Stéphane Israël (Arianespace) invité de franceinfo le 11.11.2023

  • l’année dernière
"Il faut que l'Europe s'organise" face à SpaceX qui "a acquis un poids géopolitique considérable", estime le patron d'Arianespace
Transcript
00:00 Bonjour Stéphane Israël.
00:02 Bonjour.
00:03 Vous êtes président exécutif d'Ariane Espace.
00:04 Ariane Espace, on le rappelle, c'est l'entreprise qui commercialise les lanceurs spatiaux, les
00:08 fusées.
00:09 On pense à Ariane 5 et bientôt Ariane 6.
00:11 Un sommet européen sur le spatial s'est tenu cette semaine à Séville en Espagne.
00:15 On y a parlé d'un changement d'air pour le spatial européen.
00:19 Changement d'air, est-ce que c'est une manière polie de dire qu'on n'est pas passé loin
00:22 d'un crash industriel pour le spatial en Europe ?
00:24 C'est surtout une manière de dire que ça a été un grand sommet pour l'Europe spatiale.
00:28 Et donc Séville, c'est d'abord une excellente nouvelle pour Ariane 6, pour les milliers
00:33 d'ingénieurs, de compagnons, d'opérateurs qui travaillent sur cette fusée dans toute
00:37 l'Europe.
00:38 En France singulièrement, à Vernon, au Mureau, en Aquitaine, mais aussi dans toute l'Europe
00:42 qui ont désormais une perspective.
00:44 C'est une très bonne nouvelle pour nos clients puisque cette fusée a une perspective pour
00:48 les dix prochaines années qui viennent.
00:49 Une très bonne nouvelle pour l'autonomie stratégique de l'Europe spatiale.
00:52 Alors il y a effectivement une sécurisation du financement d'Ariane 6, mais ça ne se
00:56 fait pas sans contrepartie.
00:58 Est-ce qu'il y a une ouverture à la compétition du marché des lancements ? Et ça, ça va
01:01 changer quelque chose sur le spatial européen ?
01:04 Oui, et c'est d'ailleurs d'une certaine manière la deuxième nouvelle très importante.
01:08 D'abord, les industriels prennent des engagements de réduction de coût.
01:11 Il y a des engagements publics très forts pour Ariane 6, mais l'ensemble de la chaîne
01:15 industrielle, et Ariane Espace en fait partie, s'engage à réduire les coûts de 10%.
01:19 Et c'est vrai que pour la suite, il y a l'ouverture d'un modèle plus compétitif, de davantage
01:25 de compétition en Europe.
01:26 On était jusqu'à présent, et Ariane Espace en a été l'expression, dans un modèle
01:30 100% coopératif.
01:31 On va désormais se projeter dans un modèle où il y aura de la coopération, notamment
01:35 avec Ariane 6, mais aussi de la compétition pour préparer la suite.
01:38 Ça s'appelle marcher sur ses deux jambes.
01:40 On sort du 100% coopératif parce qu'on est aussi en Europe et que forcément il y a des
01:45 intérêts, des intérêts nationaux, des envies.
01:48 L'Allemagne qui veut plus de concurrence, les Italiens qui veulent aussi un peu d'indépendance.
01:51 Tout ça avec l'idée de réduire les coûts pour rester compétitif dans un contexte qui
01:57 est quand même ultra délicat.
01:58 Les retards d'Ariane 6.
02:00 D'ailleurs, quand est-ce que la première fusée Ariane 6 va décoller ? On l'imaginait
02:04 en 2023, ce sera quand ?
02:05 Alors, la prochaine étape importante pour Ariane 6, c'est un essai qui va se passer
02:09 à Kourou.
02:10 Vous savez que la fusée est sur son pas de tir depuis maintenant plusieurs mois à Kourou.
02:13 Elle fait ce qu'on appelle des essais.
02:15 Et le 23 novembre, on va allumer le premier étage de la fusée, ce qu'on appelle son
02:20 corps central pendant 8 minutes, ce qui est une façon de faire une simulation d'un premier
02:25 vol.
02:26 La date en 2024, elle sera annoncée par l'Agence Spatiale Européenne après cet essai, quelques
02:31 jours après cet essai.
02:32 Et donc, je laisse à l'Agence Spatiale Européenne dire les choses plus précisément le moment
02:36 venu.
02:37 Premier semestre 2024 ?
02:38 C'est à l'Agence Spatiale Européenne qu'il reviendra de les dire.
02:41 En tout cas, on est malgré tout plusieurs années de retard.
02:44 En face, il y a la concurrence d'acteurs comme SpaceX, l'Américain, les Indiens.
02:47 Tout ça, ça met à mal aussi le modèle historique du spatial européen.
02:51 D'abord, vous citez les Indiens, c'est un partenaire exceptionnel pour Arianespace.
02:55 On a lancé 25 satellites pour l'Inde, on travaille beaucoup avec les Indiens, donc
02:59 moi je les vois plutôt comme un partenaire.
03:01 Ensuite, évidemment, l'éléphant dans la pièce, vous avez déjà dit son nom, je crois,
03:04 à trois ou quatre reprises, c'est SpaceX.
03:06 Alors, SpaceX, je pense qu'il faut dire les choses en élargissant un peu la focale.
03:10 SpaceX, en fait, c'est pas simplement le concurrent d'Ariane, ça, ça fait depuis
03:14 des années.
03:15 SpaceX, aujourd'hui, c'est 5200 satellites en orbite.
03:18 Il y en a à peu près 8000 opérationnels.
03:21 Ça veut dire que deux satellites sur trois au-dessus de vos têtes appartiennent à un
03:24 homme qui s'appelle Elon Musk.
03:26 SpaceX est devenu le premier constructeur de satellites au monde et SpaceX sera bientôt
03:31 le premier opérateur, à travers sa filiale Starlink ou son projet Starlink, le premier
03:36 opérateur de satellites.
03:37 Ça veut dire que c'est l'ensemble de la chaîne de la valeur, les fusées évidemment,
03:42 les constructeurs de satellites, les opérateurs qui doivent apporter une réponse à SpaceX,
03:46 d'où l'importance d'une mobilisation européenne.
03:48 Mais ça veut dire qu'est-ce qu'on fait le poids quand on voit qu'aux Etats-Unis,
03:50 il y a beaucoup plus d'argent public, beaucoup plus d'argent privé ? Musk et ses idées
03:55 parfois un peu folles, mais on le voit qui finissent parfois par fonctionner.
03:58 On peut concurrencer Elon Musk, on peut concurrencer SpaceX ?
04:01 On a des compétences uniques en Europe.
04:04 L'Europe est une grande puissance spatiale et au sein de l'Europe, la France a toujours
04:07 été une très très grande, un très grand pays spatial.
04:09 Mais il y a dix fois moins d'argent chez les Américains ?
04:10 Il y a à peu près cinq fois moins d'argent public que chez les Américains.
04:13 Il y a beaucoup moins de lancements à opérer.
04:16 C'est un fait.
04:17 Maintenant, l'Europe est une grande puissance spatiale.
04:19 Elle est en train de s'organiser.
04:20 Le commissaire breton était à Séville, aux côtés du patron de l'agence spatiale
04:24 Joseph H.
04:25 Barreur, et il a redit sa volonté de faire par exemple une grande constellation européenne.
04:29 Voilà un projet qui a du souffle, de l'ambition, une vision et qui va nous permettre d'être
04:34 dans la course.
04:35 Mais alors expliquez-nous très concrètement, c'est quoi le risque d'un point de vue
04:38 opérationnel, commercial et en termes de souveraineté que, en gros, tous les satellites
04:42 ou presque, en tout cas la moitié, plus de la moitié appartiennent à Elon Musk ?
04:45 Il faut effectivement apporter une réponse à cette situation qui aujourd'hui va bien
04:50 au-delà.
04:51 C'est un risque en termes de souveraineté ?
04:52 C'est un risque très contraire pour nous ?
04:53 On l'a vu avec effectivement la capacité de Monsieur Musk à couper le signal en Ukraine.
04:58 Il y a eu beaucoup d'articles cet été.
05:01 Donc effectivement, c'est une situation qui fait qu'aujourd'hui, cet acteur a acquis
05:04 un poids qui est géopolitique considérable.
05:08 C'est un fait, c'est ainsi.
05:09 Et donc, il faut que l'Europe s'organise.
05:12 Il faut qu'elle soit toujours plus agile et toujours plus innovante.
05:14 Il faut qu'elle ait des grands projets.
05:16 J'ai évoqué le projet de Constellation européenne qui est un très grand projet
05:19 qui permettra à l'Europe d'avoir une souveraineté en orbite basse.
05:23 Il faut qu'on soit tous unis derrière ce projet.
05:24 Mais on voit néanmoins que l'Europe a confié à SpaceX le lancement de ses satellites
05:28 Galileo, le GPS européen.
05:30 Ça veut dire que quand même ces dernières années, on a raté quelque chose ?
05:32 On est dans un moment difficile.
05:34 On ne va pas le cacher.
05:35 On est dans un moment où il y a des lanceurs qui sont en fin de vie et qui ont, comme Ariane
05:39 5, un lanceur qui arrive, vous l'avez dit, avec du retard.
05:41 Il ne faut pas le cacher.
05:42 Il y avait un lanceur qui aurait pu et qui aurait dû faire l'affaire, qui était un
05:47 choix il y a une vingtaine d'années de l'ensemble de l'Europe spatiale.
05:50 C'était d'avoir le projet Soyuz en Guyane.
05:52 Ce projet s'est arrêté brutalement avec l'invasion de l'Ukraine.
05:55 Et de ce fait, car c'est Soyuz qui aurait dû lancer ses satellites.
05:58 Il faut expliquer effectivement.
05:59 Voilà, je refais le film.
06:01 Mais effectivement, ces derniers mois, il y a aussi eu ces dernières années le retrait
06:05 des Russes de tout ce partenariat.
06:06 Je vous fais le film très, très, très vite.
06:08 Mais donc, en fait, Soyuz était le projet pour lancer ses satellites.
06:13 Soyuz était l'expression d'une décision de l'ensemble des acteurs européens il y
06:16 a une vingtaine d'années dans le cadre d'une coopération avec la Russie.
06:19 Il y a eu l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
06:22 Ce projet s'est totalement arrêté.
06:24 Et comme il y a des retards à titre provisoire, nous devons utiliser ou notre client, la Commission
06:30 européenne, doit utiliser SpaceX.
06:31 Mais elle a bien dit que c'était à titre provisoire.
06:34 Elle attend avec impatience Ariane 6 et Vegas-C.
06:36 Néanmoins, on a l'impression que l'Europe est un peu sur la défensive sur le spatial.
06:40 On n'est pas à rêver.
06:41 On n'est pas à parler de la Lune.
06:42 On n'est pas à parler de très grands projets.
06:43 On est un peu en train de consolider ce qui reste du spatial européen.
06:46 On a participé au projet le plus important.
06:50 C'est Ariane 5 qui a lancé le télescope James Webb.
06:52 C'était le projet le plus important de la NASA.
06:54 Donc, ça veut dire qu'on s'est aussi fait rêver.
06:56 Il y a un très beau projet Euclide qui donne aussi en ce moment des images.
07:01 Ça ne vous fait pas rêver la Lune par exemple ?
07:02 La Lune, on ira un jour sur la Lune avec des astronautes européens.
07:08 Mais c'est vrai qu'en matière d'exploration, il va falloir que l'Europe continue d'accélérer.
07:11 Il y a encore un peu de travail à faire.
07:12 Mais là aussi, à Séville, il y a eu des premières décisions.
07:15 Stéphane Israël, merci beaucoup.
07:16 Président exécutif d'Ariane Espace, merci beaucoup d'avoir été ce matin l'invité
07:19 de France Info.
07:20 Merci.
07:22 Toyota Occasion.
07:25 Oh !
07:27 35.
07:28 Non !

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