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"Le made in France n'est pas à rebours de la compétitivité." Franck Dedieu est directeur adjoint de la revue "Marianne". Pour neo, il évoque l’importance du patriotisme dans l’industrie française et nous donne le top 3 des entreprises les plus patriotes.

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00:00 Il y a 113 000 salariés de moins en France entre 2012 et 2022.
00:05 Pour vous donner une idée de ce à quoi ça correspond, c'est en gros la ville de Rouen.
00:10 Je suis Franck Dedieu, directeur adjoint de la rédaction de Mariade.
00:12 Je vais vous parler de notre enquête exclusive sur le patriotisme industriel en France
00:18 et notamment des 40 plus grands patrons français.
00:21 On va déterminer ceux qui sont patriotes et ceux qui ne le sont pas.
00:24 Une entreprise patriote, ça veut dire investir en priorité en France
00:29 pour produire en France, localiser ses actifs en France,
00:33 mettre des filiales en France, payer ses impôts en France
00:35 et le faire pas forcément au détriment de l'étranger
00:39 mais valoriser ce territoire-là parce qu'on se sent des devoirs à l'égard de la patrie française.
00:45 Romain Garry donne une définition du patriotisme.
00:47 Le patriotisme, c'est l'amour des siens.
00:49 Le nationalisme, c'est la haine des autres.
00:51 Ces patrons-là doivent publier chaque année grâce à une loi
00:55 qui oblige les entreprises cotées en bourse
00:58 à donner un certain nombre d'informations sur la localisation de leurs actifs et de leurs salariés.
01:04 Nous avons calculé l'évolution entre 2012 et 2022,
01:08 autrement dit sur les 10 dernières années,
01:10 et les résultats sont assez saisissants.
01:12 Moins 11% dans les effectifs français d'un côté,
01:15 plus 30% pour les effectifs étrangers de l'autre.
01:17 Donc il y a véritablement eu le choix de réduire les effectifs.
01:23 Ça ne veut pas dire que toutes les entreprises sont logées à la même enseigne.
01:26 Nous avons une sorte de top 3, Hermès, industrie du luxe,
01:30 qui a embauché des effectifs à l'étranger,
01:32 mais qui en a embauché aussi en France, et même un peu plus.
01:36 Vous avez deux groupes qui fabriquent des puces électroniques
01:39 qui sont des enjeux de souveraineté aujourd'hui,
01:41 c'est Swatec et ST Microélectronique.
01:43 Nous avons aussi Rémi Cointreau, qui est une société de vin et spiritueux,
01:46 qui n'a pas du tout négligé ses effectifs en France.
01:49 Le patriotisme économique a une vertu à la fois en termes de pouvoir d'achat pour les salariés,
01:54 mais aussi sur le plan écologique, produire davantage ce qui est local pour réduire les distances.
01:59 Quand vous produisez à côté de chez vous, vous avez des salariés qui peuvent être mobilisables.
02:05 Vous réduisez le risque économique de rupture d'approvisionnement.
02:10 Et puis vous avez aussi la qualité du produit.
02:12 Cette qualité de produit est inséparable de l'attente du consommateur.
02:16 Les consommateurs veulent de plus en plus avoir du Made in France.
02:19 Il y a malheureusement des mauvais élèves.
02:21 Je passe à Stellantis, mais aussi Valourec, dans une certaine mesure Renault,
02:25 qui sont allés chercher des productions low cost pour proposer des voitures moins chères,
02:30 et peut-être même des super low cost.
02:32 Parce qu'une fois que le pays émergeant finit par émerger, il devient assez cher.
02:37 Comme en Roumanie, pour Dacia, à ce moment-là,
02:40 on va finir par produire des voitures au Maroc où c'est encore moins cher.
02:43 Ces entreprises qui investissent ailleurs, on peut se dire qu'elles vont maximiser leurs profits,
02:48 baisser leurs coûts et vendre avec une marge importante.
02:52 Ce n'est pas tout à fait comme ça que ça se passe.
02:53 Il y a des problèmes d'approvisionnement, il y a un retraîcissement des chaînes de production.
02:58 Donc vous avez un bilan social qui est très mauvais,
03:01 un bilan écologique qui est déplorable puisque ce sont des centaines et des centaines de kilomètres
03:06 qui sont parcourus pour rien.
03:08 Et puis vous avez un bilan fiscal qui n'est pas bon non plus,
03:11 parce que c'est quand même de la matière fiscale qui part dans d'autres pays.
03:15 L'argument des économistes était "regardez les salaires augmentent en Asie
03:19 et donc vous arriverez à un moment où il y aura une sorte de smic mondial".
03:22 Sauf qu'aujourd'hui, une société comme SEB par exemple,
03:26 a des salaires qui sont en Asie deux fois inférieurs à ceux qu'ils sont en Europe,
03:32 ce qui empêche en fait une classe moyenne d'émerger dans ces pays-là
03:36 parce qu'elle se retrouve sous le coup elle-même d'une potentielle délocalisation.
03:41 Si vous devez attendre une égalisation des salaires,
03:44 vous en avez encore pour plusieurs années
03:46 et vous avez le temps de passer à la lessiveuse
03:49 tout votre tissu industriel qui va être détruit au fil du temps.
03:52 La morale de l'histoire, c'est que le Made in France n'est pas à rebours de la compétitivité.
03:57 Au contraire, on n'a pas voulu non plus être dans une conception un peu manichéenne
04:01 des gentils et des méchants.
04:02 Vous avez des patrons jetés dans le grand bain de la mondialisation
04:06 pour qui il faut absolument baisser les coûts.
04:08 Quand Bruno Le Maire a dit "vous devriez être un peu patriote", il n'a pas tort.
04:11 Alors, il fait appel un peu à la bonne volonté des uns et des autres.
04:14 Il n'est pas sous contrainte véritablement.
04:17 Mais il s'agit de dire que la question doit se poser au-dessus.
04:21 Est-ce que nous voulons un système de libre-échange généralisé
04:27 qui conduit les uns et les autres à être en compétition permanente ?
04:31 Ou alors, est-ce que nous voulons éviter ce jeu-là ?
04:34 [Générique]

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