Zahia Dehar : « J’ai été victime de slut-shaming, adolescente »

  • l’année dernière
L’actrice Zahia Dehar n’oubliera jamais son adolescence en Algérie. Estampillée « pute », « fille de mauvaise réputation » parce que sa passion, porter une mini-jupe, ne passe pas. Le traumatisme survient un bel après-midi d’été, alors qu’elle se rend chez deux copines...
Transcript
00:00 J'étais considérée comme une pute parce que c'était l'été, j'avais 12 ans et j'avais envie de porter une mini-jupe.
00:08 J'avais deux copines et j'avais rendez-vous avec elles.
00:16 C'était à la fin de l'été, juste un petit peu avant la rentrée scolaire.
00:19 Quand j'arrive, j'étais devant sa porte et là je vois une dame plus âgée, qui devait avoir la vingtaine, en tout cas inadulte.
00:26 C'était la grande sœur de l'autre copine et quand elle passe, elle me regarde vraiment avec un regard très dur et très méchant.
00:33 Et deux minutes après, on l'entend crier avec une voix très dure.
00:37 Il ne faut pas jouer avec elle. J'étais considérée comme une pute parce que c'était l'été, j'avais 12 ans et j'avais envie de porter une mini-jupe.
00:47 J'étais un peu la fille qui était toujours en mini-jupe parce que ça me faisait plaisir.
00:53 Mais là, c'était la première fois que ça venait directement d'un adulte qui donnait l'ordre à sa petite sœur et qui mettait à l'écart une petite fille.
01:02 Elle n'avait même pas de compassion.
01:04 Pour moi, c'est violent et à cet âge-là, j'étais assez révoltée.
01:07 Je n'ai jamais baissé les bras malgré les insultes que je recevais, malgré que je n'avais pas beaucoup d'amis, malgré que ça m'arrivait souvent d'être mise à l'écart.
01:16 Et beaucoup d'adolescentes subissent ça, être la pute du quartier.
01:21 Les conséquences, c'est qu'on se referme sur nous-mêmes, qu'on passe beaucoup de temps seule.
01:25 Du coup, on n'a pas une vie sentimentale d'adolescente classique et on n'a pas des amitiés classiques également.
01:32 Et c'est pour ça que j'ai eu tout de suite l'envie d'aller vers des adultes.
01:35 Je me disais, au moins, il y aura peut-être une meilleure ouverture d'esprit.
01:38 Quelqu'un qui se fait taper juste comme ça, on va le mettre dans la case harcèlement, il pourra dire, là, ce que vous me faites, c'est interdit, c'est de l'harcèlement.
01:46 Mais une fille de mauvaise réputation, on peut se déchaîner sur elle.
01:51 Et même la loi, même notre société n'a pas dénoncé ce problème.
01:56 On a normalisé le fait de s'acharner à ces filles-là.
02:00 C'est permis et finalement, c'est la dernière discrimination qui est encore autorisée.
02:04 Et on est un peu comme le défouloir pour la société.
02:07 J'ai eu un seul soutien et c'est ma mère.
02:10 Et ma mère, elle m'a toujours défendue.
02:12 Elle a toujours dit, mais elle s'amuse.
02:14 Elle est jeune, c'est une adolescente, il faut la laisser s'y exprimer.
02:18 J'étais fan de Britney Spears, de Christina Aguilera.
02:21 C'était cette mode des débuts des années 2000.
02:24 Et quel est le mal là-dedans ?
02:26 Moi, ça me faisait plaisir, ça m'apportait de la joie.
02:28 Ces idées, tu ne te respectes pas, oh, tu es une fille facile, oh, c'est une traînée.
02:33 Je pensais que c'était qu'en Algérie.
02:35 Et du coup, je me disais, je vais devenir femme et forcément, la vie sera plus douce pour moi en France.
02:40 Je vais pouvoir m'exprimer comme je le souhaite.
02:43 Et moi, j'étais heureuse de venir en France aussi pour ces raisons-là.
02:47 Alors non, ma minijupe, je ne vais pas l'enlever et je vais m'amuser.
02:51 Et on doit continuer à être des filles de mauvaise réputation parce que c'est notre liberté finalement.
02:56 [Musique]

Recommandée