c'est pire que prévu.
01:21 Les gens, ils commencent à en avoir marre.
01:22 Je ne sais pas ce que je peux faire.
01:23 C'est la chance que le maire nous a prise.
01:24 Il était logique pour nous reloger, mais combien de temps on pourrait l'avoir ?
01:27 Je ne peux pas y accepter car je ne passe pas en botte.
01:29 Je ne peux pas y aller, je peux peut-être me démoraliser.
01:32 Là, je suis sûr que quand j'y vais, l'eau, elle arrive à peu près au-dessus de mes genoux.
01:36 Je le serais certain.
01:37 On n'a pas dormi.
01:40 Et puis, on se surveille tout le temps.
01:43 Et puis, on n'a pas envie de dormir.
01:46 On est stressé, on est énervé.
01:49 Exceptionnel cette année-là.
01:51 Il y a des maisons qui n'ont jamais été inondées, qui y sont.
01:55 Là, on ne l'a rarement vue comme ça.
01:57 Quand on regarde le département,
02:00 le département, c'est partout pareil.
02:02 Là, il y a 50 centimètres tout autour de la maison.
02:05 J'ai des protections, donc l'eau ne rentre pas dans la maison,
02:08 sauf par les plaintes, par les murs, etc.
02:12 Mais c'est de l'eau claire qu'on arrive à gérer.
02:14 Il faut râcler, aspirer, pomper.
02:17 Alors, cette eau-là, elle vient des champs.
02:19 Il y a plusieurs milliers d'hectares là-haut.
02:21 Et donc, l'eau s'écoule.
02:25 Ça fait un v, en fait.
02:26 Donc, ça s'écoule, puis ça arrive dans la vallée.
02:27 Et ça passe au-dessus des digues.
02:29 Là, on a une digue là-haut, et l'eau, elle passe au-dessus de la digue.
02:34 Et là, on a beaucoup trop d'eau.
02:36 Une...
02:37 Moi, je n'ai jamais vu ça, de toute façon, jamais.
02:39 De mon existence, je n'ai jamais vu ça.
02:41 Depuis combien de temps vous êtes maire, ici ?
02:43 Depuis 2000 ans.
02:45 Ça fait la troisième inondation, 2012, 2021 et 2023.
02:49 Alors 2023, c'est le bouquet.
02:51 Là, c'est le bouquet.
02:52 On a souhaité que ça passe en catastrophe naturelle,
02:55 pour qu'on soit remboursés.
02:56 Et ça, ce n'est pas gagné.
02:59 Parce qu'en 2012, le préfet était passé chez moi,
03:02 il nous a dit "ne vous embêtez pas, ça va passer en cas de nat'.
03:04 Et pour finir, on n'est pas passé en cas de nat'.
03:06 Donc, on n'a pas été remboursés par l'assurance, on a été perdus.
03:09 Là, j'espère que ça va bouger.
03:12 J'espère qu'ils feront quelque chose.
03:14 - Qu'est-ce que t'as fait ? - Mon cul, tu sais.
03:17 (rires)

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